Projet de loi Lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Direction de la Séance
N°64
7 novembre 2025
(1ère lecture)
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)
(n° 112 , 111 , 104, 106)
AMENDEMENT
| C | |
|---|---|
| G |
présenté par
M. JACQUIN, Mme LUBIN, M. FICHET, Mme CANALÈS, MM. LUREL et KANNER, Mmes BONNEFOY et BÉLIM, MM. DEVINAZ, FAGNEN, GILLÉ, OUIZILLE, UZENAT, Michaël WEBER
et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
ARTICLE 8
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Supprimer cet article.
Objet
Les auteurs de l’amendement sont évidemment favorables à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales qui gangrènent le secteur des VTC.
Ils estiment cependant que cet article 8 n’est pas à la hauteur des enjeux ni de la régulation requise pour y mettre un terme.
Pire, en créant de toute pièce une réglementation spécifique pour le secteur d’activité des transports publics particuliers de personnes (T3P), hors du droit commun s’appliquant aux donneurs d’ordre (article L. 8222-1 du code du travail), il exonère les plateformes de leurs obligations légales et rend impossible toute régulation qui permettrait d’éradiquer efficacement les malversations en tout genre : fraudes sociales et fiscales, contournement des normes et réglementations sociales régissant les conditions de travail (horaires irréguliers, temps d’attente longs entre deux courses, temps de repos réduits,…), recours au travail dissimulé, contournement des règles en matière d’assurance, etc.
Car en considérant explicitement comme le fait l’article 8 et comme le précise l’étude d’impact que « la plateforme n’est pas le donneur d’ordre » , que c’est « le client qui est le donneur d’ordre » , il crée pour les plateformes une obligation de vigilance spécifique mais au rabais, en deçà des exigences qui s’appliquent aujourd’hui à tout donneur d’ordre.
Si beaucoup de chauffeurs sont officiellement « indépendants » , dans la réalité ils sont dépendants des plateformes qui fixent les tarifs des courses, les trajets, contrôlent les chauffeurs et les sanctionnent. Leur autonomie est donc, dans les faits, extrêmement limitée pour ne pas dire inexistante. Et, le recours à des algorithmes ne fait qu’accroître la pression sur les chauffeurs, dégradant et précarisant leurs conditions de travail.
Aux rémunérations insuffisantes s’ajoutent des charges importantes (essence, entretien du véhicule, assurances…) qui grèvent d’autant le revenu net des chauffeurs et qui les contraignent pour pouvoir vivre décemment à multiplier les courses au péril de leur santé du fait de l’accroissement de la fatigue. Et ce d’autant plus que dans certaines zones les plateformes accentuent la concurrence entre chauffeurs.
Pour les auteurs de l’amendement, le phénomène des fraudes participe d’une réglementation économique et sociale insuffisante du secteur. Reconnaître dans les plateformes les véritables donneurs d’ordre permettrait d’éradiquer plus efficacement tous ces comportements illégaux.
En ce sens, les auteurs de l’amendement s’interrogent sur l’intention, du moins sur l’effet pervers de cet article 8, qui en singularisant les VTC par le biais d’une réglementation spécifique dans le code des transports permet en réalité d’éviter la possible requalification des contrats de travail des chauffeurs « ubérisés » ou « plateformisés » , soi-disant indépendants.
De même ils regrettent que seul le secteur VTC soit concerné par cet article 8 alors même que la fraude dénoncée est tout aussi importante pour les livreurs à vélo. L’incompréhension est donc totale face à l’irrecevabilité de l’amendement qu’ils avaient déposé en commission pour les réintégrer à ce projet de loi.
C’est la raison pour laquelle ils se battent depuis des années pour faire reconnaître le statut de salarié pour ces « indépendants fictifs » pour reprendre les mots de la Cour de Cassation dans son arrêt de 2018. Plutôt que de légiférer à la va-vite au gré d’un article dans ce projet de loi, ils demandent à ce que la directive européenne sur les droits sociaux des travailleurs des plateformes portée par Nicolas Schmit soit transposée dans les meilleurs délais et en respectant ses grands principes la présomption de salariat et le contrôle des algorithmes. Le meilleur moyen de lutter contre la fraude est de supprimer au maximum les intermédiaires pour supprimer le maximum d’interstices dans lesquels elle se glisse, et pour remettre les acteurs à leur juste place : les plateformes sont les donneurs d’ordre et les chauffeurs/livreurs etc. des exécutants et salariés. Le salariat est la meilleure façon de lutter contre la fraude sociale et fiscale dans la relation de travail. L’incompréhension des auteurs est donc toute aussi grande face à l’irrecevabilité de leur amendement la proposant.
Pour toutes ces raisons, ils proposent la suppression de cet article.