Mercredi 28 mars 2012

- Présidence de M. Yves Daudigny, président -

Table ronde avec les organisations syndicales de praticiens hospitaliers sur le financement des établissements de santé

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission procède à l'audition des organisations syndicales de praticiens hospitaliers sur le financement des établissements de santé.

M. Yves Daudigny, président. - Nous avons réuni ce matin plusieurs représentants des syndicats ou intersyndicales de praticiens hospitaliers :

- l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers, représenté par Mme Rachel Bocher ;

- la coordination médicale hospitalière, représentée par MM. François Fraisse  et Rémy Couderc ;

- le syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics, représenté par MM. André Elhadad et Sadek Beloucif ;

- la confédération des praticiens des hôpitaux, représentée par M. Jacques Trévidic ;

- le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs, représenté par Mme Nicole Smolski.

Nous avons entendu au début du mois les représentants des commissions médicales d'établissement des hôpitaux publics et nous avons prévu d'auditionner leurs homologues du secteur privé. Mais il paraissait indispensable de recueillir plus largement le sentiment des praticiens hospitaliers, à travers leurs organisations syndicales, sur la mise en oeuvre de la tarification à l'activité (T2A), ses incidences sur le fonctionnement et l'activité des services de soins.

Nous souhaiterions connaître votre appréciation générale sur ce mode de financement. La T2A induit de nouvelles exigences pour les services, en matière de codage des actes. Quelle évaluation peut-on en faire ? Que pensez-vous des modalités actuelles de contrôle par l'assurance maladie ?

Nous nous demandons également dans quelle mesure la T2A permet de prendre en compte les exigences de prise en charge des patients ? Pensez-vous souhaitable et possible d'introduire des indicateurs de qualité dans la détermination des tarifs, sans accentuer la complexité - déjà extrême - de celle-ci ?

En résumé, quels sont, à vos yeux, les avantages et les limites de ce mode de tarification, notamment du point de vue de la prise en charge des patients ? Quels correctifs faudrait-il le cas échéant y apporter ?

Nous souhaiterions également vous entendre sur les ressources qui ne relèvent pas de la T2A, notamment les dotations relevant des missions d'intérêt général. Le montant de ces dotations est-il déterminé selon vous de manière satisfaisante ? Pensez-vous qu'il faudrait augmenter, ou réduire, la part de ces dotations dans les ressources de ces établissements, par rapport à celles qui relèvent de la T2A ?

Notre rapporteur Jacky Le Menn va vous poser une première série de questions.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Initialement, les observateurs des établissements de santé auguraient qu'après un mode de financement reposant sur le prix de journée, puis sur la dotation globale, la méthode dite de la tarification à l'activité (T2A) couplée avec un financement spécifique pour les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), allait s'avérer un bon système car elle devait permettre, notamment, de comprendre la formation des coûts, et donc d'apporter des financements adaptés aux besoins de ces établissements tout en dynamisant leur gestion. Or, aujourd'hui, il semblerait que cette approche soit remise en cause par certains acteurs directement concernés, dont de nombreux médecins hospitaliers. Quelles sont les analyses de vos organisations professionnelles respectives vis-à-vis de cette méthode, en dégageant si possible ses points forts et ses points faibles ?

La T2A est-elle inflationniste et pousserait-elle à la conquête de « parts de marchés » ? J'emploie volontairement ce terme utilisé par une équipe de direction d'un grand CHU de province récemment visité, notamment par des médecins intégrés dans ladite équipe de direction. Que pensez-vous de cette conception ? Peut-elle conduire à une hyper spécialisation dans certains types de pathologies et à l'abandon d'autres pathologies, d'autres pratiques, d'autres secteurs, dans un souci de rentabilité pour maximiser les ressources des établissements de santé ?

Selon vous, l'objectif de dynamisation de la gestion des établissements de santé, visée par la T2A, est-il atteint ? Les restructurations opérées dans les hôpitaux publics ont-elles été efficientes, pourquoi et pour qui ?

Mme Rachel Bocher, présidente de l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). - La tarification à l'activité a été largement évoquée lors du dernier colloque organisé par l'INPH à l'Assemblée nationale en février dernier. L'ensemble des formations politiques qui se sont exprimées tout comme les représentants du Gouvernement ont souligné la nécessité d'opérer des ajustements. Il ne s'agit pas simplement du point de vue des praticiens hospitaliers, mais d'un constat partagé par le monde politique.

Au-delà des débats sur le mode de financement, il faut d'abord s'interroger sur la place de l'hôpital public dans notre système de santé. Comment les missions de l'hôpital public et les exigences d'excellence et de rentabilité qui lui incombent peuvent-elles lui permettre de répondre aux besoins de santé publique, en constante augmentation, d'une population qui vieillit ? A notre sens, ce sont les besoins de la population et le rôle assigné à l'hôpital public qui doivent déterminer le mode de financement.

Depuis plusieurs années, nous faisons face à un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) contraint. Il s'agit d'une enveloppe fermée et on observe des effets pervers. Les équipes hospitalières qui ont joué le jeu de la T2A ont finalement été pénalisées, puisqu'il a fallu baisser les tarifs pour rester dans l'enveloppe. L'introduction de la T2A a d'abord engendré une certaine dynamisation, puis les limites sont apparues avec un risque de démobilisation des équipes. Cela pose également la question de la pertinence des actes, car la T2A est nécessairement inflationniste.

L'enjeu principal réside bien dans les choix politiques effectués sur la place de l'hôpital public et le niveau des dépenses de la collectivité en faveur de la santé.

Il faut également s'interroger sur la part respective des financements assurés par la T2A et les missions d'intérêt général et aide à la contractualisation (Migac). Le système actuel a plutôt pénalisé les petits établissements.

Le monde hospitalier a subi un véritable diktat en vue du retour à l'équilibre en 2012. Les restructurations opérées ont exclusivement obéi à des objectifs comptables, sans tenir compte des objectifs de soins ou d'amélioration de parcours du patient. Je précise que certaines suppressions de postes de praticiens décidées dans le cadre des restructurations viennent d'être annulées.

Nous nous inquiétons également des modifications en cours pour le financement de la permanence des soins. Les dotations vont relever des agences régionales de santé (ARS) dans le cadre du nouveau Fonds d'intervention régional (Fir). Elles risquent de constituer une variable d'ajustement. Nous souhaitons que l'on revienne sur cette mesure.

Mme Nicole Smolski, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar). - Il me semble en préalable nécessaire de clarifier le débat sur la T2A. Celle-ci n'est qu'un outil de tarification. Il ne faut pas confondre l'outil en lui-même et d'autres déterminants que sont le choix de faire financer l'intégralité des dépenses de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) par la T2A, le choix politique du niveau des dépenses d'assurance maladie à travers l'Ondam et les réformes managériales liées à la loi HPST.

Je souhaite également souligner que les dépenses de soins ne doivent pas uniquement être considérées comme une charge, mais qu'elles peuvent également constituer un investissement rentable pour la société. Une étude américaine établissait que pour un coût de 3 000 euros, une opération de la cataracte représentait un gain de 95 000 euros pour la société, en termes de bien-être, d'autonomie et de prévention.

La T2A est un outil de modélisation. Or il est très difficile, voire impossible, de modéliser l'humain. Soit l'on reste dans une modélisation de niveau macro-économique, soit l'on descend au niveau micro-économique et les patients sont tous différents les uns des autres. La T2A ne reflète pas la lourdeur des prises en charge. L'âge, la dépendance, l'accompagnement de la famille sont autant de dimensions qui ne sont pas prises en compte. Ce modèle nous détourne de l'humain et se concentre exclusivement sur la technicité.

Enfin, la T2A constitue le bras armé des restructurations, avec parfois un véritable effet de désorganisation de certaines structures, comme les blocs opératoires. Pour les managers, c'est un instrument de normalisation, or un soin normalisé ne peut pas être un soin de qualité.

Je citerai pour conclure les taux de vacance d'emplois statutaires tels que les a établis le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction : 37 % pour la radiologie, 39 % pour l'oncologie médicale, 26 % pour l'anesthésie, 24 % pour la chirurgie. Nous assistons à une véritable désertion de l'emploi de praticien hospitalier du fait du manque d'attractivité des carrières.

M. François Fraisse, vice-président de la coordination médicale hospitalière (CMH). - Je confirme que l'on confond trop souvent la T2A et la façon dont elle est mise en oeuvre, dans le cadre d'une enveloppe fermée définie par l'Ondam. L'outil est très largement perfectible, mais c'est la manière dont on l'utilise qui est critiquable.

La T2A est éminemment inflationniste. L'hôpital n'a pas d'autre solution que d'accroître ses recettes, et donc son activité, pour atteindre l'équilibre. On entre alors dans une approche concurrentielle, non seulement entre secteur public et secteur privé, mais au sein du secteur public lui-même. Cela modifie évidemment les pratiques et les prises en charge, avec un découpage artificiel des séjours. Il n'en résulte pas nécessairement une hyper spécialisation. Les établissements vont plutôt privilégier les activités considérées a priori comme « rentables ». Ce sera plutôt la chirurgie que la médecine. Certaines activités hyper spécialisées sont très bien valorisées, notamment lorsqu'elles nécessitent un environnement en moyens technologiques lourds, mais ce n'est pas le cas de toutes : l'onco-hématologie et les greffes de moelle, par exemple, peuvent véritablement « plomber » le budget d'un établissement.

