AFFAIRES ECONOMIQUES ET PLAN

Table des matières


Mardi 18 janvier 2000

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président. -

Chasse - Audition de M. François Patriat, député de la Côte d'Or "

La commissiona procédé à l'audition de M. François Patriat, député de la Côte d'Or, auteur du rapport au Premier ministre intitulé " Propositions pour une chasse apaisée et responsable ".

M. François Patriat
a rappelé que le Premier ministre lui avait confié une mission devant déboucher sur des propositions pour résoudre les problèmes d'ordre législatif et réglementaire d'actualité qui se posent à la chasse. Sur la base de ce rapport remis en novembre 1999, a-t-il ajouté, le Gouvernement a élaboré un avant-projet de loi, soumis à l'avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, puis à celui du Conseil d'Etat qui se prononcera dans la première quinzaine de février. Il a indiqué que le projet de loi pourrait être adopté en Conseil des ministres fin février pour être soumis au Parlement selon la procédure d'urgence entre avril et juin.

Il a fait valoir qu'à travers son rapport, il avait eu la volonté de prendre en compte toutes les chasses, afin de défendre une chasse d'avenir répondant à un souci de gestion et de sécurité.

Il a jugé que l'ensemble de ses propositions était équilibré et apportait des réponses en matière de partage d'usage de la nature et d'organisation de la chasse, afin de dépasser les affrontements entre le monde de la chasse, sûr de ses traditions, et les écologistes qui considéraient que les textes communautaires leur donnaient raison.

Rappelant que les contentieux judiciaires remontaient au début des années 1990, il a souligné qu'une très large majorité de français, quoique non-chasseurs, s'intéressait à la chasse en tant que sujet de société et dénonçait le sentiment d'insécurité que la chasse occasionnait.

S'agissant du partage du temps et de l'usage de la nature, M. François Patriat a jugé que l'instauration, dans la loi, du mercredi comme jour de non-chasse constituait un symbole fort, et qu'il fallait éviter que le dimanche soit remis en cause, afin de préserver le caractère démocratique de la chasse. Il s'est félicité des mesures proposées pour renforcer la formation des chasseurs, notamment l'instauration d'un permis de chasse accompagné.

En revanche, il a jugé que le projet de loi était insuffisant sur le plan de la gestion de la faune et a regretté que le texte du Gouvernement ne reprenne pas sa proposition relative à la création d'une instance d'évaluation présentant les garanties d'objectivité et d'indépendance nécessaires à la définition du statut des espèces permettant, ultérieurement, l'élaboration et le contenu des schémas de gestion de la faune.

En ce qui concerne l'organisation de la chasse, il a jugé que l'obligation d'adhésion à l'Union des fédérations de chasseurs de l'ensemble des fédérations permettrait de structurer le monde de la chasse en imposant l'Union comme interlocuteur unique des pouvoirs publics. Il a indiqué que les compétences de l'Office national de la chasse (ONC) devaient être accrues en matière d'ingénierie pour l'élaboration et l'évaluation des schémas de gestion, de formation des gestionnaires de territoires, et il a souhaité que son comité scientifique soit renforcé.

Par ailleurs, a-t-il ajouté, les fédérations départementales sont responsabilisées dans leurs missions de service public et d'intérêt général et se voient reconnaître des missions nouvelles en contribuant à la gestion du gibier et des territoires.

S'agissant de la garderie nationale, il s'est déclaré en faveur de l'intégration des personnels de l'ONC dans la fonction publique, tout en regrettant qu'il ne soit pas financièrement envisageable de mettre en place une véritable police de l'environnement.

En ce qui concerne la chasse de nuit, il a indiqué qu'il avait proposé que ce mode de chasse soit légalisé dans les départements où cette pratique était ancienne et importante, mais que le Gouvernement avait opté pour une solution provisoire en suspendant pour une période de cinq ans la disposition du code rural sanctionnant la pratique de chasse de nuit.

En ce qui concerne les modifications proposées pour la loi du 10 juillet 1964 dite " loi Verdeille ", il a déclaré que le principe de fonctionnement des associations communales de chasse agréées (ACCA) était maintenu, tout en reconnaissant un droit d'objection de conscience cynégétique aux petits propriétaires, permettant à ces derniers d'obtenir le retrait de leurs terrains d'un territoire de chasse. Mais, a-t-il ajouté, cette clause de conscience doit être déclarée et avérée et elle ne supprime pas la responsabilité des propriétaires en matière de dégâts de gibier.

