Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026
Direction de la Séance
N°1419
17 novembre 2025
(1ère lecture)
(n° 122 , 131 , 126)
AMENDEMENT
| C | |
|---|---|
| G |
présenté par
Mmes SOUYRIS et PONCET MONGE, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 27
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les Agences régionales de santé ou les autorités de tarification peuvent demander qu’un dispositif d’encadrement des loyers régi par le présent article soit mis en place pour les établissements de santé et médico-sociaux.
Sur proposition du demandeur, un décret détermine le périmètre des établissements concernés sur lequel s’applique le dispositif, lorsque l’une des conditions suivantes est réunie :
1° Un écart est constaté entre le loyer versé par l’établissement et la valeur locative du bien ou le loyer moyen pratiqué au niveau national pour les locaux professionnels du sous-groupe VIII « cliniques et établissements du secteur sanitaire et social », défini à l’article 310 Q de l’annexe II du code général des impôts ;
2° Le propriétaire ou le bailleur est pour tout ou partie une personne physique ou morale directement ou indirectement gestionnaire de l’établissement ;
3° La situation financière de l’établissement affiche un résultat déficitaire sur plus de trois années consécutives.
Pour chaque établissement entrant dans le périmètre, le représentant de l’État dans le département fixe, chaque année, par arrêté, un loyer de référence, exprimés par un prix au mètre carré.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités de calcul et de fixation par le représentant de l’État dans le département.
II. – Pour l’application du I, chaque loyer de référence est calculé à partir du loyer médian constaté au niveau national pour les locaux professionnels du sous-groupe VIII « cliniques et établissements du secteur sanitaire et social » , défini à l’article 310 Q de l’annexe II du code général des impôts.
Le montant du loyer de référence est compris entre le montant du loyer médian minoré de 30 % et le montant du loyer médian majoré de 10 %. Ce montant tient compte de la situation géographique de l’établissement et de la valeur locative du bien.
Les compétences attribuées au représentant de l’État dans le département par le présent article sont exercées dans la région d’Ile-de-France par le représentant de l’État dans la région.
III. – A. Dans les établissements où s’applique l’arrêté mentionné au I, une action en diminution de loyer peut être engagée dès l’entrée en vigueur du loyer de référence lorsque le loyer constaté au titre du contrat de bail y est supérieur. Le loyer des bâtiments mis en location est librement fixé entre les parties, dans la limite du loyer de référence, y compris lors d’un renouvellement ou lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail avec un nouveau locataire.
En cas de colocation, le montant de la somme des loyers perçus de l’ensemble des colocataires ne peut être supérieur au montant du loyer applicable pour l’ensemble des bâtiments mis en location en application du présent article.
B. L’une ou l’autre des parties peut proposer un nouveau loyer à son cocontractant. Le montant du loyer de référence pris en compte correspond à celui qui est en vigueur à la date de la proposition émise par l’une des parties. Le nouveau loyer proposé dans le cadre d’une action en réévaluation de loyer est inférieur ou égal au loyer de référence.
La notification d’une proposition d’un nouveau loyer mentionne le montant du loyer ainsi que le loyer de référence ayant servi à le déterminer.
En cas de désaccord ou à défaut de réponse du cocontractant dans les quatre mois, l’une ou l’autre des parties peut saisir le juge. La décision du juge est exécutoire par provision.
À défaut de saisine du juge, le contrat est reconduit de plein droit aux conditions antérieures du loyer.
IV. – Le contrat de location précise le loyer de référence. En cas d’absence dans le contrat de location de cette mention, le locataire peut, dans un délai d’un mois à compter de la prise d’effet du contrat de location, mettre en demeure le bailleur de porter cette information au bail. À défaut de réponse du bailleur dans le délai d’un mois ou en cas de refus de ce dernier, le locataire peut saisir, dans le délai de trois mois à compter de la mise en demeure, la juridiction compétente afin d’obtenir, le cas échéant, la diminution du loyer.
V. – Les contrats de bail qui placent les obligations des charges d’exploitation, des frais d’entretien et des taxes foncières afférant à la propriété à la charge du locataire et non à celle du propriétaire sont interdits pour les établissements de santé et les établissements médico-sociaux.
À compter de la date de promulgation de la présente loi, les parties contractantes ont deux ans pour mettre en conformité leur contrat bail en court si celui-ci contrevient à la présente interdiction.
Tout renouvellement de contrat bail ou tout nouveau contrat bail signé à compter de la promulgation de la même loi doit se conformer à cette interdiction.
VI. – Lorsque le représentant de l’État dans le département constate qu’un contrat de bail ne respecte pas les dispositions du A du III et les dispositions du V, il peut mettre en demeure le bailleur, dans un délai de deux mois, d’une part, de mettre le contrat en conformité avec le présent article et, d’autre part, de procéder à la restitution des loyers trop-perçus. Le bailleur est informé des sanctions qu’il encourt et de la possibilité de présenter, dans un délai d’un mois, ses observations.
