Proposition de loi Sécurité globale

commission des lois

N°COM-195

19 février 2021

(1ère lecture)

(n° 150 )


AMENDEMENT

Rejeté

présenté par

M. DURAIN, Mmes de LA GONTRIE et HARRIBEY, M. MARIE, Mme Sylvie ROBERT et MM. KANNER, BOURGI, LECONTE, KERROUCHE et SUEUR


ARTICLE 24

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Supprimer cet article.

Objet

La diffusion des images des policiers, gendarmes et policiers municipaux qui agissent dans le cadre d’une opération de police pose la question de l’équilibre à tenir entre la protection des citoyens et celle des forces de sécurité.

Il va de soi que les membres des forces de sécurité doivent être protégés des menaces à leur encontre et à l’encontre de leurs proches. Depuis plus d’une vingtaine d’années, le législateur y a apporté un soin attentif en renforçant les sanctions contre les outrages qu’ils subissent, en étendant ainsi qu’à leur famille la protection contre les menaces proférées à leur encontre, en durcissant les peines lorsque les victimes sont des personnes dépositaires de l'autorité publique, en leur assurant une protection fonctionnelle plus étendue, en accroissant leur anonymisation dans les procédures judiciaires et en assouplissant les conditions de l’usage de leur arme et du port d’arme hors service.

C’est dans cet esprit qu’est présenté l’article 24 qui envisage de punir d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un agent de la police ou de la gendarmerie nationales ainsi qu’un agent de la police municipale dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique.

Le présent article soulève de nombreuses interrogations portant sur son utilité et sa pertinence auxquelles ne répond pas la modification introduite par le Gouvernement précisant que cette nouvelle infraction s’applique « sans préjudice du droit d’informer ».

Le code pénal et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse incriminent déjà les incitations à commettre des actes de violence à l’égard de quiconque, y compris des agents des forces de l’ordre.

L’élément moral qui caractérise cette nouvelle infraction manque de précision et peut conduire à rendre toute diffusion d’image accompagnés d’observations critiques répréhensible alors que leurs auteurs ne font qu’user de leur droit fondamental à la liberté d’expression en démocratie.

Si cette nouvelle incrimination ne vise pas directement pas les journalistes, en exigeant une intention de nuire à l’intégrité physique ou psychique des agents concernés, une telle disposition est manifestement contraire au droit à l’information par les effets indirects qu’elle induit.

Par la crainte qu’elle suscitera, et dans le contexte du nouveau schéma national de maintien de l’ordre, qui impose aux journalistes et aux observateurs de quitter une manifestation après avoir reçu un ordre de dispersion, cette la mesure de l’article 24 va entraîner une limitation de la circulation des images. Or cette dernière est essentielle pour assurer le droit à l’information du public sur l’action policière.

L’application de nouveau délit pourrait également entraîner des conséquences en matière judiciaire en constituant une entrave à l’exercice de l’action publique, aux droits des victimes et au droit à la preuve. Elle pourrait être facilement dévoyée en autorisant une intervention policière préventive ou d’investigation sur des faits considérés comme douteux.

Dans une démocratie apaisée, l’usage de la force publique ne peut être voilé. Il doit être transparent et soumis à un contrôle permanent. Considérant que cette mesure n’est ni justifiée ni appropriée et qu’elle produit un résultat inverse à celui recherché en alimentant la défiance d’une partie de l’opinion publique contre les forces de sécurité, les auteurs de l’amendement demandent au Sénat de supprimer cet article.