AFFAIRES ECONOMIQUES ET PLAN

Table des matières


Mercredi 7 avril 1999

- Présidence de M. Philippe François, vice-président.

Postes et télécommunications - Audition de M. Ad Scheepbouwer, Président de TNT Post Group (Etablissement postal néerlandais)

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé, conjointement avec le groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des télécommunications, à l'audition de M. Ad Scheepbouwer, Président de TNT Post Group (Etablissement postal néerlandais).

Après avoir remercié la commission pour son invitation, M. Ad Scheepbouwer a évoqué les bouleversements en cours du secteur postal européen, dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni étaient des marchés importants. Il a indiqué qu'avant 1989, la poste néerlandaise, sous le contrôle de l'Etat, était de petite taille et ne réalisait pas de profit. Il a précisé que c'est après deux études, menées en 1983 et en 1986, que le Gouvernement néerlandais avait décidé de transformer l'opérateur postal et de télécommunications en société, en 1989, sous le nom de KPN, puis de privatiser cette dernière en 1994. Insistant sur le caractère unique en Europe de cette privatisation, il a indiqué que ce n'était que l'an dernier que l'activité postale avait été séparée des télécommunications, la nouvelle société s'appelant TNT Post Group (TPG).

M. Ad Scheepbouwer a estimé qu'en 1989, la situation de la poste néerlandaise n'était pas satisfaisante, avec des marges insuffisantes, une stagnation des marchés et une forte vulnérabilité liée à la dépendance vis-à-vis de gros clients, représentant l'essentiel de l'activité. A ces mauvaises perspectives internes, il a ajouté l'absence de possibilité de développement international, liée au caractère monopolistique des marchés postaux européens.

Dans une telle situation, M. Ad Scheepbouwer a indiqué que la stratégie mise en oeuvre lors de la privatisation, par une équipe de dirigeants issus du secteur privé, reposait sur trois principes : l'amélioration de la rentabilité ; l'accroissement de la responsabilisation des salariés ; le positionnement sur des marchés en croissance.

Il a considéré qu'il était, par nature, facile d'accroître la rentabilité d'une organisation de type bureaucratique. Estimant que les fonctionnaires étaient, en général, relativement davantage payés en bas de l'échelle et moins bien payés en haut de l'échelle hiérarchique, par rapport au secteur privé, il a précisé qu'un accord salarial était intervenu avec les syndicats de l'entreprise pour permettre, en huit ans, un rattrapage de cette échelle de salaires sur celle du secteur privé. M. Ad Scheepbouwer a, en outre, précisé que des investissements importants avaient été réalisés pour automatiser massivement le tri du courrier : ces dix dernières années, le taux d'automatisation est passé de 25 à 90 %. Il a observé que, trois ou quatre ans après la transformation en société, le profit s'élevait à 300 millions de florins, contre un profit nul en 1989. En 1998, le profit de TPG s'élève à 820 millions de florins.

Abordant les nouvelles méthodes de gestion du personnel introduites en 1989, M. Ad Scheepbouwer a précisé qu'elles reposaient sur une responsabilisation accrue des agents. Il a indiqué que les nombreux services de l'opérateur avaient été restructurés en sept " unités d'affaires ", chacune étant responsable de son chiffre d'affaires, de ses coûts et de son bénéfice. Il a estimé qu'il s'agissait d'un changement majeur par rapport à une gestion de type administratif, chacun étant désormais personnellement comptable des résultats obtenus. Il a jugé que cette mutation -réalisée plus rapidement qu'il ne l'avait initialement escompté- avait été le facteur le plus déterminant pour la réussite de l'entreprise.

Expliquant que la stratégie de TPG, à partir de 1989, avait été centrée sur l'accroissement des possibilités de développement de l'opérateur, M. Ad Scheepbouwer a rappelé que si au moment de la privatisation le marché du courrier n'augmentait que de 1 à 2 % par an -ce dernier ayant même connu une régression (-0,5 %) en 1993-,  les prévisions de croissance pour les années à venir se situaient autour de 2 à 4 %. Il a énuméré les facteurs de cette progression :

- les tarifs de TPG n'ont pas augmenté ;

- le développement du courrier électronique se substitue davantage à la télécopie et au téléphone qu'au courrier ; 

- de nouveaux produits à très forte croissance ont été développés, comme le publipostage, le courrier international et le courrier envoyé par voie électronique, puis imprimé et expédié par TPG, dans le monde entier ;

- TPG s'est positionné sur des marchés en forte croissance, comme la messagerie expresse et la logistique. Pour ce faire, 17 sociétés ont été rachetées par l'opérateur, dont le chiffre d'affaires dans l'express est désormais de 50 milliards de francs.

M. Ad Scheepbouwer a considéré que, pour un secteur aussi consommateur de main-d'oeuvre que les services postaux, la croissance était le corollaire indispensable de la mutation des opérateurs, comme le prouve la réussite de TPG.

Il a fait valoir que les consommateurs avaient bénéficié de la privatisation de la poste néerlandaise : le tarif du timbre est moins élevé aux Pays-Bas que dans tous les autres pays européens, excepté l'Espagne, où l'opérateur réalise des pertes importantes. Il a rappelé que la qualité des prestations du courrier aux Pays-Bas, mesurée par un bureau indépendant, était exceptionnelle, 95 % des envois étant distribués le lendemain. En ce qui concerne l'évolution du réseau postal néerlandais, il a évoqué la mise en commun des moyens réalisée entre l'opérateur et la Postbank.

M. Ad Scheepbouwer a précisé qu'à la suite de la privatisation, l'activité de tous les bureaux de poste avait été analysée. Il a indiqué que de nouveaux services, comme la distribution de services financiers ou la vente de papeterie, avaient été introduits et que certains bureaux avaient été réservés à la clientèle professionnelle. Une chaîne de librairies a également été rachetée, a-t-il poursuivi, pour assurer la distribution postale et les plus petits bureaux de poste ont été franchisés. Il a fait observer qu'au terme de ces évolutions la poste néerlandaise restait le premier réseau de détaillants aux Pays-Bas, le nombre de bureaux étant passé de 2.200 à 2.600. Rappelant que, si les services courants étaient disponibles dans les petits bureaux de poste, pour certaines prestations plus particulières, l'usager devait se rendre dans un bureau de plus grande dimension. Il a souligné que ces mutations avaient supprimé certains emplois, mais n'avaient donné lieu à aucun licenciement, grâce aux départs naturels.

M. Ad Scheepbouwer a ainsi jugé que l'ensemble des parties prenantes avait profité de la privatisation de TNT : les salariés, les clients et le Gouvernement, qui, outre les recettes tirées de la privatisation, reçoit chaque année un dividende de 500 millions de francs.

Voyant dans le monopole et la fragmentation du marché européen le principal obstacle à la croissance de ce dernier, M. Ad Scheepbouwer a estimé que la notion de service universel était bien souvent utilisée, par les opérateurs nationaux, pour servir leurs propres intérêts. Il a déploré que cette notion soit bien souvent abordée sous l'angle politique et non économique. Jugeant que nombre d'opérateurs ne connaissent pas exactement leurs coûts, il a indiqué qu'une poste saine et gérant une quantité suffisante de trafic pourrait fournir, sans surcoût, le service universel postal. Rappelant que 94 % du trafic du courrier concerne les professionnels, il a considéré que ce marché pouvait permettre de financer des prestations de qualité à bas coûts pour les particuliers.

M. Ad Scheepbouwer a abordé la question de la très rapide croissance externe de quatre opérateurs européens : TPG, Deutsche Post, Royal Mail et, dans une moindre mesure, La Poste. Il a estimé que ces quatre opérateurs avaient une ambition européenne, voire mondiale. Il a évoqué également deux grands intégrateurs de messagerie expresse (Federal Express et United Parcel Service), disposant d'une meilleure couverture que TPG sur le continent américain, mais d'un moins bon positionnement en Europe.

Il a considéré, à titre personnel, qu'il était probable que se constituent rapidement des alliances entre certains de ces quatre opérateurs européens et l'un ou l'autre des deux intégrateurs américains.

M. Ad Scheepbouwer a indiqué que le marché postal français était le plus dynamique d'Europe. Rappelant que 4.500 personnes étaient déjà employées par TNT Post Group en France, il a jugé bonnes les relations entretenues avec La Poste. Evoquant le contrat actuel liant son entreprise à Chronopost, filiale de La Poste, il a indiqué que des discussions étaient en cours sur une confirmation de la coopération entre l'opérateur français et néerlandais. De plus, il a estimé qu'une éventuelle alliance entre La Poste et TPG aurait toute sa pertinence dans le contexte européen actuel et fait valoir qu'outre l'attractivité du marché français, la position de La Poste dans le transport du colis et en Europe du Sud étaient des atouts complémentaires de ceux de TPG, qui dispose d'un réseau de messagerie expresse internationale et d'une activité logistique à l'échelle mondiale.

