Projet de loi Immigration et intégration

Direction de la Séance

N°592 rect.

7 novembre 2023

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 434 rect. , 433 )


AMENDEMENT

C Favorable
G  
Adopté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 12

Après l’article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’article L. 521-14 est abrogé ;

2°  Le titre II est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Cas d’assignation à résidence ou de placement en rétention du demandeur d’asile

« Art. L. 523-1. – L’autorité administrative peut assigner à résidence ou, si cette mesure est insuffisante et sur la base d’une appréciation au cas par cas, placer en rétention le demandeur d’asile dont le comportement constitue une menace à l’ordre public.

 « L’étranger en situation irrégulière qui présente une demande d’asile à une autorité administrative autre que celle mentionnée à l’article L. 521-1 peut faire l’objet des mesures prévues au premier alinéa afin de déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande d’asile. Son placement en rétention ne peut être justifié que lorsqu’il présente un risque de fuite.

  Art. L. 523-2. – Le risque de fuite mentionné à l’article L. 523-1 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

« 1° L’étranger qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France.

« 2° Le demandeur a déjà été débouté de sa demande d’asile en France ou dans un autre État membre, ou a renoncé explicitement ou implicitement à sa demande d’asile dans un autre État membre sans motif légitime ;

« 3° Le demandeur a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure d’éloignement en cas de rejet de sa demande d’asile ou s’est déjà soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

«  4° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un de ces États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ou sans y avoir déposé sa demande d’asile dans les délais les plus brefs ;

«  5° Le demandeur ne se présente pas aux convocations de l'autorité administrative, ne répond pas aux demandes d'information et ne se rend pas aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure prévue au titre III sans motif légitime ;

 « Art. L. 523-3. – En cas d’assignation à résidence sur le fondement de l’article L. 523-1, les dispositions des articles L. 732-1, L. 732-3, L.732-4, L. 732-7, L. 733-1, et L. 733-3 sont applicables, ainsi que le premier alinéa de l’article L. 733-1. Le manquement aux prescriptions liées à l’assignation à résidence est sanctionné dans les conditions prévues aux articles L. 824-4 et L. 824-5.

« En cas de placement en rétention sur le fondement de l’article L. 523-1, les dispositions des articles L. 741-4 à L. 741-10, ainsi que les dispositions des chapitres II, III et IV du titre IV du livre VII sont applicables, à l’exception de la section 2 et 4 du chapitre II. 

«  Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisée pour une durée de vingt-huit jours, dans les conditions prévues au présent chapitre, par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par l’autorité administrative.

 « Art. L. 523-4. – Sans préjudice de l’article L. 754-2, la demande d’asile de l’étranger assigné à résidence ou placé en rétention sur le fondement de l’article L. 523-1 est examinée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure accélérée, conformément au 3° de l'article L. 531-24.

« Art. L. 523-5. – Si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides considère qu'il ne peut examiner la demande selon la procédure accélérée mentionnée à l'article L. 523-4 ou s'il reconnaît à l'étranger la qualité de réfugié ou lui accorde le bénéfice de la protection subsidiaire, il est mis fin à la mesure prise sur le fondement de l’article L. 523-1.

« Art. L. 523-6. – En l’absence d’introduction de la demande d’asile dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision de placement en rétention, ou en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité de la demande d’asile, la décision de placement en rétention prévue à l’article L. 523-1 peut se poursuivre pour le temps strictement nécessaire pour l'examen du droit de séjour de l’étranger et, le cas échéant, le prononcé, la notification et l'exécution d’une décision d'éloignement, et qui en tout état de cause ne peut excéder vingt-quatre heures.

« La poursuite du placement en rétention fait l’objet d’une décision écrite et motivée. Elle s’effectue dans les conditions prévues au titre IV du livre VII en cas de décision de clôture consécutive à l’absence d’introduction de la demande d’asile, ou dans les conditions prévues au chapitre II du titre V du livre VII en cas décision de rejet ou d’irrecevabilité de la demande d’asile.

« Art. L. 523-7. – Les modalités d’application du présent chapitre, et notamment les modalités de prises en compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers, sont fixées par décret en Conseil d’État. »

3° Le 3° de l’article L. 531-24 est ainsi rédigé :

« 3° Le demandeur est assigné à résidence ou placé en rétention en application de l’article L. 523-1, ou maintenu en rétention en application de l’article L. 754-3. »

Objet

Le présent amendement a pour objet de compléter la transposition de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale dit « Accueil », pour permettre l’assignation à résidence ou le placement en rétention du demandeur d’asile qui présente un risque de fuite ou une menace à l’ordre public.

