Projet de loi Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales

Direction de la Séance

N°74

23 juin 2014

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 642 , 641 )


AMENDEMENT

C Demande de retrait
G Demande de retrait
Retiré

présenté par

Mme BENBASSA, M. GATTOLIN

et les membres du groupe écologiste


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 19 B

Après l’article 19 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 116-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 116-2 ainsi rédigé :

« Art. 116-2. – Pour les délits dont la responsabilité est fixée par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ou par l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, lorsque le juge d’instruction envisage de procéder à la mise en examen, il peut procéder comme il est dit au présent article, par dérogation aux articles 80-1 et 116 du code de procédure pénale.

« S’il apparaît au cours de la procédure que des indices graves ou concordants justifient la mise en examen de la personne, le juge d’instruction l’informe de son intention par lettre recommandée avec accusé de réception en précisant chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique et en l’informant de son droit de faire connaître des observations écrites dans un délai d’un mois. Il peut aussi, par le même avis, interroger la personne par écrit afin de solliciter, dans le même délai, sa réponse à différentes questions écrites. En ce cas, la personne est informée qu’elle peut choisir de répondre auxdites questions directement en demandant à être entendue par le juge d’instruction.

« Lors de l’envoi de l’avis prévu à l’alinéa précédent, la personne est informée de son droit de désigner un avocat. En ce cas, la procédure est mise à la disposition de l’avocat désigné durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. Les avocats peuvent également se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier dans les conditions mentionnées aux quatrième à dernier alinéas de l’article 114 du code de procédure pénale.

« À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis mentionné au deuxième alinéa, le juge d’instruction peut procéder à la mise en examen en adressant à la personne ainsi avisée et à son avocat une lettre recommandée avec accusé de réception selon les modalités prévues aux deux deuxième et troisième alinéas à l’article 113-8 du code de procédure pénale. Il informe à cette occasion la personne mise en examen que si elle demande à être entendue par le juge d’instruction, celui-ci est tenu de procéder à son interrogatoire. »

II. – L’article 80-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions du présent article, dans le cas de délits dont la responsabilité est fixée par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ou par l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, l’article 116-2 du code pénal s’applique. »

III. – L’article 116 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions du présent article, dans le cas de délits dont la responsabilité est fixée par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ou par l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, l’article 116-2 du code de procédure pénale s’applique. »

Objet

Les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont fréquemment poursuivies à la suite de plaintes avec constitution de partie civile qui donnent lieu à l’ouverture d’informations judiciaires, soit parce que la nomination d’un juge d’instruction est nécessaire pour déterminer l’adresse d’un responsable, soit parce que le plaignant choisi délibérément cette voie, plutôt que celle de la citation directe.
Or le juge d’instruction saisi n’a la plupart du temps ni le pouvoir de déterminer les responsables, ni le pouvoir d’instruire le fond du dossier. En effet, s’agissant des responsabilités, celles-ci sont fixées de manière rigide par un système dit de « cascade » de responsabilités désignant le directeur de publication comme auteur principal, et l’auteur des propos comme complice. Ces dispositions figurent aux articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 s’agissant des médias écrits ; et à l’article 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982, s’agissant des communications publiques par voies audiovisuelle et électronique. Quant au fond, la Cour de cassation considère de longue date que le juge d’instruction ne doit en aucune manière en connaître, sous peine de commettre un abus de pouvoir. Cette situation aboutit à des mises en examen automatiques qui contraignent les magistrats instructeurs à convoquer et interroger les personnes poursuivies dans les conditions prévues par les articles 80-1 et 116 du Code de procédure pénale, alors que ces interrogatoires sont totalement inutiles.
Cette situation entraîne une perte de temps considérable, tant pour les juges d’instruction dont les cabinets sont encombrés de dossiers qui méritent d’accomplir de vrais actes d’instruction, que pour les justiciables, notamment les directeurs de publication des grands médias qui se trouvent contraints de venir plusieurs fois par an dans les cabinets des juges d’instruction, parfois à plusieurs centaines de kilomètres, aux seules fins de décliner leur état-civil et de confirmer leur qualité de directeur de publication, laquelle ne fait aucun doute puisqu’elle fait l’objet d’une information obligatoire prévue par les lois sur la presse.
C’est pourquoi, afin de rationaliser le temps du juge et du justiciable sans porter atteinte aux droits de la défense, il est proposé d’introduire dans le Code de procédure pénale un article 116-2 qui permette au juge de procéder, dans ces matières, à la mise en examen par simple lettre.