Il faudrait pouvoir se référer au coût global de prise en charge du patient, plus qu'au coût du séjour. Une stratégie de qualité peut générer des économies globales, tant au niveau de l'établissement qu'à celui du patient. Les pressions qui s'exercent actuellement sur les tarifs ont pour effet pervers de renforcer les pôles supposés rentables au détriment de ceux qui ne sont pas censés l'être. Mais à aucun moment n'intervient une véritable évaluation du service rendu. Enfin, on doit constater que la mise en place d'une politique territoriale, prévue par la loi HPST, reste balbutiante.

M. Jacques Trévidic, vice-président de la confédération des praticiens des hôpitaux. - Au début des années 2000, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que le système de santé français était le meilleur au monde. Le système hospitalier reposait alors sur deux modes de financement opposés mais complémentaires : le service public hospitalier, dont les praticiens sont salariés, était financé par dotation globale jusqu'en 2003 ; le système libéral en ambulatoire et en clinique était financé à l'acte.

Chacun des deux systèmes présente des qualités et des défauts. Le service public est moins productif mais prend en charge tous les patients, sans distinction d'origine sociale, géographique ou fondée sur la gravité des cas, et assure un service d'urgences vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le système libéral est quant à lui plus productif mais favorise la production d'actes inutiles. Il n'assure qu'une permanence des soins irrégulière, tend à trier les patients pour ne prendre en charge que les cas les moins lourds et les plus rentables. Seul, le service public créerait des files d'attente. Seul, le système libéral serait source d'inégalité d'accès aux soins. La réussite du modèle français tenait donc à la juxtaposition des deux systèmes, et non à leur fusion ou à leur convergence, les avantages de l'un compensant les défauts de l'autre.

Parce qu'elle a eu pour effet de supprimer les rentes de situation de certains établissements dont l'activité avait baissé au profit de ceux dont l'activité avait augmenté, la T2A a été initialement accueillie de façon assez favorable par les hospitaliers. Cet effet psychologique positif pour les établissements dynamiques a masqué les défauts inhérents à ce mode de tarification. Les règles et les niveaux des tarifs d'hospitalisation ne sont connus que très tardivement, ce qui est source d'opacité dans les prévisions budgétaires et contribue à paralyser les projets de soins et les investissements. Les choix d'activité tendent à dériver vers des prises en charge segmentées et centrées sur les pathologies les plus rentables. Le nombre d'actes augmente et avec lui celui des actes non pertinents. Plus la part de T2A dans le financement des hôpitaux est importante, plus il convient d'être précis au moment de la codification. Cela conduit, d'une part à une complexification du système, d'autre part à une augmentation du temps passé par les médecins à coder plutôt qu'à prendre soin des malades.

Leurs décisions ayant un impact direct sur les ressources de leur établissement, les praticiens hospitaliers tendent à davantage prendre en compte l'intérêt de la structure plutôt que celui du patient. La pression des dirigeants hospitaliers se fait croissante au point que ceux-ci veulent « intéresser » les praticiens en intégrant une part variable dans leur rémunération. Or l'objectif principal de la médecine n'est pas la production de soins mais la conservation ou la restauration de la santé de nos concitoyens, ce qui passe parfois par l'abstention thérapeutique (primum non nocere). Pourtant celle-ci n'est pas valorisée.

La pertinence de certains actes, notamment chirurgicaux (prostate, sein, césarienne, appendicite...), est de plus en plus douteuse. Même si ces actes inutiles sont effectués dans de très bonnes conditions de qualité, il existe un risque que la course à l'activité dans les hôpitaux publics ne conduise inévitablement à l'éclosion de nouveaux scandales sanitaires. A cet égard, la facturation individuelle au fil de l'eau que les pouvoirs publics veulent mettre en oeuvre ne peut qu'aggraver les choses, en rapprochant jusqu'à les confondre les ressources de l'établissement de la décision de soins.

La convergence des tarifs hospitaliers publics et privés accentue encore la recherche de productivité des hôpitaux publics au détriment du temps passé à la décision médicale. Au final, ce sont les cliniques privées elles-mêmes qui risquent d'en pâtir car les hôpitaux publics leur reprennent des « parts de marché ».

Le choix doit-il se résumer au « tout budget global » ou au « tout T2A » ? C'est l'excessive domination de l'un ou de l'autre des deux systèmes qui a créé les problèmes rencontrés. Nos préférences iraient vers un système mixte (pour l'activité MCO hors Merri). Un socle de dotation globale, lié à des facteurs démographiques, épidémiologiques et d'offre de soins, représenterait approximativement 50 % du financement. Il serait complété à parts égales par un financement lié à l'activité, sur la base d'un modèle T2A simplifié, et par un financement fondé sur des indicateurs de qualité et de pertinence des soins. Les modalités de ce nouveau système restent bien évidemment à définir.

Afin de redonner une certaine lisibilité aux décideurs hospitaliers, il faut également revenir sur le système de l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) et faire en sorte que le budget de l'année soit défini en fonction des indicateurs de l'exercice précédent. Cela évitera que les décisions individuelles de soins ne soient influencées par la crainte de perdre trop de ressources de financement. La moindre part de T2A permettra de simplifier le système et de diminuer le temps passé au codage.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Le socle de dotation globale de 50 % que vous proposez inclurait-il les Migac ?

M. Jacques Trévidic. - Oui nous incluons les Migac hors Merri. A vouloir être trop précis, le recensement actuel des Migac conduit en pratique à exclure des activités qui, telles la prévention, pourraient théoriquement en faire partie mais ne figurent pas sur la liste.

M. Sadek Beloucif, membre du conseil d'administration du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), président du syndicat des professeurs des universités praticiens hospitaliers d'anesthésie réanimation. - Vous le voyez, il existe de nombreux points de convergence entre nos différentes organisations. J'ai été l'un des deux rapporteurs d'un avis du comité consultatif national d'éthique sur les implications éthiques des contraintes économiques en milieu hospitalier dont je reprends ici plusieurs éléments. Dans ce texte, nous citions une phrase du prix Nobel d'économie Amartya Sen : « L'économie est une science morale ». Les contraintes économiques qui pèsent sur le milieu hospitalier rendent nécessaires des arbitrages qui doivent faire l'objet d'un débat de société.

Le concept de rentabilité ne peut être entendu de la même façon pour les hôpitaux publics et pour des activités commerciales ordinaires. La reconnaissance des tâches multiples qu'accomplit l'hôpital public constitue un enjeu essentiel. Au-delà des actes techniques, l'hôpital public exerce des missions sociales dont la valorisation dans un système de T2A est problématique. Face à cette diversité, la notion de parcours de soins constitue un élément clé qui doit permettre de différencier le prix, le coût et la valeur et de s'interroger sur la pertinence des actes. Il convient par ailleurs de distinguer la cotation et l'évaluation. La difficulté est de parvenir à considérer à la fois l'organisation des soins dans son ensemble et les pratiques individuelles des professionnels de santé pour aller vers une médecine sobre en actes. Or la T2A, alliée aux difficultés du dialogue social dans les hôpitaux, conduit à une désappropriation de l'esprit de qualité. Un médecin devrait normalement se poser la question de ce qu'il doit faire et de ce qu'il devrait faire, c'est-à-dire de l'idéal de qualité des soins vers lequel il devrait tendre. Dans un système idéal, il n'y a pas de discordance réelle entre le « doit » et le « devrait ». Avec la T2A, le médecin ne peut choisir qu'entre ce qu'il peut et ce qu'il doit faire.

Je retiens six points d'attention. En premier lieu, il convient de développer des modèles spécifiques pour les actes purement techniques et les autres actions de prévention, d'accueil, de recherche, d'innovation, etc. Le deuxième point d'attention porte sur la nécessité de davantage relier le sanitaire et le social. Il s'agit là d'une promesse non tenue de la loi HPST. En troisième lieu, il faut éviter d'affecter des systèmes de cotation à des usagers pour lesquels cela n'est pas pertinent. Au-delà de la quantification d'éléments techniques, d'autres éléments qualitatifs doivent être appréhendés afin de pouvoir distinguer clairement coût, prix et valeur. Quatrièmement, plutôt que de se centrer uniquement sur le soin en lui-même (le cure), il est nécessaire de ne pas négliger la dimension « prendre soin » (le care). Un cinquième point d'attention est de rendre aux arbitrages leur dimension politique sans les déléguer aux seuls responsables hospitaliers administratifs et d'approfondir la concertation entre les responsables décisionnels et l'ensemble des acteurs de santé. Le divorce actuel entre la logique administrative et la logique médicale est une des conséquences de la loi HPST et le décret à paraître relatif aux commissions médicales d'établissement (CME), qui sont les parlements des hôpitaux, illustre bien cette situation. Alors que la CME donnait auparavant un avis, ce qui engageait la responsabilité des médecins, elle ne sera plus qu'informée et deviendra donc une simple chambre d'enregistrement. Or nous ne pourrons avancer sereinement que si le dialogue social fonctionne correctement au sein des hôpitaux. Dans certains centres hospitaliers, il n'y a plus aujourd'hui de candidats à la présidence de la CME. Nous comprenons qu'il faille donner au directeur de l'établissement un véritable rôle décisionnel mais cela n'est concevable que si la concertation en amont a été effectuée correctement. Enfin, il faudrait assurer une double tutelle de la part d'organismes reconnus comme la Haute Autorité de santé - le National institute for clinical excellence anglais (Nice) a sur ce sujet effectué un travail remarquable - et de commissions paritaires régionales qui sont de bons outils de dialogue social.

