Projet de loi Projet de loi de finances pour 2021

Direction de la Séance

N°I-1252

20 novembre 2020

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 137 , 138 , 139, 140, 141, 142, 143, 144)


AMENDEMENT

C Favorable
G Défavorable
Adopté

présenté par

M. HUSSON

au nom de la commission des finances


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 4

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – 1° Il est institué, au profit de l’État, une contribution exceptionnelle sur le chiffre d’affaires réalisé en 2020 par les grandes entreprises de la vente à distance. La contribution est due à raison des sommes encaissées en 2020 par les entreprises définies au 3° en contrepartie des opérations définies au 2°.

2° Les opérations mentionnées au 1° du présent article sont la vente de biens ou la fourniture de services avec un consommateur final établi en France dans le cadre d’un contrat à distance au sens du 1° du I de l’article L. 221-1 du code de la consommation.

3° Les entreprises mentionnées au 1° du présent article sont celles, quel que soit leur lieu d’établissement, qui répondent aux critères suivants :

a) Elles ont réalisé, en 2020, un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 1,5 milliard d’euros ;

b) Elles ont réalisé, en 2019 et en 2020, plus de la moitié de leur chiffre d’affaires au titre des opérations définies au 2° du présent article.

Pour les entreprises, quelle que soit leur forme, qui sont liées, directement ou indirectement, au sens du II de l’article L. 233-16 du code de commerce, le respect des critères de chiffre d’affaires mentionnés aux deux alinéas précédents s’apprécie au niveau du groupe qu’elles constituent.

II. – Le fait générateur de la contribution exceptionnelle prévue au I du présent article est constitué par l’achèvement de l’année 2020.

Le redevable de la contribution est la personne qui encaisse les sommes. La contribution devient exigible lors de l’intervention du fait générateur.

III. – La contribution prévue au I du présent article est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des sommes encaissées par le redevable en 2020 en contrepartie des opérations définies au 2° du I.

Le montant de la contribution est calculé en appliquant à l’assiette définie à l’alinéa précédent un taux de 1 %.

IV. – La contribution prévue au I du présent article est déclarée et liquidée par le redevable au plus tard le 25 avril 2021.

La contribution est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.

Tant que le droit de reprise de l’administration est susceptible de s’exercer, les redevables conservent, à l’appui de leur comptabilité, l’information des sommes encaissées en contrepartie des opérations taxables.

Ces informations sont tenues à la disposition de l’administration et lui sont communiquées à première demande.

Lorsque le redevable n’est pas établi dans un État membre de l’Union européenne ou dans tout autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement de l’impôt, il fait accréditer auprès du service des impôts compétent un représentant assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France, qui s’engage, le cas échéant, à remplir les formalités au nom et pour le compte du représenté et à acquitter la contribution à sa place.

Objet

Le présent amendement vise à introduire une contribution exceptionnelle de 1 % sur le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises de vente à distance en 2020, afin de renforcer les capacités d’action de l’État en soutien du commerce physique, lourdement touché par la crise sanitaire.

Pour endiguer la propagation de l’épidémie, des mesures exceptionnelles ont été prises, obligeant certains commerces à fermer et réduisant drastiquement les déplacements de population. Pour leurs achats et loisirs du quotidien, les Français n’ont bien souvent eu d’autre choix que de recourir à la vente à distance.

Face à cette situation, de nombreux commerçants se sont rapidement organisés pour poursuivre leurs activités, en proposant des services de retrait en magasin ou de livraison à domicile. Il n’en demeure pas moins que ces opérations ne représentent qu’un palliatif bien insuffisant pour compenser la perte de chiffre d’affaires supportée.

La crise sanitaire a ainsi fortement affecté les modes de consommation de biens et de services des Français, au-delà de la tendance structurelle observée ces dernières années. C’est ce que reflètent les enquêtes disponibles, faisant état d’un essor exceptionnel du commerce en ligne au cours du premier semestre.

C’est pourquoi le présent amendement propose, de façon exceptionnelle, pour la seule année 2020, de taxer le chiffre d’affaires réalisé par les grandes entreprises établies de vente à distance de biens et de fourniture de services.

Cette taxe sur le chiffre d’affaires n’a pas pour ambition de résoudre le déséquilibre structurel d’imposition entre acteurs du commerce physique et du commerce à distance, pour lequel une réforme tarde à être proposée. Le recours à une assiette basique comme le chiffre d’affaires se justifie par la logique intrinsèque de la contribution : corriger le déséquilibre entre vente directe et vente à distance observé pendant la crise sanitaire. En prélevant une partie du chiffre d’affaires exceptionnel réalisé par le commerce en ligne en 2020, il s’agit ainsi d’aider au financement des aides mises en œuvre pour le commerce physique.

En ne visant que les grandes entreprises, à savoir celles de plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, qui ont réalisé, en 2019 comme en 2020, plus de la moitié de leur chiffre d'affaires au titre de la vente à distance, la taxe répond à un double principe.

Le premier est d’assurer la conformité juridique du dispositif. Son champ diffère de la taxe sur les services numériques, qui n’appréhende pas la vente à distance mais la création de valeur par des modèles « bifaces ». Les entreprises visées reposent de surcroît sur un modèle économique spécifique, qui les expose moins aux assiettes foncières de nombreuses impositions.

Le second est de rééquilibrer les effets de la crise sanitaire, en ne ciblant que les grands acteurs établis de la vente à distance, à savoir ceux qui ont involontairement tiré profit du contexte de crise sanitaire, et non ceux qui se sont organisés au pied levé pour remodeler leur modèle en réponse à la crise.