Projet de loi Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027

Direction de la Séance

N°266

5 juin 2023

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 661 , 660 )


AMENDEMENT

C Favorable
G Favorable
Adopté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE 3

Consulter le texte de l'article ^

Après l’alinéa 59

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 706-24-2 est ainsi rétabli :

 « Art. 706-24-2. – Les interprètes mentionnés à l’article 803-5 peuvent être nominativement autorisés par le procureur général près la cour d’appel de Paris, dans les procédures relatives aux infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16, à ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms, lorsque la révélation de leur identité est susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de leur mission, de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celle de leurs proches.

« Cette décision permet à l’interprète qui en bénéficie d’être identifié par un numéro anonymisé.

 « L’état civil des interprètes visés au premier alinéa ne peut être communiqué que sur décision du procureur général près la cour d’appel de Paris. Il est également communiqué, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits.

 « Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;

Objet

Les services de police judiciaire rencontrent aujourd’hui des difficultés pour mobiliser des interprètes, sur le fondement de l’article 803-5 du code de procédure pénale (CPP), dans certaines affaires de terrorisme en raison des risques que la révélation de leur identité en procédure faire courir pour leur vie ou leur intégrité physique ou celle de leurs proches.

Aucune disposition ne permet en effet aujourd’hui de faire bénéficier les interprètes d’une protection de leur anonymat dans le cadre des procédures terroristes, contrairement aux autres intervenants de la procédure.

En l’état du droit, les dispositifs de protection de l’identité dans les procédures judiciaires par le recours à l’anonymat sont en effet limités aux trois cas suivants :

-          la protection des témoins (article 706-58 du CPP) concernant les procédures portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque leur audition est susceptible de mettre gravement en danger leur vie ou leur intégrité physique ;

-          la protection des agents et officiers de police judiciaire affectés dans les services de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme, sans critère de risque supplémentaire (article 706-24 du CPP) ;

-          la protection des agents de police et de gendarmerie nationale (article 15-4 du CPP) concernant les procédures portant sur un crime ou sur un délit de droit commun puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque la révélation de leur identité est susceptible de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celle de leurs proches. Le Conseil constitutionnel a jugé que ce dispositif assurait une conciliation équilibrée entre d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public (notamment le droit à la sécurité des personnes et la recherche des auteurs d’infractions) et, d’autre part, le respect des droits de la défense. Il a notamment relevé le fait qu’il s’agissait d’une procédure exceptionnelle, en cas de danger pour la vie ou l’intégrité physique de l’agent ou celle de ses proches[1].

 L’absence d’une telle possibilité pour les interprètes intervenant dans les affaires de terrorisme se révèle particulièrement problématique, au regard du risque d’éventuelles menaces ou représailles qu’ils encourent, ainsi que leurs proches, en France ou à l’étranger. En pratique, pour la traduction de certaines langues, ce risque entraîne une difficulté à trouver des interprètes dans les affaires de terrorisme.

Ainsi, il est proposé de créer une disposition protégeant les interprètes intervenant dans les procédures en matière d’actes de terrorisme, par la possibilité de recourir à l’anonymat. Plusieurs garanties sont prévues, afin d’assurer le respect effectif des droits de la défense :

-          une possibilité limitée aux actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal, qui sont poursuivis, instruits et jugés en application de l’article 706-16 du CPP ;

-          une procédure exceptionnelle, conditionnée à l’existence d’une menace caractérisée. La révélation de l’identité de l’interprète doit être susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celle de ses proches ;

-          une possibilité soumise à l’autorisation de l’autorité judiciaire, à l’instar du recours à l’anonymat pour les agents de police et de gendarmerie chargés de la lutte contre le terrorisme.

[1] DC n°2019-778 du 31 mars 2019 sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.