Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°1326

17 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 36

Après l’article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport détaillé sur la vie sociale en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Ce rapport devra notamment :

1° Analyser les besoins en animation au sein des Ehpad et le rôle spécifique des animateurs dans la prévention de la perte d’autonomie et le maintien de la qualité de vie des résidents ;

2° Évaluer l’impact d’une prise en charge partielle des animateurs sur la section soins/dépendance, en tenant compte de la nature des activités d’animation et de leur contribution aux soins non-médicamenteux ;

3° Proposer des recommandations pour mieux encadrer et structurer les financements des postes d’animateurs en garantissant une reconnaissance de leur contribution dans les missions des Ehpad relatives aux sections soins et dépendance.

Objet

Issu de la loi du 2 janvier 2002, l’article L. 1116-1 du code de l’action sociale et des familles est rédigé comme suit : « L’action sociale et médico-sociale tend à promouvoir, dans un cadre interministériel, l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets ».

Cette ambition implique que les établissements sociaux et médico-sociaux ne soient pas seulement des lieux de soins, mais des lieux de vie, où chaque personne accompagnée peut demeurer pleinement sujet, citoyen·ne, être social. Pourtant, les auditions et investigations successives menées depuis plusieurs années, qu’il s’agisse des recommandations de bonnes pratiques professionnelles publiées en 2011 par l’Anesm ou des travaux parlementaires récents, mettent en lumière une réalité moins conforme aux principes que la loi avait pourtant posés avec force.

La vie sociale en Ehpad reste trop souvent reléguée à la marge, considérée comme accessoire ou complémentaire du soin, alors qu’elle en est l’un des déterminants majeurs. Les recommandations de l’Anesm soulignaient déjà en 2011 l’hétérogénéité du rôle et de la reconnaissance des professionnel·le·s de l’animation, la faiblesse des moyens qui leur étaient accordés et l’inégalité d’accès aux activités essentielles à la qualité de vie. Plus d’une décennie plus tard, les constats demeurent : les résident·e·s témoignent fréquemment d’un sentiment d’ennui, de journées longues et peu rythmées, d’un manque de “vrai” quotidien, celui où l’on choisit, où l’on rit, où l’on se projette. L’absence d’activités adaptées et régulières constitue pourtant une atteinte à la dignité et à la participation sociale des personnes âgées, particulièrement lorsqu’elles vivent en institution.

Cette « pauvreté du vivre ensemble » pèse sur le moral, l’estime de soi et même l’état de santé des résident·e·s. Il est nécessaire de reconstruire un modèle qui ne se limite pas à la gestion de la dépendance, mais qui donne pleinement sa place aux métiers du « mieux vivre » : animateur·ice·s, psychomotricien·ne·s, professionnel·le·s du lien social et de l’accompagnement. Comme le souligne le rapport du Sénat de 2024, les dépenses d’animation relèvent toujours de la section hébergement, comme si elles constituaient des services facultatifs, alors que toutes les études en gérontologie montrent qu’elles participent directement à la prévention de la perte d’autonomie, à la santé psychique, à la nutrition, au sommeil, à la mobilité, à la prévention des chutes, et au bien-être global.

En réalité, ce que les résident·e·s expriment depuis des années – parfois dans des mots simples, parfois dans des silences lourds – est limpide : ce n’est pas seulement la sécurité qui fait une vie digne, mais la possibilité de vivre et non de simplement “être soigné·e”. Chacune et chacun devrait pouvoir retrouver en Ehpad des raisons d’avoir envie, de discuter, de se sentir utile, de rire même ; bref, ce que les équipes appellent souvent pudiquement « du lien » , mais que les résident·e·s nomment tout simplement « la vie ». Or cette vie sociale reste aujourd’hui sous-financée, insuffisamment intégrée dans les forfaits soins et dépendance, et confiée à des professionnel·le·s souvent trop peu nombreux·ses et peu reconnu·e·s.

L’évolution proposée par cet amendement s’inscrit pleinement dans les constats partagés par les acteur·ice·s du secteur et par les travaux du Parlement. Elle répond également à une demande forte des organisations du secteur, notamment l’Uniopss qui a suggéré cet amendement, qui appellent depuis plusieurs années à reconnaître l’animation, l’accompagnement social et la création de lien comme des composantes à part entière du soin. Replacer ces dépenses dans un financement dédié, cohérent avec leurs effets réels sur la santé et l’autonomie, relève non seulement d’une meilleure ingénierie budgétaire mais aussi d’un choix éthique : celui d’offrir à nos aîné·e·s un quotidien qui ne se résume pas à l’attente, mais qui restaure leur capacité à participer, à avoir prise sur leurs journées, et à vivre pleinement les années qu’il ont encore devant eux.

Cet amendement vise ainsi à corriger un angle mort persistant des politiques de l’autonomie et à rappeler que le soin, au sens le plus humain du terme, inclut aussi la joie, l’envie et la relation. C’est un enjeu de dignité collective.