A propos des périodes de chasse des oiseaux migrateurs, M. François Patriat a considéré qu'il fallait tenir compte des données scientifiques contenues dans le rapport " Lefeuvre " remis au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement en septembre 1999, pour transposer les objectifs de la directive du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. Il a indiqué avoir proposé des dates de chasse allant du 10 août au 10 février, ce qui autorisait à chasser le gibier pendant six mois, puis à le gérer pendant six autres mois. Rappelant le nombre des contentieux en cours au niveau européen, il a considéré qu'il fallait en premier lieu adopter une réglementation nationale conforme aux objectifs communautaires afin de pouvoir, dans un deuxième temps, solliciter un régime dérogatoire. Il a fait valoir que ces propositions pourraient être acceptées par le mouvement écologique.

M. Ladislas Poniatowski est intervenu pour souligner la difficulté de la mission de M. François Patriat et regretter qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi plusieurs de ses propositions relatives à la gestion du gibier et de son habitat.

Il a jugé qu'il était dangereux de fixer arbitrairement, au niveau national, le mercredi comme jour de non-chasse, et qu'il revenait aux fédérations d'arrêter ce type d'interdiction au niveau départemental.

Il a dénoncé -pour le regretter- l'émergence d'un comportement anti-chasse et verbalisateur parmi la garderie nationale de l'ONC et souligné tout l'intérêt de transformer les gardes techniques des fédérations en une véritable garderie fédérale dotée de pouvoirs de police judiciaire.

S'agissant des règles de fonctionnement des ACCA, dont il a reconnu qu'elles portaient atteinte à la liberté d'association et au droit de propriété, il a craint que les nécessaires aménagements proposés n'entraînent une diminution de la superficie des territoires de chasse, et, par conséquent, du nombre de chasseurs.

Il s'est félicité de ce que le projet de loi transpose les principes de la directive du 2 avril 1979 et laisse à l'autorité administrative le soin de fixer les dates d'ouverture et de fermeture des périodes de chasse, mais il a craint la poursuite des contentieux, au niveau tant national qu'européen, sur les nouvelles dates envisagées.

Il a jugé indispensable que le Gouvernement négocie une révision de la directive du 2 avril 1979, tout en s'interrogeant sur la volonté réelle du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur ce point.

Il a considéré que la situation restait explosive localement, notamment dans l'attente des décisions des autorités administratives sur la fermeture de la chasse, au-delà du 31 janvier 2000.

Mme Anne Heinis a déploré que la garderie nationale n'ait plus ni les moyens, ni l'ambition de lutter efficacement contre le braconnage. Elle a souligné que la loi du 3 juillet 1998 constituait une base de négociations pour obtenir des dérogations auprès des instances communautaires, mais elle a dénoncé l'opposition avérée de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur ce sujet extrêmement délicat. Elle a déclaré, enfin, n'accorder aucun crédit à d'éventuelles assurances des associations écologiques de ne plus engager de contentieux sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse.

M. Jean François-Poncet, président, est intervenu pour souligner le manque de crédibilité de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur une série de problèmes convergents concernant le monde rural, comme la chasse, l'agriculture et la gestion de l'eau.

M. Francis Grignon a souligné tout l'intérêt, en termes de gestion cynégétique, du régime spécifique de la chasse en Alsace-Moselle, en demandant qu'il ne soit pas modifié par la future loi.

M. Gérard Le Cam a souhaité que la discussion du projet de loi ne soit pas le cadre d'un règlement de comptes entre chasseurs et écologistes. Il a jugé nécessaire l'instauration d'une garderie fédérale de proximité pour lutter contre le braconnage et a considéré que l'instauration de nouvelles relations entre l'ONC et les fédérations départementales impliquait un partage du produit de la redevance cynégétique.

Evoquant l'exemple de la chasse à la bécasse, il a souligné l'intérêt des mesures de prélèvements maximum autorisés pour la gestion du gibier.

M. Pierre Lefèbvre, après avoir salué la qualité du travail de M. François Patriat, a regretté que le Nord ait été oublié, concernant la pratique de la chasse de nuit à partir d'installations fixes. Il a jugé inutile que la loi impose sur tout le territoire national un jour fixe -le mercredi- comme jour de non-chasse, préférant confier cette responsabilité aux fédérations départementales.

Il a considéré que les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs proposées par le rapport soulevaient encore des questions, les conditions de chasse et de passage du gibier n'étant pas identiques sur l'ensemble du territoire. Il a déclaré craindre que les contentieux se poursuivent même après l'adoption de ces nouvelles dates et a jugé indispensable que le Gouvernement obtienne une révision de la directive du 2 avril 1979. Il s'est déclaré en totale opposition avec la disposition du projet de loi limitant la chasse à la passée à une heure avant le lever du soleil et une heure après son coucher.

