Projet de loi Immigration, droit d'asile et intégration

Direction de la Séance

N°351 rect.

18 juin 2018

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 553 , 552 , 527)


AMENDEMENT

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

présenté par

MM. LECONTE, IACOVELLI et ASSOULINE, Mme de la GONTRIE, MM. MARIE, SUEUR, Jacques BIGOT, DURAIN et FICHET, Mme HARRIBEY, MM. KANNER et KERROUCHE, Mme BLONDIN, M. DEVINAZ, Mmes Gisèle JOURDA, LEPAGE, LIENEMANN et Sylvie ROBERT, M. ROGER, Mmes ROSSIGNOL et TAILLÉ-POLIAN, M. TEMAL, Mme MEUNIER

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL AVANT ARTICLE 7

Avant l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Lors de la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande de protection internationale, l’autorité administrative compétente distingue les situations exposées à l’article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 précité, et ne peut considérer que l’examen de la demande d’asile ne relève pas de la compétence de la France au seul motif que l’étranger a été enregistré conformément au règlement (UE) n° 603/2013 comme ayant irrégulièrement franchi la frontière de l’un des autres États membres, si celui-ci n’a jamais déposé de demande de protection dans un autre État membre, et ce quelle que soit sa date d’entrée sur le territoire français. »

Objet

L’objet du présent amendement est de distinguer selon que l’étranger ait déjà déposé ou non une demande d’asile dans un autre Etat membre que la France, et de ne mettre en place les procédures prévues aux articles L. 742-1 et suivants du CESEDA (de détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile), que pour les personnes qui auraient effectivement déjà sollicité l’asile dans un autre Etat membre. Celles qui, au contraire, n’auraient pas déjà déposé de demande dans un autre Etat avant de le faire en France (et se seraient contentées de "passer" par un autre Etat membre où elles auraient été enregistrées dans "Eurodac"), devront voir leur demande d’asile traitée par la France.

En effet, l’article 13 du Règlement (UE) N° 604/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (dit règlement "Dublin III") prévoit que lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, dit "Eurodac", que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cet article du règlement Dublin assimile donc les personnes étrangères qui auraient effectivement déposé une demande de protection internationale dans un autre Etat membre et seraient ensuite venues en déposer une nouvelle dans un deuxième Etat, à celles qui ont simplement été enregistrées dans le fichier Eurodac sans demander l’asile. Il prévoit également un délai à l’issu duquel la responsabilité de l’Etat membre initialement responsable de la demande de protection cesse.

Le paragraphe "2" de l’article 13, pose en effet le principe selon lequel "Lorsqu’un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices [...], que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l’entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d’au moins cinq mois avant d’introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale." Il est ajouté que : "Si le demandeur a séjourné dans plusieurs États membres pendant des périodes d’au moins cinq mois, l’État membre du dernier séjour est responsable de l’examen de la demande de protection internationale."

Concrètement si un étranger enregistré au fichier Eurodac dans un autre Etat membre par lequel il est entré en premier, se rend ensuite en France et y séjourne 5 mois avant de déposer une demande d’asile, la France sera vue comme l’Etat responsable du traitement de sa demande. Cela implique que des étrangers se maintiennent sur notre territoire en situation irrégulière, et dans des conditions de précarité extrême, avant d’y déposer une demande d’asile, alors qu’ils pourraient déposer dès leur arrivée une demande de protection internationale.

Or, l’article 17 du règlement "Dublin" prévoit que "chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement." Cette disposition est codifiée en droit français à l’alinéa 2 de l’article Article L. 742-1 du CESEDA relatif à la "Procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile", qui dispose "Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l’Etat d’accorder l’asile à toute personne dont l’examen de la demande relève de la compétence d’un autre Etat."

Rien ne fait donc obstacle selon les dispositions prévues au règlement "Dublin" à ce que la France décide de ne pas attendre 5 mois avant d’accepter les demandes d’asile d’une personne étrangère dont les données personnelles figureraient dans la base "Eurodac" comme étant simplement entrée dans l’Union européenne via un autre Etat membre que la France.

L’adoption de cet amendement permettra, dans l’attente de la nécessaire réforme du système Dublin - qui est à l’évidence à bout de souffle et particulièrement inadapté-, de traiter dignement dans notre pays les demandeurs d’asile, et de ne pas leur infliger 5 mois d’attente dans des conditions de vie, voire de survie, indignes et dégradantes. Il pourrait aussi permettre d’éviter que ne s’accumulent sur notre territoire des "camps de fortune" où certains demandeurs d’asile sont contraints de rester dans l’attente que leur demande soit recevable en France, au mépris de la dignité et du respect qui leur sont dus, et en totale contradiction avec le respect de nos valeurs républicaines.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.