Projet de loi Lutte contre les fraudes sociales et fiscales

Direction de la Séance

N°119

9 novembre 2025

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 112 , 111 , 104, 106)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE 29 

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Supprimer cet article.

Objet

Le présent amendement vise à supprimer l’article 29 (nouveau) adopté en commission, qui instaure un dispositif dont les effets apparaissent à la fois disproportionnés et à risque d’arbitraire, tout en touchant les personnes les plus vulnérables et sans que son efficacité en matière de lutte contre la fraude ne soit clairement établie.

En premier lieu, cet article prévoit que « lorsque les agent·e·s chargées du contrôle … réunissent plusieurs indices sérieux de manœuvres frauduleuses, de manquement délibéré à ses obligations ou de commission d’infractions … le directeur de l’organisme auquel ils appartiennent peut procéder à la suspension conservatoire de tous paiements au titre de ladite aide, prestation ou allocation ». Cette formulation permet une appréciation subjective des « indices sérieux » , sans qu’il soit exigé de décision judiciaire ou de mise en cause formelle et définitive, la mesure est « conservatoire ». Dès lors, un doute étayé par des « indices » peut conduire à une suspension. Cette possibilité de suspension sur appréciation administrative ouvre la voie à un contrôle préventif de la jouissance des droits, incompatible avec le principe de présomption d’innocence et avec les garanties fondamentales des personnes concernées.

En second lieu, la mesure s’applique à « tous paiements » afférents à l’aide, à la prestation ou à l’allocation concernée. Cette suspension peut donc concerner l’intégralité des ressources liées à une aide, et se trouve ainsi de facto possibles pour des ménages qui dépendent fortement voire exclusivement de ces versements pour subvenir à leurs besoins de base. Il est manifeste que ce sont les ménages les plus précaires (allocataires de minima sociaux ou autres prestations de solidarité) qui risquent d’en subir les effets les plus impactants.

En troisième lieu, bien que la notification à la personne intéressée soit prévue, le dispositif présente un calendrier extrêmement contraignant : la décision motivée est « immédiatement notifiée » , la personne dispose d’un délai de deux semaines pour demander un débat contradictoire, et la durée maximale de la suspension ne peut excéder deux mois. On comprend que, pendant cette suspension, l’allocataire peut se retrouver sans ressources dans un délai très court. Par ailleurs, la nature de ce « débat contradictoire » , ses modalités précises ou l’accès effectif à des garanties procédurales sont renvoyés à un décret en Conseil d’État, ce qui fragilise la lisibilité et l’effectivité des droits ouverts aux personnes concernées.

En outre, le fondement même de la mesure (la lutte contre la fraude) ne semble pas justifier ces prérogatives. Imposer une mesure avec de telles conséquences pour la vie quotidienne des allocataires, sans que l’on présente de données convaincantes quant à l’impact additionnel prévu, apparaît disproportionné en l’absence de preuve que cette extension des pouvoirs aboutira à un gain réel en matière de recouvrement ou de prévention.

En définitive, cet article instaure un pouvoir de suspension conservatoire qui fragilise les droits fondamentaux des personnes allocataires, en particulier celles en situation de vulnérabilité, et ce sur la base d’indices et non d’une condamnation. De part leur nature sociale, de lutte contre la pauvreté et les inégalités, les mesures conservatoires de suspension des aides et allocations ne peuvent être élargies.

Le maintien d’un minimum d’existence doit être garanti.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article additionnel.