Il est certain que la T2A conduit à réorienter l'activité vers des actes répétitifs et vers la chirurgie ambulatoire, ce qui contribue à redessiner le parcours de soins des patients. Il faut cependant se poser la question de la pertinence stratégique des actes réalisés. L'hôpital dans lequel j'exerce en Seine-Saint-Denis est situé dans une zone très défavorisée où les pathologies cancéreuses sont fréquentes. Or les incitations au développement des actes en ambulatoire et bien cotés détournent les chirurgiens thoraciques et vasculaires du temps qu'ils devraient consacrer à la prise en charge des cancers du poumon. La T2A ne permet pas de définir les actes stratégiques des hôpitaux en fonction des caractéristiques de leur territoire. Le rapport Leonetti sur l'évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie apporte un éclairage intéressant sur le caractère inflationniste de la T2A. Deux types d'actes chirurgicaux ont été comparés avant et après l'introduction de la T2A : concernant les chirurgies de l'hypophyse, le nombre d'actes réalisés est resté stable ; pour ce qui est des chirurgies de la vésicule biliaire, le nombre d'actes a explosé en raison d'une incitation mécanique liée au mode de financement.

Je développerai quelques pistes de réflexion pour le futur. Tout d'abord, nous allons vers le développement de comportements bien plus consuméristes de la part des patients.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Ces comportements traduisent aussi le fait que les patients sont davantage informés.

M. Sadek Beloucif. - En effet, la moitié des patients qui viennent consulter dans mon hôpital se sont renseignés au préalable sur Internet. L'information est en soi une bonne chose mais elle peut avoir des effets pervers si elle conduit à l'apparition de niches pour certains types de pathologies. Il est fréquent de dire que la qualité de l'offre de soins pour le cancer de la prostate est sans doute liée au fait que les élus qui font la loi sont en général des hommes d'âge mur.

Un deuxième point d'attention pour le futur découle de la révolution de la relation entre soignants et soignés. Elias Zerhouni, avant de diriger le National Institutes of Health (NIH), a réalisé une étude montrant qu'à la fin des années 1970, un patient était en moyenne soigné par 2,5 ETP, médecins et infirmiers, contre plus de quinze à la fin des années 1990. Se pose la question des mécanismes de régulation du parcours de soins et d'optimisation de la communication entre les soignants pour éviter d'entrer dans une logique qui ne sera plus seulement inflationniste mais source de gaspillage. On retrouve ici la nécessité de réfléchir à un parcours de soins qui soit capable d'assurer la pertinence des actes et de lutter contre les effets inflationnistes de la T2A.

M. Yves Daudigny, président. - Je retiens l'idée développée par Nicole Smolski selon laquelle la France, contrairement aux Etats-Unis, ne prend pas suffisamment en compte les gains pour la société des actes médicaux. Je note également la distinction qui a été faite entre l'intérêt de l'établissement et celui des patients, qui ne se recoupent pas nécessairement.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Il ressort de vos interventions que la mise en oeuvre de la T2A ne peut pas être dissociée de l'économie d'ensemble de la loi HPST. Selon vous, le volet « qualité des soins » est inexistant - il n'y a d'ailleurs pas d'indicateurs de qualité - et l'approche comptable peut induire une course à l'activité, voire une sélection des pathologies, dans l'intérêt de l'établissement, mais au détriment de la prise en charge globale du patient. A vos yeux, cela n'est pas étranger au désintérêt croissant pour les carrières de praticiens hospitaliers et nous avons constaté l'ampleur du taux d'emplois statutaires vacants lors d'une récente proposition de loi relative au recrutement de médecins étrangers.

Pouvez-vous nous donner votre avis sur le mécanisme complexe, et par certains côtés très technocratique, permettant d'établir les 2 300 tarifs en vigueur dans les établissements de santé à l'issue de chaque campagne tarifaire, suite au travail croisé de l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih) et de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) ? L'échantillon d'établissements volontaires sélectionnés par l'Atih pour établir une échelle nationale des coûts (ENC) doit-il être simplement amélioré ou plutôt complètement revu ?

Il nous a été précisé par Atih qu'une nouvelle méthodologie avait été mise en oeuvre en 2011 pour établir les tarifs afin de leur donner plus de lisibilité et d'éviter un changement systématique d'une année sur l'autre. Avez-vous perçu les effets de cette nouvelle méthode ?

Constatez-vous que certaines activités sont sur-financées par rapport à l'échelle des coûts ? Et si oui, suggéreriez-vous que ce sur-financement profite en particulier aux CHU lorsqu'ils exercent des activités d'hôpitaux de proximité ? Pourrait-on dire par ailleurs que ces sur-financements sont organisés à dessein pour prendre en compte des exigences de santé publique ?

M. André Elhadad, président-adjoint du syndicat national des médecins chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP). - Nous avons 2 300 GHS. Cela peut paraître beaucoup, mais l'Allemagne en a huit mille à neuf mille. Je crois que nous sommes parvenus à un compromis raisonnable qui permet de tenir compte de la variété de la pratique médicale et d'éviter la tyrannie des moyennes. En revanche, la méthodologie d'établissement des coûts reste opaque et les utilisateurs finaux sont trop peu associés. Il faudra corriger cela. L'enquête nationale des coûts s'appuie sur un échantillon beaucoup trop réduit. Il faut mettre en place des incitations, d'autant que la comptabilité analytique est aujourd'hui pratiquement généralisée dans les hôpitaux.

Certaines activités qui répondent pourtant à des besoins très bien identifiés sont sous-tarifées : la néonatologie, la réanimation, certaines chirurgies lourdes, la neurochirurgie ... Il faut rappeler que la T2A n'a pas vocation à refléter un coût moyen, car les tarifs doivent inciter les hôpitaux à se réorganiser et à améliorer leur performance. La plupart l'ont fait, mais beaucoup d'espoirs avaient été mis, avec la loi HPST, dans une approche territoriale de la performance, par des restructurations et mutualisations au niveau régional. Les résultats sont en deçà des attentes, même s'il faut tenir compte de la montée en puissance encore inachevée des ARS.

Faut-il remplacer la T2A par une tarification au parcours ? L'idée est extrêmement séduisante, mais je mets en garde mes confrères qui, dans le même temps, réclament de la stabilité après plusieurs années de réforme de la tarification. La tarification d'un parcours de soins poserait des problèmes identiques à ceux que nous connaissons pour la tarification des séjours. Il faudra de surcroît établir des clefs de répartition entre les différents types de prise en charge. On peut sans doute mener des expérimentations, et essayer d'en tirer le meilleur. Mais ne croyons pas que ce serait la panacée.

Commençons par apporter à la T2A les correctifs qui s'imposent en matière de pertinence et de qualité des soins. Accélérons résolument les travaux sur la mise en place d'indicateurs de qualité. Enfin, intégrons dans les missions d'intérêt général la dimension sociale, la prévention, la recherche effectuée dans les hôpitaux généraux.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Vous préconisez finalement une part de financement accrue pour les missions d'intérêt général, au détriment de la T2A, puisque tout ceci se conçoit dans une enveloppe fermée qu'est l'Ondam.

M. André Elhadad. - Nous butons en effet sur la contrainte économique. Mais il faut pouvoir répondre plus précisément à des besoins qui ne sont pas pris en compte par la T2A. La France est l'un des seuls pays à avoir opté pour un financement intégral à l'activité. Dans les autres pays, et indépendamment des missions d'intérêt général, la part de tarification à l'activité s'établit à 65 % ou 70 %.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - S'agissant de l'opacité des tarifs, nous avons été alertés sur les difficultés liées à la tarification respective de la réanimation, des soins intensifs et de la surveillance continue.

M. Yves Daudigny, président. - L'admission en soins intensifs ou en surveillance continue est subordonnée à l'accomplissement de certains actes marqueurs figurant sur des listes qui sont modifiées d'une année sur l'autre, selon des critères peu compréhensibles.

Mme Nicole Smolski. - Effectivement, cela rend le fonctionnement des services particulièrement difficile, puisqu'il faut se reporter à une nomenclature complexe d'actes marqueurs pour admettre les patients en réanimation, en soins intensifs ou en surveillance continue.

M. François Fraisse. - Ce type d'activité est financé par une indemnité journalière qui se surajoute au séjour. L'accès à la tarification en réanimation est subordonné à des actes marqueurs de gravité. L'ambigüité est beaucoup plus grande entre les soins intensifs et la surveillance continue. Certaines activités de soins intensifs supposent des moyens lourds, par exemple en cardiologie interventionnelle ou en neurovasculaire. D'autres ne requièrent pas de tels moyens et ne présentent pas de réelle spécificité par rapport à une unité de surveillance continue. Il sera nécessaire de revoir cette classification. Ce type d'activité est conditionné par une certaine masse critique de patients, qui justifie la mise en place de moyens lourds, d'équipes médicales spécialisées et d'une permanence des soins. Les situations varient selon la nature de l'établissement et son dimensionnement.