Aujourd’hui, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit qu’un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement et qui est placé en rétention peut demander l’asile en rétention. Il doit introduire sa demande dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et suivants du CESEDA, dans un délai de 5 jours à compter de la notification de ses droits dans le centre de rétention administrative. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) se prononce en 96 heures.

Ce cadre juridique n’est applicable qu’à l’étranger qui fait déjà l’objet d’une mesure d’éloignement et d’un placement en rétention au moment où il formule sa demande d’asile.

Par ailleurs, hors demande d’asile en rétention, il n’est possible d’assigner à résidence ou de placer en rétention un demandeur d’asile qui bénéficie du droit au maintien sur le territoire que s’il fait l’objet d’une décision d’expulsion, d’une peine d’interdiction du territoire français ou d’une interdiction administrative du territoire français (art. L. 753-1 à L. 753-12 du CESEDA).

Le cadre juridique exposé ne s’applique donc pas à l’étranger en situation irrégulière qui manifeste sa volonté de demander l’asile à l’occasion d’une interpellation. Il ne s’applique pas non plus à l’étranger en situation irrégulière dont la demande d’asile est présentée à une autre autorité administrative que celle normalement prévue (les GUDA) et qui présente un risque de fuite, notamment lorsqu’il aurait dû présenter sa demande d’asile dans le pays de première entrée dans l’Union Européenne, tel que cela est prévu par le règlement Dublin.

Le droit de l’Union européenne autorise cependant un Etat membre, dans des cas limitativement énumérés et sous réserve qu’aucune mesure moins coercitive ne puisse être efficacement appliquée, à prévoir le placement en rétention d’un demandeur d’asile pour le temps nécessaire à l’examen de sa demande. En ce sens, le paragraphe 3 de l’article 8 de la directive « Accueil » prévoit qu’« un demandeur ne peut être placé en rétention que : a) pour établir ou vérifier son identité ; b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande d’asile qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a un risque de fuite du demandeur ; (…) e) lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l'ordre public l'exige ; (…) ».

Ces dispositions n’ont jusqu’à présent pas été transposées en droit interne.

Leur transposition est néanmoins justifiée par la circonstance que certains étrangers en situation irrégulière utilisent la demande d’asile, lors de leur interpellation ou à l’approche de leur levée d’écrou, pour faire obstacle à l’édiction d’une OQTF ou à son exécution. Ces situations se rencontrent généralement pour des profils évocateurs de risques de troubles à l’ordre public (sortants de prison, interpellés…).

En outre, cette transposition plus complète permettra que pour les personnes dont les circonstances de leur arrivée dans l’Union européenne ont permis qu’elles introduisent une demande d’asile ou de titre de séjour dans le pas de première entrée et qui ne l’ont pas fait, l’effectuant à une autorité autre que celle normalement compétente, dans le cadre, par exemple d’une interpellation, fassent l’objet d’un examen accéléré de leur demande d’asile. Leur situation caractérise généralement un risque de fuite, en particulier lorsque de telles demandes sont réitérées.

Aussi, dans le respect du droit de tout étranger de demander l’asile, mais pour éviter le détournement de la procédure de demande d’asile par des étrangers en situation irrégulière, il est proposé de permettre l’assignation à résidence ou le placement en rétention de ces étrangers, lorsque les conditions prévues par la directive sont satisfaites.

La demande d’asile sera examinée dans un délai de 96 heures par l’OFPRA, comme les demandes d’asile présentées en rétention. Le droit au maintien du demandeur sur le territoire français prendra fin dès la décision de rejet rendue par l’Office. L’autorité préfectorale pourra ainsi mettre en œuvre l’éloignement dès cette date. La mesure concilie ainsi le droit constitutionnel de demander l’asile et l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre l’immigration irrégulière (CC, 26/07/2019, 2019-797DC).

Dans le cas des personnes adressant leur demande d’asile à une autorité autre que celle compétente et qui présentent un risque de fuite sans pour autant manifester un comportement révélant une menace à l’ordre public, ce dispositif fera l’objet de directives pour sa mise en œuvre, qui compléteront celles déjà arrêtées pour ce qui concerne le recours aux instruments de rétention.