Proposition de loi Ferme France

Direction de la Séance

N°99

15 mai 2023

(1ère lecture)

(n° 590 , 589 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

présenté par

MM. SALMON, LABBÉ, BENARROCHE, BREUILLER et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et PARIGI et Mmes PONCET MONGE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 15

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La construction de tout ouvrage de stockage d’eau étanchéifié, rempli au moins partiellement par pompage en nappe ou en rivière, et à usage quasi exclusif agricole, d’une capacité et d’une surface supérieure à un seuil défini par décret est suspendue sur l’ensemble du territoire national.

II. – Un décret définit les modalités d’application du présent article.

Objet

Cet amendement concerne le cadre juridique applicable au stockage de l’eau et à la construction d’ouvrages de stockage de l’eau à des fins agricoles, ainsi qu’aux prélèvements de l’eau dans le milieu naturel à ces mêmes fin, et notamment certains projets visés aux articles 15 à 17, à savoir le stockage et les prélèvement d’eau mis en œuvre dans les « méga-bassines ».

Les méga-bassines sont aujourd’hui au cœur de débats et de tensions sociales très fortes, dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau, amené à se renforcer du fait du dérèglement climatique.

De nombreux organisations paysannes, environnementales, et de nombreux citoyens s’opposent ainsi à ces ouvrages, d’une emprise foncière considérable, qui artificialisent les sols et prélèvent des quantités d’eau considérables, avec des impacts sur sur la ressource et les milieux naturels, à rebours des objectifs de sobriété rendus nécessaires par le changement climatique.

Ces projets, aujourd’hui largement financés avec de l’argent public, sont pensés quasiment exclusivement par et pour des agriculteurs irrigants avec de gros volumes d’eau, afin de maintenir et augmenter leur capacité d’irrigation, souvent associée à des pratiques agricoles gourmandes en eau et en intrants chimiques, et à des productions ne participant pas à la souveraineté alimentaire.

Alors que plusieurs projets ont été jugés illégaux, on peut s’interroger sur la conformité des méga-bassines au droit européen, et en particulier à la directive-cadre sur l’eau. La commission européenne a affirmé dans sa réponses à la pétition portée par les opposants aux bassines, “prendre au sérieux” les alertes portées par les acteurs, et a demandé à la France de « présenter de manière transparente » le calcul des coûts financiers et environnementaux du projet, tout en mettant en garde contre d’éventuels « captages excessifs » d’eau dans les nappes. 

Si les membres groupe Écologiste, Solidarité et Territoire ne s’oppose ni à l’irrigation, ni au stockage de l’eau, ils estiment que les méga-bassines ne constituent pas un modèle efficace et durable, comme le montre l’exemple espagnol, pays où le recours aux réserves de substitution est important et où les ouvrages peinent aujourd’hui à se remplir, et semblent mettre à mal les milieux naturels.

Au contraire, le stockage de l’eau doit intervenir en dernier recours, une fois tous les leviers de sobriété mis en œuvre, et notamment des pratiques agronomiques permettant de retenir l’eau dans les sols. Il doit permettre un usage transparent et partagé de la ressource en eau, priorisé pour des projets territoriaux de souveraineté alimentaire, et conditionné à la mise en place de pratiques agroécologiques.

Au regard des risques qu’il porte pour les nappes phréatiques, les milieux, et la gestion démocratique de l’eau, il est, pour le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires, nécessaire de mettre en place un moratoire sur les projets de méga-bassines, comme le propose cet amendement.

Ce moratoire doit permettre l’organisation d’un véritable débat serein et éclairé, s’appuyant sur l’expertise scientifique et associant les citoyens, sur la gestion de ce bien commun qu’est l’eau. Pour les membres du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires, la priorité est ainsi d’organiser une Convention citoyenne sur l’eau, pour repenser et démocratiser les choix de restrictions et priorisations en temps de sécheresse et engager une réflexion démocratique sur le partage de l’eau pour les années à venir.