Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026
Direction de la Séance
N°I-2362
25 novembre 2025
(1ère lecture)
PREMIÈRE PARTIE
(n° 138 , 139 , 143, 144)
AMENDEMENT
| C | |
|---|---|
| G | |
| En attente de recevabilité financière | |
présenté par
Mme GACQUERRE
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 19
Après l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un chapitre ainsi rédigé :
« ...
« Crédit d’impôt en faveur des investissements et dépenses de fonctionnement liés aux opérations de captage, de transport et de stockage géologique du dioxyde de carbone
« Art. 244 quater.... I. - Les entreprises industrielles imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 septdecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses d’investissement mentionnées au III du présent article, autres que les dépenses de remplacement, engagées pour la réalisation d’opérations de captage, de transport et de stockage géologique du dioxyde de carbone émis par une ou plusieurs de leurs installations industrielles, sous réserve de remplir les conditions cumulatives suivantes :
« 1° Les entreprises ne sont pas, à la date de clôture du dernier exercice précédant la délivrance de l’agrément mentionné au VI, des entreprises en difficulté au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ;
« 2° Les entreprises respectent, au titre de chacun des exercices au titre desquels le crédit d’impôt est imputé en application du V du présent article, leurs obligations fiscales et sociales et l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels selon les modalités prévues aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce ;
« 3° Les entreprises n’ont pas procédé, au cours des deux exercices précédant l’exercice de dépôt de la demande de l’agrément mentionné au VI du présent article, à un transfert vers le territoire national d’activités identiques ou similaires à celles mentionnées au II, d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
« 4° Les entreprises ne procèdent pas, au cours des quinze exercices suivant l’exercice de mise en service de la ou des installations ayant bénéficié du crédit d’impôt, à leur transfert hors du territoire national ;
« 5° Les entreprises exploitent les dépenses réalisées dans le cadre du II pendant au moins quinze ans en France à compter de leur mise en service ;
« 6° Les entreprises exploitent les dépenses éligibles dans le cadre d’une activité ayant obtenu les autorisations requises par la législation environnementale, de manière conforme à cette législation ;
« 7° Les dépenses sont engagées par des entreprises pour leurs installations soumises au système d’échange européen des quotas, localisées sur le territoire national et produisant des biens soumis au règlement (UE) 2023/956 établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
« II. - A. - Les opérations mentionnées au premier alinéa du I doivent conduire à une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre et ne doivent pas simplement entraîner le déplacement des émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel concerné vers le secteur de l’énergie ou d’un site industriel à un autre.
Les dépenses engagées doivent permettre de prévenir des émissions directes de gaz à effet de serre, compte tenu de l’ensemble de la chaîne de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CSC) ou de captage et d’utilisation du dioxyde de carbone (CUC).
« B. - Les opérations doivent concerner l’un ou l’autre des deux cas suivants :
a) L’installation d’un équipement de captage du carbone en vue de son stockage géologique permanent au moyen d’une chaîne de captage et de stockage du carbone sur des sites autorisés conformément à la directive 2009/31/CE ; ou,
b) L’installation d’un équipement de captage du dioxyde de carbone, dans la mesure où le dioxyde de carbone capté dès l’utilisation de cet équipement :
i) est utilisé de façon à être lié chimiquement, de manière permanente, à un produit, de sorte qu’il ne pénètre pas dans l’atmosphère dans des conditions normales d’utilisation, y compris toute activité normale ayant lieu après la fin de vie du produit ; ou
ii) est utilisé en vue de la production de carburants de synthèse.
« C. - Sous réserve du respect des conditions prévues aux A et B du II, les opérations peuvent également porter sur des dépenses dans des infrastructures auxiliaires nécessaires au transport et aux opérations logistiques du dioxyde de carbone capté, à condition que :
« a) ces infrastructures se trouvent sur le site où sont réalisés les opération de captage de carbone et soient dimensionnées en fonction des besoins de l’investissement ; ou,
« b) ces infrastructures permettent uniquement de relier ce site à une infrastructure ouverte soumise aux règles en matière d’accès de tiers fixées par le cadre juridique applicable.
« D. - Les opérations visées au premier alinéa du I peuvent être réalisées par l’entreprise bénéficiaire elle-même ou bien être confiées, en tout ou partie, à une ou des entreprises prestataires.
« E. - Pour que les opérations soient mises en œuvre en temps utile et permettent de réaliser les réductions des émissions de gaz à effet de serre ou les économies d’énergie escomptées, les dépenses devront répondre aux conditions suivantes :
« a) Les dépenses financées au moyen du crédit d’impôt prévu par le présent article entrent en service dans un délai de soixante mois à compter de la date de délivrance de l’agrément prévu au VI du présent article ; et
« b) Les dépenses financées au moyen du crédit d’impôt prévu par le présent article doivent permettre de réduire les émissions directes de gaz à effet de serre correspondant à au moins 80 % des réductions ou des économies prévues.
