Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026
Direction de la Séance
N°947
16 novembre 2025
(1ère lecture)
(n° 122 , 131 , 126)
AMENDEMENT
| C | |
|---|---|
| G |
présenté par
Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 39
Après l’article 39
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant la possibilité de créer un tableau spécial énumérant les pathologies psychiques relevant de l’épuisement professionnel et les conditions dans lesquelles elles sont présumées avoir une origine professionnelle lorsque les victimes ont été exposées d’une façon habituelle à des facteurs limitativement énumérés par ce tableau.
Objet
Le présent amendement vise à inscrire les pathologies psychiques liées à l’épuisement professionnel au tableau des maladies professionnelles, afin de garantir leur meilleure reconnaissance et indemnisation.
Aujourd’hui en France, seuls 200 à 300 cas d’épuisement professionnel sont reconnus chaque année comme maladies professionnelles. À titre de comparaison, la Belgique, qui a intégré les risques psychosociaux dans ses tableaux officiels, a enregistré en 2014 près de 83 155 cas d’invalidité liés à des pathologies psychiques. Rapporté à la population française, cela représenterait plus de 400 000 cas potentiellement reconnus chaque année.
Pourtant, le burn-out prend de plus en plus d’ampleur et s’impose comme l’une des premières raisons d’arrêts maladie. Selon l’institut de veille sanitaire, 480 000 salariés seraient en souffrance psychique au travail, dont 7 % en burn-out, soit 30 000 personnes.
Un chiffre qui semble cependant en deçà de la réalité. Selon le chercheur Thierry Rousseau de l’ANACT, « Le burn-out est également difficile à quantifier, car c’est à la fois un enjeu financier, mais aussi un enjeu de reconnaissance : au début des années 2000 ce n’était pas vraiment reconnu, il a fallu des médecins du travail, l’Anact, l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité), des interventions en entreprise, mais aussi des suicides pour montrer que, dans certains cas, le travail pouvait être tellement vécu comme de la souffrance, qu’il pouvait mener au suicide ou à des formes de décompensation ».
Et en constante augmentation, puisque, selon Santé Publique France dans une étude de 2024, la souffrance psychique liée au travail concerne 5,9 % des femmes et 2,7 % des hommes en 2019, soit le double par rapport à 2007. Un sondage récent d’Opinion Way en 2025 indique que 45 % des 2030 salariés représentatifs interrogés sont en situation de souffrance psychologique au travail, en hausse de 3 % sur un an, et 13 % font face à une détresse psychologique élevée.
Enfin les jeunes actifs semblent particulièrement impactés, puisque, selon le baromètre Malakoff Humanis, les troubles psychologiques (dépression, anxiété, stress, épuisement professionnel, troubles alimentaires,) sont le 2e motif d’arrêt chez les moins de 30 ans, après les maladies ordinaires : 39 % des arrêts de travail des jeunes de 18-29 ans concernent la santé mentale en 2024.
Ainsi, si les pathologies psychiques provoquées par le travail sont documentées et en augmentation depuis longtemps, leur reconnaissance n’est aujourd’hui possible qu’ « hors tableau » , par le biais des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Ce parcours complexe, souvent qualifié de « parcours du combattant » , décourage la plupart des victimes, déjà fragilisées par leur état. La création d’un tableau spécifique permettrait d’établir une présomption d’imputabilité entre l’organisation du travail et ces pathologies.
En l’état actuel, le salarié déclaré « inapte » à la suite d’un épuisement professionnel ne perçoit qu’une indemnisation chômage. Si la maladie était reconnue comme professionnelle, il bénéficierait de la prise en charge intégrale des soins ; du versement d’indemnités journalières spécifiques ; d’une rente proportionnelle au dommage subi ; et d’une protection contre le licenciement.
Enfin, alors que la santé mentale a été érigée en grande cause nationale pour 2025, il est impératif que l’action publique soit à la hauteur des engagements proclamés. Cette reconnaissance législative concrète serait un signal fort.