Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°1641

17 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mme HARRIBEY, M. GILLÉ, Mme LE HOUEROU, M. KANNER, Mmes CANALÈS, CONCONNE et FÉRET, MM. FICHET et JOMIER, Mmes LUBIN, POUMIROL, ROSSIGNOL, ARTIGALAS et BÉLIM, MM. CARDON, CHAILLOU et CHANTREL, Mme CONWAY-MOURET, M. DARRAS, Mme ESPAGNAC, MM. FÉRAUD, JACQUIN et Patrice JOLY, Mme LINKENHELD, MM. LUREL, MARIE, MÉRILLOU et MICHAU, Mme MONIER, MM. MONTAUGÉ, PLA et REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, MM. ROIRON, ROS, TISSOT, UZENAT, Mickaël VALLET, ZIANE

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 12

Après l’article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la quatrième phrase du premier alinéa du 1 de l’article 231 du code général des impôts, après le mot : « groupements, » , sont insérés les mots : « des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes constitués sous la forme d’un établissement public autonome, ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Objet

La situation financière et humaine des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) constitue une crise silencieuse mais majeure de notre système de solidarité. Les difficultés qu’ils traversent sont aujourd’hui connues, documentées et partagées par l’ensemble des acteurs de terrain. Élus locaux, directions, personnels, familles et résidents ; tous font face à une dégradation rapide et continue des conditions d’accueil et de fonctionnement, plaçant nombre d’établissements au bord de la rupture.

Dans ce contexte déjà critique, une inégalité fiscale injustifiée frappe les EHPAD publics autonomes. Contrairement aux EHPAD publics territoriaux, qui en sont exonérés, les EHPAD publics autonomes sont assujettis à la taxe sur les salaires. Ces derniers ne peuvent en être exonérés en raison de leur statut juridique (ils sont dotés de la personnalité morale) alors qu’ils ont les mêmes obligations en matière comptable, la même gouvernance, les mêmes conditions de tarification et de contrôle de gestion, les mêmes règles sociales pour le personnel et la même réglementation en matière de marché public. Cette distinction repose donc sur un critère purement formel, déconnecté des réalités économiques des EHPAD publics autonomes : la taxe sur les salaires représente environ 300 000 € par an pour un établissement de 100 places, soit l’équivalent de 8 € ajoutés au prix de journée moyen, ou 12 % de ce prix de journée moyen.

La jurisprudence du Conseil d’État du 7 avril 20232, en considérant que ces établissements n’étaient pas assujettis à la TVA, a confirmé de manière implicite leur assujettissement à la taxe sur les salaires. Mais cette clarification juridique ne doit pas se traduire par une injustice fiscale dans la mesure où le maintien de cette taxe représente une inégalité insoutenable. Il s’agit donc de corriger cette incohérence et non de créer une nouvelle niche fiscale.

À cette importante charge fiscale s’ajoute l’augmentation des coûts de l’énergie, de l’alimentation et des charges de personnel, qui pèse lourdement sur ces structures, en particulier les EHPAD publics dont les ressources sont plafonnées et administrées via des conventions et des financements publics. Bien qu’essentielles, les hausses tarifaires votées par les conseils départementaux ne suffisent plus à couvrir les charges croissantes, qui limitent de fait la capacité d’autofinancement des EHPAD publics. Selon un rapport d’information du Sénat sur la situation des EHPAD, 66 % d’entre eux sont en déficit, dont 85 % des EHPAD publics, contre seulement 27 % en 2020. Cette évolution alarmante traduit un effondrement du modèle économique actuel. La plupart des établissements sont désormais en difficulté de trésorerie, incapables d’honorer les paiements aux fournisseurs, de financer les primes de leurs agents ou de maintenir un encadrement humain suffisant. La qualité de vie des résidents en est directement affectée.

En Gironde, cette crise se manifeste avec une acuité particulière. À Marcheprime, l’EHPAD La Mémoire des Ails ne parvient à maintenir son activité qu’avec une aide exceptionnelle de l’Agence Régionale de Santé, non reconductible, et est contraint de puiser dans son fonds de roulement. À Créon, l’établissement connaît une explosion de ses charges malgré des efforts de gestion exemplaires puisqu’ils ont réduit leurs dépenses et renégocié leurs contrats d’assurance.

Ces EHPAD publics autonomes subissent un effet ciseaux défavorable car dans les faits, il leur est impossible d’augmenter leurs tarifs. Toute hausse des prix serait directement répercutée sur les familles, ce qui serait inacceptable au regard du principe d’égalité d’accès du service public.

Il revient donc au législateur de corriger rapidement cette situation en agissant de manière ciblée, avant d’engager éventuellement une réflexion concernant le fléchage des dotations allouées. La présente proposition de loi vise ainsi à exonérer explicitement les EHPAD publics autonomes de la taxe sur les salaires, en alignant leur régime fiscal sur celui des EHPAD publics territoriaux. Cette mesure de justice et de cohérence contribuerait à restaurer la soutenabilité financière d’un service public essentiel, à renforcer l’égalité de traitement entre structures similaires et à garantir l’accompagnement digne des personnes âgées dépendantes dans les territoires.