Projet de loi Lutte contre les fraudes sociales et fiscales

Direction de la Séance

N°118

9 novembre 2025

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 112 , 111 , 104, 106)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE 28 

Consulter le texte de l'article ^

Supprimer cet article.

Objet

Le présent amendement vise à supprimer l’article qui tend à doter France Travail de prérogatives particulièrement intrusives en matière de contrôle des allocataires. Sous couvert de lutte contre la fraude, cet article institue un dispositif de surveillance généralisée, qui évoque davantage une logique orwellienne qu’une politique publique équilibrée et proportionnée.

Il prévoit tout d’abord de permettre aux agent·e·s de France Travail d’interroger les fichiers des compagnies aériennes, afin de vérifier la condition de résidence des personnes indemnisées au titre de l’assurance chômage. Une telle mesure, introduit un contrôle des déplacements individuels, au mépris du respect de la vie privée et de la libre circulation. L’accès à des données aussi sensibles, sans lien direct et avéré avec un soupçon de fraude, heurte de plein fouet les principes de nécessité et de proportionnalité exigés par le RGPD.

L’article prévoit ensuite un droit de communication auprès des opérateurs de téléphonie, afin d’accéder aux relevés d’appels. Cette disposition, d’une intrusivité manifeste, reviendrait à autoriser France Travail à examiner les habitudes de communication des allocataires, en portant atteinte à la confidentialité des données personnelles intimes. Un tel dispositif, dont le caractère disproportionné est évident, ouvre la voie à des dérives incompatibles avec un État de droit.

L’accès au registre des Français·e·s établi·e·s hors de France, pour contrôler la résidence, participe du même esprit de suspicion généralisée. En outre, le MEAE estime que seuls environ 70 % Français·e·s établi·e·s hors de France sont effectivement inscrit·e·s au registre, l’inscription n’étant pas obligatoire. Qui plus est, si l’objectif des mesures introduites par cet article est d’attraper les allocataires “parti·e·s faire du tourisme”, il est particulièrement improbable de les imaginer inscrit·e·s au registre. Ce qui interroge sur quel genre de fraudeur·euse cette mesure permettra d’identifier.

Enfin, la possibilité de traiter les données de connexion des inscrit·e·s à France Travail, dans le seul but de lutter contre la fraude, achève de dessiner un dispositif de traçage numérique qui confine à la surveillance. L’extension du champ des données exploitables pour un objectif aussi marginal en termes de fraude avérée crée un précédent dangereux pour la protection des libertés individuelles.

À cela s’ajoute la faculté donnée au directeur général de France Travail de suspendre à titre conservatoire le versement d’une allocation sur la base d’ « indices sérieux » de fraude qu’il lui appartiendra de définir. Une telle mesure, dérogatoire au principe de présomption d’innocence et difficilement compatible avec le droit au contradictoire, introduit une insécurité juridique inacceptable pour les personnes concernées.

De plus, en agglomérant plusieurs possibilités d’immixtion dans la vie privée dans un seul amendement sous couvert de lutte contre les fraudes, cet article rend impossible un traitement analytique de chaque recul des droits en regard de son motif et de son « rendement ».

En définitive, cet article conjugue un renforcement inédit des moyens de surveillance avec une efficacité incertaine en matière de répression de la fraude, laquelle demeure, selon toutes les études disponibles, relativement marginale. En substituant à la confiance un contrôle permanent, il compromet gravement le respect de la vie privée et la protection des données personnelles. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.