Proposition de loi Accueil des gens du voyage

Direction de la Séance

N°30

30 octobre 2017

(1ère lecture)

(n° 45 , 44 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE 5

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Supprimer cet article.

Objet

Cet article permettrait au préfet de mettre en demeure les gens du voyage de quitter non pas seulement le terrain occupé illicitement, mais aussi le territoire de la commune ou même de l’EPCI, sauf les aires permanentes d’accueil, les aires de grands passages et les terrains familiaux situés sur le territoire de la collectivité. Cette mesure apparaît manifestement disproportionnée, au regard de la liberté d’aller et venir. Le trouble à l’ordre public justifiant l’évacuation s’apprécie au niveau du terrain et non à l’échelle du territoire de la commune ou de l’EPCI.

Par ailleurs, cet article modifie l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 pour considérer le trouble à l’ordre public comme une condition possible mais non nécessaire à l’intervention du préfet dans le cadre de la procédure de mise en demeure et d’évacuation. Une telle disposition ne peut être acceptée. En effet, ce n’est que pour garantir l’ordre public que le préfet peut faire usage de ses pouvoirs de police en la matière. A titre d’illustration, dans sa décision n° 2010-13 QPC du 9 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a rappelé que « les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et venir […] doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et proportionnées à cet objectif ».

De plus, l’article 5 prévoit que le délai d’exécution de la mise en demeure est de 24 heures systématiquement si les occupants ont déjà occupé précédemment de façon illicite un terrain sur le territoire de la commune ou de l’EPCI concerné. Or, la mise en demeure étant une mesure de police administrative et non une sanction, il n’est pas possible de corréler le délai d’exécution de l’évacuation au comportement passé des occupants du terrain.

La différence de traitement opérée entre « récidivistes » ou non, méconnaîtrait le principe d’égalité. Qui plus est, les conditions pratiques de mise en œuvre d’un dispositif – base de données – permettant de constater la réitération et la présence des mêmes personnes semblent complexes.

L’article apporte une modification à l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 qui prévoit que la mise en demeure du préfet reste applicable durant un délai de sept jours, en augmentant ce délai à quinze jours. L’atteinte portée aux libertés publiques (liberté d’aller et de venir dans le cas présent) par un régime de police administrative n’est possible que si elle est adaptée et proportionnée. A cet égard, le délai de 15 jours pourrait apparaître comme excessif. En outre, le Gouvernement ne bénéficie pas encore d’un recul suffisant sur l’application de cette procédure récente, créée par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, pour apprécier l’opportunité de la modifier.

L’article propose ensuite de limiter le délai fixé par le préfet dans sa décision de mise en demeure, celui-ci ne pouvant « être supérieur à quarante-huit heures à compter de sa notification ». Or, il est souhaitable de laisser au préfet le soin de fixer librement le délai d’exécution de sa mise en demeure (ce délai pouvant être de 72 heures, par exemple), en fonctions des circonstances locales.

En outre, de même que pour l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, le présent article a pour objet d’introduire, à l’article 9-1 de cette même loi, une alternative à la condition de trouble à l’ordre public nécessaire à l’intervention du préfet dans le cadre de la procédure de mise en demeure et d’évacuation, dans le cas d’une installation illégale de gens du voyage dans une commune non inscrite au schéma départemental, ne disposant pas d’aire d’accueil et ne participant pas au financement d’une aire d’accueil. Comme rappelé précédemment, ce n’est que pour garantir l’ordre public que le préfet peut faire usage de ses pouvoirs de police en la matière.

Enfin, l'article vise à établir dans la loi que la condition d’urgence n’est pas requise ou est présumée remplie, en cas d’occupation illégale d’un terrain par des gens du voyage, dans le cadre des procédures d’expulsion pouvant être diligentées devant le juge administratif ou devant le juge judiciaire (président du TGI). Une telle présomption d’urgence, appliquée aux seuls gens du voyage occupant illicitement un terrain, encourrait le double grief d’atteinte au principe d’égalité (vis à vis des autres propriétaires) et de discrimination (vis à vis des gens du voyage).

Il résulte de ces analyses que le Gouvernement n’est pas favorable aux modifications proposées par l’article 5. Telle est la raison pour laquelle il est proposé de le supprimer.