Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°1025

16 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 11 SEPTIES

Après l’article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section... ainsi rédigée :

« Section...

« Contribution exceptionnelle sur les dividendes

« Art. L. 137-.... – Est instituée une contribution exceptionnelle sur les dividendes définis aux articles L. 232-10 à L. 232-20 du code de commerce.

« Son taux est fixé à 10 %. Elle est assise sur l’ensemble des bénéfices réalisés en France par les entreprises mentionnées au premier alinéa ainsi que sur les bénéfices dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

« La contribution exceptionnelle sur les dividendes est affectée à la caisse mentionnée à l’article L. 222-1 du présent code. »

Objet

En 2024, les entreprises du CAC40 ont réalisé près de 135 milliards de bénéfice, soit très au-dessus de la barre des 100 milliards que le CAC40 n’avait jamais franchie avant la crise Covid de 2020 et au-dessous de laquelle il n’est plus retombé depuis. Ce chiffre, bien qu’en dessous des 148 milliards de bénéfices engrangés en 2023, a permis la distribution de 72,8 milliards de dividendes et 25,5 milliards de rachats d’action en 2024.

En 2025, les chiffres s’annoncent tout aussi positifs pour le CAC 40 qui, lors d’une séance boursière le 12 novembre 2025, a dépassé son précédent sommet historique en séance, qui datait seulement du 21 octobre, et affichait un nouveau record absolu à 8 280,97 points.

En tête des entreprises les plus lucratives ces dernières années, des entreprises financières comme BNP Paribas qui a enregistré un bénéfice net de 11,68 milliards (+ 4,1 %) en 2024, la Société générale qui dégageait 4,2 milliards, et le Crédit agricole SA à 7,2 milliards (+ 11,6 %), dépassant ainsi ses propres prévisions, et Axa, numéro deux européen de l’assurance, qui augmentait ses profits de 10 % (à 7,9 milliards) en 2024. Aussi, l’industrie militaire : Safran a vu son résultat opérationnel courant progresser de 30,1 % (à 4,1 milliards) Thales, a dégagé un résultat de 1,4 milliard (+ 39 %) et Airbus a publié un bénéfice de 4,2 milliards (+ 12 %).

En parallèle, les comptes publics, grevés par une pression sur les recettes, affichaient un déficit public de 169,6 milliards en 2024 selon l’INSEE, soit 5,8 % du PIB et le déficit des comptes sociaux dépassent cette année les 23 milliards.

Or ce sont les baisses de Prélèvements Obligatoires pour les entreprises qui expliquent en grande partie le déficit.

Selon l’OFCE, dans une note de juillet 2025, l’écart entre les dépenses et les recettes des APU en 2024 est de 5,8 points de PIB, un taux jamais inégalé, alors qu’il était de 3,4 points en 2017 soit presque deux fois moins. L’OFCE indique que la politique de l’offre en cours depuis 2017 a « conduit à une diminution de 2,5 points de PIB du niveau de prélèvement obligatoire » , principalement en faveur des entreprises puisque, en ce qui concerne les comptes sociaux, la baisse de 0,6 point de PIB sur les cotisations salariales a été compensée par une hausse de 0,9 point de CSG sur la période, tandis que rien n’est venu contrebalancer la baisse de 1,1 point de PIB de cotisations patronales. De sorte que la conclusion de l’OFCE est claire : « La dégradation du solde structurel observé entre 2017 et 2024 s’explique essentiellement par la baisse non financée des PO, et non par une dérive des dépenses publiques primaires. Bien au contraire, celles-ci ont reculé de 0,3 point de PIB potentiel sur la période. En tenant compte de la hausse de la charge d’intérêts liée à la remontée des taux souverains, la dépense publique totale, en points de PIB, est stable sur la période ». Cette baisse des recettes distingue la France des autres pays d’Europe, comme l’Espagne, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, où l’on observe une augmentation des dépenses depuis la crise covid compensée par une hausse des recettes.

Malgré la hausse des dividendes, la concentration record de richesses et la hausse en parallèle des inégalités et de la pauvreté, le PLFSS initial prévoyait une série de recettes par plusieurs mesures antisociales, telles que le gel des prestations sociales et des pensions de retraite, et l’actuelle copie qui nous vient de l’Assemblée ne prévoit pratiquement plus aucune nouvelles recettes, ce qui aggraverait également le déficit.

Ainsi, dans un souci de correction de la trajectoire des recettes et d’équité dans l’effort de rétablissement des comptes publics, le présent amendement propose l’instauration d’une taxation sur les dividendes affectée à la branche vieillesse.

Ceci serait en retour bénéfique pour l’économie, contrairement au présent budget dont l’effet récessif est évalué à 0,8 point de PIB par l’OFCE, puisque, comme le soulignent les économistes Adrien Matray et Charles Boissel, dans une étude de 2023, la hausse de la taxation des dividendes aboutit à une hausse de l’investissement, une meilleure croissance des entreprises et à une meilleure allocation du capital. En effet, selon les chercheurs : « Nous constatons que les entrepreneurs affectés par la hausse de la fiscalité sur les dividendes ont fortement réduit leurs distributions de dividendes, ce qui leur a laissé davantage de liquidités dans leur bilan. Cette liquidité supplémentaire, induite par la fiscalité, a conduit à une hausse de l’investissement, du chiffre d’affaires et de la valeur ajoutée des entreprises, ainsi qu’à une réduction de la mauvaise allocation du capital entre les firmes. (…) La forte baisse des dividendes versés a laissé aux entreprises concernées plus de trésoreries disponibles, qu’elles ont utilisées pour augmenter leurs investissements, accumuler de l’épargne d’entreprise et accorder davantage de crédit à leurs clients. (…) Pour chaque dollar de baisse des dividendes versés due à la fiscalité, les entreprises concernées ont augmenté leurs investissements de 0,30 dollar, leur épargne d’entreprise de 0,60 dollar et le crédit consenti à leurs clients de 0,10 dollar. (…) En d’autres termes, pour chaque hausse de 1 % du taux d’imposition des dividendes, les entrepreneurs français concernés ont augmenté leurs investissements de 0,4 %. Une telle hausse de l’investissement, combinée à l’expansion du crédit accordé aux clients, a permis aux entreprises soumises à cette augmentation d’impôt sur les dividendes de croître plus rapidement. »[1]. Ainsi, non seulement la présente disposition serait bénéfique pour les comptes publics, mais également, in fine, pour l’économie et les entreprises concernées.

 

[1] “we find that entrepreneurs affected by the tax increase substantially reduced dividend payouts, leaving them with more liquidity on their balance sheets. This tax-induced extra liquidity led to higher investment, firm sales and value-added growth, and a reduction in capital misallocation across firms. (…) The large drop in paid dividends left treated firms with more cash in hand, which they used to increase their investment, accumulate corporate savings, and extend credit to their customers. (…) For every dollar of tax-induced drop in paid dividends, treated firms increased investment by $0.3, corporate savings by $0.6, and customer credit by $0.1. (…) In other words, for every increase of 1 % in the dividend tax rate, treated French entrepreneurs increased their investment by 0.4 %. Such an increase in investment, together with the expansion of customer credit, helped firms facing the dividend tax hike to grow faster.”