« III. - A. - L’assiette du crédit d’impôt est constituée par les dépenses engagées, dans le cadre du plan de dépenses soumis à l’agrément prévu au VI, qui entrent dans la détermination du résultat imposable, correspondant aux dépenses suivantes :
« 1° Les dépenses d’investissement engagées pour l’acquisition, l’installation et la mise en service de tout équipement, directement ou indirectement, nécessaire au captage, au transport et au stockage géologique du dioxyde de carbone, ou son utilisation conformément au II du présent article ;
« 2° Les dépenses de fonctionnement nécessaires à l’exploitation des installations de captage, à l’accès aux infrastructures logistiques et à l’accès aux infrastructures de stockage géologique du dioxyde de carbone, y compris les coûts énergétiques, de maintenance et de surveillance, notamment :
« - toute opération nécessaire au captage du dioxyde de carbone réalisées directement par l’entreprise bénéficiaire ou confiées à un prestataire ;
« - toute opération nécessaire au conditionnement du dioxyde de carbone capté en vue de son transport par tout moyen terrestre ou maritime réalisées directement par l’entreprise bénéficiaire ou confiées à un prestataire ;
« - toute opération logistique terrestre ou maritime indispensable à l’acheminement du dioxyde de carbone capté vers le lieu de son injection en formation géologique souterraine, réalisée directement par l’entreprise bénéficiaire ou confiées à un prestataire ;
« - toute opération nécessaire à l’injection en formation géologique souterraine réalisée conformément à la directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil, réalisées directement par l’entreprise bénéficiaire ou confiées à un prestataire.
« 3° Toute dépense d’investissement ou de fonctionnement dont l’entreprise justifie le lien direct avec la réalisation d’opérations visées au II du présent article. Sont exclues les dépenses d’étude préalable à la décision finale d’investissement.
« B. - L’assiette du crédit d’impôt mentionné au premier alinéa du I est déduite :
« - Du coût d’achat des quotas via le système d’échange des quotas européens qui aurait été induit, en l’absence des opérations définies au II et concernant la ou les installations sur lesquelles sont réalisées les opérations décrites au même II ;
« - Des aides publiques reçues au titre des dépenses visées au point A du III ;
« - Des recettes générées par la cession des quotas perçus à titre gratuit sur la ou les installations concernées.
« IV. - Le crédit d’impôt est égal à 100 % des dépenses déterminées dans les conditions du II du présent article et dans la limite de 250 millions d’euros au titre de chaque exercice.
« Le crédit d’impôt peut être cumulé avec une autre aide d’État, dans les conditions du droit en vigueur au sein de l’Union européenne.
« V. – Le crédit d’impôt s’applique par fractions au titre des exercices ou des années au cours desquels les dépenses du plan de dépenses agréé conformément au VI sont engagées.
« Chaque fraction du crédit d’impôt est imputée sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel ces dépenses sont engagées. Pour les entreprises qui ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés, quelle que soit la date de clôture des exercices et quelle que soit leur durée, la fraction du crédit d’impôt est calculée par référence aux dépenses engagées au cours de la dernière année civile écoulée.
« Si le montant de la fraction du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de l’année ou de l’exercice, l’excédent est restitué. L’excédent de la fraction du crédit d’impôt constitue au profit de l’entreprise une créance sur l’État d’un montant égal.
« Cette créance est inaliénable et incessible, sauf dans les cas et selon les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier.
« VI. – A – Le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné à l’obtention préalable d’un agrément délivré par le ministère chargé du budget, sur avis conforme de l’établissement public mentionné au I de l’article L. 131-3 du code de l’environnement, conformément aux dispositions de l’article 1649 nonies du présent code. Cet établissement public atteste que les activités exposées dans la demande d’agrément entrent dans le champ des opérations éligibles défini au II du présent article.
« B. - L’agrément est délivré lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies :
« 1° L’entreprise remplit les conditions cumulatives mentionnées au I ;
« 2° Le plan de dépenses s’inscrit dans le cadre d’une ou de plusieurs opérations mentionnées au II ;
« 3° L’agrément est délivré sur base d’un budget prévisionnel établi et présenté par l’entreprise.
« C. - Le non-respect des conditions mentionnées au présent article après la délivrance de l’agrément entraîne le retrait de celui-ci et la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés, dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies A.
« Toutefois, l’avantage fiscal n’est pas repris lorsque les investissements aidés sont transmis dans le cadre des opérations mentionnées aux articles 210 A ou 210 B si le bénéficiaire de la transmission s’engage à en maintenir l’exploitation dans le cadre d’une activité éligible pendant la fraction du délai minimal d’exploitation restant à courir.
