Projet de loi Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice

Direction de la Séance

N°184

8 octobre 2018

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 13 , 11 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 42

Après l’article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié : 

1° Au début du premier alinéa de l’article L. 122-3 sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions particulières du code de procédure pénale, » ;

2° La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 213-12 ainsi rédigé : 

« Art. L. 213-12. – Au sein des tribunaux de grande instance dans le ressort desquels est susceptible de se trouver une forte concentration de personnes soutenant ou adhérant à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, un magistrat du ministère public, désigné par le procureur de la République, est chargé des missions suivantes :

« 1° L’information du procureur de la République antiterroriste de tous les faits en lien avec des affaires en cours susceptibles de faire l’objet d’investigations de sa part ; 

« 2° L’information du procureur de la République antiterroriste sur l’état de la menace terroriste dans son ressort ; 

« 3° La participation aux instances locales de prévention, de détection et de suivi du terrorisme et de la radicalisation ; 

« 4° Le suivi des personnes placées sous main de justice dans son ressort et qui sont identifiées comme étant radicalisées ; 

« 5° La diffusion auprès des magistrats du ressort des informations permettant d’aider à prévenir les actes de terrorisme. » ; 

3° L’article L. 217-1 est ainsi modifié :

a) Au début, les mots : « Est placé » sont remplacés par les mots : « Sont placés » ; 

b) Après les mots : « procureur de la République financier », sont insérés les mots : « et un procureur de la République antiterroriste » ; 

4° L’article L. 217-2 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « procureur de la République financier », sont insérés les mots : « et le procureur de la République antiterroriste » ;

b) Les deux occurrences du mot : « ses » sont remplacées par le mot : « leurs » ; 

c) Le mot : « exerce » est remplacé par les mots : « exercent respectivement » ; 

5° À l’article L. 217-3, les mots : « et ses substituts » sont remplacés par les mots : « et le procureur de la République antiterroriste, et leurs substituts, » ; 

6° À l’article L. 217-4, après les mots : « procureur de la République financier », sont insérés les mots : « ou au procureur de la République antiterroriste ». 

7° Le chapitre VII du titre Ier du livre II est complété par un article L. 217-5 ainsi rédigé : 

« Art. L. 217-5. – Lorsque le renforcement temporaire et immédiat du parquet antiterroriste près le tribunal de grande instance de Paris apparaît indispensable pour assurer le traitement des procédures, le procureur de la République antiterroriste peut requérir un ou plusieurs magistrats du parquet de Paris dont les noms figurent sur une liste arrêtée par le procureur général près la cour d’appel de Paris pour chaque année civile, après avis du procureur de la République et du procureur de la République antiterroriste. 

« Le procureur de la République antiterroriste informe le procureur général et le procureur de la République de Paris des réquisitions de magistrats auxquelles il procède. 

« Le procureur général veille à ce que ce dispositif soit utilisé le temps strictement nécessaire au traitement de l’accroissement temporaire d’activité du parquet antiterroriste. 

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié : 

1° L’article 41 est ainsi modifié : 

a) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ; 

b) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Lorsqu’il s’agit d’actes d’enquête devant être exécutés dans un autre ressort que celui du tribunal de grande instance, il peut demander au procureur de la République territorialement compétent d’y procéder ou d’y faire procéder par un officier de police judiciaire. Il peut toutefois également requérir directement tout officier de police judiciaire sur l’ensemble du territoire national de procéder à ces actes. » ;

2° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article 628-1, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

3° À la fin du troisième alinéa de l’article 628-2, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ; 

4° L’article 628-3 est ainsi modifié : 

a) Au premier alinéa, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

b) Au troisième alinéa, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ; 

5° Le deuxième alinéa de l’article 702 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont également compétents sur toute l’étendue du territoire national le procureur de la République antiterroriste, le tribunal de grande instance et la cour d’assises de Paris selon les modalités déterminées aux articles 628-1 à 628-6 et 698-6. » ; 

6° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article 706-17, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

7° L’article 706-17-1 devient l’article 706-17-2 ;

8° L’article 706-17-1 est ainsi rédigé : 

« Art. 706-17-1. – Sans préjudice des dispositions du troisième alinéa de l’article 41, lorsqu’il exerce sa compétence en application de la présente section, le procureur de la République antiterroriste peut requérir par délégation judiciaire tout procureur de la République de procéder ou faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions dans les lieux où ce dernier est territorialement compétent. 

« La délégation judiciaire mentionne les actes d’enquête confiés au procureur de la République ainsi requis. Elle ne peut prescrire que des actes se rattachant directement à l’enquête pour laquelle elle a été délivrée. 

« Elle indique la nature de l’infraction, objet de l’enquête. Elle est datée et signée par le procureur de la République antiterroriste et revêtue de son sceau. 

