Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°1694

17 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

M. MÉRILLOU, Mme LE HOUEROU, M. KANNER, Mmes CANALÈS, CONCONNE et FÉRET, MM. FICHET et JOMIER, Mmes LUBIN, POUMIROL, ROSSIGNOL, ARTIGALAS et BÉLIM, MM. CARDON, CHAILLOU et CHANTREL, Mme CONWAY-MOURET, M. DARRAS, Mme ESPAGNAC, MM. FÉRAUD et GILLÉ, Mme HARRIBEY, MM. JACQUIN et Patrice JOLY, Mme LINKENHELD, MM. LUREL, MARIE et MICHAU, Mme MONIER, MM. MONTAUGÉ, PLA et REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, MM. ROIRON, ROS, TISSOT, UZENAT, Mickaël VALLET, ZIANE

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 10

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 138-10-... ainsi rédigé :

« Art. L. 138-10-.... – I. – Il est institué une taxe à la charge des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques mentionnées à l’article L. 5121-8 du code de la santé publique, lorsque ces spécialités retardent l’entrée effective sur le marché d’un médicament générique plus de douze mois après la date d’expiration du brevet initial ou du certificat complémentaire de protection.

« II. – Sont réputées constituer un retard injustifié, au sens du présent article, les pratiques consistant à maintenir artificiellement l’exclusivité commerciale d’un médicament par :

1° Le dépôt d’un ou plusieurs brevets portant sur des formes galéniques, dosages, associations de principes actifs ou procédés n’apportant pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V) ;

2° Ou toute action judiciaire ou administrative manifestement dilatoire visant à empêcher ou retarder l’autorisation de mise sur le marché d’un générique équivalent.

« III. – Le taux de la taxe est fixé à 3 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au titre des ventes de la spécialité concernée sur l’exercice au cours duquel le retard est constaté. Ce taux peut être porté à 5 % en cas de récidive dans un délai de cinq ans.

« IV. – Le produit de la taxe est recouvré et contrôlé selon les mêmes règles, sous les mêmes garanties, privilèges et sanctions que la taxe mentionnée à l’article L. 138-10.

« V. – Le produit de la taxe est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie et inscrit en recettes du régime général.

« VI. - Un décret prévoit les modalités d’application du présent article. »

Objet

Les pratiques dites d’« evergreening » consistent, pour certains laboratoires pharmaceutiques, à prolonger artificiellement la durée d’exclusivité commerciale de médicaments arrivés en fin de brevet, en déposant de nouveaux brevets portant sur des variantes non innovantes (formes à libération modifiée, dosages, combinaisons, etc.).

Ces stratégies entraînent un retard d’accès aux génériques, générant des surcoûts importants pour l’Assurance Maladie — estimés à plus de 500 millions d’euros par an selon la Caisse nationale d’assurance maladie.

Parmi les exemples récents, nous pouvons ainsi citer :

●     Le Clopidogrel (Plavix®, Sanofi), dont le brevet expirait en 2009, a vu sa version combinée à l’aspirine (DuoPlavin®) protégée jusqu'en 2020, retardant l'entrée du générique et maintenant artificiellement un prix élevé.

●     Le médicament Ibiron® 1 000 mg (Biogaran) est une forme d’acétate d’abiratérone (déjà disponible en générique à 500 mg) indiquée dans les cancers de la prostate métastatiques. Bien qu’équivalent en termes d’efficacité clinique, Ibiron est vendu 299 € plus cher par boîte que la version générique (soit environ 3 588 € de surcoût par patient et par an). Le basculement massif des prescriptions vers Ibiron a généré un surcoût estimé entre 9 et 20 millions d’euros par an pour l’Assurance Maladie, sans aucun bénéfice clinique identifié (ASMR V).

Cet amendement vise à instaurer une taxe dissuasive, applicable aux spécialités retardant l’entrée de leur générique au-delà de 12 mois après expiration du brevet, en l’absence d’innovation thérapeutique avérée.

Le dispositif, ne portant pas atteinte à la liberté d’innovation, incite les laboratoires à concentrer leurs efforts sur les médicaments véritablement innovants, tout en garantissant la soutenabilité financière du système de santé. Il permet d’éviter des économies sur les génériques affectant le réseau officinal français, et notamment les pharmacies rurales qui sont particulièrement affectées par les économies qui ont été envisagées.