Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°1408

17 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  
En attente de recevabilité financière

présenté par

Mme NADILLE et M. IACOVELLI


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 45 BIS

Après l’article 45 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 173-1-2, il est inséré un article L. 173-1-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 173-1-2-.... – I. – Lorsqu’un assuré relevant de l’un des régimes mentionnés au I de l’article L. 173-1-2 a déposé une demande de liquidation de sa pension de retraite dans un délai fixé par voie réglementaire avant la date d’entrée en jouissance de celle-ci et que, à cette date, cette pension n’a pas pu être liquidée et mise en paiement, l’organisme compétent verse à l’assuré une pension mensuelle de retraite à titre provisoire, dite pension temporaire, dès lors qu’il dispose des éléments nécessaires pour procéder à une estimation du montant de cette pension.

« Le montant de la pension temporaire est au moins égal à 70 % du montant estimé de la pension de retraite due par l’organisme compétent, calculé à l’âge atteint à la date à laquelle l’assuré peut bénéficier d’une pension sans coefficient de minoration, tel que ce montant figure dans l’estimation indicative globale prévue au IV de l’article L. 161-17 du présent code la plus récemment effectuée au vu des éléments d’information dont dispose l’organisme.

« II. – Le bénéfice de la pension temporaire cesse à compter du premier versement de la pension de retraite définitivement liquidée.

« Lorsque le montant de la pension temporaire versée à l’assuré est inférieur au montant de la pension de retraite qui lui est dû, la différence fait l’objet d’une régularisation lors du premier versement de cette pension, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Lorsque le montant de la pension temporaire versée à l’assuré est supérieur au montant de la pension de retraite qui lui est dû, le remboursement du trop-perçu peut faire l’objet d’un échelonnement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles l’organisme est réputé disposer des éléments nécessaires pour procéder à l’estimation mentionnée au I et les modalités de détermination du montant de la pension temporaire et de régularisation des écarts entre la pension temporaire et la pension définitivement liquidée. »

II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre VII est complété par un article L. 732-40-... ainsi rédigé :

« Art. L. 732-40-.... – I. – Lorsqu’un assuré relevant du régime d’assurance vieillesse obligatoire des non salariés agricoles a déposé une demande de liquidation de sa pension de retraite de base dans un délai fixé par voie réglementaire avant la date d’entrée en jouissance de celle-ci et que, à cette date, cette pension n’a pas pu être liquidée et mise en paiement, la caisse de mutualité sociale agricole compétente verse à l’assuré une pension mensuelle de retraite à titre provisoire, dite pension temporaire, dès lors qu’elle dispose des éléments nécessaires pour procéder à une estimation du montant de cette pension.

« Le montant de la pension temporaire est au moins égal à 70 % du montant estimé de la pension de retraite due par le régime de base d’assurance vieillesse des non-salariés des professions agricoles, calculé à l’âge atteint à la date à laquelle l’assuré peut bénéficier d’une pension sans coefficient de minoration, tel que ce montant figure dans l’estimation indicative globale prévue au IV de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale la plus récemment effectuée au vu des éléments d’information dont dispose la caisse.

« II. – Le bénéfice de la pension temporaire cesse à compter du premier versement de la pension de retraite définitivement liquidée.

« Lorsque le montant de la pension temporaire versée à l’assuré est inférieur au montant de la pension de retraite qui lui est dû, la différence fait l’objet d’une régularisation lors du premier versement de cette pension, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Lorsque le montant de la pension temporaire versée à l’assuré est supérieur au montant de la pension de retraite qui lui est dû, le remboursement du trop-perçu peut faire l’objet d’un échelonnement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles la caisse est réputée disposer des éléments nécessaires pour procéder à l’estimation mentionnée au I et les modalités de détermination du montant de la pension temporaire et de régularisation des écarts entre la pension temporaire et la pension définitivement liquidée. »

III. – Les dispositions du présent article sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2027.

Objet

L’entrée en retraite constitue un moment de bascule majeur dans la vie des assurés. Or, de trop nombreux témoignages font état aujourd’hui de situations dans lesquelles des néo-retraités, pourtant diligents dans leurs démarches, se retrouvent sans aucun revenu pendant plusieurs mois, dans l’attente de la liquidation effective de leur pension. Ce « trou noir » de ressources est d’autant plus incompréhensible pour les intéressés qu’ils ont, pour beaucoup, cotisé toute une vie et qu’ils ont déposé leur demande dans les délais recommandés.

Cette situation résulte de la combinaison de plusieurs facteurs : complexification des carrières (pluri-employeurs, périodes de chômage, temps partiel, indépendants ayant rejoint les régimes alignés, activités à l’étranger, etc.), montée en charge de la liquidation unique des régimes alignés et tensions durables sur les moyens des caisses de retraite. Dans ce contexte, les délais d’instruction s’allongent, y compris lorsque les organismes disposent déjà d’une vision suffisamment consolidée de la carrière pour estimer, avec une marge d’erreur limitée, le montant futur de la pension. Le droit positif prévoit certes, par voie réglementaire, des garanties de versement pour certaines situations ; mais celles-ci demeurent partielles, peu lisibles pour le grand public et, surtout, ne se traduisent pas toujours, en pratique, par la certitude de percevoir un revenu au moment de la cessation d’activité.

Le dispositif proposé vise à répondre à cette difficulté de manière simple et ciblée, sans créer de nouvelle prestation et sans modifier le niveau des droits à pension. Il institue, pour les régimes de base dits « alignés » relevant du code de la sécurité sociale, ainsi que pour le régime d’assurance vieillesse obligatoire des non-salariés agricoles relevant du code rural et de la pêche maritime, un droit à pension de retraite versée à titre provisoire, dite pension temporaire, lorsque l’assuré a déposé sa demande de liquidation dans un délai fixé par voie réglementaire avant la date d’entrée en jouissance et que, à cette date, la pension n’a pas encore pu être liquidée et mise en paiement, alors même que l’organisme compétent dispose des éléments nécessaires pour en estimer le montant.

On pourrait objecter qu’en ouvrant la possibilité d’un versement provisoire alors que le dossier n’est pas intégralement instruit, on prend le risque de banaliser les dossiers incomplets, de favoriser certaines formes de fraude ou de rendre plus difficile le recouvrement des trop-versés. Le présent dispositif ne remet pourtant pas en cause le principe du « dossier complet » pour la liquidation définitive des droits : il ne dispense ni les assurés de produire l’ensemble des pièces exigées, ni les organismes de procéder aux contrôles habituels. Il conditionne au contraire le versement provisoire à un double filtre : une demande déposée dans les délais et l’existence, constatée par la caisse, d’éléments suffisants pour procéder à une estimation prudente de la pension. En outre, le montant n’est pas intégralement versé mais limité à une fraction de la pension estimée, ce qui réduit mécaniquement l’ampleur des indus potentiels.

Afin de concilier protection effective des assurés et sécurisation de la gestion des régimes, la pension temporaire est en effet définie comme une avance sur droits à pension, et non comme une allocation autonome. Son montant est au moins égal à 70 % de la pension de retraite estimée, sur la base notamment de l’estimation indicative globale prévue au IV de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, calculée à l’âge du taux plein, sans coefficient de minoration. Cette avance est imputée sur la pension définitivement liquidée : lorsque la pension définitive est supérieure au montant temporaire, une régularisation intervient lors du premier versement ; lorsque, à l’inverse, la pension temporaire excède la pension définitive, le dispositif prévoit la possibilité d’un échelonnement du remboursement du trop-perçu, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, afin d’éviter des récupérations brutales pour les ménages les plus fragiles.

Le recours à un décret en Conseil d’État se justifie pleinement pour préciser les critères permettant de considérer que l’organisme ou la caisse « dispose des éléments nécessaires » pour procéder à une estimation, ainsi que pour définir les règles opérationnelles de calcul de la pension temporaire et d’organisation des régularisations. Il s’agit de laisser aux caisses de retraite la souplesse indispensable pour adapter le dispositif à la diversité des situations (carrières lacunaires, périodes à l’étranger, données manquantes), tout en donnant aux assurés une garantie claire : dès lors qu’ils ont respecté les délais de dépôt et que leur carrière est suffisamment connue, ils ne se trouveront plus sans aucun revenu au moment de leur départ.

L’impact financier de la mesure est principalement un impact de trésorerie : elle conduit à anticiper partiellement le versement de droits qui auraient, en tout état de cause, été liquidés ultérieurement. Le risque de trop-versés irrépétibles ne peut être exclu, mais il apparaît limité au regard des masses financières en jeu et proportionné à l’objectif poursuivi, qui est d’éviter des ruptures complètes de ressources pour des assurés de bonne foi. L’entrée en vigueur au 1er janvier 2027, pour les pensions prenant effet à compter de cette date, laisse enfin aux organismes concernés le temps nécessaire pour adapter leurs systèmes d’information et leurs procédures internes.

En définitive, le présent article poursuit un objectif simple : faire peser le risque de retard administratif sur les caisses, plutôt que sur les retraités qui ont accompli leurs démarches dans les règles, et garantir qu’aucun assuré ne commence sa retraite sans disposer d’un minimum de revenu lié à ses droits à pension.