Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026
Direction de la Séance
N°951
16 novembre 2025
(1ère lecture)
(n° 122 , 131 , 126)
AMENDEMENT
| C | |
|---|---|
| G |
présenté par
Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 8 SEXIES
Après l'article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La première phrase du deuxième alinéa du I est ainsi rédigée :
« Cette réduction s’applique aux rémunérations ou gains qui, après prise en compte du montant de la prime de partage de la valeur prévue à l’article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ainsi que les gains mentionnés au 1°, 2°, 3° et 6° du II de l’article L. 242-1, sont inférieurs à un montant fixé par décret. » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du deuxième alinéa, après la référence : « I », sont insérés les mots : « ainsi que des montants relatifs aux dispositifs mentionnés au 1° , 2° , 3° et 6° du II de l’article L. 242-1, » ;
b) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, sont ajoutés les mots : «, majorée le cas échéant du montant de la prime de partage de la valeur et des montants relatifs aux dispositifs mentionnés au 1° , 2° , 3° et 6° du II de l’article L. 242-1 mentionnée au I du présent article » ;
– la seconde phrase est supprimée ;
II. – Le I est applicable aux cotisations et contributions dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2026.
Objet
Selon la Cour des comptes, l’ensemble des dispositifs de partage de la valeur (intéressement, participation, PEE et la PPV) font l’objet d’une exemption d’assiette insuffisamment compensée du fait de l’abaissement volontaire des forfaits sociaux pour nombre de ces dispositifs, contribuant ainsi à grever les recettes de la Sécurité sociale. Selon la Cour : « Les taux ont été récemment réduits pour renforcer l’attractivité des dispositifs exemptés, ce qui a conduit à un tassement de leur rendement (…) Le taux de la contribution de l’employeur sur les attributions gratuites d’actions a été diminué de 30 % en 2017 à 20 % en 2018. Le taux du forfait social sur la participation et sur l’intéressement a été réduit de 20 % à 16 % (…) Le forfait social a été supprimé pour la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés, pour l’intéressement dans celles de moins de 250 salariés et pour les abondements volontaires des employeurs au plan d’épargne entreprise en 2021-2023 (…) En conséquence, le taux de compensation des pertes de recettes de la Sécurité sociale a baissé de 43,5 % en 2018 à 35,6 % en 2023. (…) la Sécurité sociale ne récupère qu’à peine plus du tiers du manque à gagner qu’elle subit du fait des exemptions sur les compléments de salaire. ».
Au total, les pertes de recettes relatives aux compléments de salaires exonérés et non compensés s’élèvent, selon la Cour, à près de 19 milliards en 2023, en augmentation de 8 milliards entre 2018 et 2022 tandis que le déficit de la Sécurité sociale augmentait de 6 milliards dans le même temps.
Ces dispositifs grèvent d’autant les recettes que la plupart ont un effet substitutif à l’augmentation des salaires qui a maintes fois été documenté. Comme le souligne l’Annexe 4 du PLFSS : « Les dispositifs d’exemption d’assiette se caractérisent par un dynamisme qui se prolonge durablement et bien au-delà de leur phase de montée en charge initiale. Malgré l’ancienneté de certains, ils continuent d’évoluer de façon plus dynamique que l’assiette des cotisations, ce qui peut s’expliquer par leur substitution sur le long terme aux rémunérations ordinaires. En effet, les dispositions législatives instaurant des clauses pour prévenir ce phénomène ne peuvent empêcher que soit privilégié, à l’occasion des hausses de rémunération décidées dans les entreprises, le recours aux dispositifs permettant d’accorder le plus grand avantage net pour le plus faible coût pour les employeurs. Aussi, si ces restrictions légales remplissent leur rôle à court terme (on ne peut diminuer le salaire pour augmenter un avantage exempté), elles sont impuissantes à enrayer un effet dynamique sur longue période (l’octroi d’un bénéfice exempté permet de réduire ou de différer une hausse de salaire). ».
En particulier les dispositifs d’épargne salariale (Participation, Intéressement, plans d’épargne en entreprise) contribuent grandement à ce phénomène, tout en profitant majoritairement qu’aux salariés des grandes entreprises. Selon le rapport du comité d’évaluation des niches fiscales et sociales cité par l’Annexe 4 : « si plusieurs des objectifs poursuivis par les dispositifs d’épargne salariale sont effectivement atteints (comme les objectifs de flexibilité des rémunérations, de motivation et d’enrichissement des stratégies de ressources humaines), sa faible diffusion dans les PME conduit en fait à une dualisation du marché du travail, tandis que les revenus distribués se substituent aux salaires ». Bien que ce rapport soit sorti il y a plusieurs années, ses conclusions se vérifient depuis lors, puisque le taux d’évolution annuel moyen de l’épargne salariale est de 4 %, plus rapide que celle des salaires de base, démontrant un effet substitutif évident.