Je reviens sur les imperfections de l'enquête nationale des coûts. Actuellement, nous ignorons quel est l'écart type entre les différents hôpitaux de l'échantillon pour chaque groupe homogène de malades (GHM). C'est une donnée essentielle, car si les données de coûts sont regroupées, on peut supposer qu'elles sont représentatives pour l'ensemble des établissements. En revanche, un écart type important témoigne d'une grande hétérogénéité des coûts. Celle-ci tient moins aux différences de pratiques médicales, qu'à la nature des séjours et des patients. Ainsi, la part des séjours non programmés peut varier de 25 % à 60 % selon les établissements, or ce type de séjours induit des coûts bien supérieurs. De même, le pourcentage de patients admis en hospitalisation après s'être présentés aux urgences est révélateur d'un environnement social qui pèse sur la prise en charge.

J'estime qu'il n'était pas judicieux de financer les surcoûts liés à la précarité par une mission d'intérêt général. De surcroît, les critères retenus, à savoir la proportion de bénéficiaires de la couverture maladie universelle ou de l'aide médicale d'Etat, ne sont pas les plus pertinents. Il existe de bien meilleurs indicateurs de la précarité ou de la vulnérabilité sociale, notamment l'indice Epices (évaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les centres d'examens de santé). Le niveau de dépendance d'un patient conditionne également la capacité à retourner rapidement au domicile. La précarité devrait faire l'objet d'une prise en compte individuelle, et non d'un financement indemnitaire à travers les missions d'intérêt général (Mig).

M. Rémy Couderc, secrétaire général de la coordination médicale hospitalière (CMH). - La T2A devait en théorie, non seulement améliorer l'efficience des établissements de santé, mais aussi assurer une plus grande transparence du financement des soins et ce faisant une plus grande équité, les actes équivalents percevant une rémunération identique. Mais l'équité ne peut être réelle que si la classification des patients est suffisamment fine.

La méthode de construction des coûts est historiquement fondée sur un panel d'une cinquantaine d'établissements représentatifs. Si elle est peu coûteuse, cette méthode pêche par une très grande hétérogénéité des coûts pour les pathologies les moins fréquentes. Le coût de l'accouchement par voie basse, pathologie très fréquente, a été établi à partir d'un échantillon de 30 000 à 33 000 données. Pour la leucémie aigüe lymphoblastique de type B, seuls 150 cas ont été analysés, ce qui entraîne nécessairement de l'hétérogénéité. Compte tenu des progrès accomplis par les établissements de santé en matière de comptabilité analytique, ne serait-il pas intéressant, pour les pathologies les moins fréquentes, de construire l'échelle de coûts, non pas à partir d'un panel d'hôpitaux, mais à partir des prises en charge effectivement constatées dans l'ensemble des établissements.

Mme Nicole Smolski. - On fait peser sur les cliniciens des charges démesurées. Coder n'est pas notre métier, cela prend beaucoup du temps et la sanction pour l'établissement en cas de mauvais codage est immédiate. Je me pose par ailleurs la question des moyens donnés aux départements d'information médicale et du statut des médecins et des techniciens d'information médicale : comment s'assurer de la qualité de leur formation et de leur indépendance ? Ces personnels subissent des pressions fortes de la part de l'administration qui les oblige parfois à externaliser une partie de leur activité de traitement des données auprès de sociétés qui ne sont pas soumises au secret médical. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), que nous avons interrogée sur ce sujet, n'a pas été en mesure de nous apporter une réponse. Cela montre bien que la question pose problème. Certes, le codage est une responsabilité médicale et le médecin soignant doit y participer activement. Mais je crois qu'il faut réfléchir à une nouvelle articulation entre les intervenants afin de donner plus de place aux techniciens d'information médicale, pour une saisie au fil de l'eau.

Concernant l'échantillon utilisé pour construire l'échelle nationale des coûts, il est en effet nécessaire de le revoir. Pour prendre l'exemple des services de réanimation, le fait qu'ils soient dans l'ensemble sous-financés interpelle sur la façon dont sont calculés les coûts.

Je pense en effet qu'il existe des activités sur-financées, en particulier l'ambulatoire, pour le développement duquel s'exercent des pressions très fortes, au détriment d'une réflexion sur la qualité et la sécurité de la prise en charge des patients. On tente de suivre le modèle américain alors que les conditions de suivi des patients ne sont pas les mêmes : aux Etats-Unis, après une opération en ambulatoire, le patient est accueilli dans un hôtel hospitalier proche de l'établissement ; en France, il est directement renvoyé à son domicile.

Pour ce qui est de la permanence des soins, la tendance est à une division du travail de nuit et des week-ends entre la permanence des soins, qui sera financée, et la continuité des soins qui ne le sera plus. Il s'agit là d'une évolution dramatique car elle conduit à une désorganisation des hôpitaux : certains hôpitaux auront les crédits pour assurer la permanence des soins des patients extérieurs à l'hôpital alors même que la continuité des soins pour les patients déjà hospitalisés dans l'établissement ne sera plus financée. Certains hôpitaux sont d'ores et déjà en train de fermer des services de réanimation par manque de crédits. Effectuer une distinction entre permanence et continuité des soins constitue une mesure purement bureaucratique.

M. Yves Daudigny, président. - Vous abordez là un point important, pouvez-vous nous apporter plus de précisions ?

M. François Fraisse. - La permanence des soins doit normalement s'appliquer aux patients qui se sont présentés aux urgences dans les douze heures précédentes. Elle ne couvre donc absolument pas les besoins structurels de suivi des malades. Or un service de réanimation, qu'il accueille ou non de nouveaux malades, doit assurer une permanence des soins pour suivre les patients déjà en réanimation. Je souscris totalement à ce qu'a dit Nicole Smolski : distinguer permanence et continuité des soins n'a pas de sens et va à l'encontre d'une sécurisation globale de l'hôpital.

M. Yves Daudigny, président. - Si je prends l'exemple d'un hôpital de taille moyenne, l'existence de son service des urgences n'est pas remise en cause. Il existe un service de traumatologie orthopédie avec des gardes assurées entre 18 heures et 8 heures du matin. Si l'on supprime le financement permettant d'assurer la continuité des soins, il n'y aura plus de gardes assurées la nuit pour ce service ?

Mme Nicole Smolski. - Si l'on s'en tient à la définition administrative - qui n'est pas tout à fait la nôtre - la continuité des soins correspond à la prise en charge des patients qui présentent un problème médical alors qu'ils sont déjà hospitalisés tandis que la permanence des soins concerne la prise en charge des patients nouvellement admis. Avec l'évolution actuelle, il existera des financements pour les nouveaux patients et pas pour les patients déjà hospitalisés. On en arrive à des aberrations : par exemple, une femme hospitalisée en raison d'une grossesse pathologique et accouchant quatre jours après son admission relève de la continuité des soins.

M. Yves Daudigny, président. - Sur ce point, il me semble que l'existence même d'une maternité implique, selon la réglementation, l'existence d'une permanence des soins

M. André Elhadad. - C'est la même chose pour les services de réanimation. Les hôpitaux ayant un service de réanimation sont aussi ceux qui doivent assurer la permanence des soins et leur financement pour cette mission doit relever d'une enveloppe dédiée.

M. Sadek Beloucif. - Concernant le codage, le système est devenu trop technocratique et source d'une grande hétérogénéité. Je comprends qu'il faille être en mesure de couvrir l'ensemble des pathologies mais nous n'avons pas sur le terrain les outils pour coder correctement. Des dossiers identiques cotés par des médecins différents peuvent donner lieu à des écarts de codage allant jusqu'à 35 %. J'ai exercé pendant deux ans et demi aux Etats-Unis, eux sont parvenus à régler ce problème d'hétérogénéité du codage.

M. Jacques Trévidic. - Il ne faut pas oublier que la T2A n'est qu'un outil. Plus l'importance qu'on lui donne dans le financement des hôpitaux est importante, plus il est nécessaire de réduire l'hétérogénéité et d'augmenter le nombre de tarifs. Si l'on ramenait la part de financement T2A à une plus juste proportion, ces besoins seraient sans doute moins importants et le temps médical passé à coder serait réduit. L'établissement des tarifs est en effet particulièrement obscur, ce qui est sans doute lié au manque de représentativité de l'échantillon d'établissements.

Les sur-financements découlent quant à eux naturellement du fait d'afficher des tarifs : ceux-ci sont par nature plus ou moins favorables au développement de l'activité à laquelle ils s'appliquent.

Je partage les réserves exprimées par André Elhadad sur la tarification au parcours de soins. Se pose en particulier la question des clés de répartition qui devraient être appliquées entre les intervenants.

Mme Rachel Bocher. - L'obsession pour les questions de financement et de comptabilité est source de perplexité chez les soignants. De surcroît, la loi HPST n'a pas permis d'adapter le système de santé aux besoins des patients. Nous avons évoqué les sur-financements, il existe également des sous-financements pour certaines spécialités, notamment l'addictologie, que je connais bien. Ces questions de financements contribuent à alimenter une guerre entre les pôles et ne permettent d'aborder les vrais enjeux que de façon parcellaire. Il y a un véritable problème d'organisation et d'adaptation des soins à des évolutions de long terme telles que la hausse du nombre de pathologies chroniques. Sur ce point, il convient de trouver des solutions de prise en charge en aval de l'hospitalisation. La question centrale est bien celle de la durée moyenne de séjour à l'hôpital et de l'organisation globale des soins qui est proposée aux patients.

Mme Nicole Smolski. - Il faut avoir conscience que les Hospices civils de Lyon en sont désormais à comparer publiquement le nombre d'actes T2A produits par chaque médecin.

