Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026

Direction de la Séance

N°I-1420

25 novembre 2025

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 , 139 , 143, 144)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

MM. Grégory BLANC et DOSSUS, Mme SENÉE, MM. GONTARD, BENARROCHE, DANTEC et FERNIQUE, Mme GUHL, M. JADOT, Mme de MARCO, M. MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes SOUYRIS et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 25

Après l’article 25

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 278-0 du code général des impôts, il est inséré un article 278-0-... ainsi rédigé :

« Art. 278-0-.... – Pour les livraisons de biens qui, préalablement à leur remise sur le marché, ont fait l’objet d’opérations de préparation, de rénovation, de remise en état, de réemploi ou de réutilisation réalisées par un assujetti, la taxe sur la valeur ajoutée peut, sur option de ce dernier, être calculée sur la seule valeur ajoutée correspondant aux travaux et prestations réalisés, lorsque le bien a déjà supporté définitivement la taxe lors d’une précédente mise à la consommation.

« Un décret précise les conditions d’application du présent article, notamment les catégories de biens concernés, les modalités de détermination de la valeur ajoutée et les justificatifs permettant d’établir que le bien a déjà supporté définitivement la taxe. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Objet

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC) a fait du réemploi, de la réutilisation et de l’allongement de la durée de vie des produits l’un des piliers de la transition vers l’économie circulaire. Le rapport d’information du Sénat sur l’application de cette loi souligne que l’économie circulaire doit devenir un levier d’autonomie stratégique, en réduisant la dépendance de la France aux importations de matières et de produits, et appelle à rendre effectifs les objectifs de réemploi et de durabilité des biens.

Pourtant, la fiscalité reste largement aveugle à ces objectifs. En réponse à une question écrite sur la TVA applicable aux produits utilisant des matériaux de réemploi, le Gouvernement a rappelé que la fabrication et la vente de biens neufs sont soumises à la TVA sans que la nature des matières premières utilisées ou leur taxation antérieure n’ait d’incidence : un produit fabriqué avec des composants réemployés est taxé comme un produit neuf, sur la totalité de son prix de vente.

Concrètement, lorsqu’un opérateur récupère un bien ou des composants ayant déjà supporté définitivement la TVA lors d’une première mise à la consommation, les remet en état puis les revend, la TVA s’applique de nouveau sur l’intégralité du prix final, et pas seulement sur la valeur ajoutée par la remise en état. Ce mécanisme renchérit le prix des biens réemployés, réduit l’écart de prix avec un produit neuf et pèse sur la marge des acteurs du réemploi, ce qui incite in fine le consommateur à préférer le neuf alors même que le bien réemployé est plus vertueux sur le plan environnemental.

Ce traitement fiscal est particulièrement problématique pour les modèles d’économie de la fonctionnalité, qui reposent sur des biens durables, réparables et remanufacturables que l’entreprise conserve en propriété et remet en état pour multiplier les usages. En continuant à taxer comme du “neuf” ce qui relève du réemploi organisé, le système actuel décourage les stratégies d’allongement de la durée de vie et de sobriété matérielle, au profit du renouvellement rapide des biens.

Le présent amendement propose donc de généraliser, sur option, une logique comparable à celle de la TVA sur la marge, en limitant la base taxable à la seule valeur ajoutée créée par les opérations de préparation, de rénovation, de remise en état, de réemploi ou de réutilisation, dès lors qu’il est établi que le bien a déjà supporté définitivement la TVA lors d’une précédente mise à la consommation.

Il poursuit trois objectifs :

Aligner la fiscalité sur les objectifs de la loi AGEC, en cessant de pénaliser, à TVA constante, le réemploi par rapport au neuf.

Soutenir les modèles d’économie de la fonctionnalité, en réduisant le biais fiscal en faveur de la production neuve et du renouvellement rapide.

Rendre le système de TVA plus neutre entre un bien entièrement neuf et un bien en partie réemployé, en faisant porter la taxation sur la valeur effectivement créée par l’entreprise circulaire (travail, services, pièces neuves complémentaires) plutôt que sur une valeur déjà taxée dans un cycle antérieur.

Le dispositif est volontairement circonscrit : il repose sur une option laissée à l’assujetti, il est réservé aux biens dont il peut être établi qu’ils ont déjà supporté définitivement la TVA, et ses modalités techniques sont renvoyées à un décret. Sans modifier les taux, cet amendement met ainsi la fiscalité en cohérence avec la hiérarchie des modes de traitement des déchets, la loi AGEC et les objectifs de réduction de l’empreinte matérielle de l’économie française.