Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026
Direction de la Séance
N°II-1197
2 décembre 2025
(1ère lecture)
SECONDE PARTIE
MISSION SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES
(n° 138 , 139 , 142)
AMENDEMENT
| C | Demande de retrait |
|---|---|
| G | |
| En attente de recevabilité financière | |
présenté par
M. MELLOULI, Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, M. JADOT, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
Article 49 (crédits de la mission)
(État B)
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Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes | Autorisations d’engagement | Crédits de paiement | ||
| + | - | + | - |
Inclusion sociale et protection des personnes dont titre 2 | 11 700 000 |
| 11 700 000 |
|
Handicap et dépendance | 11 700 000 | 11 700 000 | ||
Égalité entre les femmes et les hommes |
|
| ||
TOTAL | 11 700 000 | 11 700 000 | 11 700 000 | 11 700 000 |
SOLDE | 0 | 0 | ||
Objet
Cet amendement vise à, conformément aux objectifs du Pacte des solidarités, « déployer massivement » les petits déjeuners gratuits en Guyane, en faisant passer le forfait étatique à 3 € par petit-déjeuner servi en Guyane avec comme cible un tiers des effectifs scolaires par degré. Six ans après la création de cette mesure, il faut que les écoliers, collégiens et lycéens qui arrivent en classe le ventre vide puissent apprendre et étudier dans de meilleures conditions grâce à cet apport énergétique, parfois le seul repas de la journée.
En dépit de l’acuité des problématiques alimentaires en Guyane (faiblesse de la production locale, pollution des sols et des fleuves, grande pauvreté, aide alimentaire et restauration scolaire parcellaires), cette mesure ne touche actuellement qu’une infime minorité d’élèves (environ 2 000 écoliers, sur 90 000 élèves tous niveaux confondus).
Dans un contexte où le coût de la vie est très élevé, aggravé pour 8 des 22 communes par l’enclavement (surcoûts logistiques), le montant actuel de l’aide étatique en Outre-mer contraint les gestionnaires à limiter soit le nombre d’enfants bénéficiaires, soit le nombre de distributions par semaine. Pourtant convaincus de son intérêt, trop de municipalités et chefs d’établissement de l’Ouest et de l’Est guyanais sont amenés y renoncer, d’emblée ou dans la durée, car les 2 € perçus par petit-déjeuner ne couvrent qu’un cinquième voire un sixième du coût de revient (10 à 12 € par repas).
89% des 234 établissements publics de l’académie de Guyane relèvent de l’éducation prioritaire, tous degrés confondus. En dépit d’un fort taux de non-scolarisation et d’abandon, la démographie scolaire y suit une trajectoire inverse à la tendance nationale et à la moyenne des territoires dits ultramarins, avec 6 000 élèves supplémentaires recensés à la rentrée 2025. Avec un taux de pauvreté infantile de l’ordre de 60%, la faim est une réalité quotidienne pour nombre d’élèves guyanais. D’après l’étude GUYACONSO (2025), 10% des enfants de moins de 15 ans y sont en situation de maigreur (12,6% chez les 5-9 ans), et 14 % en situation d’obésité. Comme tant d’autres, cette étude territorialisée exclut de son champ les communes de la Guyane intérieure, où le risque d’intoxication au mercure et les surcoûts alimentaires sont encore accrus (les communes payant jusqu’à 12 euros le repas servi aux élèves). Cette précarité alimentaire s’ajoute à une couverture territoriale comptant de nombreuses insuffisances en matière de restauration scolaire. Seul 1 élève sur 5 mange à la cantine, ce qui positionne la Guyane au dernier rang des départements – Mayotte inclus.
Les évaluations nationales témoignent d’importantes difficultés scolaires présentes dès le plus jeune âge, et qui accompagnent les élèves tout au long d’un parcours scolaire particulièrement éprouvant. Les dernières données publiées par la DEPP font ainsi État d’une remontée du taux d’illettrisme à 16 ans : 52% en 2024 contre 49% un an plus tôt. Le manque d’apports énergétiques et les carences nutritionnelles sont des causes de retards de développement et d’apprentissage, que reflète indirectement la mesure des performances scolaires des élèves. 14% des enfants âgés de 3 à 5 ans ne sont pas scolarisés et, a contrario de la tendance nationale, la déscolarisation précoce y touche davantage les 11-16 ans (7% des enfants en âge d’aller au collège et au lycée) que de 6-11 ans (4% des écoliers). La fatigue et les difficultés d’apprentissage engendrées par la faim ou les carences nutritionnelles figurent parmi les causes de l’abandon scolaire post CM2.
Le programme des petits-déjeuners gratuits est une réponse concrète et nécessaire à ces enjeux de santé publique, d’égalité des chances à l’école, et de lutte contre la faim chez les enfants guyanais en situation de pauvreté. Les premières années de déploiement y ont rencontré un réel succès, cristallisant les espoirs de progrès. Ce bilan positif a malheureusement connu un brusque coup d’arrêt à l’issue de la pandémie (2020-21). Depuis, les acteurs locaux tentent, sans y parvenir, à relancer cette dynamique vertueuse. En visite sur le territoire fin 2024, les membres de la Délégation aux droits des enfants ont exprimé leur préoccupation quant à la nécessaire remobilisation de ce dispositif, en complément des mesures en faveur de la restauration scolaire.
Les distributions de petits-déjeuners soutenues par les crédits du Pacte s’adressent prioritairement aux écoles. S’agissant des territoires ultramarins, le Pacte national prévoit d’y déployer « massivement » ces distributions gratuites. Or, les écoliers guyanais touchés par cette opération ne représentent que 0,8% des élèves du 1er degré, soit un peu moins de 2 000 enfants scolarisés en primaire. En Guyane, la satisfaction des besoins matériels et nutritionnels des collégiens et lycéens des communes de l’intérieur est fragilisée par leur situation d’isolement familial et communautaire. Les adolescents des communes littorales doivent quant à eux se lever avant 5h du matin pour ne pas manquer l’unique bus desservant leur établissement et tenir compte des embouteillages chroniques engendrés par le sous-dimensionnement du réseau routier. Créée en 2023, l’opération GUIA Ti Déj permet aux jeunes candidats au baccalauréat d’aborder les épreuves rassasiés. Fruit d’un élan de solidarité bénévole émanant d’autres jeunes à peine plus âgés, cette action témoigne du besoin impératif d’activer les crédits du Pacte en faveur des élèves du second degré également.
Outre la revalorisation du forfait étatique adossé à cette mesure en Guyane, à hauteur d’1 euro supplémentaire par petit-déjeuner, nous recommandons de permettre aux gestionnaires guyanais de cumuler cette aide avec la prestation d’aide à la restauration scolaire (PARS) versée par la CAF.
Nous proposons de transférer 11 700 000 euros en crédits de paiement (CP) et autorisations d'engagement (AE) depuis le programme “Handicap et dépendance” vers le programme “Inclusion sociale et protection des personnes”. Il convient cependant de noter que cette proposition de mouvement de crédits est uniquement formelle, afin de respecter les règles budgétaires. Notre intention n’est pas de ponctionner un autre programme et nous appelons le Gouvernement à lever ce gage financier.
Cet amendement a été travaillé avec l’UNICEF France.