M. Sadek Beloucif. - Je vous suggère d'assister à une démonstration de codage par un médecin. Les logiciels que nous utilisons sont préhistoriques ! Vous pourriez également auditionner les représentants syndicaux des internes. La désaffection des jeunes générations pour l'hôpital public s'explique moins par les questions de rémunération que par les difficultés du dialogue social et les contraintes bureaucratiques qui pèsent sur les praticiens. Je ne suis pas payé pour passer 25 minutes à coder les actes après une nuit de garde en réanimation !

M. André Elhadad. - La misère de nos systèmes d'information constitue en effet un problème fondamental. Les logiciels sont rudimentaires, rigides, ils nous font perdre du temps. Ils n'ont tout simplement pas été conçus en tenant compte des besoins des utilisateurs.

M. Sadek Beloucif. - Je mets plus de temps à coder les actes qu'à rédiger les comptes rendus médicaux.

M. Yves Daudigny, président. - Nous avons assisté à une démonstration à Lille à partir du logiciel Cora. Le système est en effet très complexe.

M. François Fraisse. - Cette complexité vient notamment du fait que, plus la situation du patient est grave, plus les possibilités de codage sont nombreuses. Pour des patients en réanimation qui présentent plusieurs défaillances d'organes, il est nécessaire d'effectuer plusieurs hypothèses de diagnostic principal, d'associer en fonction de ces hypothèses des comorbidités, avant de choisir le codage le plus adapté. Les variations entre hypothèses de codage, si elles sont moins nombreuses qu'autrefois, restent aujourd'hui importantes.

Par ailleurs, concernant les malades lourds, le système actuel de codage ne permet pas, une fois que le diagnostic principal et donc le GHS ont été déterminés, de distinguer le patient dont la situation est grave de celui dont la situation est gravissime et nécessite la mobilisation de moyens humains beaucoup plus importants. Cela conduit certains services à mêler soins continus et réanimation de façon à mieux adapter les personnels mobilisés aux besoins. Il s'agit pourtant là d'une aberration par rapport à l'esprit de la T2A.

M. Yves Daudigny, président. - L'existence de certaines normes en matière de nombre de médecins ou d'infirmière a été citée pour les services de réanimation. En est-il de même pour les blocs opératoires ? Il semblerait que ceux-ci aient été affectés par des réductions de personnels liées aux restructurations.

Mme Nicole Smolski. - Effectivement, il n'existe malheureusement pas, pour les blocs opératoires, de normes analogues à celles imposées pour les services de réanimation. Je peux témoigner des pressions qui s'exercent, dans certains établissements, sur les praticiens anesthésistes-réanimateurs, afin qu'ils interviennent simultanément sur plusieurs salles d'opérations. C'est une possibilité que nous pouvons envisager au cas par cas, en fonction du type de chirurgie et de patient, et s'il y a au moins un infirmier anesthésiste dans chaque salle. On veut désormais que cette simple possibilité organisationnelle devienne la norme, au risque d'exposer dangereusement la sécurité des patients et de nuire à la sérénité des équipes chirurgicales.

M. Yves Daudigny, président. - S'agissant du codage, s'il n'est pas suffisamment complet, l'établissement est pénalisé sur ces ressources. A l'inverse, le sur-codage expose à un redressement par l'assurance maladie.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Les contrôles de l'assurance maladie s'effectuent-ils dans un climat de suspicion ?

M. Sadek Beloucif. - Généralement, les révisions opérées par l'assurance maladie correspondent à des erreurs de codage, et non à des surévaluations intentionnelles.

M. François Fraisse. - Pour ma part, j'estime que les contrôles de l'assurance maladie s'apparentent à un véritable racket. C'est exactement comme les radars placés dans les zones où les limitations de vitesse sont les moins faciles à respecter ! Les contrôleurs ont un objectif de rendement. Ces contrôles ne tiennent aucun compte du bon sens clinique dans la prise en charge des patients. Il y a beaucoup plus de situation de sous-codage que de sur-codage. La Cnam privilégie les contrôles sur les séjours pour lesquels la tarification comporte des ambigüités ou les situations marginales. Par exemple, en matière d'intoxication médicamenteuse, la tarification est uniforme, que le patient ait seulement absorbé quelques comprimés en excès ou qu'il soit dans un état gravissime à la suite de la prise volontaire de doses massives. Or dans les deux cas, le niveau de prise en charge n'est évidemment pas le même. Les contrôleurs ciblent cette faille de la tarification, puis ils extrapolent les corrections à l'ensemble des séjours dans le GHM considéré.

M. Jacques Trévidic. - Nous constatons une grande hétérogénéité des contrôles selon les régions. Cela n'est pas normal. L'absence de caractère contradictoire pose également un problème, alors que la décision finale revient au payeur.

Mme Nicole Smolski. - Il serait nécessaire de réfléchir à la pertinence des actes au niveau régional. Ce travail devrait être effectué en amont par l'assurance maladie. Il existe des différences injustifiées entre régions sur la fréquence de certains actes, comme les endoscopies digestives.

Mme Rachel Bocher. - La méthodologie des contrôles de l'assurance maladie est à revoir. Ces contrôles pourraient avoir une véritable valeur pédagogique. Ils devraient être plus fréquents, plus précoces, et s'effectuer dans un esprit de dialogue.

M. François Fraisse. - Les mémoires en défense des médecins DIM ne sont pas réellement examinés.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Les représentants des commissions médicales d'établissement n'ont pas remis en cause le principe de la T2A, tout en estimant qu'il fallait en améliorer les modalités. Comment rendre le système plus intelligent ?

M. Jacques Trévidic. - Nous ne remettons pas en cause la T2A, mais la part qu'elle a prise dans le financement des établissements. Par ailleurs, le codage est excessivement consommateur en temps médical. Il faut introduire des éléments de qualité et de pertinence - deux notions bien distinctes - dans la tarification.

M. Yves Daudigny, président. - La T2A ne représente pas 100 % du financement des établissements.

M. André Elhadad. - Elle représente l'intégralité de la part du financement soumise aux tarifs, hors Migac. En Allemagne, les financements autres qu'à l'activité représentent 30 % des ressources des établissements. En France, nous sommes loin de ce chiffre. Il faut accroître la part consacrée aux Mig, entendues dans le sens large d'une enveloppe de service public. Celle-ci ne devrait pas privilégier les CHU, mais prendre en compte, pour tous les établissements, les facteurs liés à l'environnement social des patients, à l'isolement ou à la mission de prévention.

M. Sadek Beloucif. - La T2A se justifie pour les actes techniques, mais il faut un meilleur encadrement pour ceux qui présentent un caractère répétitif. Je citerai le cas extrême d'une patiente qui avait consulté soixante psychiatres en deux mois, sans que l'assurance maladie ne fasse obstacle aux remboursements. De même, la prise ne charge est limitée à trois échographies par obstétricien durant la grossesse, mais rien n'empêche de consulter plusieurs obstétriciens et d'être remboursé. C'est pourquoi il faut impérativement lier le financement au parcours de soins.

Mme Nicole Smolski. - La T2A est adaptée aux actes modélisables, mais tous ne le sont pas, et il faut laisser une part à l'humain. La pertinence des soins, appréciée aux niveaux national et régional, et la qualité des soins, sont des facteurs à prendre en compte.

M. Rémy Couderc. - La T2A n'est qu'un outil. C'est sa mise en oeuvre dans le contexte plus général de la loi HPST qui crée des difficultés. Il faut remettre le médecin au coeur de l'organisation de l'hôpital.

Mme Rachel Bocher. - Le problème est moins la T2A que la loi HPST. La T2A est un meilleur outil que la dotation globale.

M. François Fraisse. - Les aides à la contractualisation soulèvent également des difficultés. Certaines activités innovantes ont été développées grâce à des aides à la contractualisation qui ont été brutalement interrompues par la suite.

M. Rémy Couderc. - Je voudrais également mentionner la situation spécifique de la biologie. Les actes ne sont pas tarifés, mais sont couverts par un pourcentage forfaitaire sur chaque GHM. Il existe cependant des actes de biologie spécialisés hors nomenclature, qui entrent en principe dans les dotations Migac. Il est difficile d'admettre que des actes bien identifiés, dont on peut mesurer les coûts, relèvent d'une enveloppe qui peut être remise en cause pour des raisons politiques ou économiques, avec le risque potentiel qu'ils ne soient finalement pas payés.

M. Alain Milon, rapporteur. - Je vous prie de bien vouloir excuser mon arrivée tardive, due à des perturbations du trafic ferroviaire. La loi HPST a été mise en cause. Je rappelle que le Sénat a largement rectifié le texte issu de l'Assemblée nationale, qui faisait aux médecins une place encore mois importante que celle prévue par la loi définitive. M. Elhadad estime qu'il serait raisonnable d'aboutir à un rapport 70 %-30 % entre le financement à l'activité et les dotations forfaitaires. Il me semble que nous n'en sommes pas si loin en France actuellement.

Financement des établissements de santé - Audition de Mme Zeynep Or, directrice de recherche à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission procède à l'audition de Mme Zeynep Or, directrice de recherche à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).

M. Yves Daudigny, président. - Nous recevons cet après-midi Mme Zeynep Or, directrice de recherche à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé. Mme Or est économiste de formation et elle a centré ses travaux de recherche sur le financement des établissements de santé, ainsi que l'efficience et la qualité des soins.

