Projet de loi Confiance dans l'institution judiciaire (PJL)

Direction de la Séance

N°125

22 septembre 2021

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 835 , 834 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

présenté par

MM. SUEUR et BOURGI, Mme de LA GONTRIE, MM. DURAIN et KANNER, Mme HARRIBEY, MM. KERROUCHE, LECONTE, MARIE et ANTISTE, Mme ARTIGALAS, MM. ASSOULINE et Joël BIGOT, Mmes BLATRIX CONTAT et BONNEFOY, M. BOUAD, Mme BRIQUET, M. CARDON, Mmes CARLOTTI, CONCONNE et CONWAY-MOURET, MM. COZIC, DAGBERT, DEVINAZ et ÉBLÉ, Mme ESPAGNAC, M. FÉRAUD, Mme FÉRET, M. FICHET, Mme Martine FILLEUL, MM. GILLÉ, HOULLEGATTE et JACQUIN, Mme JASMIN, MM. JEANSANNETAS, Patrice JOLY et JOMIER, Mmes Gisèle JOURDA, LE HOUEROU et LEPAGE, M. LOZACH, Mme LUBIN, MM. LUREL, MAGNER et MÉRILLOU, Mme MEUNIER, M. MICHAU, Mme MONIER, MM. MONTAUGÉ et PLA, Mmes POUMIROL et PRÉVILLE, MM. RAYNAL et REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, M. ROGER, Mme ROSSIGNOL, MM. STANZIONE, TEMAL, TISSOT, TODESCHINI, Mickaël VALLET et VALLINI, Mme VAN HEGHE, M. VAUGRENARD

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 8 (SUPPRIMÉ)

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 689-11. – Hors les cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée d’avoir commis à l’étranger l’une des infractions suivantes :

« 1° Le crime de génocide défini au chapitre I er du sous-titre I er du titre I er du livre II du code pénal ;

« 2° Les autres crimes contre l’humanité définis au chapitre II du même sous-titre I er ;

« 3° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.

« Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général près la cour d’appel de Paris est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République antiterroriste, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »

Objet

Cet amendement a pour objet de modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale en permettant la poursuite devant les tribunaux français et le jugement des auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger. Ce mécanisme de compétence extraterritoriale, fondamental dans la lutte contre l’impunité, a cependant été vidé de sa substance par la mise en place de plusieurs conditions cumulatives excessivement restrictives. Ces conditions constituent autant de verrous qui rendent pratiquement impossible la mise en œuvre de cette disposition.

L’auteur de cet amendement est également l’auteur de la proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat en 2013 qui visait à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale, cette proposition de loi n’avait jamais été reprise par l’Assemblée nationale. C’est donc un long combat qui a débouché sur une première avancée en 2019.La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis d’obtenir de timides avancées en permettant de supprimer l’inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale et de supprimer la double incrimination pour le génocide, mais il reste cependant des verrous majeurs à l’application du mécanisme de compétence extraterritoriale. Ainsi, la condition de résidence habituelle sur le territoire français constitue toujours une limitation par rapport aux autres dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des tribunaux français en matière de répression des crimes internationaux, alors que pour tous les autres crimes internationaux sa simple présence suffit (voir art. 689-1 à 689-10 du CPP). La nécessité de prouver la « résidence habituelle » en France d’un suspect mettra à l’abri des poursuites tous les auteurs et complices de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre qui éviteront d’installer en France le centre de leurs attaches professionnelles et familiales et se contenteront d’y effectuer des séjours plus ou moins longs, en toute impunité. Elle va par ailleurs plus loin que les exigences de plusieurs traités internationaux organisant la répression des crimes internationaux comme la Convention contre la torture de la Convention sur les disparitions forcées créant ainsi une rupture du principe d’égalité entre les victimes.

Par ailleurs, si la condition de double incrimination a été supprimée pour le génocide, ce n’est pas le cas pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Or, cette condition de double incrimination n’est jamais invoquée dans le cadre du mandat d’arrêt européen pour les infractions les plus graves (terrorisme, trafic d’armes et traite des êtres humains, par exemple). De plus, cette condition n’est exigée dans aucune autre des dispositions relatives à la compétence extraterritoriale des tribunaux français. De plus, cette condition manifeste également un recul de notre droit pénal qui n’exige la double incrimination que pour les simples délits (article 113-6) et non pour les crimes. Par définition, les crimes internationaux constituent la violation de valeurs universelles reconnues par la communauté internationale. Instaurer la condition de double incrimination reviendrait à remettre en cause cette universalité et conduirait à conférer l’immunité, par exemple, aux auteurs de génocide si le génocide n’était pas pénalement incriminé dans leur propre pays (cas de la Syrie).

Le présent amendement vise donc à supprimer les derniers verrous afin que le juge français puisse enfin exercer pleinement sa compétence extraterritoriale.

Il est à noter qu’un amendement identique a été déclaré recevable à l’Assemblée nationale.