Proposition de loi Lutte contre le système prostitutionnel

Direction de la Séance

N°6

7 mars 2016

(Nouvelle lecture)

(n° 407 , 406 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE 16 (SUPPRIMÉ)

Consulter le texte de l'article ^

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I  - Au livre VI du code pénal, il est inséré un titre unique ainsi rédigé :

« Titre unique 

« Du recours à la prostitution

« Art. 611-1. - Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

« Les personnes physiques coupables de la contravention prévue au présent article encourent également une ou plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l'article 131-16 et au second alinéa de l'article 131-17. »

II. - La section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du même code est ainsi modifiée :

1° Après le mot : « prostitution », la fin de l'intitulé est supprimée ;

2° L'article 225-12-1 est ainsi rédigé :

« Art. 225-12-1. - Lorsqu'il est commis en récidive dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 132-11, le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage est puni de 3 750 € d'amende.

« Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage, des relations de nature sexuelle de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse. » ;

3° Aux premier et dernier alinéas de l'article 225-12-2, après le mot : « peines », sont insérés les mots : « prévues au second alinéa de l'article 225-12-1 » ;

4° À l'article 225-12-3, la référence : « par les articles 225-12-1 et » est remplacée par les mots : « au second alinéa de l'article 225-12-1 et à l'article ».

III. - À la troisième phrase du sixième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, la référence : « 225-12-1 » est remplacée par les références : « au second alinéa de l'article 225-12-1 et aux articles 225-12-2 »

Objet

Le gouvernement propose que soit rétabli l’article 16 qui constitue une disposition fondamentale de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel.

Indissociable de l’abolition du délit de racolage prévu à l’article 13, l’article 16 redéfinit les rôles de chacun : d’innocent le client devient responsable et de délinquante la personne prostituée devient victime. Il participe donc à la reconnaissance du statut de victime à la personne prostituée.

La sanction d’achat d’un acte sexuel pose un interdit qui aura pour effet de sortir cet acte de sa banalisation et de faire comprendre au client qu’il participe à l’exploitation de la vulnérabilité d’autrui.

La pénalisation du client est également un levier déterminant pour décourager la demande et diminuer la prostitution. Selon les chiffres de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), environ 30 000 personnes sont prostituées en France, 96% sont des femmes, et 93% étrangères. L’immense majorité des personnes prostituées sont sous la contrainte d’un proxénète ou d’un réseau de traite.  La prostitution constitue aujourd’hui un marché extrêmement lucratif qui profite des personnes les plus vulnérables et qui financent  d’autres formes de criminalité organisée telles que le terrorisme. Le Bureau international du travail (BIT)  estime les profits de ce marché à 100 milliards de dollars par an dans le monde. En  agissant sur la demande, on agit également sur l’offre, ce qui aura pour effet de diminuer l’attractivité d’un tel marché et par là même d’entraver l’action des réseaux de proxénétisme et d’exploitation sexuelle.

C’est dans cet esprit que la directive de l’Union européenne 2011/36/UE sur la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains du 5 avril 2011 ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe du 15 mai 2005 sur la lutte contre la traite des êtres humains demandent aux états-membres de prendre toutes les mesures visant à décourager la demande.

A l’appui de ces textes, tant le Parlement européen que l’Assemblée parlementaire du conseil de l’Europe ont pris des résolutions pour encourager les états à suivre le modèle nordique en pénalisant l’achat de services sexuels sans pénaliser les personnes prostituées. En sanctionnant l’achat d’acte sexuel, la France s’inscrit dans le droit fil de ses engagements internationaux.

Enfin, l’article 16 met en cohérence le droit français avec la position abolitionniste de la France, en affirmant que l’acte sexuel tarifé  « porte atteinte à la dignité humaine » ainsi qu’exprimé dans la Convention de l’ONU de 1949 qu’elle a ratifiée.

Punir la marchandisation du corps, c’est réaffirmer le principe intangible de la protection de la dignité humaine, et lutter contre les inégalités et les violences dont sont victimes les femmes.