Si cette mise en demeure reste infructueuse, le représentant de l’État dans le département peut prononcer une amende à l’encontre du bailleur, dont le montant ne peut excéder l’équivalent de douze mois des loyers perçus par le bailleur, ainsi que des astreintes en vue de la mise en conformité ne pouvant excéder un trentième du loyer perçu par jour de retard. Cette décision est motivée et indique les voies et délais de recours. L’amende est prononcée après que l’intéressé a été mis à même de présenter ses observations.
Le prononcé de l’amende ne fait pas obstacle à ce que le locataire engage une action en diminution de loyer.
Le représentant de l’État dans le département peut, dans les territoires où s’applique l’arrêté mentionné au I, déléguer les attributions qu’il détient en application du présent V, à leur demande, aux Agences régionales de santé ou aux autorités de tarification desdits établissements. L’arrêté de délégation précise les modalités et la durée de celle-ci. Le représentant de l’État dans le département peut y mettre fin dans les mêmes conditions, de sa propre initiative ou à la demande de l’Agence régionale de santé ou de l’autorité de tarification mentionnées ci-avant.
VII. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
Objet
L’immobilier constitue un centre de profit interne pour les entreprises du secteur de la santé et des soins, même si ces entreprises ne disposent ni d’un patrimoine immobilier important ni ne spéculent significativement.
Dans la plupart des cas, il n’est pas possible d’identifier les bénéfices réalisés par la plupart des sociétés d’un groupe qui possèdent des actifs immobiliers, puisqu’elles sont constituées sous forme de Sociétés Civiles Immobilières (SCI) et ne sont ainsi pas tenues de déposer des comptes annuels accessibles au public. Toutefois, s’agissant des sociétés du groupe qui possèdent des biens immobiliers et dont les comptes sont accessibles, il en ressort qu’elles ont enregistré des bénéfices, tandis que les cliniques ou hôpitaux associés qui leur versent des loyers ont enregistré des pertes.
De nombreuses entreprises du secteur de la santé et des soins, y compris dans le secteur public, ont cédé leurs biens immobiliers à des investisseurs dans le contexte d’un marché de l’immobilier de santé en plein essor, afin de financer leur propre expansion et de nouvelles acquisitions. Ces opérations de « sale and leaseback » constituent une option pour financer l’expansion d’une entreprise, toutefois, tout comme l’endettement externe, ces opérations entraînent des coûts pour les cliniques et les hôpitaux : l’obligation de s’acquitter de loyers pendant une longue durée, lesquels sont à régler sur les fonds qu’ils reçoivent, principalement des fonds publics.
En outre, les régimes fiscaux particuliers mis en place par les Gouvernements européens pour encourager de tels investissements privés dans l’immobilier du secteur public permettent à ces fonds d’investissement immobilier de bénéficier de taux d’imposition très bas sur les bénéfices.
Comme sur le reste du marché européen de l’immobilier de santé, les biens immobiliers font généralement l’objet de contrats de bail « triple net » de longue durée, qui placent les obligations (et les risques) des charges d’exploitation, des frais d’entretien et des taxes foncières afférant à la propriété à la charge du locataire et non à celle du propriétaire. Cela signifie que les entreprises paient toutes les charges d’entretien et d’exploitation des immeubles, et que leurs bailleurs n’ont que leurs propres frais d’emprunt et d’administration à déduire de leurs revenus locatifs, ce qui conduit généralement à des marges bénéficiaires très élevées.
Ces fonds privés dans le domaine de l’immobilier de santé réalisent des bénéfices bien plus élevés que leurs locataires : des bénéfices provenant en grande partie du système de sécurité sociale français qui représente la majorité du chiffre d’affaires des entreprises du secteur de la santé et des soins.
Les conséquences de cette situation sont les suivantes :
Une partie des financements publics dédiés, normalement, à assurer une offre de soins et d’accompagnement en quantité et en qualité à la population française est absorbée par la charge que constitue le montant des loyers surévalués et les obligations liées à la nature des baux contractés.
Le montage financier autour de l’immobilier des établissements de santé et médico-sociaux permet de contourner le contrôle des autorités de tarifications sur la « surcompensation » (notamment en mettant artificiellement les établissements en déficit), donc d’échapper à la réversion d’une partie des bénéfices générés par les activités de soin aux comptes publics, ou de soustraire tout ou partie de ces bénéfices à l’impôt ;
Les opérations de « sale and leaseback » permettent de dégager des marges de manœuvre à court terme en vue soit d’une expansion externe, soit d’un refinancement de l’endettement, mais grèvent à long terme, pour les opérateurs de santé, leur capacité d’investissement dans l’outil de travail existant et donc celle à maintenir l’offre de soins.
Ainsi, le financement des établissements de santé ou médico-sociaux étant assuré très majoritairement par des fonds publics, les charges liées à l’immobilier de ces établissements pèsent directement sur les comptes publics. Il est donc nécessaire de mettre en place :
Un dispositif de contrôle et de régulation des loyers versés afin de prévenir et de remédier à tout abus représentant une charge anormale ;
L’interdiction des contrats de bail qui font peser les obligations des charges d’exploitation, des frais d’entretien et des taxes foncières afférant à la propriété sur le locataire (et donc sur les comptes publics) et qui encouragent les opérations de « sale and leaseback ».
Cet amendement a été proposé par la CFDT Santé-Sociaux.