Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026

Direction de la Séance

N°I-2220

25 novembre 2025

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 , 139 , 143, 144)


AMENDEMENT

C
G  
En attente de recevabilité financière

présenté par

MM. DOSSUS et Grégory BLANC, Mme SENÉE, MM. BENARROCHE, DANTEC, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, M. JADOT, Mme de MARCO, M. MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes SOUYRIS et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 12

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 209 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

«XI. – Toute personne morale ayant une activité en France est imposable à hauteur du ratio de son chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national ramené à son chiffre d’affaires mondial, le calcul de ces chiffres d’affaires national et mondial incluant également le chiffre d’affaires des entités juridiques dont elle détient plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote. Cette imposition garantit que le taux d’imposition de la part des bénéfices mondiaux imposée en France sera égal à 25 %.

« 1. Le calcul de l’assiette d’imposition est corrigé en fonction de la comparaison entre les deux ratios suivants :

« a) Le ratio du chiffre d’affaires réalisé en France par rapport au chiffre d’affaires mondial, le calcul de ces chiffres d’affaires national et mondial incluant également le chiffre d’affaires des entités juridiques dont elle détient plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ;

« b) Le ratio du bénéfice réalisé en France par rapport au bénéfice mondial, le calcul de ces bénéfices national et mondial incluant également le bénéfice des entités juridiques dont elle détient plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote.

« Si le ratio calculé au a s’avère inférieur, avec un écart d’au moins 0,05, au ratio calculé au b, l’administration fiscale corrige le montant des bénéfices déclarés par la personne morale en France, de façon à ce que le ratio calculé au même b devienne égal au ratio calculé au a.

« 2° Pour la détermination de l’impôt dû sur l’assiette corrigée en application du 1 du XI du présent article, l’administration fiscale :

« a) Calcule l’écart en pourcentage entre le montant total des impôts sur les bénéfices acquittés à l’échelle mondiale et le montant total qui résulterait d’une taxation à 25 % de l’ensemble des bénéfices à l’échelle mondiale ;

« b) Applique un coefficient de majoration à l’impôt dû en France égal au pourcentage calculé au a.

« 3. Les dispositions du 1 du XI du présent article ne sont pas applicables si la différence entre les ratios mentionnés à ses a et b résulte de transactions qui ne peuvent être regardées comme constitutives d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française. »

Objet

Cet amendement, adopté par l’Assemblée nationale, a pour objet de taxer les bénéfices des multinationales proportionnellement à leur activité réellement réalisée en France.

En France, le coût de l’évasion fiscale est aujourd’hui estimé entre 80 et 100 milliards d’euros par an. Autant de ressources qui manquent aux services publics, à la solidarité nationale et aux investissements indispensables à la transition écologique. Les auteurs de l’amendement considèrent que la lutte contre chaque mécanisme d’évitement de l’impôt, et en particulier contre l’évasion fiscale de grande ampleur, constitue non seulement un enjeu budgétaire majeur, mais également un impératif de justice fiscale.

L’usage de prix de transfert permet à des entreprises multinationales de minorer artificiellement leur base taxable en France. Selon le CEPII, ces transferts de bénéfices vers des juridictions à fiscalité privilégiée représentent à eux seuls un manque à gagner annuel de 36 milliards d’euros. Les travaux de Gabriel Zucman estiment par ailleurs que près de 40 % des profits mondiaux des multinationales seraient localisés dans des paradis fiscaux, échappant ainsi au financement des infrastructures et des services publics dont ces mêmes entreprises bénéficient pourtant.

Pour mettre un terme à ces pratiques, les auteurs de l’amendement proposent que les entreprises s’acquittent effectivement d’un impôt sur les sociétés correspondant à la réalité de leur activité sur le territoire national, indépendamment du lieu de domiciliation de leur siège.

Concrètement, l’administration fiscale serait chargée de calculer la différence entre, d’une part, les bénéfices mondiaux de l’entreprise, proratisés en fonction de son activité en France puis soumis au taux de 25 %, et d’autre part l’impôt effectivement acquitté sur le territoire national. Cette différence constitue le « déficit fiscal ». La France en prélèverait la part qui lui revient : si une entreprise réalise 10 % de ses ventes en France, 10 % de ses bénéfices seraient imposés en France, qu’ils aient été artificiellement localisés en Irlande, au Luxembourg ou aux Seychelles.

Une telle mesure permettrait de rétablir une imposition conforme à l’activité réellement déployée en France, de renforcer la soutenabilité des finances publiques et de restaurer la confiance dans l’équité du système fiscal.