Projet de loi Immigration, droit d'asile et intégration

Direction de la Séance

N°146

13 juin 2018

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 553 , 552 , 527)


AMENDEMENT

C Favorable
G Favorable
Adopté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE 12

Consulter le texte de l'article ^

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

3° Le IV est ainsi rédigé :

« IV. – En cas de détention de l’étranger, celui-ci est informé dans une langue qu’il comprend, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, qu'il peut, avant même l’introduction de sa requête, demander au président du tribunal administratif l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil.

« Lorsqu’il apparaît, en cours d’instance, que l’étranger détenu est susceptible d’être libéré avant que le juge statue, l’autorité administrative en informe le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné qui statue sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français selon la procédure prévue au III et dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de l’information du tribunal par l’administration. »

Objet

La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a complété l’article L. 512-1 du CESEDA, relatif à la procédure contentieuse applicable aux décisions portant obligation de quitter le territoire français, par un IV qui traite de la procédure applicable lorsque le requérant est en détention.

Ce IV prévoit qu’en cas de détention, il est statué selon la procédure et les délais applicables en cas de rétention, c’est-à-dire que l’étranger dispose de quarante-huit heures pour former son recours et que le président du tribunal administratif statue dans les soixante-douze heures de sa saisine. L’objectif du législateur était de permettre à l’autorité administrative de régler la situation d'une personne détenue avant son élargissement, afin d’éviter le placement en rétention à la sortie de la détention.

A cet égard, le cadre juridique ne favorisait pas le règlement de ces situations avant l’élargissement, en dépit de la volonté des préfectures d’engager la procédure suffisamment tôt. En effet, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ne peut être exécutée d’office avant que le juge ait statué sur sa légalité. Or, en l’absence d’assignation à résidence ou de rétention (ce qui est bien le cas dans une détention), le tribunal administratif statue dans les six semaines ou trois mois de sa saisine. Cette situation pouvait conduire l'autorité administrative à faire succéder une rétention à une détention, ce qui n'est satisfaisant ni pour l'étranger, ni pour l'efficacité de l'action publique. C’est pourquoi la loi du 7 mars 2016 a ainsi rendu applicable au cas de détention la procédure prévue au cas de rétention.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel, dans sa récente décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, a jugé que ces dispositions n'opéraient pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif poursuivi par le législateur. Il a notamment retenu que l'étranger disposait d’un délai trop bref, cinq jours au maximum, quelle que soit la durée de la détention, pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci. Le Conseil constitutionnel a également pris en considération le fait que l'administration devrait, lorsque la durée de la détention le lui permet, procéder à la notification de l’OQTF suffisamment tôt au cours de l'incarcération afin de laisser plus de temps à la procédure contentieuse. En conséquence, il a censuré les dispositions du IV de l’article L. 512-1 du CESEDA en ce qu'elles fixaient les délais impartis à l'étranger détenu pour former un recours et au juge pour statuer sur celui-ci.

Le présent amendement tire les conséquences de cette décision du 1er juin 2018 en proposant un dispositif plus équilibré, permettant de concilier les objectifs poursuivis par la loi du 7 mars 2016 et la sauvegarde du droit au recours effectif.

En premier lieu, il ne sera plus recouru systématiquement à la procédure contentieuse accélérée, mais uniquement en tant que de besoin. En effet, l’objectif du texte était de régler la situation d'une personne détenue avant son élargissement. En conséquence, c’est seulement lorsqu’il apparaitra que l’étranger détenu va être libéré avant que le juge statue que le basculement vers la procédure accélérée sera possible. En outre, ce basculement ne sera possible qu’en cours d’instance ; l’étranger pourra donc introduire son recours dans le délai de droit commun.

Quand le président du tribunal administratif sera informé que la levée d’écrou va intervenir avant l’expiration du délai de jugement prévisible, il disposera alors de 144 heures, soit six jours, pour statuer.

Ainsi, l’étranger disposera désormais a minima de huit jours (correspondant aux 48 heures du délai de recours en cas de refus du délai de départ volontaire et des 144 heures allouées au juge pour se prononcer) pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci, alors que ce délai était de cinq jours maximum. Encore faut-il souligner que cette hypothèse de huit jours constitue un cas extrême, lorsque l’OQTF est notifiée dans les derniers jours de la détention. Dans les autres cas, le délai ouvert à l’étranger sera nécessairement plus long.

Par ailleurs, le présent amendement entend faciliter l’exercice des droits de l’étranger détenu pour exercer un recours. A cet égard, le détenu doit bénéficier de conditions particulières dans l’information de ses droits, afin de prendre en compte le fait qu’à la différence des personnes placées en rétention, il ne bénéficie pas de l’assistance juridique apportée par des associations. Ainsi, alors qu’en cas de placement en rétention, les articles R. 776-22 et R. 776-23 du code de justice administrative prévoient que l’étranger est informé de son droit de demander l’assistance d’un avocat et d’un interprète au moment de l’introduction de sa requête, l’amendement prévoit qu’au cas particulier de détention, l’étranger doit être informé de cette possibilité dès la notification de l’OQTF.