Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°1607

17 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  
En attente de recevabilité financière

présenté par

Mmes SOUYRIS et PONCET MONGE, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 20

Après l'article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l'article L. 221-1-4 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une section du fonds retrace également les actions en milieu pénitentiaire. »

Objet

La prévalence des addictions en détention est nettement supérieure à celle observée en milieu ouvert. Un tiers des personnes entrant en prison présente une problématique addictive hors tabac, et la quasi-totalité continue à consommer d’une manière ou d’une autre en détention. Selon une étude menée en 2017 à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, près de 60 % des consommateurs de produits illicites hors cannabis auraient recours à l’inhalation et 30 % à l’injection. L’enquête ESSPRI, réalisée en 2023, a mis en évidence la part importante de consommateurs de substances en détention, que ce soit le cannabis (49 % des détenus interrogés déclarent en avoir fumé au cours de leur détention), ou d’autres drogues (13 % déclarent avoir consommé de la cocaïne et 5,1 % de l’héroïne au cours de leur détention). Enfin, et selon cette même enquête, 4 détenus sur 100 rapportent avoir eu recours à l’injection d’une substance au moins une fois depuis leur incarcération. Dans un contexte où le matériel stérile d’inhalation ou d’injection n’est pas disponible, la prévalence du VIH et des hépatites virales y est de six à dix fois plus élevée que dans la population générale.

La loi du 26 janvier 2016 a pourtant étendu le principe d’équivalence des soins entre milieu ouvert et milieu fermé à la réduction des risques et des dommages. Bientôt 10 ans après, cette obligation reste très inégalement appliquée selon les établissements, ce qui crée de fortes disparités territoriales et une absence de pilotage national clair. La mise en œuvre de ces actions en milieu carcéral demeure largement insuffisante.

Les associations spécialisées et les acteurs de terrain soulignent que les dispositifs de réduction des risques prévus par la loi sont largement absents en détention et que leur existence dépend trop souvent de la volonté locale d’un établissement ou de la mobilisation ponctuelle d’équipes sanitaires. Là où des actions sont menées, comme dans certains territoires pilotes, elles démontrent pourtant leur utilité sanitaire et sociale.

Le Gouvernement a esquissé des orientations sur ce sujet. La feuille de route « Santé pour les personnes placées sous main de justice » , présenté au printemps 2025, appelle à inclure l’ensemble des enjeux des conduites addictives (avec substance et sans substances) et à proposer une démarche complète dans un continuum allant de la prévention aux soins/accompagnement en passant par une réduction des risques et des dommages, adaptée aux spécificités et aux contraintes du milieu carcéral.

Dans le même sens, l’appel à projets 2025 du fonds de lutte contre les addictions mentionnait explicitement les personnes placées sous main de justice comme un public prioritaire, confirmant la nécessité de soutenir des interventions en détention.

Créé par la LFSS pour 2019 et rattaché à la CNAM, le fonds de lutte contre les addictions soutient des actions locales, nationales et internationales ainsi que leur évaluation. Pourtant, les interventions en milieu pénitentiaire restent trop marginales, insuffisamment identifiées et rarement pilotées dans un cadre cohérent.

Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de mieux identifier et structurer les actions de réduction des risques conduites en milieu pénitentiaire. Cet amendement vise ainsi à prévoir que le fonds de lutte contre les addictions comporte une section dédiée retraçant ces actions. Sans créer de charge nouvelle, cette clarification permet d’en renforcer la visibilité, le suivi et la coordination, afin que la politique nationale de réduction des risques ne laisse plus de côté les personnes détenues, conformément à la loi de 2016 et aux orientations de la stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives.