Projet de loi Lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Direction de la Séance

N°127

28 juin 2018

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 590 , 589 )


AMENDEMENT

C Favorable
G Favorable
Adopté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE 1ER

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Après l’alinéa 5

Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

II bis. – L’article 9-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les crimes commis sur des mineurs prévus par l’avant-dernier alinéa de l’article 7, la prescription est également interrompue en cas de commission par leur auteur d’un même crime contre d’autres mineurs. »

II ter. – L’article 706-47 du même code est ainsi modifié :

1° Au 1° , les mots : « , précédés ou accompagnés d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, » sont supprimés ;

2° Le 2° est complété par les mots : « et crimes de violences sur un mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente prévu par l’article 222-10 du même code ».

Objet

Le projet de loi porte de 20 à 30 ans la prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs, à compter de la majorité de la victime, ce qui permet à celle-ci de porter plainte jusqu’à ses 48 ans.

Certains estiment cette durée insuffisante et proposent une imprescriptibilité qui ne paraît cependant pas possible tant pour des raisons de cohérence de notre droit pénal que pour des raisons constitutionnelles, l’imprescriptibilité devant être réservée aux seuls crimes contre l’humanité par nature imprescriptibles.

Il est toutefois possible d’améliorer le projet afin d’éviter l’impunité des personnes qui commettent, pendant de très longues périodes, des crimes sexuels de façon répétée sur des mineurs, comme par exemple des incestes commis par un père sur ses enfants puis sur ses petits-enfants, ou des viols commis par un pédophile abusant de jeunes enfants tout au long de son activité professionnelle.

Dans de telles hypothèses, il convient d’éviter que les faits les plus anciens soient prescrits, alors même que leur auteur a ultérieurement continué ou repris ses agissements criminels.

Dans un tel cas, mais dans ce seul cas, il est ainsi proposé de prévoir que la commission des nouveaux crimes interrompra la prescription des crimes les plus anciens, qui ne sera dès lors pas acquise.

Il ne s'agit pas d'imprescriptibilité, mais d'une extension légale de la jurisprudence relative aux effets interruptifs de la prescription sur les faits connexes et prenant en compte la notion « d’infractions sérielles ». La loi posera ainsi le principe selon lequel les premiers viols commis sur un mineur doivent être considérés comme connexes à d’autres viols commis ensuite sur un autre mineur par la même personne, quel que soit le délai écoulé entre les deux crimes, dès lors que le second crime est commis avant la prescription du premier.

Cet amendement maintient ainsi l'imprescriptibilité aux seuls crimes contre l'humanité. Il n’encourt aucun risque constitutionnel. Il ne soulève pas d’insurmontables difficultés de preuve, puisque si la personne a continué de commettre des viols, il sera souvent plus facile de démontrer sa culpabilité pour les viols les plus anciens.

En pratique, si une plainte est déposée après ses 48 ans par une première victime, cela pourra inciter des victimes plus récentes à se signaler, sans attendre leurs 48 ans. A l’inverse, si les faits sont dénoncés par les dernières victimes, les personnes victimes du même individu plus de 30 ans auparavant auront également le droit de déposer plainte. Dans les deux cas, ces premières victimes ne se verront pas priver de procès en raison de la prescription, et les auteurs de ces faits ne pourront échapper à la justice, mais ils seront jugés pour l’ensemble de leurs crimes, et non pour seulement une partie d’entre eux.

Cette modification tient ainsi pleinement compte de la spécificité des crimes de violences sexuelles commis sur des mineurs, tant du point de vue de leurs auteurs qui ont souvent tendance à recommencer ces faits, que des victimes qui se trouvent souvent dans l’impossibilité de les dénoncer, en raison notamment du phénomène d’amnésie traumatique.

Cet amendement rétablit par ailleurs l’augmentation de la prescription de vingt à trente ans pour le crime de violences sur un mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente prévu par l’article 222-10 du code pénal, qui s’applique en pratique aux cas d’excision. La commission des lois a en effet supprimé celui-ci de la liste alors que, depuis la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, qui résulte de deux propositions de loi sénatoriales, il fait partie des crimes pour lesquelles la prescription est plus importante que celle du droit commun et ne commence à courir qu’à compter de la majorité de la victime.

L’amendement étend également cette prescription aux crimes de meurtre ou d’assassinat – en pratique aux tentatives de ces crimes – commis sur un mineur, comme l’avait décidé l’Assemblée nationale, alors qu’actuellement ne sont visés que les meurtres sur mineurs qui sont précédés ou accompagnés d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, ce qui ne paraît pas justifié.

Toutefois, dans un souci de cohérence et de lisibilité de notre droit, ces ajouts ne sont pas insérés dans l’article 7 du code de procédure pénale, mais dans l’article 706-47, auquel renvoie cet article. L’article 706-47 fixe en effet la liste des infractions les plus graves de nature sexuelle ou violente, commises pour l’essentiel contre les mineurs, et qui font l’objet de règles dérogatoires de procédure pénale (comme, outre la prescription allongée,  l’expertise obligatoire de l’auteur des faits et de la victime mineure, l’assistance obligatoire de cette dernière par un avocat et l’enregistrement audiovisuel obligatoire de ses auditions). Il en effet justifié que l’ensemble de ces règles s’appliquent aux crimes d’excision et à tous les meurtres ou assassinats d’un mineur.