Proposition de loi organique Renouvellement du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

Direction de la Séance

N°2

14 octobre 2025

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 21 , 20 )


Question préalable

C
G  

Motion présentée par

M. XOWIE, Mme CUKIERMAN, M. BROSSAT

et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky


TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE

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En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en œuvre de l’accord du 12 juillet 2025.

Objet

Le groupe CRCE-K demande que le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur ce texte pour quatre raisons majeures :

- son fondement est contesté et juridiquement fragile ;

- il porte une atteinte disproportionnée à la périodicité du suffrage ;

- il intervient dans un contexte institutionnel national ne justifiant aucune précipitation ;

- il fait courir des risques politiques graves au territoire.

I. Un fondement fragile : l’ « accord de Bougival » n’a pas valeur de consensus

La proposition de loi prétend accompagner la « mise en œuvre de l’accord du 12 juillet 2025 ». Or, cet “accord” n’existe pas comme accord communément reconnu : le FLNKS l’a rejeté formellement et le Sénat coutumier l’a désavoué. Aucune majorité locale n’en revendique la paternité. Parler d’un « compromis historique » est donc inexact. Fonder un nouveau report électoral sur un document non partagé est politiquement aventureux et juridiquement bancal.

Plus grave : la publication au Journal officiel a présenté ce texte comme un « accord » , alors que les éléments versés indiquent un projet d’accord non signé, sans liste des signataires et réserves. Deux erreurs matérielles de nature à fonder un recours gracieux puis contentieux contre la décision de publication ; asseoir un report électoral sur cette publication, c’est vulnérabiliser l’édifice législatif.

Le manque de consensus global localement en Nouvelle-Calédonie n’est nullement un gage de stabilité, tant sur le report des élections provinciales que sur le projet d’accord de BOUGIVAL, ce report étant une étape au calendrier de BOUGIVAL. 

En outre, l’incapacité des élus calédoniens et du Gouvernement calédonien à engager les réformes structurelles pour la Nouvelle-Calédonie ne font que conforter la légitimité d’un renouvellement rapidement de la classe politique calédonienne aux yeux de la population locale.

II. Une atteinte disproportionnée au droit de suffrage

Les provinciales ont été déjà reportées deux fois : d’abord de mai 2024 à décembre 2024, puis au plus tard au 30 novembre 2025. Le texte propose désormais juin 2026. À force d’ « exception » , on défait la règle : la jurisprudence n’admet des prolongations qu’à titre exceptionnel, motivées par l’intérêt général et dans une périodicité raisonnable ; on ne saurait transformer l’exception en régime quasi permanent.

La légitimité démocratique des institutions calédoniennes est affaiblie par ces prorogations en chaîne ; sans renouvellement par les urnes, aucune négociation sur l’avenir ne peut être pleinement légitime. Le report proposé aggrave encore cette délégitimation.

Le maintien des élections doit permettre de renouer la confiance autour du politique.

Or, le Gouvernement justifie ce nouveau report par le risque de contentieux électoral en cas de maintien du corps électoral gelé.

Cet argument ne tient plus, depuis la décision QPC n° 2025-1163/1167 du 19 septembre 2025, par laquelle le Conseil constitutionnel a validé la constitutionnalité du gel du corps électoral provincial en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, le fondement même du report s’effondre.

Il n’existe plus ni motif d’urgence ni risque juridique avéré justifiant de suspendre une nouvelle fois l’expression du suffrage universel.

Le cadre électoral est désormais sécurisé, légitime et constitutionnel, et rien n’empêche la tenue des élections avant la fin de 2025, conformément à la loi organique en vigueur.

III. Un contexte institutionnel national qui ne justifie pas la précipitation

En cas de Gouvernement démissionnaire, l’exécutif n’exerce que les affaires courantes ; un projet de loi constitutionnelle ne peut être délibéré en Conseil des ministres dans ce cadre. Dès lors, invoquer un agenda national pour justifier un nouveau report ne tient pas ; au contraire, cela démontre que le calendrier de réforme invoqué par la PPLO est incertain.

De plus, la situation nationale actuelle démontre que le consensus est incontournable en temps de crise politique majeur. Un report au congrès de la Nouvelle-Calédonie adopté sans unanimité ne suffit pas pour justifier cette PPLO, d’autant plus en temps de crise.

IV. Des risques politiques majeurs et inutiles

Un troisième report fragilise la paix civile, renforce le sentiment de dépossession — notamment chez la jeunesse kanak — et altère la confiance envers l’État garant. À l’inverse, tenir le scrutin avant fin 2025, comme le prévoit aujourd’hui le droit, redonnerait voix et mandat à des élus légitimes, seule base solide pour des discussions loyales et apaisées.

V. L’esprit des Accords et le chemin de sortie

Les Accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa ont bâti la paix sur le dialogue et la reconnaissance d’un consensus constant. Il n’y a jamais eu de compromis sans consensus.

Prolonger indéfiniment des mandats, c’est tourner le dos à cet esprit. Les prises de position du FLNKS rappellent la nécessité de maintenir les élections avant le 30 novembre 2025, de poursuivre le dialogue — y compris avec des appuis régionaux et internationaux — et de refuser les passages en force. Repousser encore, c’est affaiblir encore. Figer des mandats, c’est geler la démocratie. Habiller un projet contesté du mot « accord » , c’est fragiliser la loi.

Pour respecter le peuple, sécuriser juridiquement le processus et préserver la paix, le Sénat doit décider qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur la proposition de loi organique n° ppl24-876.

Le groupe CRCE-K vous invite à adopter la question préalable.



NB :En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant les orateurs des groupes