Projet de loi Lutte contre le dérèglement climatique

Direction de la Séance

N°919

9 juin 2021

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 667 , 666 , 634, 635, 649, 650)


AMENDEMENT

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

présenté par

MM. SALMON, DANTEC, FERNIQUE, LABBÉ

et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 52

Après l’article 52

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés : 

« Un moratoire est instauré suspendant la délivrance des permis de construire ayant pour objet la construction, l’extension ou la transformation d’un bâtiment existant en un entrepôt logistique d’une surface supérieure à 3 000 mètres carrés et au départ duquel des biens stockés sont livrés, directement ou indirectement à travers des entrepôts de transit, au consommateur final à la suite d’une commande effectuée par voie électronique. 

« Ce moratoire s’applique à compter de la promulgation de la loi n°  … du …. portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, y compris aux demandes de permis de construire en cours d’instruction. »

Objet

Le présent amendement s'inspire de la volonté exprimée par la Convention Citoyenne pour le Climat et de la proposition de loi n° 3040 instaurant un moratoire sur l’implantation de nouveaux entrepôts logistiques destinés aux opérateurs du commerce en ligne et portant mesures d’urgence pour protéger le commerce de proximité d’une concurrence déloyale.

Auditionnée à l'Assemblée nationale, le directeur général d'Amazon France a confirmé l'existence de 35 projets d'implantation nouveaux en France au cours des trois prochaines années, soit au moins un gigantesque entrepôt et cinq à dix centres de distribution par an. Or, ces entrepôts échappent totalement aux dispositions prévues par l'article 52 du présent projet de loi, alors même que le bilan en terme d'artificialisation des sols, mais aussi économique, social et climatique du modèle promu par les multinationales du commerce en ligne telles qu’Amazon ou encore Alibaba est dévastateur :

– Il est contraire aux impératifs liés à l’urgence écologique. Les surfaces concernées sont énormes, et induisent une artificialisation des sols destructrice des terres agricoles et de la biodiversité, alors que la France a déjà perdu 2,4 millions d’hectares en 40 ans, soit 7,7 % de terres agricoles en moins.

Tandis que le site Amazon.fr commercialise déjà 1,9 milliard de produits par an en France, la plupart importés, ces nouveaux entrepôts représenteraient 960 millions de produits supplémentaires par an. Chaque entrepôt induit l’activité de 1 500 à 2 000 poids lourds et 4 000 utilitaires supplémentaires par jour, ainsi qu’une augmentation du trafic aérien pour la livraison en 24 heures et donc une aggravation de l’empreinte carbone de la France qui va à l’encontre de l’Accord de Paris sur le climat et des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le bilan carbone de l’entreprise Amazon est de 44,8 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2018, et ce sans prendre en compte les émissions résultant de la fabrication des produits vendus sur ses sites internet, majoritairement des produits électroniques et textiles fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Ce modèle est basé sur la culture du consumérisme et le gaspillage de produits vite commandés, vite jetés, bien loin des principes de sobriété, de réemploi et de réparation qu’a souhaité récemment favoriser le législateur par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

– Il est destructeur pour l’emploi : A chiffre d’affaires équivalent les entrepôts Amazon embauchent 2,2 fois moins de salariés que les commerçants traditionnels, voir 4 fois moins selon de nouvelles études.

– Il est destructeur pour le tissu économique et social du commerce de proximité et de la ruralité, au moment même où la puissance publique investit 5 milliards d’euros sur cinq ans dans le programme « Action cœur de ville » pour préserver les commerces dont les fermetures ont de graves conséquences sur la vitalité des centres-villes, le lien social, les services de proximité, et plus globalement l’attractivité des territoires. Le commerce en ligne n’est pas soumis aux mêmes charges fiscales (défiscalisation, paiement partiel de la TVA, absence de paiement de taxe sur les enseignes et publicité extérieure, loyers très faibles…) et sociales (emplois non spécialisés, nombre d’emplois inférieur pour réaliser le même chiffre d’affaires, robotisation croissante…). De plus, ces entrepôts logistiques de vente ne sont pas soumis aux procédures habituelles pour toute création commerciale (Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), instance de recours des commissions nationale d’aménagement commercial (CNAC)) ni à la TASCOM.

Cette situation engendre une situation de concurrence particulièrement déloyale.

– Il est destructeur pour les finances publiques du fait de l’enregistrement des ventes dans des paradis fiscaux et des fraudes à la TVA massives sur les ventes des produits partenaires. L’Inspection générale des finances avait déjà alerté en 2019 : seulement 10 millions d’euros de TVA ont été collectés par Amazon France en 2018, pour un chiffre d’affaires sur le territoire estimé à 6,5 milliards d’euros. Les conséquences sont dévastatrices pour les 600 000 entreprises du commerce de proximité, qui sont à 95 % des très petites entreprises, lesquelles occupent une place centrale dans la vie économique et sociale des villes et villages, représentent 20 % du produit intérieur brut (PIB), occupent 3 millions d’actifs et emploient 1,2 million de salariés.

Les commodités en termes de service au consommateur offertes par le commerce en ligne ne doivent pas servir de prétexte à la captation de l’essentiel des activités économiques par des multinationales, au détriment du commerce et de l’emploi local, en majeure partie pour des commandes portant sur des produits non essentiels et importés, en totale contradiction avec l’objectif de relocalisation de notre économie.

C'est pourquoi, cet amendement propose d'instaurer un moratoire sur les créations de nouveaux entrepôts logistiques de e-commerce de plus de 3 000m2.

Il s'inspire de la pétition et des propositions portées conjointement par la Confédération des commerçants de France et les Amis de la Terre.