Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°1342

17 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 37

Après l’article 37

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 314-8 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 314-8-... ainsi rédigé :

« Art. L. 314-8-.... – I. – Le financement par l’État ou les organismes de sécurité sociale des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 du présent code est interdit si la rémunération d’un de ses salariés ou de ses associés dépasse un plafond de rémunération correspondant à neuf fois la rémunération moyenne du décile de ses salariés disposant de la rémunération la plus faible.

« II. – Pour les sociétés gérant plusieurs établissements et services sociaux et médico-sociaux, le respect du plafond de rémunération défini au I tient compte de la rémunération de l’ensemble des associés et salariés de la société. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er juillet 2026.

Objet

Cet amendement vise à interdire le financement public des EHPAD et des établissements sociaux et médico-sociaux là où les écarts de salaire dépassent un rapport de 1 à 9. En effet, il n’est pas concevable que l’argent public, celui qui doit garantir des soins dignes, des repas corrects, des équipes en nombre suffisant et un accompagnement de qualité, serve à alimenter des écarts de salaires parfois vertigineux entre personnels de terrain et dirigeant·e·s. Quand un·e aide-soignant·e ou un·e auxiliaire de vie peine à vivre décemment de son travail pendant qu’au sommet de la pyramide certains salaires atteignent des montants à deux chiffres multiples des leurs, c’est tout le sens de l’action sociale qui vacille. Dans des secteurs où l’on prend soin de personnes âgées parfois très dépendantes, d’enfants en bas âge ou de publics en grande fragilité, un rapport de 1 à 9 est déjà un plafond raisonnable ; le dépasser, c’est cautionner un modèle où la vulnérabilité devient un support de revenus personnels disproportionnés. La puissance publique ne peut accepter que l’argent des contribuables finance, même indirectement, de telles dérives alors que les équipes sont épuisées, que la qualité de vie au travail se dégrade et que les familles peinent à trouver des places dignes pour leurs proches. 

Les actualités récentes ont mis en évidence les dérives de certaines entreprises lucratives dans les secteurs de la petite enfance et de la longévité, souvent au détriment de la dignité des personnes vulnérables. L’économie sociale et solidaire est très présente dans ces deux domaines : en complément de l’action de la puissance publique, le rapport spécifique de l’ESS à la lucrativité, tournée vers les bénéficiaires, contribue à protéger les publics face aux dérives des modèles uniquement guidés par la rentabilité du capital au détriment de la qualité du service rendu aux usagers. 

Face aux dérives de plus en plus manifestes de certaines entreprises privées lucratives, il s’agira à terme de faire un choix. La puissance publique pourrait choisir dans un premier temps d’encadrer les modèles lucratifs, et dans un second temps, dans un objectif de protection des personnes et de garantie des droits humains, aller plus loin et réserver ces filières aux acteurs qui s’engagent en ce sens, c’est-à-dire le secteur public et privé solidaire.

Dans la mesure où le modèle économique de ces établissements médico-sociaux et notamment les EHPAD repose en partie sur des financements publics, il est légitime pour la puissance publique de fixer un cahier des charges non seulement sur la nature des prestations attendues mais sur le partage de la valeur au sein de ces entreprises quel que soit leur statut.

Tel est l'objet du présent amendement : limiter les rémunérations des établissements accueillant des publics fragiles sur le modèle de l'agrément ESUS accessible aux entreprises et organisations de l’économie sociale et solidaire.

Cet amendement a été suggéré par ESS France.