« Le procureur de la République antiterroriste fixe le délai dans lequel la délégation doit lui être retournée accompagnée des procès-verbaux relatant son exécution. A défaut d’une telle fixation, la délégation judiciaire et les procès-verbaux doivent lui être transmis dans les huit jours de la fin des opérations exécutées en vertu de celle-ci. 

« Les magistrats commis pour son exécution exercent, dans les limites de la délégation judiciaire, tous les pouvoirs du procureur de la République antiterroriste. » ;

9° À la fin du troisième alinéa de l’article 706-18, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ; 

10° L’article 706-19 est ainsi modifié : 

a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

b) Au troisième alinéa, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ;

11° L’article 706-22-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Le ministère public auprès des juridictions du premier degré de Paris compétentes en application du présent article est représenté par le procureur de la République antiterroriste en personne ou par ses substituts. » ;

12° L’article 706-25 est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Par dérogation à l’article 34, le ministère public auprès de la cour d’assises statuant en première instance est représenté par le procureur de la République antiterroriste en personne ou par ses substituts. » ; 

13° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article 706-168, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

14° Au troisième alinéa de l’article 706-169, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ; 

15° L’article 706-170 est ainsi modifié : 

a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ; 

b) Au troisième alinéa, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste ». 

III. – Au premier alinéa des articles L. 225-2, L. 225-3, L. 228-2, L. 228-3, L. 228-4 et L. 228-5, au premier alinéa et aux première et seconde phrases du troisième alinéa de l’article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, les mots : « procureur de la République de Paris » sont remplacés par les mots : « procureur de la République antiterroriste ».

Objet

Cet amendement vise à créer un parquet national antiterroriste.

Dirigé par un procureur de la République antiterroriste et positionné près le tribunal de grande instance de Paris, ce parquet national antiterroriste se substituera au parquet de Paris pour le traitement des infractions terroristes, des crimes contre l’humanité, des crimes et délits de guerre, des infractions relatives à la prolifération d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs et des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation en temps de paix.

L’objectif poursuivi est de disposer d’une véritable force de frappe judiciaire antiterroriste en créant un ministère public dédié à la lutte contre le terrorisme qui aura toute la disponibilité pour se consacrer à ce contentieux extrêmement spécifique. Cette création a également pour objectif d’offrir une visibilité institutionnelle à ce procureur, sur le plan national comme international, dès lors qu’il sera nommé pour lutter contre le terrorisme.

Le parquet national antiterroriste sera un point de contact unique et identifié par les autorités judiciaires étrangères avec lesquelles il poursuivra les relations de travail mises en place par la section antiterroriste du parquet de Paris. En effet, en matière de lutte antiterroriste, les enjeux de coopération judiciaire sont majeurs et l’entraide pénale internationale est mise en œuvre quotidiennement, qu’il s’agisse d’attaques terroristes commises à l’étranger et visant des victimes ou des intérêts français ou de groupes terroristes agissant en France mais opérant depuis des pays limitrophes, à l’instar des commandos des attentats du 13 novembre 2015 qui venaient de Belgique.

En outre, la création du parquet national antiterroriste permettra réciproquement au procureur de la République de Paris de recentrer son activité sur les contentieux, lourds et nombreux, qui relèvent de son champ de compétence. En effet, aujourd’hui, la lutte contre le terrorisme a pris tant d’ampleur qu’il est difficile pour le procureur de Paris de pouvoir se consacrer pleinement à l’ensemble de ces contentieux.

Le Gouvernement a par ailleurs pris en compte les observations formulées par le Conseil d’Etat lors de l’examen du projet de loi.

Le Conseil d’Etat avait fait observer que la création d’un parquet national antiterroriste distinct du parquet de Paris pouvait constituer une rigidité inutile pour adapter les effectifs de magistrats aux variations de l’activité terroriste. Par conséquent, ce nouveau projet prévoit la création d’une réserve opérationnelle de magistrats du parquet de Paris à laquelle le procureur de la République antiterroriste pourra recourir en cas de crise. Le parquet national antiterroriste sera également doté d’un mécanisme procédural innovant lui permettant de requérir de tout procureur de la République la réalisation des actes d’enquête qu’il déterminera, afin de répondre efficacement à l’ampleur des investigations nécessaires en cas d’attaque terroriste.

Par ailleurs, ce nouveau parquet ne sera pas isolé au sein de l’institution judiciaire. Il pourra compter notamment sur des relais territoriaux avec la création, au sein des tribunaux de grande instance dont le ressort est particulièrement exposé à la menace terroriste, de magistrats du ministère public délégués à la lutte contre le terrorisme. Ces magistrats seront associés à la coordination administrative de veille, de prévention et de détection du terrorisme et pourront ainsi mieux informer le parquet national antiterroriste sur les parcours de radicalisation violente et les liens qui peuvent exister entre la petite délinquance et le terrorisme.