M. Louis Althapé a souhaité que plus d'autonomie soit donnée aux fédérations départementales et a regretté que le fonctionnement du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement ne soit pas plus nettement déconcentré. Il s'est, enfin, inquiété de l'avenir de chasses traditionnelles, telles qu'elles se pratiquent dans le Sud-Ouest.

Leur répondant, M. François Patriat a indiqué qu'il fallait adopter une loi transposant la directive du 2 avril 1979, puis négocier les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse des oiseaux migrateurs avec les instances communautaires et mettre en place une politique de gestion efficace des espèces et de leur habitat. Il a considéré que, sur la base de données scientifiques intangibles, une bonne gestion du gibier passait par l'instauration de quotas de prélèvements.

Il a indiqué que le Nord faisait partie des départements où la pratique de la chasse de nuit était avérée et ancienne.

Il a déclaré qu'à une large majorité, les fédérations départementales ne réclamaient pas de compétences en matière de police judiciaire, mais il a reconnu qu'il fallait trouver une solution au problème généralisé du braconnage, à travers une garderie de proximité.

Il a défendu le principe général d'un jour de non-chasse fixé au mercredi par la loi, considérant que les chasseurs devaient faire des concessions en matière de partage d'usage de la nature, afin de préserver l'exercice d'une chasse équilibrée et soucieuse de la gestion du gibier.

Il a indiqué que le régime spécifique de la chasse en Alsace-Moselle n'était pas modifié par le projet de loi et que les conditions d'exercice des chasses traditionnelles n'étaient pas remises en cause.

Mercredi 19 janvier 2000

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président. -

Chasse - Audition de M. Renaud Denoix de Saint-Marc, Président de l'Office national de la chasse

La commissiona procédé à l'audition de M. Renaud Denoix de Saint-Marc, président de l'Office national de la chasse.

M. Renaud Denoix de Saint-Marc, président de l'Office national de la chasse,
a indiqué que l'avant-projet de loi sur la chasse, élaboré à partir des conclusions du rapport Patriat n'avait pas encore été examiné par le Conseil d'Etat, qui délibérera après que le Conseil national de la Chasse et de la faune sauvage aura adopté son avis. Le Conseil d'administration de l'ONC, a-t-il ajouté, n'ayant pas eu encore à connaître de la partie du projet de loi qui le concerne, il s'exprime donc lui-même à titre personnel.

Il s'est demandé comment régler les principales sources de contentieux cynégétiques, à savoir les périodes de chasse des oiseaux migrateurs et la chasse de nuit. Pour la chasse aux oiseaux migrateurs, il a fait valoir que la solution ne pouvait être trouvée au niveau national par voie législative et qu'il fallait inciter à une révision de la directive n° 79/409/CEE du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages. S'agissant de la chasse de nuit des oiseaux d'eau, il a jugé que la loi devait fonder en titre cette pratique dans les départements où elle correspondait à une véritable coutume.

En ce qui concerne les modifications proposées à la loi du 10 juillet 1964 dite loi Verdeille, M. Renaud Denoix de Saint-Marc, président de l'Office national de la chasse a jugé qu'elles permettaient de répondre positivement aux attendus de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, tout en recueillant l'accord des parties concernées. Il a jugé que la reconnaissance de l'objection de conscience cynégétique pour les petits propriétaires relevant du territoire d'une association communale de chasse agréée (ACCA) était une solution équilibrée, puisque ce droit de retrait était assorti du maintien des sujétions et responsabilités incombant au propriétaire, notamment du fait du gibier.

Il a considéré que les spécificités du régime de la chasse en Alsace-Moselle, appliqué de manière uniforme dans les trois départements et géré directement par les communes, n'avaient pas à être modifiées, du fait de l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme.

M. Renaud Denoix de Saint-Marc s'est déclaré réservé sur les propositions relatives aux compétences de l'ONC, qui sont étendues à l'ensemble de la faune sauvage, regrettant que les liens institutionnels entre l'ONC et les fédérations départementales de chasseurs soient ainsi remis en cause. Il a considéré que la création de fédérations régionales de chasseurs allait ajouter à la pesanteur technocratique sans que ces fédérations aient une véritable utilité, et que le principe de l'adhésion obligatoire des fédérations à l'Union nationale devrait entraîner une évolution du statut de celle-ci. Il s'est alors inquiété du renforcement excessif du rôle de l'Union des fédérations de chasseurs comme interlocuteur unique des pouvoirs publics.

Evoquant la disposition législative interdisant la chasse le mercredi tout en prévoyant des possibilités de dérogations préfectorales, M. Renaud Denoix de Saint-Marc a fait valoir qu'il revenait aux maires et aux préfets, au titre de leur pouvoir de police, voire aux bailleurs du droit de chasse, de résoudre localement les problèmes de sécurité et d'usage de l'espace résultant de la pratique de la chasse. Rappelant les multiples pratiques déjà en cours, il a considéré que cette mesure ne relevait pas du domaine de la loi, et qu'à ce niveau, elle pouvait constituer une atteinte excessive au droit de propriété. Dans certains cas, a-t-il ajouté, cette mesure allait priver les propriétaires -qu'ils soient privés ou publics- de sources de revenus non négligeables.

En ce qui concerne la chasse à la passée, M. Renaud Denoix de Saint-Marc a rappelé que la chasse est autorisée du lever du soleil à la tombée de la nuit alors que la circulaire élaborée par le directeur de l'ONC et annulée par le Conseil d'Etat autorisait la chasse deux heures avant le lever du soleil et deux après son coucher.

Il a néanmoins jugé raisonnable la légalisation de cette pratique par le projet de loi, sur une période n'excédant pas une heure avant le lever ou après le coucher du soleil.

S'agissant de la suspension, pendant cinq ans, pour la chasse au gibier d'eau, de la disposition du code rural interdisant la chasse de nuit, M. Renaud Denoix de Saint-Marc a jugé qu'il s'agissait d'une disposition à laquelle les chasseurs seraient très hostiles. Il s'est déclaré en faveur d'un régime dérogatoire permanent, mais limité aux seuls départements où la pratique de ce type de chasse a un caractère ancestral incontesté.

Répondant à Mme Anne Heinis, qui l'interrogeait sur les périodes de chasse des oiseaux migrateurs et sur la répression insuffisante du braconnage, M. Renaud Denoix de Saint-Marc a rappelé que les dispositions de la directive du 2 avril 1979 s'imposaient aux autorités nationales tant au niveau de l'exécutif que du Parlement, et que ce principe venait d'être rappelé par l'arrêt du Conseil d'Etat du 3 décembre 1999, faisant suite à une jurisprudence constante des tribunaux administratifs et judiciaires. Il a relevé, de plus, que la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 19 janvier 1994, avait fait une interprétation très stricte des objectifs de la directive en imposant une protection complète des espèces pendant leur trajet de retour, leur période de nidification, de reproduction et de dépendance. Il a fait valoir que le Conseil d'Etat et les tribunaux administratifs étaient obligés de faire leur cette interprétation, sauf à ce que le Gouvernement français obtienne une modification des termes mêmes de la directive.

Il a rappelé que la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau relevaient du domaine réglementaire, mais il a jugé que les dates envisagées, à savoir 10 août-10 février, n'étaient sans doute pas compatibles avec l'interprétation stricte de la directive qui prévalait depuis l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes. Elles donneront sans doute lieu à contentieux, sans vouloir préjuger néanmoins, a-t-il ajouté, la position du Conseil d'Etat statuant au contentieux sur ce point.

M. Jean François-Poncet, président, s'est alors interrogé sur la volonté réelle du Gouvernement français d'obtenir des dérogations au niveau communautaire, voire une révision de la directive, et sur la position des pays membres de l'Union européenne à ce sujet.

S'agissant de la répression du braconnage, M. Renaud Denoix de Saint-Marc a admis que, compte tenu des effectifs limités de la garderie nationale, celle-ci ne pouvait assurer un maillage complet du territoire et qu'il fallait sans doute encourager la mutualisation des moyens de garderie privée, sous la responsabilité des fédérations.

Répondant à M. Bernard Joly qui soulignait l'intérêt d'un jour de non-chasse hebdomadaire sur le plan des loisirs et du tourisme et qui s'inquiétait du nombre croissant et de la gravité des accidents de chasse, M. Renaud Denoix de Saint-Marc s'est déclaré en faveur d'un jour de non-chasse, mais a considéré qu'il était néfaste de vouloir l'imposer de manière uniforme au niveau national. S'agissant des accidents de chasse, dont il a reconnu la gravité, en raison de l'augmentation du tir à balle et des battues de gros gibier, il a souligné que leur nombre était en diminution en dépit de leur très forte médiatisation. Cette question, a-t-il précisé, relève des autorités de police administrative au niveau communal et départemental.

Il s'est déclaré en faveur d'un renforcement des règles de sécurité et de la formation des chasseurs.

Répondant à M. Philippe François sur l'opportunité d'intégrer le corps des gardes de l'ONC dans la gendarmerie nationale, M. Renaud Denoix de Saint-Marc a souligné que cette question relevait du ministère de la défense et que la solution préconisée aurait des répercussions sur le niveau des emplois budgétaires. Il a ajouté qu'il était favorable à des actions de formation pour améliorer la qualification professionnelle des gardes privés et que cette formation pourrait être acquise à l'école du Bouchet qui dépend de l'ONC.

