Projet de loi Immigration et intégration

Direction de la Séance

N°595

30 octobre 2023

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 434 rect. , 433 )


AMENDEMENT

C Favorable
G Favorable
Adopté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 10

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre Ier du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le second alinéa de l’article L. 612-6 est complété par les mots : « , et dix ans au cas de menace grave pour l’ordre public. » ;

2° La section 4 du chapitre III est complétée par un article L. 613-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 613-9. – Les motifs de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de sa date d’édiction. L’autorité compétente tient compte de l’évolution de la menace pour l’ordre public que constitue la présence de l’intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu’il présente, en vue de prononcer éventuellement l’abrogation de cette décision. L’étranger peut présenter des observations écrites.

« À défaut de notification à l’intéressé d’une décision explicite d’abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. »

Objet

Les décisions portant obligation de quitter le territoire français prises en application de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) peuvent être assorties d’une interdiction de retour, valable sur le territoire de l’Union européenne et l’espace Schengen.

Pour fixer la durée de l’interdiction de retour, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (art. L. 612-10 du CESEDA).

La durée maximale de l’interdiction de retour autorisée par le CESEDA est de trois ans en l’absence de délai de départ volontaire (art. L. 612-6) et de deux ans lorsque l’étranger bénéficie d’un délai de départ volontaire (art. L. 612-8). Cette durée peut être prolongée pour deux ans s’il apparaît que l’étranger se maintient sur le territoire sans déférer à l’OQTF ou lorsqu’il y revient au mépris de l’interdiction de retour. La durée maximale de l’interdiction résultant des éventuelles prolongations décidées ne peut excéder cinq ans, à moins que le comportement de l’étranger ne constitue une menace grave pour l’ordre public (art. L. 612-11).

Ces durées de deux et trois ans, respectivement avec ou sans délai de départ volontaire, ont été étendues par la commission des lois du Sénat à cinq ans maximum dès le prononcé de la première interdiction de retour, ainsi que le permet la directive retour.

Il n’en demeure pas moins que cette durée de cinq ans limite sensiblement la portée de cette mesure administrative, notamment dans le cas où la personne qui en fait l’objet représente une menace grave pour l’ordre public. En effet, l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2008/115/CE, dite directive « retour », dispose que la durée de l’interdiction « est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. Elle peut cependant dépasser cinq ans si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. »C’est pourquoi, en conformité avec le droit de l’Union et afin de répondre plus efficacement aux enjeux de sécurité publique, le présent amendement propose, pour le cas où le délai de départ volontaire a été refusé (notamment parce que le comportement de l’étranger menace l’ordre public, mais plus généralement car il présente un risque de soustraction à l’exécution de la mesure) de compléter l’article L. 612-6 pour porter à dix ans la durée maximale de l’interdiction de retour lorsque le comportement de l’intéressé constitue une menace grave pour l’ordre public.

Il ne s’agit en tout état de cause que de durées maximales, qui sont une faculté pour l’autorité administrative. Cette dernière fixera évidemment la durée de l’interdiction de retour au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des critères déjà prévus à l’article L. 612-10 (durée de présence de l'étranger sur le territoire français, nature et ancienneté de ses liens avec la France, circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français).

Il est par ailleurs ajouté un article L. 613-9 prévoyant le réexamen de l’interdiction de retour au bout de cinq ans, sur le modèle du régime existant pour l’expulsion (à l’article L.632-6), cette garantie, non exigée par le droit européen, apparaissant nécessaire pour apprécier à l’issue d’un délai de cinq ans la permanence du bien-fondé de la mesure.