Vous avez réalisé plusieurs publications sur la T2A et votre expertise ne se limite pas à la France. Vous participez par exemple au projet de recherche européen « Euro DRG », soutenu par la Commission européenne, qui vise à comparer le rapport coût-efficacité et la qualité des soins des différents systèmes hospitaliers européens.

Ces questions sont au coeur du travail que nous avons lancé sur la tarification à l'activité et le financement des établissements hospitaliers. Nous sommes donc particulièrement intéressés par une approche comparative entre la T2A française et les modes de tarification en vigueur dans les principaux pays développés. Nous souhaiterions également connaître les principales conclusions que vous tirez, au vu de vos travaux, sur la T2A française, ses forces et ses faiblesses, et les axes d'amélioration ou de réforme envisageables.

Mme Zeynep Or, directrice de recherche à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). - La T2A est devenue le mode de paiement le plus répandu en Europe. Les pays qui ne l'ont pas encore mise en place sont en voie de le faire. Les objectifs sont largement partagés : assurer une plus grande transparence dans le financement, en le liant à la production des soins ; rendre le financement plus équitable, avec un même prix pour le même service ; améliorer l'efficience, en incitant à mieux utiliser les ressources hospitalières. Au-delà d'un principe de base commun, l'architecture de la T2A varie d'un pays à l'autre en fonction de leurs besoins et contraintes propres. En France, la T2A est introduite depuis 2005, mais ses résultats paraissent mitigés.

Mon exposé consistera à résumer les principes de base de la T2A, à présenter les différents paramètres d'ajustement possibles, à discuter les différents modèles en vigueur et à donner mon appréciation personnelle sur le modèle français.

Chaque mode de financement présente ses avantages et ses inconvénients. Le budget global permet de maîtriser les coûts, sans se préoccuper de l'activité. La T2A encourage l'activité et l'efficience technique. Elle comporte en revanche des risques de sélection des patients ou de réduction du niveau de prise en charge lors du séjour. Il n'y a pas de modèle idéal.

Avec la T2A, les ressources des établissements sont fonction de leur activité, décrite par groupes homogènes de séjours (GHS). A chaque groupe homogène de malade (GHM) correspondent différentes prestations offertes à un même profil de malade. Le prix est identique pour une même prestation. Les tarifs sont connus avant la réalisation de l'activité. C'est le principe du paiement prospectif.

Dans la pratique, la T2A incite à augmenter le nombre de patients traités et à limiter les actes pour un même patient. Les établissements reçoivent généralement d'autres financements pour couvrir les coûts liés à des activités de recherche et d'enseignements, à des soins particuliers, aux contraintes locales telles que les prix de l'immobilier ou les écarts de coût du personnel médical.

La T2A stimule l'activité hospitalière. N'oublions pas que dans un pays comme le Royaume-Uni, il s'agissait d'un objectif politique important, afin de diminuer les délais d'attente pour les patients. Elle vise aussi à réduire les différences de coût entre les établissements pour une même prestation et à renforcer leur efficience en améliorant le processus de production de soins et l'organisation de celle-ci.

Recourir à la T2A suppose de relever plusieurs défis. Il faut tout d'abord effectuer une classification homogène des prestations hospitalières, ce qui est loin d'être évident. Pour des pathologies aussi simples que l'accouchement ou l'appendicite, on constate que le nombre de GHM et les critères retenus dans chacun d'entre eux varient considérablement selon les pays. Il faut également assurer des tarifs « justes », maîtriser les coûts et garantir la distribution des soins en fonction des besoins de la population, ainsi que leur qualité. Les établissements sont incités à cibler les prises en charges les moins graves, celles qui sont relativement simples et homogènes. La T2A n'a en aucun cas vocation à permettre une couverture optimale des besoins. Il est donc nécessaire de prévoir des mécanismes régulateurs additionnels

Parmi les effets pervers les plus couramment imputés à la T2A, on peut citer le risque d'induction de la demande par les hôpitaux eux-mêmes, le transfert des coûts sur d'autres structures, que ce soit en soins de suite ou à domicile, la sélection des patients et des prises en charge les plus rentables, notamment la chirurgie légère et programmée, ainsi que des incidences sur la pertinence ou la qualité des soins : prestations injustifiées, augmentation de l'intensité des actes techniques, réduction inadéquate de la durée des séjours ou morcellement des séjours, le tout pour optimiser la rémunération. Il reste difficile de définir les soins strictement nécessaires.

Face à ces défis, les pays qui mettent en oeuvre la T2A ont adopté des solutions différentes quant au lien entre financement et activité, à la définition des GHM, aux domaines couverts (MCO, soins de suite, psychiatrie, consultations hospitalières), aux mécanismes de maîtrise des coûts et à la détermination des tarifs.

On constate que si dans la plupart des pays (Allemagne, Royaume-Uni, France, Portugal, Suède), la T2A lie directement le financement à l'activité, dans d'autres (Autriche, Irlande, Portugal), les GHM servent à déterminer les dotations budgétaires des établissements. La part des ressources liées à l'activité est également variable selon les pays : près de 100 % en Autriche, environ 80 % en Allemagne et en France, 60 % au Royaume-Uni.

La classification des séjours en GHM s'avère un exercice difficile. Il faut trouver l'équilibre entre la précision de la classification et les incitations à l'efficience. Plus le nombre de groupes augmente, en différenciant non seulement les situations cliniques mais aussi les choix thérapeutiques, plus le modèle s'approche du paiement à l'acte. Les études réalisées aux Etats-Unis montrent que lorsque l'on est passé d'environ six cents à mille cent GHM, l'hétérogénéité de chaque groupe n'en a été qu'assez peu réduite.

Avec 2 318 GHM en 2009, la France a adopté une classification médico-économique très complexe, source de difficultés de pilotage et d'insuffisante lisibilité. Un tel nombre de GHM nécessite des bases d'information très détaillées, avec un risque accru de sous-financement lorsque ces informations ne sont pas correctement collectées. L'enquête nationale des coûts est critiquée du fait de l'étroitesse de l'échantillon dans lequel les CHU sont sur-représentés. On peut s'interroger sur la pertinence de certains GHM qui n'ont fait l'objet que d'un seul séjour par type d'établissement de l'échantillon. On constate aussi que quarante GHM représentent à eux seuls la moitié des séjours.

En termes de nombre de GHM, la France se situe au-dessus des autres pays. L'Angleterre n'en compte que 1 389, l'Allemagne 1 200, les Etats-Unis 1 100, la Suède 983.

La T2A est généralement associée à un objectif de maîtrise des dépenses. La solution la plus souvent retenue consiste à établir un contrat type volume-prix par GHM, basé sur deux paramètres : un niveau d'activité cible pour chaque établissement, correspondant en moyenne à son activité historique et aux besoins locaux, et un niveau de paiement au-delà de l'activité cible. Ce dernier peut être plus élevé que le tarif de référence si l'on souhaite encourager l'activité considérée, ou moins élevé si on souhaite la limiter.

La France se distingue par l'absence de contrat volume-prix au niveau de chaque établissement. La régulation s'effectue au niveau macro-économique, en fonction de l'objectif des dépenses d'assurance maladie. Les tarifs diminuent en cas d'augmentation de l'activité hospitalière globale.

Le système français présente à mes yeux plusieurs inconvénients. Il n'effectue pas de distinction entre les différentes activités réalisées, alors que certaines sont plus faciles que d'autres à développer. Il ne tient pas compte de l'effort individuel des établissements et apparaît à ceux-ci opaque et peu prévisible. A niveau et gamme équivalents d'activité, un établissement peut se voir « sanctionné » dans son financement à cause de décisions prises dans d'autres établissements en matière d'activité.

On peut estimer que pour mieux contribuer à l'efficience du système, les tarifs devraient donner un signal-prix unique à l'ensemble des établissements. Ils devraient refléter les coûts effectifs constatés dans les établissements efficients et favoriser les bonnes pratiques médicales.

En France, le principe de base selon lequel à un GHM correspond un seul tarif n'est plus respecté. On le voit par exemple pour le traitement du cancer du sein, pour lequel existent plusieurs tarifs, et on dérive vers un paiement à l'acte. L'administration procède à des ajustements complexes et opaques pour calculer les tarifs finaux, dits « de campagne », à partir de tarifs bruts eux-mêmes différents des coûts. Les tarifs sont de plus en plus déconnectés des coûts supportés par les établissements.

Je voudrais maintenant vous donner un aperçu rapide de trois exemples étrangers.

Le système américain présente avec le système français beaucoup plus de similitudes qu'on ne le pense. La part de l'offre de soins privée est importante et il existe une véritable concurrence public-privé. Toutefois, aux Etats-Unis, un même type d'acte peut-être rémunéré différemment dans l'établissement, selon l'affiliation du patient, qui détermine le financeur. Les financements relèvent pour un tiers de Medicare, qui prend en charge les retraités, pour un tiers des assureurs privés et pour un tiers de Medicaid, dont relèvent les bénéficiaires de l'aide sociale. Chaque financeur négocie ses prix avec l'établissement, mais en pratique, la tarification des ressortissants de Medicare sert de référence. Le tarif de base est calculé à partir d'un coût moyen par patient, standardisé pour éliminer les différences liées aux coûts de structure, telles que celles résultant de la plus ou moins grande spécialisation des établissements ou de leur gamme d'activité. Les prix sont ajustés en intégrant les facteurs exogènes du marché, comme l'immobilier ou le coût du personnel, les coûts liés aux activités d'enseignement, la prise en charge des populations précaires. Il n'y a pas de convergence tarifaire. Des établissements de types différents seront tarifés différemment. Les prix sont également modulés selon les priorités de santé publique.