Après s'être déclaré en faveur d'un renforcement de la formation des chasseurs et des règles de sécurité, M. Ladislas Poniatowski a souligné tout l'intérêt de la création d'une garderie fédérale de proximité dotée de compétences de police judiciaire. Il a jugé que les gardes nationaux de l'ONC avaient perdu le contact avec le terrain et qu'ils adoptaient une attitude trop souvent hostile à la chasse. S'agissant des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse des oiseaux migrateurs, il a considéré qu'il était bon d'inscrire dans la loi les objectifs de la directive du 2 avril 1979 pour pouvoir éventuellement ensuite négocier auprès des autorités communautaires un régime dérogatoire.

Il s'est enfin inquiété des risques de débordement suscités par la publication d'éventuels arrêtés préfectoraux de fermeture de la chasse au 31 janvier 2000, et il a souhaité que l'ONC prenne des engagements de modération dans l'application de la réglementation, afin d'éviter toute provocation.

M. Gérard Larcher est intervenu pour souligner que le projet de loi sur la chasse devait apporter des réponses satisfaisantes aux conflits d'usage opposant les acteurs du monde rural, gestionnaires de la nature, aux habitants des zones urbaines. S'agissant des périodes de chasse des oiseaux migrateurs, il a jugé que la directive du 2 avril 1979 devait être modifiée, car elle se fondait sur des données scientifiques erronées, ne prenant pas suffisamment en compte le phénomène des migrations dans leur ensemble. Il s'est déclaré en faveur de l'instauration de carnets de prélèvement, regrettant que le projet de loi n'institutionnalise pas de tels procédés utilisés déjà pour la chasse à la bécasse dans la Manche ou les Côtes-d'Armor. Il a jugé que l'évolution des modes de chasse, notamment la multiplication du tir à balles et des battues de sangliers, nécessitait de renforcer la formation des chasseurs et les mesures de sécurité. Il s'est déclaré hostile au principe d'un jour de non-chasse décrété au niveau national et a rappelé les multiples initiatives prises au niveau départemental, voire des fédérations. Il a souhaité que les relations entre l'ONC et les fédérations de chasseurs soient renforcées et que la légitimité de l'Union nationale des fédérations soit reconnue.

Il a considéré que les gardes nationaux de l'ONC souffraient d'un ancrage insuffisant au plan local et s'est interrogé sur les moyens d'y remédier. Enfin, en ce qui concerne la révision des règles de fonctionnement des ACCA, il a rappelé l'intérêt d'un tel dispositif pour la gestion du gibier et l'organisation de la chasse.

M. Gérard Le Cam a jugé peu opportun l'instauration, au niveau national, du mercredi comme jour de non-chasse, faisant valoir que la pression de l'opinion publique serait alors plus forte pour imposer également le dimanche. Il a souhaité que les mesures de sécurité soient renforcées compte tenu de l'usage fréquent d'armes plus dangereuses dans des battues de gros gibier, induisant des risques certains, tant pour les chasseurs eux-mêmes que pour les usagers de la nature. Il a considéré que l'éventualité d'une garderie fédérale de proximité posait le problème du partage de la redevance cynégétique et des ressources financières des fédérations chargées de développer des missions nouvelles en matière de gestion de la faune sauvage et de préservation des habitats. Le projet de loi, a-t-il ajouté, devra être complété sur ce sujet.

M. Jean Huchon, évoquant les nouveaux modes d'irrigation en matière agricole, notamment par goutte à goutte, s'est interrogé sur les responsabilités des chasseurs en cas de dégâts occasionnés à ce type de cultures.

Leur répondant à propos des périodes de chasse des oiseaux migrateurs, M. Renaud Denoix de Saint-Marc a admis que la reprise des termes de la directive dans le texte de loi pouvait constituer un gage de bonne volonté. Il a rappelé qu'il s'était déclaré depuis longtemps en faveur de la révision de cette directive et a jugé que, sur ce point, le Parlement européen avait sans doute évolué dans le sens d'une moins grande rigidité.

S'agissant de la garderie fédérale de proximité, à laquelle il s'est déclaré favorable sur le principe, il a souligné la difficulté de reconnaître à des personnels salariés de droit privé des compétences en matière de police judiciaire.

Il a rappelé, en outre, que la redevance cynégétique était un impôt dont le produit ne pouvait être réparti entre un établissement public et des associations de droit privé. Par ailleurs, a-t-il reconnu, le niveau des ressources financières des fédérations pourrait être affecté, à moyen terme, par la diminution du nombre des chasseurs, alors même que leurs compétences allaient être renforcées.

