Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026
Direction de la Séance
N°1330
17 novembre 2025
(1ère lecture)
(n° 122 , 131 , 126)
AMENDEMENT
| C | |
|---|---|
| G |
présenté par
Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 38
Après l’article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant la mise en œuvre du dispositif des heures de lien social prévues pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile, tel qu’instauré par l’article 75 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Ce rapport évalue en particulier :
1° L’effectivité du recours aux heures de lien social par les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie ;
2° L’adéquation du nombre d’heures prévues avec les besoins et les profils des personnes âgées concernées ;
3° Les effets sur le bien-être et l’isolement des personnes bénéficiaires ;
4° L’impact sur les conditions et la qualité de vie au travail des professionnels ;
5° Les freins identifiés et les leviers d’amélioration (financiers, organisationnels, etc.).
Objet
Depuis le 1er janvier 2024, l’article 75 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a ouvert la possibilité pour les personnes âgées bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie de disposer, à domicile, d’un temps spécifiquement dédié au lien social. L’idée était simple et profondément humaine : permettre aux aides à domicile et aux auxiliaires de vie de consacrer un moment qui ne soit ni un soin, ni un acte technique, mais un espace d’échange, de présence, de convivialité — un moment où l’on parle, où l’on écoute, où l’on sourit, où l’on brise la solitude qui, pour tant de nos aîné·e·s, pèse plus lourd encore que la perte d’autonomie elle-même. Ce dispositif répondait également à une aspiration forte des professionnel·le·s : disposer d’un temps qui redonne du sens, qui renoue avec le cœur de leur métier, et non seulement avec ses contraintes.
Mais cette ambition, aussi essentielle soit-elle, se heurte aujourd’hui à des réalités que nul ne peut ignorer. Dans de nombreux départements, obtenir un volume d’heures APA permettant de couvrir les besoins réels relève presque du parcours du combattant. Les Services d’aide et d’accompagnement à domicile font face à une pénurie structurelle de professionnel·le·s, si bien que même quand les heures de lien social sont attribuées, il devient parfois impossible de les mettre en œuvre. Chaque jour, des personnes âgées entendent qu’il n’y aura « personne cette semaine » , non par manque de volonté mais faute de bras, faute de temps, faute de moyens. Et les inégalités territoriales aggravent encore la situation : selon l’endroit où l’on vit, ce droit nouveau peut être une réalité concrète ou rester lettre morte.
Pourtant, dans les domiciles où ces heures sont effectivement réalisées, les retours sont unanimes. Les personnes âgées racontent ce qu’elles n’avaient parfois plus osé dire : que cinq, dix ou trente minutes d’échange suffisent à faire basculer une journée de silence en une journée vivante ; que le regard d’un·e professionnel·le qui prend le temps de s’asseoir vaut bien autant qu’un soin ; que ce moment-là, si simple en apparence, leur rappelle qu’elles ne sont pas seulement des « dossiers APA » , mais des êtres humains avec des histoires, des émotions, des envies. Les professionnel·le·s eux·elles-mêmes y retrouvent du souffle, un sens oublié, une gratification immense face à la reconnaissance des personnes accompagnées.
C’est précisément parce que ce dispositif porte autant d’espoir qu’il mérite une évaluation rigoureuse. Il est nécessaire d’examiner la réalité de son déploiement, de mesurer si le nombre d’heures attribuées correspond réellement aux besoins et aux profils des personnes, d’analyser les effets sur leur bien-être comme sur les conditions de travail des professionnel·les. Il faut aussi identifier clairement les freins (financement, organisation, recrutement) et formuler les leviers qui permettraient d’en faire un droit effectif, partout et pour toutes et tous.
Cet amendement est porté par l’Uniopss et soutenu par la FNAPAEF.