Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026
Direction de la Séance
N°1780
17 novembre 2025
(1ère lecture)
(n° 122 , 131 , 126)
AMENDEMENT
| C | |
|---|---|
| G |
présenté par
Mmes SOUYRIS et PONCET MONGE, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 35
Après l’article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 162-17-4-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) Après la première occurrence du mot : « santé » , sont insérés les mots : « l’état de la propriété intellectuelle, les éventuelles opérations de rachat ou de fusion d’entreprises, la liste des structures de recherche publiques et privées impliquées dans la découverte du principe actif et l’origine de leur financement et » ;
b) Après le mot : « publics » , sont insérés les mots : « directs et indirects » ;
c) Après la seconde occurrence du mot : « développement » , sont insérés les mots : « de chacun » ;
2° Il est complété par quatre phrases ainsi rédigées : « Les entreprises mettent également à la disposition du comité économique des produits de santé le montant de leurs dépenses annuelles en recherche et développement, le montant de leurs dépenses annuelles liées à la promotion des médicaments qu’elles exploitent ainsi que les informations relatives aux prix pratiqués, aux conditions de remboursement et aux volumes de ventes constatés dans les autres pays européens. Ces données sont rendues publiques dans le rapport annuel du comité économique des produits de santé. Les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 20 milliards d’euros sont sanctionnées à hauteur de 0,5 % de leur chiffre d’affaires en cas de défaut de déclaration du montant des investissements publics de recherche et développement dont elles ont bénéficié pour le développement des médicaments. Le produit de la pénalité est affecté à la caisse nationale de l’assurance maladie. »
Objet
La principale justification avancée par les industriels pour expliquer le prix élevé des médicaments repose sur le coût prétendument très important de la recherche et du développement (R&D) nécessaires à la mise au point d’un nouveau produit. Or, ce lien entre le coût de la R&D et le prix de vente n’est nullement établi et tend à occulter le rôle déterminant joué par la recherche publique. Plusieurs institutions et publications de référence, telles que l’Organisation mondiale de la santé ou encore la revue scientifique et médicale internationale BMJ (ex-British Medical Journal), remettent d’ailleurs en cause la validité de cet argument.
La revue Prescrire, sur la base d’une analyse approfondie de la littérature scientifique, rappelle qu’une part substantielle des dépenses de R&D provient en réalité de financements publics, notamment pour la recherche fondamentale, c’est-à-dire dans les phases où le risque scientifique et économique est le plus élevé. L’exemple du Zolgensma, médicament dont le prix atteint deux millions d’euros par enfant et commercialisé par Novartis, illustre parfaitement cette situation : les recherches fondamentales ayant permis son développement ont été financées par le CNRS, l’INSERM et, pour partie, par l’AFM-Téléthon.
Cependant, l’opacité entourant la formation du prix des médicaments et ses déterminants rend presque impossible la distinction entre les investissements publics et privés intervenus dans le développement d’une molécule. Sous couvert d’un usage extensif du secret industriel, il demeure aujourd’hui impossible de connaître la répartition réelle, par rapport au prix, des coûts entre recherche, essais cliniques, mise sur le marché, marketing et financement public.
La LFSS pour 2021 avait amorcé une démarche de transparence en imposant aux laboratoires pharmaceutiques une déclaration des financements publics reçus auprès du CEPS. Mais cette obligation a été largement contournée : pour 2023, seules deux entreprises ont effectué une déclaration, pour un montant dérisoire de 1,4 million d’euros. On se demande alors où passe le crédit impôt recherche dont bénéficient les industriels du médicament, et s’il n’y aurait pas un non-respect de l’esprit de la loi.
Le présent amendement vise à instaurer une transparence effective sur les montants des investissements publics en matière de recherche et de développement (R&D) bénéficiant aux entreprises pharmaceutiques pour la mise au point de nouveaux médicaments. Il vient ainsi renforcer et rendre opérantes les dispositions de transparence introduites dans le cadre du PLFSS 2021.
La première modification proposée consiste à permettre l’accès à l’information sur la généalogie des molécules, grâce à l’obligation pour les industriels de déclarer les rachats de brevets ou d’entreprises ayant permis d’obtenir les droits de commercialisation d’un médicament. Ce dispositif permettrait d’inclure dans le champ de la transparence l’ensemble des investissements publics ayant bénéficié aux différents acteurs impliqués tout au long du processus de R&D.
La deuxième modification vise à préciser la nature des investissements publics à déclarer, en y intégrant les soutiens indirects tels que les exonérations fiscales ou sociales. Des dispositifs comme le Crédit d’impôt recherche (CIR), le Crédit d’impôt innovation (CII) ou le statut de Jeune entreprise innovante (JEI) représentent en effet une part majeure de l’effort public de soutien à la recherche et à l’innovation.
La troisième modification tend à ce que ces données soient recueillies médicament par médicament, afin d’adapter le format d’information aux négociations de prix menées pour chaque produit. Elle permettrait également de suivre les financements sur l’ensemble du cycle de développement d’un médicament, et non sur la seule base de données agrégées par entreprise pour l’année écoulée. Cette granularité des données est indispensable à une transparence réelle et utile à la régulation.
Enfin, il est proposé que les laboratoires transmettent également des informations sur les coûts de R& ;D, les dépenses de marketing, les bénéfices réalisés et les prix pratiqués dans d’autres pays.
Cette initiative s’inscrit dans la continuité des engagements pris par la France à l’Assemblée mondiale de la santé, à travers la résolution sur la transparence des marchés du médicament. Elle répond à un impératif de compréhension, de contrôle démocratique et d’équité dans l’usage des financements publics sur la santé.
Tel est l’objet du présent amendement, inspiré des propositions d’Action Santé Mondiale, d’AIDES, de Médecins du Monde et de l’UAEM.