Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°902

16 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 8

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est supprimé.

Objet

Selon la Cour des comptes, l’ensemble des dispositifs de partage de la valeur (intéressement, participation, PEE et PPV) font l’objet d’une exemption d’assiette insuffisamment compensée du fait de l’abaissement volontaire des forfaits sociaux pour nombre de ces dispositifs, contribuant ainsi à grever les recettes de la Sécurité sociale. Selon la Cour : « Les taux ont été récemment réduits pour renforcer l’attractivité des dispositifs exemptés, ce qui a conduit à un tassement de leur rendement (…) Le taux de la contribution de l’employeur sur les attributions gratuites d’actions a été diminué de 30 % en 2017 à 20 % en 2018. Le taux du forfait social sur la participation et sur l’intéressement a été réduit de 20 % à 16 % (…) Le forfait social a été supprimé pour la Participation dans les entreprises de moins de 50 salariés, pour l’intéressement dans celles de moins de 250 salariés et pour les abondements volontaires des employeurs au plan d’épargne entreprise en 2021-2023 (…) En conséquence, le taux de compensation des pertes de recettes de la Sécurité sociale a baissé de 43,5 % en 2018 à 35,6 % en 2023. (…) la Sécurité sociale ne récupère qu’à peine plus du tiers du manque à gagner qu’elle subit du fait des exemptions sur les compléments de salaire. ».

Au total, les pertes de recettes relatives aux compléments de salaires exonérés et non compensés s’élèvent, selon la Cour, à près de 19 milliards en 2023, en augmentation de 8 milliards entre 2018 et 2022, tandis que le déficit de la Sécurité sociale augmentait de 6 milliards dans le même temps.

Ces dispositifs grèvent d’autant les recettes que la plupart ont un effet substitutif à l’augmentation des salaires qui a maintes fois été documenté. Cela est souligné dans l’Annexe 4 du présent PLFSS, mais cela a été également démontré par le CAE en 2023, qui indiquait qu’à part la Participation, « la plupart des autres mécanismes de partage de la valeur (intéressement, PPV) semblent conduire à d’importants effets de substitution. ».

Parmi l’ensemble des dispositifs d’actionnariats et d’épargne salariale, l’intéressement prend donc une place particulière du fait de son effet substitutif avéré et d’une législation plus qu’accommodante en ce qui concerne son assujettissement aux taxes compensatoires.

Ainsi, la LFSS 2019 a supprimé le forfait social sur l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés, accentuant l’effet substitutif et grevant les comptes sociaux en augmentant la perte de recettes. Cela est d’autant plus vrai que la LFSS 2019 n’a pas prévu de dispositifs de compensation particuliers en instaurant une dérogation à la loi Veil (article 131-7 du code de la Sécurité sociale) : « Le projet de loi fait application de ce principe, qui conduit à faire une exception à l’article L. 131-7 du code de la Sécurité sociale pour les pertes de recettes consécutives à l’exonération de cotisations salariales au titre des heures supplémentaires, à l’exonération de forfait social au titre de l’intéressement dans les petites et moyennes entreprises et des mesures en faveur de la participation prévue par la loi relative au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (dite loi » PACTE « ), (…) à l’application des réductions de cotisations d’allocations familiales et d’assurance maladie dans les régimes spéciaux. ».

Si la LFSS de 2019 prévoyait, au départ, de compenser certaines des dispositions évoquées par des transferts (comme par exemple des transferts depuis la branche famille pour compenser l’exonération non compensée sur les heures supplémentaires sans qu’elle n’ait pour autant été mise en œuvre), la LFSS n’en prévoit aucun pour compenser les dispositions sur l’intéressement et admet que les comptes de la branche vieillesse s’en trouveront affectés : « Afin de compenser à cette branche le coût de l’exonération des cotisations au titre des heures supplémentaires et complémentaires et de préserver ses recettes l’assurance vieillesse bénéficiera en contrepartie de l’affectation de ressources aujourd’hui affectées à la branche famille. Les recettes de la branche vieillesse seront toutefois affectées par la réduction du forfait social sur l’intéressement et la participation. »

Une telle diminution des recettes sans plus de compensation ne semble pas correspondre aux principes fondamentaux d’équilibre des comptes sociaux.

C’est la raison pour laquelle l’exemption sans compensation sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés fut vivement critiquée. En l’occurrence, le rapport de la Cour des comptes sur les niches sociales en 2024 préconise un alignement de l’ensemble des dispositifs d’épargne salariale vers le même forfait social.

Un récent rapport du CPO préconise également « une hausse du forfait social sur les dispositifs d’intéressement et de participation et les dispositifs de protection sociale complémentaire rapprocherait leur taux d’imposition du droit commun » , ce qui suppose de mettre fin à l’exonération pour les primes d’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés.

En conséquence, le présent amendement propose de revenir sur les dispositions prises sans compensation lors de la LFSS 2019 et d’assujettir les primes d’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés.

Dans leur rapport Pour un redressement durable de la Sécurité sociale, les trois hauts conseils estiment la perte de recette due aux dispositions de la LFSS 2019 sur l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés, et donc les gains potentiels d’une telle mesure, à 0,5 Md €.