Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°950

16 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 , 131 , 126)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE 39

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Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, en tenant compte de la trajectoire professionnelle, des différences d’exposition, de symptomatologie et de parcours de soins selon le sexe des travailleurs concernés

Objet

Le présent amendement vise à introduire, dans les modalités générales d’établissement du diagnostic des maladies professionnelles prévues à l’article L. 461-1 du code de la Sécurité sociale, la prise en compte des différences d’exposition et de parcours de soins selon le genre des travailleurs.

Selon la Cour des comptes, dans une enquête sortie en octobre 2025, sur la reconnaissance des maladies professionnelles depuis 2020, couvrant le régime général, le régime agricole et la fonction publique, les corrélations entre les maladies professionnelles et le métier, l’âge et le sexe, devraient être étudiées de manière plus approfondie.

Selon la Cour : « Dans une perspective de gestion du risque et d’orientation des politiques de prévention, il serait utile que la Cnam conduise d’autres analyses approfondies, prenant en compte le genre, la profession et le secteur d’activité pour mieux mettre en relation les maladies professionnelles, d’une part, et les risques professionnels auxquels les hommes et les femmes sont exposés dans le secteur privé, d’autre part. ». La Cour dévoile en effet que la procédure actuelle par les tableaux ne permet pas de prendre correctement en compte les trajectoires professionnelles des femmes et amenait ainsi plus systématiquement à un refus de reconnaissance de leur maladie professionnelle : « À l’examen du processus de reconnaissance, il s’avère que la moitié (51 %) des victimes suivies par le groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle et environnementale dans le Vaucluse (Giscope 84) ont été orientées vers une déclaration de maladie professionnelle, avec un accompagnement social. À chaque étape, le Giscope 84 a constaté que les femmes obtenaient plus difficilement une reconnaissance de leur maladie professionnelle que les hommes. Un constat identique a été fait par le groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle en Seine-Saint-Denis (Giscop 93), qui a étudié le parcours de 1 290 patients atteints de cancers des voies urinaires grâce à des entretiens. Parmi eux, 78 % des hommes et 46 % des femmes ayant fait une déclaration de maladie professionnelle ont obtenu la reconnaissance de l’origine professionnelle de leur pathologie. (…) La consultation de victimes par la Cour semble également faire apparaître une corrélation entre le genre de la victime et la modalité d’obtention (via un tableau ou via le système complémentaire) de la reconnaissance de sa pathologie comme maladie professionnelle, le taux de refus apparaissant plus élevé pour les pathologies présentées par des femmes au titre de la procédure des tableaux. ».

Cela est notamment dû au fait que « Les tableaux de maladies professionnelles existants ne permettent pas de reconnaître les pathologies liées à des expositions multiples successives ou simultanées à des facteurs de risques différents, car ils sont conçus selon le principe d’une exposition pendant au moins dix ans à une seule nuisance, correspondant à un métier. Or, de nombreuses trajectoires professionnelles sont fractionnées, avec de multiples changements de poste et d’employeurs, voire de l’emploi intermittent, notamment chez les femmes, multipliant ainsi les expositions diverses. ».

Selon un rapport du Sénat en 2022, les risques professionnels restent sous-estimés et méconnus chez les femmes : « Les femmes et les risques auxquels elles sont exposées au cours de leur parcours professionnel sont encore bien trop souvent invisibles. Elles pâtissent d’un double phénomène : – d’une part, une minimisation de leur charge de travail, de la pénibilité de leurs tâches, des risques plus silencieux auxquels elles font face, ainsi que des difficultés et de la précarité de leurs conditions de travail ; – d’autre part, d’une méconnaissance des risques auxquels elles sont exposées, différents de ceux de leurs homologues masculins, en raison principalement d’une ségrégation professionnelle persistante. ». Concernant la ségrégation professionnelle, les métiers féminins sont par exemple particulièrement exposés à des agents chimiques. Ainsi, le Giscop 93 a mis en évidence une combinaison d’expositions à des agents biologiques et à des polluants organiques liés à des activités de soin ou de nettoyage, dans lesquelles les femmes sont beaucoup plus représentées que les hommes. De son côté le Giscop 84 a mis en évidence l’utilisation de sept agents cancérogènes dans les produits de nettoyage ainsi qu’une exposition à l’amiante soulevée par les brosses de nettoyage.

Et, même au sein de catégories socioprofessionnelles identiques exposées à des risques similaires, les femmes développent des maladies spécifiques qui doivent être correctement prises en compte. Ainsi, selon une étude de 2018 de l’INSERM, si le travail de nuit augmente les risques de contracter un cancer colorectal et de la prostate, « le risque de cancer du sein augmente de 26 % en cas de travail de nuit chez les femmes non ménopausées ».

Ainsi, l’article 39 du présent projet de loi renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des modalités générales d’établissement du diagnostic des maladies professionnelles.

Le présent amendement prend acte du fait que les femmes et les hommes ne sont pas exposés aux mêmes risques professionnels, que des risques similaires peuvent provoquer des pathologies spécifiques et que les tableaux actuels ne permettent pas non plus de prendre en compte les trajectoires professionnelles hachées des femmes.

En conséquence, il propose de préciser que ce décret devra tenir compte de la trajectoire professionnelle et intégrer les différences d’exposition et de symptomatologie entre les personnes selon le genre.

Cette demande n’entraîne aucune charge nouvelle, elle permettra d’assurer une égalité réelle dans l’accès à la reconnaissance et à la réparation des maladies professionnelles.