Projet de loi Lutte contre les fraudes sociales et fiscales

Direction de la Séance

N°124

9 novembre 2025

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 112 , 111 , 104, 106)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE 27

Consulter le texte de l'article ^

Supprimer cet article.

Objet

Selon le dernier rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFPS) en 2024, la fraude sociale serait évaluée à près de 13 milliards d’euros. Cette somme, tout à fait importante, est à décomposer afin d’en saisir réellement les éléments et enjeux.

Ainsi, contrairement à la place que cela occupe dans le débat public médiatique et chez beaucoup de politiques, cette fraude reste majoritairement patronale : selon le HCFiPS, la fraude aux cotisations patronales (perte de recettes pour la sécurité sociale) représente 56 % de la fraude sociale pour un montant de 7,25 milliards d’euros par an de fraudes aux URSSAF et à la MSA et pour ce qui est de la fraude aux prestations, 10 % de la fraude sociale relève des professionnels de santé (l’essentiel des 1,71 milliards d’euros de fraude aux prestations de la CNAM). Le tiers restant, notamment la fraude aux prestations de la CNAF, pour 3,87 milliards, concerne deux postes principaux, le RSA et la prime d’activité, dont on attend mécaniquement pour une partie la baisse avec la généralisation depuis le 1er mars 2025 du dispositif de solidarité à la source. Cette fraude reste sensible et doit être combattue.

La fraude à la CNAV à 0,04 milliards d’euros par an (0,01 % des prestations) et la fraude à France Travail pour 0,11 milliard (0,3 %) restent maitrisées.

Notons que les demandeurs d’emplois sont régulièrement obligés de justifier leur situation, sous peine de radiations, lesquelles sont de plus en plus fréquentes. Au premier trimestre 2023, Pôle Emploi enregistrait 53 000 radiations, tandis que le Médiateur de Pôle Emploi, dans son rapport de 2022, constatait « que ces sanctions deviennent de plus en plus sévères, avec un usage fréquent des radiations de six mois et surtout, des suppressions définitives du revenu de remplacement. (…) au regard des circonstances, certaines de ces sanctions semblent véritablement disproportionnées, tant dans leur gravité que dans leurs conséquences. ».

L’article 27 ouvre ainsi à France Travail la possibilité d’émettre des saisies administratives à tiers détenteur ainsi que de retenir la totalité des versements à venir d’allocations d’assurance-chômage en cas d’indus engendrés par manquement délibéré ou manœuvres frauduleuses.

L’avis du Conseil d’État est négatif au sujet de cette deuxième mesure : « Le Conseil d’État constate tout d’abord qu’aucun élément de l’étude d’impact ne permet d’apprécier l’importance des situations, vraisemblablement marginales, mentionnées au deuxième paragraphe du présent point et que le Gouvernement n’a pas été en mesure de lui apporter plus d’informations au cours de l’examen du projet de loi. Il souligne ensuite les difficultés d’articulation de la mesure avec la mise en œuvre des dispositifs visant à garantir un niveau de ressources minimal. Dans ces conditions et au regard des objectifs poursuivis par le projet de loi, le Conseil d’État suggère de ne pas retenir la mesure envisagée ».

Dans la continuité de l’analyse du Conseil d’État, la Défenseure des droits attire spécifiquement l’attention du législateur sur le risque que cette mesure entraîne des privations du droit à bénéficier de moyens convenables d’existence. La mise en œuvre de ce principe en matière d’assurance chômage repose notamment sur l’article L. 5428-1 et suivants du code du travail, aux termes duquel les aides, prestations et allocations versées par France Travail sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires. Ces retenues sont strictement encadrées par la fraction saisissable prévue à l’article L. 3252-2 du code du travail et suivants, qui fixe le montant maximal de la saisie, en fonction des revenus et de la composition familiale du demandeur d’emploi. De plus, cette fraction peut être saisie dans la limite d’une fraction des revenus totalement insaisissable, garantissant qu’une somme équivalente au montant forfaitaire du revenu de solidarité active pour une personne seule demeure insaisissable. Ces mécanismes assurent au salarié comme au demandeur d’emploi un reste à vivre, permettant de subvenir à ses besoins essentiels.

Il s’agirait de légiférer pour des situations « vraisemblablement marginales » et en contredisant le principe d’une garantie d’un niveau de ressources minimal.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l’article 27