Il a indiqué que la chasse ne pouvait se dérouler dans des cultures sur pied, et que les chasseurs étaient responsables des dégâts qu'ils occasionnaient.

Sur les dates de fermeture de la chasse des oiseaux migrateurs au-delà du 31 janvier 2000, M. Renaud Denoix de Saint-Marc a souligné que le maintien de l'ouverture au-delà de cette date serait contestable sur le plan juridique mais que, si la chasse au gibier migrateur devait fermer le 1er février, il fallait s'attendre à des actions de résistance.

Jeudi 20 janvier 2000

- Présidence de M. Jean François-Poncet, président. -

Energie - Modernisation et développement du service public de l'électricité - Examen du rapport en nouvelle lecture

La commission a procédé à l'examen du rapport en nouvelle lecture de M. Henri Revol sur le projet de loi n° 174 (1999-2000) relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

M. Jean François-Poncet, président,
s'est tout d'abord indigné des conditions dans lesquelles l'ordre du jour fixé par le Gouvernement contraignait le Sénat à examiner ce projet de loi en nouvelle lecture. Il a rappelé que le Sénat avait, en première lecture, adopté un texte permettant d'envisager un accord en commission mixte paritaire. Il a déploré que les députés de la majorité aient refusé, purement et simplement, de discuter du texte du Sénat, la commission mixte paritaire se bornant à enregistrer leur volonté de rupture.

Le président a indiqué que le Gouvernement avait attendu deux mois pour inscrire le texte en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, cette dernière ayant adopté le dispositif soumis à l'examen de la commission la veille à une heure du matin. Il s'est insurgé contre ce calendrier précité qui contraignait la commission à délibérer, quelques heures seulement après sa transmission, d'un texte d'une telle importance. Il a précisé que cette mesure -à son sens " honteuse "- de traiter le Sénat l'avait amené à émettre une protestation solennelle.

M. Henri Revol, rapporteur, s'est pleinement associé aux propos du président. Il a estimé que le Sénat avait, en première lecture, oeuvré pour l'intérêt national et que, sur les 440 amendements déposés en première lecture à la Haute Assemblée, 256 avaient été adoptés et 178 avaient reçu un avis favorable du Gouvernement, chiffre qui témoignait à son sens de l'esprit de responsabilité et d'ouverture de la Haute Assemblée.

Le rapporteur a déploré que les députés de la majorité aient refusé, d'emblée, tout dialogue sur les propositions du Sénat. Il a cité les propos du rapporteur de l'Assemblée nationale en commission mixte paritaire, suivant lesquels " seule une nouvelle lecture se rapprochant le plus possible du texte déjà voté par l'Assemblée nationale, assemblé parlementaire représentative de l'équilibre des forces politiques du pays, peut garantir à la loi un réelle longévité ", et estimé que ces propos relevaient d'une interprétation pour le moins singulière des dispositions constitutionnelles relatives à la compétence législative du Sénat. M. Jean François-Poncet, président, y a vu une variante de l'affirmation contestable suivant laquelle être politiquement minoritaire revient à avoir juridiquement tort.

Le rapporteur a considéré qu'il aurait été parfaitement possible d'arriver à un accord en commission mixte paritaire, puisque l'Assemblée nationale avait non seulement adopté en nouvelle lecture plusieurs articles dans la rédaction du Sénat mais, en outre, conservé plusieurs ajouts de la Haute Assemblée (articles 13 bis et 33 bis), et modifié dans leur forme, mais non au fond, certaines rédactions essentielles pour l'économie du secteur électrique, notamment aux articles 17, 48, 39 et 41. Cette liste non exhaustive a conduit le rapporteur à qualifier de purement politique l'attitude des députés lors de la commission mixte paritaire.

M. Henri Revol, rapporteur, a ensuite proposé de rétablir le texte de première lecture du Sénat pour les articles restant en discussion à l'issue de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.

M. Gérard Cornu a corroboré l'analyse du président et du rapporteur concernant le déroulement de la commission mixte paritaire. Insistant sur l'intransigeance au fond de la position adoptée par les députés, il s'est interrogé sur la compatibilité des dispositions adoptées par ces derniers avec le droit européen.

M. Henri Revol, rapporteur, a indiqué que, si la Commission avait déjà lancé une procédure d'infraction à l'encontre de la France, sur le fondement du retard de cette dernière à transposer la directive, on pouvait craindre, en outre, que certaines dispositions du texte adopté par les députés, au fond, ne soient jugées contraires à la directive ou au traité.

