Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°924

16 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 11 SEPTIES

Après l’article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 242-7 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des cotisations supplémentaires sont en particulier imposées aux entreprises donneuses d’ordre lorsqu’une entreprise sous-traitante dépasse un taux de sinistralité fixé par décret. »

Objet

Selon les chercheurs Nicolas Dufour, Caroline Diard et Abdel Bencheikh, entre 2009 et 2017, la France est passée de 557 morts au travail à 585, soit 28 décès supplémentaires, alors que, sur la même période, soit de 2009 à 2017, le nombre de morts au travail baissait dans toute l’Union européenne, passant en Italie de 703 morts à 484, en Autriche de 159 à 96, aux Pays-Bas de 88 à 43, en Allemagne de 489 à 430 et enfin de 213 à 140 au Portugal.

Selon les chercheurs « la France est le seul pays qui a vu le nombre de décès s’accroître entre 2009 et 2017, passant de 2,17 décès pour 100 000 travailleurs à 2,64 pour 100 000, soit une augmentation de 22 % en huit ans. ». En comparaison, « les Pays-Bas dont le taux de décès est déjà faible à l’origine, ont réussi à le réduire de 45 % en huit ans en passant de 1,07 à 0,59 décès par 100 000 travailleurs. Ils sont l’exemple par excellence de l’objectif zéro mort au travail » de l’Union européenne en 2030.

Selon les dernières prévisions Eurostat, la France n’atteindra jamais l’objectif de zéro mort au travail d’ici 2030 avec cette tendance. Sans même évoquer les décès, le taux d’incidence des AT (nouveaux cas chaque année) en France reste très élevé. Ainsi, selon les chercheurs cités plus haut « le taux d’incidence en France était en 2009 de 1887 accidents pour 100 000 travailleurs et, en 2017 il a atteint 3396 accidents par 100 000 travailleurs ». Ce taux d’incidence est le plus élevé d’Europe, ce que confirme aussi l’agence Eurostat.

En 2023, le dernier rapport annuel de l’Assurance Maladie – Risques professionnels sorti en 2024, évoquait encore « 759 décès parmi les AT reconnus et survenus avant consolidation, soit 21 de plus qu’en 2022 » auxquels doivent s’ajouter les décès consécutifs à des accidents de trajet et en MP, portant le total, tous sinistres confondus à 1287 décès en 2023, 60 décès en plus par rapport à 2022. En 2024, ce sont 810 morts au travail soit 51 morts de plus qu’en 2023 !

Or, les accidents du travail surviennent majoritairement au sein des activités de la santé, du nettoyage et du travail temporaire (29 % des AT en 2022) où la sous-traitance est importante. De fait, selon une étude de la DARES en 2023 sur l’exposition aux AT des salariés des entreprises sous-traitantes, les salariés des entreprises sous-traitantes sont surexposés aux risques professionnels, physiques et organisationnels : « Quand un établissement du secteur privé non agricole est en situation de sous-traitance pour un donneur d’ordres, ses salariés sont davantage exposés à certains risques physiques et organisationnels. Même une fois pris en compte ce surcroît d’expositions, le risque d’accidents du travail est plus important chez les sous-traitants. Les établissements qui recourent à l’intérim se distinguent également par des expositions professionnelles plus importantes, non seulement pour les intérimaires, mais aussi pour leurs salariés employés en propre. Pour ces salariés en situation de coactivité avec des intérimaires, le risque d’accidents du travail est majoré, au-delà même de ce que laisse prévoir ce surcroît d’expositions. ».

Selon l’étude, dans les établissements qui ne travaillent pas pour un donneur d’ordres en 2019, le taux moyen d’accidents reconnus par la Caisse nationale d’assurance maladie en 2018-2019 est de 2,9 %, alors qu’il est de 5,5 % lorsque la part du chiffre d’affaires comme preneur d’ordres est entre 10 % et 49 %. L’étendue des risques est d’autant plus importante que, selon la DARES dans une autre étude de 2023, près de 43 % des salariés font partie d’une chaîne de sous-traitance en France et 27 % travaillent dans un établissement preneur d’ordres. La part des preneurs d’ordre est particulièrement importante dans les petites entreprises et dans le secteur accidentogène de la construction.

Toutes ces données démontrent l’importance d’une responsabilisation des entreprises donneuses d’ordre, tant les entreprises ayant recours à la sous-traitance se déresponsabilisent souvent des accidents du travail ou des maladies professionnelles chez leur sous-traitants voire externalisent les risques.

Pour sensibiliser les entreprises donneuses d’ordre à mieux prévenir les accidents du travail chez leurs sous-traitants, cet amendement propose que les cotisations au titre des AT et des maladies professionnelles soient augmentées pour les donneurs d’ordre quand leurs sous-traitants présentant un taux de sinistralité important fixé par décret. Il s’agit soit de désinciter ce recours, soit de mieux protéger les salariés sous ce régime. Tout en tenant compte de la sinistralité élevée en France, « championne » d’Europe des accidents du travail.