Projet de loi Lutte contre les fraudes sociales et fiscales

Direction de la Séance

N°122

9 novembre 2025

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 112 , 111 , 104, 106)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE 14

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Après l’alinéa 11

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Il peut être procédé au réexamen de la situation du demandeur d’emploi lorsqu’interviennent des éléments nouveaux, dans un délai raisonnable à compter de leur découverte, tels qu’un jugement pénal définitif ou l’annulation de la décision initiale des services fiscaux, y compris postérieurement au recouvrement du trop-perçu par France Travail.

« Le montant des allocations prévues au présent titre ne peut être réduit qu’à hauteur des revenus illicites effectivement constatés, dès lors que la sanction des actes à l’origine de ces revenus est assurée par une autre procédure.

Objet

L’article 14, IV du projet de loi prévoit d’ajouter un article L. 5422-1-1 au code du travail, prohibant le cumul « au titre d’une même période » des produits tirés de l’exercice d’activités illicites avec les revenus de remplacement versés aux demandeurs d’emploi. Les revenus dont le cumul est interdit sont ceux soumis à l’impôt sur le revenu en application de l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts (CGI), c’est-à-dire les sommes d’argent ainsi que la valeur estimée de biens qui constitueraient le produit de certaines infractions, auraient servi – ou étaient destinées à servir – à leur commission.

Selon la Défenseure des droits, ce dispositif comporte deux risques au regard de la protection des droits et libertés.

D’une part, concernant la procédure mise en œuvre, France Travail identifiera les revenus illicites sur la base d’informations transmises par l’administration fiscale et obtenues dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 1649 quater-0 B bis du CGI. Pour mettre en œuvre cette disposition, l’administration fiscale se fonde sur des constatations réalisées dans le cadre de procédures judiciaires, le CGI permettant à l’autorité judiciaire, au ministère public ainsi qu’aux officiers et agents de police judiciaire de transmettre à l’administration fiscale tous les éléments susceptibles d’avoir des incidences fiscales sans être tenus au secret de l’enquête ou de l’instruction. La transmission de ces informations à l’administration fiscale est indépendante d’une condamnation pénale. Par conséquent, il est possible que l’administration fiscale transmette à France Travail des éléments qui ne seront finalement pas qualifiés comme caractérisant des revenus illicites par le jugement pénal définitif. Une telle mesure, qui constituerait une restriction du secret de l’instruction, sans que l’étude d’impact comporte de donnée chiffrée permettant d’évaluer la nécessité de cette mesure ou le nombre de demandeurs d’emploi potentiellement concernés, pourrait conduire à adopter des décisions administratives sur le fondement d’éléments ultérieurement infirmés.

Une telle situation constituerait une privation injustifiée des droits des demandeurs d’emploi à bénéficier des allocations chômage. Afin d’éviter de telles atteintes, la Défenseure des droits recommande de prévoir, à l’article 14, la possibilité d’obtenir le réexamen de la situation du demandeur d’emploi en présence de nouveaux éléments – tels qu’un jugement pénal définitif ou l’annulation de la décision initiale des services fiscaux – y compris si ces éléments interviennent plusieurs années après le recouvrement du trop-perçu par France Travail.

D’autre part, la rédaction actuelle ne permet pas de déterminer si le demandeur d’emploi serait privé de l’ensemble de ses prestations chômage dès lors que l’administration fiscale a identifié des revenus illicites sur la période considérée ou si le montant des allocations serait simplement réduit à hauteur des revenus illicites effectivement constatés. Or, dans l’hypothèse où les conséquences de la règle du non-cumul ne seraient pas corrélées avec le montant ou la durée de l’activité reprochée, alors il ne s’agirait plus pour France Travail de récupérer des sommes versées à une personne ne remplissant pas les conditions pour en bénéficier, mais de sanctionner administrativement des faits répréhensibles. Or, le prononcé de sanctions administratives doit respecter les droits de la défense, garanties absentes en l’état du texte. Afin d’éviter toute atteinte aux droits de la défense, nous proposons de préciser que le montant des allocations est réduit uniquement à hauteur des revenus illicites effectivement constatés dès lors que la sanction des actes à l’origine de ces revenus est assurée par une autre procédure.

Par conséquent, sur recommandations de la Défenseure des droits, cet amendement entend, d’une part, créer la possibilité d’obtenir le réexamen de la situation du demandeur d’emploi en présence de nouveaux éléments – tels qu’un jugement pénal définitif ou l’annulation de la décision initiale des services fiscaux – y compris si ces éléments interviennent plusieurs années après le recouvrement du trop-perçu par France Travail, et d’autre part, de préciser que le montant des allocations est réduit uniquement à hauteur des revenus illicites effectivement constatés dès lors que la sanction des actes à l’origine de ces revenus est assurée par une autre procédure.

Cet amendement reprend une suggestion contenue dans l’avis de la Défenseure des droits n° 25-08 relatif au projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.