Proposition de loi Ferme France

Direction de la Séance

N°114

15 mai 2023

(1ère lecture)

(n° 590 , 589 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

présenté par

MM. LABBÉ, SALMON, BENARROCHE, BREUILLER et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et PARIGI et Mmes PONCET MONGE et Mélanie VOGEL


ARTICLE 13

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Supprimer cet article.

Objet

Cet amendement vise à supprimer l’article 13, qui remet en cause le rôle de l’ANSES et dont on peut interroger la conformité avec le droit européen.

Premièrement, le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires estime en effet qu’il n’est pas souhaitable de revenir sur la décision, actée dans la loi d’Avenir Agricole, de donner à l’ANSES responsabilité d'autoriser ou d'interdire des pesticides. 

Cette mesure vise à protéger ces décisions de l'influence de lobbys et d’intérêts économiques de court terme, en cultivant un cadre d’indépendance, fixé par la puissance publique. 

Revenir sur cette mesure, en donnant la possibilité au Ministre de l’Agriculture de suspendre une décision de l’Anses, s’il juge qu’elle crée une distorsion de concurrence  semble être une attaque particulièrement grave contre cette Agence et son indépendance. Et ce, d’autant plus dans un contexte où l’ANSES est critiquée à coups de fausses informations affirmant qu’elle “surtranspose” en retirant des produits comme le S-métolaclore, alors qu’elle ne fait qu’appliquer le droit européen, et que ses conclusions sur ce produits rejoignent celles de l’EFSA. 

Par ailleurs, l’ajout d’une « balance détaillée des bénéfices et des risques sanitaires, environnementaux et de distorsions de concurrence» et d’une analyse des alternatives comme support des décisions du Ministère, qui viendrait supplanter le travail d’évaluation du risque de l’ANSES paraît particulièrement problématique.

En effet, pour l’autorisation des pesticides, on ne peut accepter de mettre les enjeux économiques sur le même plan que les enjeux sanitaires et environnementaux.

Au delà du cynisme d’une telle proposition, qui donne un prix à la santé et aux écosystèmes dont nous dépendons, cela ne semble pas conforme au droit européen : le règlement 1107/2009, précise ainsi « Lors de la délivrance d’autorisations pour des produits phytopharmaceutiques, l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, en particulier, devrait primer l’objectif d’amélioration de la production végétale ». Cela est aussi confirmé par le jugement de la CJUE, 19 janvier 2023.

Deuxièmement, sur l’automaticité de déblocage d’un financement de l’État pour les agriculteurs  à chaque retrait de molécules, proposé par l’article : si l’objectif de proposer un accompagnement financier et de la recherche et des agriculteurs pour leur permettre de se passer des pesticides est essentiel, et partagé par le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires,  l’automaticité prévue complexifie le retrait de molécules, alors que ces retraits peuvent être nécessaires rapidement pour des raisons sanitaires.

Par ailleurs, on peut imaginer le retrait de molécules qui n’auraient pas de conséquences financières pour les exploitations car elles ne seraient déjà peu ou plus utilisées, ou parce que des alternatives accessibles existeraient déjà, auquel cas cette disposition serait contre-productive et inutile.

De plus, cela enferme le questionnement sur les pratiques agricoles dans un raisonnement contre-productif “un retrait de molécules – la recherche d’une alternative”, alors que la question de la sortie des pesticides doit être anticipée en amont, et que les solutions sont le plus souvent, systémiques ; à l’échelle de la ferme, du territoire, comme le montre le modèle de l’agriculture biologique, qui se passe de ces molécules. 

Le financement des alternatives est à penser globalement, et à construire pour anticiper les retraits de molécules et la transition agroécologique, et non pas dans la réaction a posteriori, qui pénalise les agriculteurs. Il peut, certes, y avoir des besoins de financements suite au retrait d’une molécule, mais les pouvoirs publics peuvent réagir en fonction de la situation, sans qu’il y ait besoin de rendre automatique ce financement.

Troisièmement, concernant le délai de grâce, porté systématiquement à six mois pour la vente et la distribution et à un an supplémentaire pour l’élimination, le stockage et l’utilisation des stocks existants, il convient de rappeler que l’article 46 du règlement (CE) n° 1107/2009 ne rend possible un délai de grâce que dans les cas où « les raisons du retrait, de la modification ou du non-renouvellement de l’autorisation ne sont pas liées à la protection de la santé humaine et animale ou de l’environnement ». 

Selon ce même article, le délai de grâce ne peut déjà pas excéder six mois pour la vente et la distribution et un an supplémentaire pour l’élimination, le stockage et l’utilisation des stocks existants. On peut donc se demander si passer d’une possibilité de délai de grâce à sa systématisation est conforme à la réglementation européenne, ce qui rend cet article contestable.