Aux Etats-Unis, les revenus des établissements peuvent être ajustés en fonction de la qualité. Ainsi, Medicare a décidé de ne plus payer les séjours imputables à une non-qualité des soins fournis, par exemple à la suite d'infections nosocomiales, d'erreurs opératoires flagrantes ou de corps étrangers oubliés sur le patient. Les établissements qui ne fournissent pas d'indicateurs de qualité voient leurs budgets réduits.

L'Angleterre dispose d'un système national de santé garantissant la gratuité de l'accès aux soins. Les médecins généralistes (gatekeepers) en constituent les pivots. Ce sont eux qui dirigent leurs patients vers les hôpitaux. Ils jouent un rôle déterminant dans le choix de l'établissement. Dans un tel système, les bases de données sont logiquement intégrées, si bien qu'il est possible de suivre l'ensemble du parcours du patient, de sa visite au généraliste jusqu'à l'hospitalisation, en passant par les consultations de spécialistes. Les tarifs de base sont calculés à partir du coût moyen. Celui-ci est établi en collectant l'information sur l'ensemble des hôpitaux. Les tarifs sont ajustés en fonction des recommandations de santé publique ou d'objectifs spécifiques. Par exemple, les établissements sont incités à reporter vers les soins primaires les activités des services d'urgence qui ne sont pas réellement justifiées. Les services d'urgence bénéficient d'une tarification à 100 % dans la limite de leur volume d'activité sur l'année précédente. Au-delà, les tarifs diminuent de 50 %.

L'Angleterre a également introduit des paiements supplémentaires liés à la qualité. Des objectifs locaux de qualité sont assignés aux établissements. Ceux-ci bénéficient d'un bonus pouvant aller jusqu'à 1,5 % si ces objectifs sont atteints. Les tarifs encouragent également les pratiques considérées comme efficaces, pertinentes ou bénéfiques en termes de qualité : c'est le best practice tarif qui se substitue alors aux coûts moyens observés.

En Australie, les coûts sont calculés selon une approche « bottom-up », c'est-à-dire à partir des données recueillies au niveau des patients. Les tarifs sont identiques pour des hôpitaux similaires par leur taille ou leurs missions, mais un contrat volume-prix est également négocié au niveau des établissements. Les tarifs sont ajustés en fonction des priorités politiques. Les établissements reçoivent un prix fixe par GHM jusqu'à une activité cible. Au-delà, ils bénéficient d'un financement additionnel incitant à traiter en priorité les patients réclamant les soins les plus urgents.

Que conclure de ces expériences étrangères ? La mise en application de la T2A varie largement d'un pays à l'autre. Dans certains cas, les GHM sont utilisés pour fixer les budgets, dans d'autres, ils déterminent directement les paiements. Les classifications des patients et des séjours ne sont pas identiques. Il existe également des différences dans la construction des échelles des coûts et dans les ajustements opérés sur les tarifs. Tout ceci entraîne d'importantes répercussions sur l'efficience des établissements et le fonctionnement du marché hospitalier.

On constate également que la T2A est toujours combinée à d'autres mécanismes de paiement. Par exemple, les prestations peu courantes ou de coût très élevé font l'objet de remboursements séparés. Les systèmes sont raffinés et ajustés de manière continue

Dans ce panorama d'ensemble, comment la France se situe-t-elle ?

La T2A y apparaît associée à une classification médico-économique par nature très complexe. La qualité des données collectées pour calculer les coûts est sujette à caution. Les méthodes de calculs des tarifs sont opaques et complexes, avec un passage des coûts aux tarifs bruts, puis des tarifs brut aux tarifs de campagne, qui n'est pas lisible pour les établissements. Le mécanisme de régulation prix-volume joue exclusivement au niveau macro-économique. Il ne rend pas compte de la réalité des évolutions au niveau des établissements et des besoins de la population. A ce jour, il ne me paraît pas évident que la T2A ait apporté en France les bénéfices attendus.

En conclusion, il faut rappeler que tout système de paiement doit fournir des incitations appropriées aux producteurs de soins et être en adéquation avec les objectifs sociaux tels que la qualité des soins, l'équité d'accès, l'efficience des établissements. Il doit garantir que ceux-ci sont payés de manière équitable pour assurer les soins nécessaires. La T2A est un mode de tarification complexe qui présente un certain nombre de risques nécessitant des ajustements réguliers et soigneux pour obtenir les bénéfices attendus. Il faut prévoir des mécanismes régulateurs pour assurer une couverture optimale des besoins en soins, ainsi que l'équité et la qualité des soins.

S'agissant plus particulièrement de la France, il me paraît important de veiller à ce que les mécanismes tarifaires introduits ne compromettent pas la capacité du système à fournir des soins complexes, ni ne mettent en danger l'équité d'accès aux soins en fragilisant les établissements publics.

L'efficacité de la T2A pourrait à mon sens être renforcée en introduisant davantage de transparence, ce qui suppose de s'appuyer sur un recueil d'informations détaillé des coûts et de la qualité des soins, en identifiant les établissements efficaces, en cherchant à mieux comprendre les différences dans les pratiques médicales, en assurant un suivi de la qualité à la fois par l'évaluation des pratiques redondantes et inefficaces et par l'analyse du résultat des soins. Il serait nécessaire de mettre en oeuvre une approche moins macro-économique et plus contractuelle, en donnant des signaux clairs aux établissements. Il faudrait intégrer la qualité et l'efficience dans les tarifs et les paiements, en accord avec des objectifs locaux. Les tarifs pourraient être mieux utilisés en vue de modifier le comportement des établissements, car la T2A offre la possibilité de mieux suivre le processus de soins, l'efficience et la qualité des soins à l'hôpital.

M. Alain Milon, rapporteur. - Les pays que vous avez étudiés ont-ils adopté la T2A pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) et pour la psychiatrie ? Ont-ils mis en oeuvre un processus de convergence entre secteur public et secteur privé ?

Sur les 2 300 GHS que vous évoquiez, quarante seulement suffisent à assurer la moitié de l'activité des établissements de santé. Avez-vous des informations sur les autres GHS ?

Vous nous avez expliqué que Medicare ne prend plus en charge les séjours en cas d'infection nosocomiale. Qui le fait ? Le patient ou l'établissement ?

Le nombre d'actes chirurgicaux sur le territoire national est constant et le secteur public reprend des parts de marché sur le secteur privé. Quel est votre sentiment sur cette situation ?

Mme Zeynep Or. - Aucun pays n'applique la T2A pour la psychiatrie. Les Etats-Unis ont commencé avec le champ MCO avant d'étendre la T2A au champ SSR. En Angleterre ou en Allemagne, le passage à la T2A pour le champ SSR est en cours. Une réflexion a été entamée en Angleterre concernant les soins psychiatriques mais il s'agit là d'un sujet complexe et peu consensuel.

Pour certains GHS, nous n'avons pu recenser qu'un séjour par établissement. Quel est alors l'intérêt de définir un tarif ? A l'inverse, d'autre GHS très hétérogènes recouvrent en réalité des coûts très différents. Il y a en effet un véritable enjeu de simplification de la classification.

Concernant les affiliés de Medicare, ce sont les établissements qui supportent les coûts en cas d'infection nosocomiale. Une publication récente de l'Irdes sur les événements indésirables évitables à l'hôpital (oubli de corps étranger, erreur de côté au moment de l'opération, etc.) montre que leur coût est très élevé. Cela encourage la DGOS à suivre de très près l'initiative américaine.

Pour l'activité chirurgicale, nous constatons en effet un rattrapage du secteur public. Il est difficile d'en tirer des conclusions sur le dynamisme des établissements de santé et sur les bienfaits de la concurrence entre public et privé. Le développement d'activités de chirurgie relativement standardisées dans le secteur public permet de compenser les coûts engendrés par des activités telles que la prise en charge des patients atteints du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), qui n'existent quasiment que dans le secteur public. La France est dans une situation particulière car peu d'autres pays ont un secteur privé aussi actif. Si l'Angleterre essaie d'encourager la création d'établissements privés pour la chirurgie ambulatoire, 98 % des établissements de santé restent publics. En Allemagne, 16 % de l'activité est exercée dans le privé. En France, 90 % des opérations de la cataracte et 56 % de la chirurgie en général sont réalisées dans le secteur privé. Le phénomène de spécialisation des établissements privés sur quelques opérations pour lesquelles ils développent une compétence pointue est accentué par la T2A qui les incite à délaisser les activités médicales et obstétriques.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- La T2A est en théorie un gage d'équité en ce qu'elle doit permettre d'appliquer le même prix au même service. Or il est très difficile d'effectuer des comparaisons entre ces services et les tarifs sont de plus en plus déconnectés des coûts. L'introduction d'indicateurs de qualité risque d'accentuer la variabilité des coûts et des tarifs.

Mme Zeynep Or. - Effectivement, l'objectif est de payer le même prix pour le même service, à condition d'être en mesure de définir le contenu de celui-ci. Avant même de s'interroger sur la pertinence des tarifs, il faut se poser la question de celle du système de classification. Ensuite, le prix doit nécessairement refléter les coûts réels des établissements de santé.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- On nous a expliqué que le calcul des coûts ne servait qu'à hiérarchiser les tarifs dans le cadre de l'enveloppe fermée qu'est l'Ondam. En est-il de même dans les autres pays ?