Selon la Cour des comptes : « de 2018 à 2023, la progression des versements de compléments de salaire exemptés est devenue plus rapide (7,8 % par an) que celle des salaires de base (4,1 % par an). ».
Selon le CAE en 2023, à part la Participation, « la plupart des autres mécanismes de partage de la valeur (intéressement, PPV) semblent conduire à d’importants effets de substitution. Dans ce contexte, la latitude donnée aux entreprises dans l’accord interprofessionnel de choisir le type de mécanisme à mettre en place pourrait conduire à une élasticité de substitution avec les salaires non négligeable. Nos estimations suggèrent que le coût total pour les finances publiques serait ainsi de l’ordre de 21 à 38 centimes d’euro par euro effectivement redistribué des profits vers les salaires. ».
L’INSEE de son côté, évaluait le caractère substitutif de la PPV à près de 40 % en 2023. Concernant, la dualisation du marché du travail, la Cour des comptes en 2024 confirme cette observation, puisque « les 11% des salariés qui perçoivent plus de trois fois le SMIC comptent pour 8 % des bénéficiaires de la prime de partage de la valeur, mais pour 18 % de la participation, 18 % de l’intéressement et 27 % des plans d’épargne entreprise. », de même : « Les versements varient fortement selon la taille des entreprises : celles de plus de 2 000 salariés versent 42,7 % de l’intéressement et 32,2 % de la participation en 2021, alors qu’elles pèsent 21,4 % de la masse salariale du secteur privé. À l’opposé, les entreprises de 0 à 9 salariés, qui représentent 15 % de la masse salariale, ne versent que 2,6 % de l’intéressement et 0,8 % de la participation ».
Ces compléments se concentrent donc, comme le souligne l’annexe 4 du présent PLFSS également, dans les grandes entreprises et les hauts salaires.
Or, comme le souligne l’Annexe, leur multiplication permet une baisse globale des prélèvements puisque le taux effectif de cotisations et contributions de sécurité sociale après prise en compte des exonérations de cotisations employeur et de la part du revenu exempté chute de manière importante, passant de 45 % en 2014 à 39 % en 2024, pour un salarié rémunéré au salaire moyen.
Au total, le coût net des exemptions d’assiette relative à l’actionnariat salarié est estimé à 3,7 milliards selon les Annexes du PLFSS.
Aussi, afin d’atténuer les pertes dues aux exemptions d’assiette, le PLFSS 2025 avait intégré la prime de partage de la valeur dans la base pour le calcul de la réduction générale dégressive à compter du 1er janvier 2025. La recette attendue était de 0,4 Md€ pour la Sécurité sociale, 0,1 Md€ pour l’Unédic et 0,1 Md€ pour l’Agirc-Arrco.
Et, selon la Cour des comptes, dans son rapport sur la situation financière de la Sécurité sociale en mai 2025 : « Une telle mesure pourrait être étendue aux autres compléments de salaire relevant de la participation financière et de l’actionnariat salarié. » et dès lors, « l’économie liée à l’élargissement de l’assiette aux versements relevant de la participation aux résultats de l’entreprise et de l’intéressement peut être estimée à près de 3 Md€ en 2025. » ce qui permettrait donc de récupérer l’essentiel des pertes estimées. Selon la Cour, « Cette piste d’économie pourrait être considérée comme étant de nature à limiter le caractère dérogatoire de l’exemption de cotisations sociales réservée à ces compléments de salaire. Il s’agit d’une autre piste complémentaire du relèvement du forfait social déjà signalé par la Cour ».
Ainsi, conformément à cette recommandation de la Cour des comptes et suivant ce qui avait déjà pu être fait pour atténuer les pertes relatives à l’exemption d’assiette de la PPV, le présent amendement propose d’intégrer les revenus liés à l’actionnariat salarié (Participation, intéressement, Plan Épargne d’Entreprise et attribution gratuites d’action/Stock option) dans le calcul de la base pour la réduction générale dégressive à compter du 1er janvier 2026 pour un gain estimé de 3 Md€ pour les comptes sociaux.