Projet de loi Immigration et intégration

Direction de la Séance

N°6 rect.

6 novembre 2023

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 434 rect. , 433 )


Question préalable

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Motion présentée par

MM. DOSSUS, BENARROCHE et FERNIQUE, Mme Mélanie VOGEL, MM. GONTARD, Grégory BLANC et DANTEC, Mmes de MARCO et GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes SENÉE et SOUYRIS


TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE

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En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (n° 434 rect., 2022-2023)

Objet

La présente motion propose de rejeter l'examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration en raison des graves atteintes aux libertés publiques qu’il porte, et notamment aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Ce présent projet de loi, dans la quasi-intégralité de ses mesures, ouvre un paradigme porteur d’une grande violence sociale à travers le renforcement des contrôles aux frontières, la multiplication de délivrance des OQTF au mépris du respect de la vie privée et familiale des personnes installées sur notre territoire, la réduction de la délivrance des titres de séjour, l’affaiblissement de l’accès aux droits des personnes migrantes et la montée en puissance de la politique d’éloignement. 

Dans ses articles 9 et 10, le Gouvernement prévoit de fragiliser la catégorie des étrangers bénéficiant de la protection dite quasi-absolue, en prévoyant qu’ils puissent être visés plus largement par des procédures d’expulsions. Cela viserait notamment des personnes résidant en France depuis au moins vingt ans ou encore les étrangers handicapés ou malades. 

Ces mesures, de l’aveu de la Défenseure des droits, sont disproportionnées au regard des conséquences qu’une telle décision d’expulsion aura sur les droits fondamentaux des personnes qui en font l’objet et des membres de leurs familles.  La levée des protections contre l’expulsion concernera un champ très large de personnes pour lesquelles la gravité de la menace représentée sera loin d’être établie. Nombre d’entre elles sont pourtant établies en France depuis de longues années, ou y ont créé des liens privés ou familiaux, de tel sorte qu’elles ne peuvent plus être considérées comme étrangères, au sens juridique du terme. Ces mesures, en plus d’être contraires aux droits conventionnels,  emporteraient des conséquences d’une exceptionnelle gravité .

La prise d’empreintes digitales ou palmaires ou de photographies sous contrainte prévue à l’article 11 du projet de loi et les nouvelles mesures de surveillances aux frontières contreviennent au droit au respect de la présomption d’innocence , au principe de dignité de la personne humaine, à la liberté individuelle et au droit au respect de la vie privée.

Plus généralement, l’impact de ce texte sur les facultés d’intégration sera désastreux et exposera les étrangers à un pouvoir discrétionnaire croissant de l’administration ; Les multiples exigences liées à des examens de langue, de culture française, de valeurs floues à respecter, comme critères à respecter pour renouveler, retirer un titre de séjour ou bénéficier du regroupement familial, contreviennent au droit au respect de la vie privée, au droit à la vie familiale et à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ces restrictions au titre de séjour et à la régularisation ne feront que déboucher sur des situations de non-droit qui alimentent la précarité. Elles favorisent le tri des personnes migrantes et les discriminations.

La réduction de leur droit au recours effectif aggrave également ce risque en privant les étrangers de garanties procédurales dans leur relation avec l’administration tandis que le projet de loi ne parvient pas à garantir un niveau de protection suffisant pour prendre en compte la vulnérabilité de certaines personnes étrangères, telle que les mineurs étrangers isolés, les femmes migrantes et les personnes LGBT.

Par ailleurs, la généralisation du juge unique inquiète également nombre d’associations, professionnels du droit et juridictions administratives :  la présence des représentants du Haut Commissariat pour les Réfugiés est essentielle, ces derniers étant parfois les seuls à avoir la maîtrise juridique et géopolitique des motifs et menaces allégués par les requérants. La mesure privera donc les justiciables de la garantie essentielle que constitue le principe de collégialité. 

Enfin, les nouvelles modalités de jugement, par vidéo-audience, sont contraires au droit au procès équitable, qui suppose un accès au juge, la publicité de l’audience, un accès à un tribunal. Cette technologie porte intrinsèquement atteinte aux droits de la défense et plus largement au droit à un procès équitable : la personne est physiquement mise à distance du juge et de l’interprète, ne peut réussir à s’exprimer librement. Elle se trouve, de fait, exclue du déroulé de son procès.  

En privilégiant les politiques de restrictions des visas, de restrictions des titres de séjours, des droits des personnes migrantes, l’accès à la santé, l’accès au logement, la restriction des procédures de demande d’asile, l’objectif de ce projet de loi est-il d’augmenter la précarité et la vulnérabilité des personnes migrantes en France ? 

Les auteurs considèrent que ces atteintes graves aux libertés individuelles et au principe constitutionnel de dignité de la personne humaine placent ce projet de loi en contradiction avec la Constitution.



NB :En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant les orateurs des groupes.