Le rapporteur a indiqué qu'il proposerait à la commission de retenir un amendement adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, à l'article 21, tendant à introduire des procédures allégées pour la reconstruction du réseau électrique, suite aux intempéries de décembre 1999.

M. Gérard Cornu a souligné que les collectivités locales étaient également confrontées à l'incompatibilité entre les délais imposés par le respect des procédures de passation des marchés publics nécessaires à la reconstruction du réseau et l'urgence tendant à la remise en place de certains ouvrages électriques.

M. François Gerbaud s'étant interrogé, quant à lui, sur les études à mener pour permettre aux lignes à haute tension de mieux résister aux intempéries, le rapporteur a souligné que, pour la construction des ouvrages publics, les codes de calcul internationalement agréés étaient fondés sur le relevé des données météorologiques locales, majorées d'un coefficient de sécurité. Il a jugé que ces codes devraient probablement être revus pour prendre en compte l'intensité exceptionnelle des récentes intempéries.

M. François Gerbaud a considéré que les communes ne devaient pas se voir privées des redevances perçues en raison de la présence sur leur territoire des ouvrages électriques.

La commission a adopté des amendements tendant à rétablir le texte adopté en première lecture par le Sénat aux articles :

- premier (définition du service public de l'électricité) ;

- 2 (missions du service public de l'électricité) ;

- 3 (mise en oeuvre et contrôle des missions de service public) ;

- 4 (tarifs et plafonds de prix) ;

- 5 (mécanismes de compensation) ;

- 6 (programmation pluriannuelle des investissements) ;

- 7 (régime de l'autorisation d'exploiter) ;

- 8 (appels d'offres pour la production d'électricité) ;

- 9 (critères d'attribution des autorisations et de choix des réponses aux appels d'offres tendant à la création d'une installation de production) ;

- 10 (obligation d'achat d'électricité incombant à EDF) ;

- 11 (régime juridique de l'exploitation d'installations par les collectivités locales et production d'électricité par les DNN dans leur zone de desserte exclusive) ;

- 13 (statut du gestionnaire du réseau de transport d'électricité - GRT -) ;

- 13 bis (incompatibilité de certaines activités avec des fonctions précédemment exercées par des agents du GRT) ;

- 13 ter (consultation de la CRE des activités nouvelles exercées par les agents du GRT avec les activités précédentes) ;

- 13 quater (commission disciplinaire des agents du GRT) ;

- 15 (gestion des flux d'énergie par le GRT) ;

- 17 (compétences des collectivités locales en matière de distribution) ;

- et 18 (désignation des gestionnaires des réseaux publics de distribution) ;

A l'article 21 (sécurité des réseaux), le rapporteur a donné lecture de l'amendement adopté par les députés concernant la mise en oeuvre d'une procédure exceptionnelle pour la reconstruction du réseau électrique à la suite des récentes intempéries.

M. Ladislas Poniatowski s'est interrogé sur le degré de latitude des préfets pour composer les commissions consultatives visées par ce dispositif, qui pourrait entraîner une application différente suivant les départements.

M. Hilaire Flandre a jugé indispensable que les présidents de conseils généraux soient membres de ces commissions.

A M. François Gerbaud, qui souhaitait qu'y figurent des représentants des commissions départementales des sites, le rapporteur a fait observer que celles-ci interviendraient au cours de la procédure de droit commun prévue par le dernier alinéa de l'amendement adopté par les députés.

Après que MM. Hilaire Flandre, Ladislas Poniatowski et le rapporteur eurent analysé les différentes procédures prévues par l'amendement adopté par les députés, MM. Gérard Cornu et Pierre Hérisson se sont interrogés sur la participation des associations d'usagers et des associations environnementales à ces commissions.

MM. Gérard César et Jean Besson ayant regretté que ne figurent pas dans cette rédaction les représentants des collectivités concédantes de réseaux de distribution d'électricité, M. Jean François-Poncet, président, a estimé que la commission pourrait présenter un amendement tendant à remédier à cet oubli.

