Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°1415

17 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes SOUYRIS et PONCET MONGE, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 26 QUATER

Après l’article 26 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du 1° du I de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour les médecins conventionnés autorisés à exercer dans un secteur à honoraires différents des tarifs opposables, l’autorisation de pratiquer des dépassements d’honoraires par la convention est subordonnée à leur adhésion à un dispositif de pratique tarifaire maîtrisée prévu par cette convention. »

Objet

Le présent amendement vise à rendre obligatoire l’adhésion à l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) pour l’ensemble des médecins conventionnés en secteur 2, afin de réduire les restes à charge liés aux dépassements d’honoraires, de limiter le renoncement aux soins pour raisons financières et de mieux maîtriser la dépense d’assurance maladie en soins de ville.

Les dépassements d’honoraires pratiqués en secteur 2 représentent aujourd’hui un enjeu financier et d’accès aux soins majeur. Dans son rapport d’octobre 2025, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) estime qu’ils atteignent environ 4,5 Md € en 2024 (dont 4,3 Md € pour les seuls médecins spécialistes), soit près de 14 % du montant total des honoraires facturés par les médecins. Dans sa note thématique de juillet 2023 sur la réorganisation des soins de ville, la Cour des comptes rappelle qu’un médecin spécialiste sur deux pratique des dépassements d’honoraires, dans un contexte où les soins de ville représentaient 107,6 Md € en 2022 et constituaient déjà le premier poste de dépenses de l’assurance maladie, dont 39 % pour les honoraires des professionnels de santé.

Ces dépassements se traduisent par des restes à charge élevés pour les assurés. Selon le HCAAM, environ 40 % seulement des dépassements d’honoraires sont pris en charge par les organismes complémentaires, le solde restant directement supporté par les ménages. Or, les études de la Drees montrent que le renoncement aux soins pour raisons financières reste concentré sur les ménages les plus modestes : parmi les 20 % de ménages les plus pauvres, 39 % déclaraient en 2021 avoir renoncé à au moins un soin pour raisons financières au cours des douze derniers mois, contre 13 % parmi les 20 % les plus aisés.

Les dépassements d’honoraires contribuent ainsi à accentuer les inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins, en particulier pour certaines spécialités fortement présentes en secteur 2 (gynécologie, ophtalmologie, ORL, chirurgie), où la proportion de praticiens pratiquant des dépassements et les niveaux de dépassement sont élevés. Ils limitent l’effectivité des réformes récentes visant à réduire les restes à charge (notamment la réforme « 100 % santé » pour l’optique, le dentaire et l’audiologie) et pèsent sur la soutenabilité des contrats responsables de complémentaire santé.

Mis en place en 2017, l’Optam devait constituer un levier de modération des dépassements en secteur 2, en échange d’avantages financiers pour les médecins adhérents et d’une meilleure prise en charge pour les assurés. Toutefois, sa logique purement volontaire en limite la portée. Selon les données de l’Observatoire de l’accès aux soins, le taux d’adhésion à l’Optam/Optam-ACO des médecins de secteur 2 s’établit à 54 % en 2025, soit près d’un médecin éligible sur deux restant hors dispositif, alors même que l’objectif affiché est une progression de 5 points par an.

En outre, les travaux récents du HCAAM montrent que les taux d’adhésion à l’Optam sont très hétérogènes selon les spécialités et d’autant plus élevés que les médecins ont, à l’origine, des taux de dépassement faibles : les praticiens aux dépassements les plus élevés restent majoritairement en dehors du dispositif, ce qui en réduit fortement la capacité à contenir les restes à charge.

La Cour des comptes souligne, pour sa part, que les mécanismes conventionnels actuels demeurent « peu responsabilisants » et que les pouvoirs publics mobilisent insuffisamment les instruments de régulation dont ils disposent pour maîtriser la dynamique des dépenses de soins de ville, en particulier les honoraires médicaux. Elle appelle à renforcer la maîtrise des dépenses « dans une logique de responsabilisation des acteurs » et à mieux articuler négociations conventionnelles et objectifs financiers pluriannuels.

Dans ce contexte, il convient de franchir un palier supplémentaire. Les discussions parlementaires en cours, ainsi qu’un récent rapport d’information proposant l’extinction progressive du secteur 2 hors Optam en rendant l’adhésion obligatoire pour les nouveaux entrants, illustrent la convergence croissante vers une régulation plus ferme des dépassements d’honoraires.

En outre, le présent amendement a pour effet d’élever au niveau législatif un mécanisme qui relève aujourd’hui exclusivement de la négociation conventionnelle entre l’assurance maladie et les médecins libéraux. En encadrant dans la loi les conditions dans lesquelles la convention peut autoriser des dépassements d’honoraires, il clarifie la répartition des compétences entre la loi et la norme conventionnelle et renforce la sécurité juridique du cadre applicable aux praticiens comme aux assurés.

Le présent amendement propose ainsi de conditionner l’exercice en secteur 2 à l’adhésion à l’Optam, selon des modalités précisées par voie conventionnelle et en prévoyant, le cas échéant, une entrée en vigueur progressive (nouveaux installés, puis renouvellement des conventions). Il transforme un dispositif aujourd’hui facultatif et partiellement efficace en un cadre commun de modération des dépassements, plus lisible pour les patients, plus cohérent avec l’objectif constitutionnel d’égal accès aux soins et plus conforme aux recommandations réitérées de la Cour des comptes en matière de maîtrise des dépenses de soins de ville restant à la charge des ménages et de réduction des inégalités d’accès.