Mme Zeynep Or. - La logique est la même aux Etats-Unis ou en Angleterre : on calcule des coûts qui doivent correspondre à une réalité.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- Mais le tarif ne recouvre pas ensuite nécessairement le coût.

Mme Zeynep Or. - Le tarif idéal devrait correspondre au coût estimé pour fournir le soin idéal. Est-on en mesure de calculer cela ? Rien n'est moins sûr. Pour inciter les établissements à être efficients, il faut parvenir à déterminer les tarifs sur la base des coûts réels moyens observés dans les établissements les plus efficients. Si l'on se fonde sur la moyenne de l'ensemble des établissements, il n'y a aucune incitation à être plus efficient. Je ne parle même pas de l'intégration de critères de qualité qui est très complexe. L'Angleterre s'est engagée dans cette voie, ce qui a nécessité avant toute chose d'être en mesure de s'accorder sur une définition commune des « bonnes pratiques médicales » que devraient valoriser les tarifs.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- Toutes les prestations ne peuvent pas être modélisées.

Mme Zeynep Or. - La France est pourtant parvenue à modéliser 2 300 GHS.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- Les médecins disent qu'ils passent plus de temps à coder qu'à remplir les dossiers médicaux.

Mme Zeynep Or. - C'est un vrai problème et la complexité du système multiplie également le risque d'erreurs.

M. Alain Milon, rapporteur. - Les Etats-Unis ont adopté la T2A en 1980. En 2009, ils ont 1 100 GHS. La France est passée à la T2A en 2004, elle en a déjà 2 300. Quelle productivité de notre part !

J'étais la semaine dernière à l'hôpital de Toulon. Des investissements coûteux ont été effectués pour construire un nouvel établissement et regrouper ainsi les anciens hôpitaux de Toulon et de la Seyne-sur-Mer. L'amortissement annuel de ces investissements représente 28 % du budget de l'hôpital. Faut-il continuer de financer des investissements patrimoniaux de ce type à partir du budget des hôpitaux, et donc de la T2A, ou ne convient-il pas de mettre en place un système différent qui permettrait de retirer l'immobilier du budget des hôpitaux ?

Mme Zeynep Or. - Effectivement, c'est un sujet dont on peut discuter. Personnellement, je pense que les investissements patrimoniaux ne devraient pas être financés par la T2A.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- Je note qu'en Angleterre et aux Etats-Unis, le revenu des établissements peut être ajusté en fonction de critères de qualité. Lorsque des sanctions sont appliquées aux établissements, qui paye ?

Mme Zeynep Or. - C'est l'établissement qui paye. Il faut donc qu'il trouve une autre source de financement lorsqu'il est sanctionné.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- Les Etats-Unis semblent s'engager dans une logique de construction de deux échelles tarifaires différentes pour les secteurs public et privé, ce qui va dans le sens inverse de la démarche de convergence intersectorielle menée en France.

Mme Zeynep Or. - La diversité des producteurs de soins est encore plus grande aux Etats-Unis qu'en France. Des cliniques ambulatoires sont notamment apparues qui se spécialisent dans la prise en charge de chirurgies légères. Les coûts sont donc très différents selon le type d'établissement et les échelles tarifaires sont effectivement distinctes.

M. Alain Milon, rapporteur. - Aux Etats-Unis, des hôtels hospitaliers prennent en charge les patients à l'issue de leur hospitalisation. Comment sont-ils financés ?

Mme Zeynep Or. - Je pense que c'est l'assurance complémentaire de chacun qui assure le paiement de ces prestations. Cela dit, les modes de prise en charge sont très divers. Il existe notamment des systèmes d'assurance très intégrés comme ceux proposés par Kaiser permanente où les patients bénéficient d'un paquet de soins par type de prise en charge.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Comment est assuré le financement des activités de recherche et des investissements dans les autres pays ?

Mme Zeynep Or. - Tous les pays ont mis en place des mécanismes équivalents à celui des Migac. En France, les critères d'attribution des missions d'enseignement de recherche de référence et d'innovation (Merri) sont aujourd'hui beaucoup plus transparents que par le passé et permettent de prendre en compte la diversité des établissements. C'est le volet aides à la contractualisation, spécifique à la France, qui demeure le moins transparent.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- Et qui est totalement contraire à l'esprit de la T2A.

Mme Zeynep Or. - En effet. La question du financement de l'investissement est d'autant plus pertinente qu'il semble difficile de lui apporter une réponse certaine. J'ai récemment participé à une étude comparative sur cinq pays avec d'autres chercheurs. Aucun d'entre eux n'a été en mesure de nous dire clairement comment les investissements sont financés dans son propre pays. En France, l'investissement devrait être couvert par les tarifs mais les aides à la contractualisation y contribuent également dans une proportion cependant difficile à apprécier. En Allemagne et en Angleterre, l'investissement est en théorie couvert par les tarifs. Je ne pense pas que ce soit le cas pour les Etats-Unis.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- Les investissements y sont souvent financés par des fondations.

Mme Zeynep Or. - Si l'on s'en tient à un point de vue purement économiste, il n'y a aucune justification à ce que les investissements soient financés par les tarifs.

M. Yves Daudigny, président. - Nous estimons avoir en France l'un des meilleurs systèmes de santé au monde alors que le système anglais a plutôt mauvaise réputation. Pourtant, en vous écoutant, je réalise que le système hospitalier anglais est en pointe dans bien des domaines : les bases de données intégrées permettent un suivi du patient, ce qui est l'objectif recherché avec plus ou moins de succès par le dossier médical personnel (DMP) ; les critères de qualité sont pris en compte dans les tarifs qui sont construits à partir des meilleures pratiques observées ; l'idée d'une trajectoire idéale et d'une tarification pour l'ensemble du parcours de soins, qui nous a été présentée dans d'autres auditions comme un moyen d'améliorer la T2A, est également présente. Quel est votre analyse sur ces comparaisons entre les deux systèmes ?

Mme Zeynep Or. - Chacun a ses points forts et ses défauts. A son arrivée au pouvoir, Tony Blair a lancé une réforme profonde du système de santé britannique, le National Health Service (NHS), avec pour objectif d'amener la part du PIB consacrée aux dépenses de santé à la moyenne constatée dans les autres pays de l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Comme les autres systèmes bismarckiens, et contrairement au système anglais, beveridgien et intégré, la France a un problème de fragmentation de la prise en charge des patients. Nous avons donc beaucoup à apprendre de l'Angleterre en termes d'intégration et de recherche de solutions innovantes pour assurer l'efficience du système de soins.

M. Claude Léonard. - Le système anglais est difficilement compatible avec notre culture et notre conception de ce que doit être la prise en charge des patients. Les décisions de soigner ou non sont en Angleterre fortement guidées par des études statistiques. La France est encore très éloignée de cette logique d'arbitrage des soins.

Mme Zeynep Or. - Je ne suis pas tout à fait d'accord. Les études comparatives que nous avons menées montrent que l'Angleterre et la France ont en réalité des profils assez proches en termes de prise en charge des patients à l'hôpital et de durée de séjour.

M. Claude Léonard. - C'est le cas lorsqu'il s'agit de soigner les pathologies traditionnelles. Il en va différemment pour les soins apportés aux personnes âgées ou pour la cancérologie.

Mme Zeynep Or. - Les comparaisons internationales montrent que l'Angleterre est plus avancée que nous dans le domaine des soins en fin de vie. Elle a notamment su mettre en place de véritables structures d'accompagnement.

Afin d'illustrer le problème de fragmentation de la prise en charge des patients en France, je vais vous faire part d'une anecdote. Une personne de mon entourage âgée de soixante-quinze ans a été opérée à l'hôpital Georges Pompidou, dont nous savons qu'il dispose du meilleur service de cardiologie d'Europe. A la suite de l'opération, la patiente a développé des troubles respiratoires qui n'ont pas été traités en raison du manque de coordination entre les services. Elle a fini par sortir avant de revenir deux semaines plus tard en soins intensifs. Après trois semaines en soins intensifs, elle a été transférée dans une unité de soins palliatifs. Or cette personne était simplement épuisée du fait de la longueur du temps passé en soins intensifs et de l'absence de prise en charge adaptée. Le fait de pouvoir se reposer en soins palliatifs lui a permis de se remettre progressivement et elle est aujourd'hui toujours en vie.

M. Claude Léonard. - Il y a en effet en France un problème de coordination des soins.

M. Yves Daudigny, président. - L'espérance de vie est moins élevée en Angleterre qu'en France mais plus élevée si l'on se concentre sur l'espérance de vie sans problème grave de santé. Les Anglais auraient-ils un système de prévention et des modes de vie meilleurs que les nôtres ? Une fois de plus, cela va à l'encontre de certaines idées reçues.

Mme Zeynep Or. - Les délais d'attente sont, eux, un véritable problème dans le système anglais. C'est une difficulté que nous ne rencontrons pas du tout en France. De la même façon, le fait pour un patient anglais de pouvoir choisir son généraliste est très récent, alors que cela semble une évidence en France.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.- Le système des health maintenance organizations (HMO) aux Etats-Unis est également particulier.

Mme Zeynep Or. - Aux Etats-Unis, la prise en charge est excellente pour les patients qui bénéficient d'une bonne couverture maladie. Pour les autres, les difficultés d'accès aux soins sont réelles.