Puis la commission a adopté des amendements tendant à rétablir le texte adopté en première lecture par le Sénat aux articles :

- 22 (définition des clients éligibles et régime de l'achat de l'électricité pour revente) ;

- 23 (droit d'accès au réseau de transport) ;

- 24 (construction de lignes directes) ;

- 25 (transparence comptable d'EDF, des DNN et de la CNR) ;

- 27 (droit d'accès à la comptabilité et aux informations financières des entreprises du secteur de l'électricité) ;

- 29 (commissaire du Gouvernement auprès de la CRE) ;

- 30 (services et budget de la CRE) ;

- 31 (consultation de la CRE sur les textes réglementaires et participation aux négociations internationales) ;

- 32 (relations de la CRE avec le Parlement et les acteurs du secteur ; rapport annuel) ;

- 33 (pouvoir d'enquête des agents habilités par le ministre et par la CRE) ;

- 34 bis (récapitulation des attributions de la CRE) ;

- 35 (pouvoir réglementaire de la CRE) ;

- 36 bis (pouvoir de conciliation de la CRE) ;

- 37 (coordination des actions du Conseil de la concurrence et de la CRE ; information du procureur de la République en matière pénale) ;

- 39 (pouvoir de sanction du ministre chargé de l'énergie) ;

- 40 (sanctions pénales) ;

- 42 (étendue de l'objet d'Electricité de France) ;

- 45 (collecte et publication des données statistiques) ;

- 49 bis (paiement des redevances versées aux autorités concédantes de la distribution de l'électricité) ;

- et 50 (mise en conformité de la loi du 8 avril 1946).

M. Jacques Bellanger a déclaré que le groupe socialiste s'abstenait sur l'ensemble des propositions du rapporteur. Rappelant que les commissaires de son groupe avaient accepté, en première lecture, certaines des modifications adoptées par le Sénat, il a estimé qu'un compromis avec les députés aurait, sans doute, été préférable, soulignant toutefois que, dès la première lecture au Sénat, il avait manifesté, comme le Gouvernement, son désaccord de fond sur plusieurs dispositions importantes adoptées par la Haute Assemblée, relatives notamment aux pouvoirs de la commission de régulation de l'électricité.

Il a fait observer que l'Assemblée nationale avait jugé ces points de désaccord suffisamment essentiels pour justifier une nouvelle lecture et, donc, un certain retard dans l'adoption du texte, position à son sens tout à fait légitime. Il a, par ailleurs, dénoncé une certaine " crispation " des relations entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

M. Jean François-Poncet, président, a affirmé qu'il était très mal venu de la part du Gouvernement de ne laisser que quelques heures au Sénat pour examiner ce projet de loi en nouvelle lecture, compte tenu de l'esprit d'ouverture manifesté par la Haute Assemblée en première lecture. Il a vivement déploré une telle utilisation des pouvoirs gouvernementaux quant à la fixation de l'ordre du jour des assemblées et relevé l'incongruité d'une urgence qui semblait, d'ailleurs, ne devoir s'appliquer qu'au Sénat.

M Jean Besson a regretté que le Gouvernement n'ait pas inscrit la première lecture de ce projet de loi à l'ordre du jour du printemps 1999 de la Haute Assemblée.

A propos de la " crispation " des relations entre les deux chambres, M. Henri Revol, rapporteur, a jugé le rapport de nouvelle lecture de M. Christian Bataille particulièrement édifiant, déplorant que ce dernier n'ait pas hésité à qualifier une disposition adoptée par le Sénat -et initialement proposée par le Gouvernement- " d'oiseuse ", le Sénat étant comparé à " un greffier " se contentant de recopier la directive, à l'inverse d'un " législateur " qui l'aurait, quant à lui, transposée. Ailleurs dans le même rapport, une rédaction de la Haute Assemblée était, a-t-il poursuivi, qualifiée de " contorsionnisme législatif ". Le rapporteur a très vivement déploré l'outrance de ces propos.

M. Jacques Bellanger a jugé que des formulations déplacées n'apportaient en effet rien au débat. Il a estimé que le Sénat ne devait pas suivre cet exemple.

M. Pierre Lefebvre a déclaré qu'il voterait contre les propositions du rapporteur. Indiquant que même si certains amendements adoptés au Sénat en première lecture avaient été repris par l'Assemblée nationale, le texte proposé par le rapporteur était encore très éloigné des convictions des commissaires du groupe communiste républicain et citoyen, s'agissant notamment du rôle de la CRE, des seuils de puissance pour l'obligation d'achat d'électricité ou de l'autorisation de l'activité de négoce.

M. Ladislas Poniatowski s'est inscrit en faux contre une analyse qui tendrait à imputer à une quelconque " crispation " des relations entre les deux assemblées l'impossibilité d'aboutir à un texte commun, laquelle résultait exclusivement, à son sens, d'un problème interne à la majorité plurielle. Il a estimé que le rapporteur de l'Assemblée nationale avait tenté -en tenant parfois des propos inadmissibles- de rendre le Sénat responsable de cet échec, mais qu'il n'en était rien.

M. Jean Besson a affirmé son désaccord avec la tonalité de certains propos excessifs tenus à l'encontre du Sénat .

La commission a ensuite approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.