« D. - La décision de délivrance ou de refus de l’agrément est rendue dans un délai de trois mois à compter du dépôt d’une demande d’agrément complète.
« VII.- Les modalités d’application du présent article, notamment les critères d’obtention de l’agrément, les modalités de calcul du crédit d’impôt, les obligations déclaratives des entreprises et les contrôles administratifs, sont précisées par un décret en Conseil d’État.
« VIII.- Le bénéfice du crédit d’impôt est subordonné au respect des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État. Les présentes dispositions seront notifiées à la Commission européenne aux fins d’appréciation de leur compatibilité avec les règles encadrant les aides d’État.
« IX. - A. Le présent article s’applique aux crédits d’impôt calculés au titre de projets pour lesquels la demande d’agrément a été réalisée, conformément au point VI du présent article, avant le 31 décembre 2030.
« B. Sous réserve du C du VI, l’entreprise bénéficiaire de l’agrément peut solliciter l’application du crédit d’impôt prévu au premier alinéa du I durant quinze exercices à compter du premier exercice au cours duquel les dépenses visées au A du III ont été engagées.
« X. – Les dépenses respectent les législations et réglementations définies par la France, l’Union européenne et les conventions internationales ratifiées par la France. »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Objet
La décarbonation de l’industrie française constitue un enjeu majeur pour atteindre nos objectifs climatiques tout en préservant notre souveraineté économique et industrielle. Pour ce faire, il est essentiel d’accompagner les acteurs industriels qui investissent dans des technologies permettant de réduire leurs émissions. Le présent amendement vise ainsi à soutenir les projets de captage du CO₂ (CCUS) en évitant que leur mise en œuvre ne soit plus coûteuse pour les entreprises que l’inaction, et à garantir que l’effort climatique puisse se faire de manière soutenable et qu'il soit économiquement viable.
Cet accompagnement est d’autant plus nécessaire que de nombreuses études récentes confirment le coût colossal de l’inaction climatique. Ce coût inclut des dépenses en matière de santé publique, de prévention des risques, de renouvellement et de modernisation des infrastructures de réseaux, de moyens dédiés à la protection civile ou encore de dépenses d’adaptation du bâti. Plus largement, l’inaction climatique pourrait nous coûter 15 points de PIB en 2050 selon l’évaluation du Trésor. Au-delà de l’avenir de nos enfants, qui est en jeu, investir massivement dès aujourd’hui est donc essentiel pour préserver notre industrie, renforcer notre souveraineté économique et permettre à la France de devenir un acteur majeur des technologies bas-carbone.
Parmi ces technologies, le captage du dioxyde de carbone (CCUS) constitue une solution crédible pour atteindre la neutralité carbone, en particulier dans les secteurs industriels difficiles à décarboner. L’Agence internationale de l’énergie (AIE), le GIEC, l’ADEME ou encore le Haut conseil pour le climat convergent sur sa pertinence pour participer à la décarbonation de notre économie. La France dispose déjà de plusieurs projets industriels pilotes, dont certains sont prêts à être concrétisés, qui pourraient lui permettre d’être leader mondial du captage du dioxyde de carbone (CCUS).
Cependant, le coût du CCUS reste élevé et pourrait être un frein à son développement. Le présent amendement propose donc la création d’un crédit d’impôt dédié à la concrétisation des projets de captage du CO₂ en vue de son stockage géologique et/ou de sa valorisation, afin de neutraliser le surcoût par rapport à l’inaction climatique.
Conditionné à l’obtention d’un agrément délivré par l’administration fiscale – à l’image du crédit d’impôt pour l’industrie verte (C3IV) – permettant d’en maîtriser l’impact budgétaire, ce dispositif prend en compte pour le calcul du crédit d’impôt :
- les dépenses d’investissement et de fonctionnement engagées par l’entreprise exploitant un site industriel soumis au marché carbone européen ;
- le coût de restitution des quotas carbone qui aurait été dus sans CCUS ;
- la déduction des recettes éventuelles issues de la vente de quotas et des subventions perçues au titre des dépenses éligibles.
Par suite, les dépenses d’étude et d’ingénierie préalables à la décision finale d’investissement sont exclues de l’assiette pour ne cibler que les projets matures.
Le nombre restreint de projets rend la dépense fiscale limitée, d’autant plus que l’investissement privé est générateur de recettes fiscales importantes à long terme. Ce crédit d’impôt constitue ainsi un levier décisif pour permettre aux industries françaises ayant déjà engagé des efforts de décarbonation de réduire leurs émissions résiduelles, et permet de soutenir une filière émergente stratégique, ainsi que de renforcer la souveraineté industrielle du pays. L’adoption de cet amendement donnera l’impulsion nécessaire à l’émergence d’une chaîne de valeur à haut potentiel pour une industrie forte et durable.