M. Gérard Larcher, président du groupe d'étude sur l'avenir de La Poste et des télécommunications, rappelant que TNT Post Group était constitué sous la forme d'une société anonyme à majorité privée et cotée en Bourse, a demandé si un changement de statut en vue d'un échange de participations était une condition à l'éventuelle conclusion d'une alliance entre les deux opérateurs. Il a souhaité connaître la stratégie de développement de TPG en France, qu'une alliance soit, ou non, conclue avec La Poste. Il s'est interrogé sur le devenir des liens entre Chronopost et TPG après 2001, date de l'échéance du contrat actuel. Il a interrogé le président de TPG sur les modalités du développement outre-Atlantique des opérateurs européens. Rappelant que les charges liées à la présence territoriale de La Poste s'élevaient à 4 milliards de francs par an, il s'est interrogé sur la compatibilité entre cette charge et la profitabilité pour l'entreprise, quel que soit son mode de gestion.

M. Pierre Hérisson, jugeant déloyale la pratique du " repostage " qui détourne les flux de trafics entre pays, a demandé au président de TPG si un règlement européen de cette question était, à son sens, envisageable. Il a souhaité savoir si la présence d'un actionnaire majoritaire public -dans l'hypothèse où La Poste serait dotée d'un capital- serait un handicap pour la conclusion d'une alliance.

M. Ad Scheepbouwer a répondu que, si un échange de participations croisées était envisageable avec La Poste, il n'était toutefois pas absolument indispensable, non plus qu'un changement de statut de cet opérateur, pour conclure une alliance. Il a jugé que la présence de l'Etat au capital n'était pas un obstacle, TPG étant lui-même propriété à 44 % de l'Etat hollandais, qui s'est engagé à conserver un tiers du capital jusqu'en 2004. Il a toutefois précisé que le Gouvernement néerlandais ne participe ni aux prises de décisions concernant la conclusion d'alliances par l'opérateur, ni à la gestion de la société.

M. Ad Scheepbouwer a indiqué que TPG entendait se développer en France, en particulier sur le marché de la messagerie expresse d'entreprise à entreprise et sur celui de la logistique, la société étant notamment spécialisée dans les industries automobile et électronique.

Il a estimé que le marché français du courrier, encore sous monopole, mais devant être libéralisé d'ici 2003 à 2005, était " incontournable ", tout comme le marché allemand, du fait de sa place en Europe, pour les opérateurs souhaitant avoir une taille européenne. Dans cette optique, a-t-il précisé, TPG réfléchit aussi à l'établissement d'un réseau de distribution en France, dans le respect du monopole qui sera fixé par la loi.

M. Ad Scheepbouwer a estimé qu'à l'issue du contrat liant son entreprise à Chronopost, en 2001, une négociation aurait sans doute lieu. Jugeant que Chronopost aurait certainement besoin de l'accès à un réseau international, il a considéré que seuls les quatre grands intégrateurs (TPG, UPS, Fed Ex et DHL) seraient à même de le lui offrir.

S'agissant du développement de son entreprise aux Etats-Unis, il a évoqué plusieurs options.

En ce qui concerne le financement des charges liées aux missions d'intérêt général, il a évoqué une étude du cabinet Mac Kinsey, dont les conclusions mettent en évidence un surcoût de 15 %, lié à la desserte des zones rurales dans les pays à plus faible densité de population, comme la France. D'un autre côté, il a fait valoir que la productivité de l'opérateur néerlandais était deux fois supérieure à celle de ses homologues français et allemands. Il a jugé que cette question devait être abordée sous l'angle économique, et non pas politique.

S'agissant du " repostage ", M. Ad Scheepbouwer a jugé abusive l'utilisation de ce mot par de nombreux acteurs. Il a rappelé que TNT était liée avec La Poste par un contrat de repostage. Il a considéré que les entreprises étaient maîtresses de leur lieu d'implantation, comme du site d'expédition de leur courrier. Evoquant un recours judiciaire en cours, à l'initiative de la Deutsche Post, au sujet de l'activité de PTT Poste d'impression et de distribution de tous les relevés de la banque Citicorp, il a jugé cette attitude en complet décalage avec l'évolution des technologies et des marchés. Il a toutefois précisé que TPG ne pratiquait pas de repostage de type " ABA " (expédition du courrier depuis un pays étranger vers le pays d'origine de ce même courrier). Il a indiqué que la principale intervention de TPG dans ce domaine concernait du courrier acheminé, par exemple, depuis les Etats-Unis, en cargo, pour être adressé, affranchi et distribué en Europe.

M. Gérard Delfau a tout d'abord remercié le Président de TNT Post Group de sa franchise. Il lui a ensuite demandé quel était le nombre de fonctionnaires restant dans l'entreprise. Evoquant la dérégulation postale européenne, il a estimé que l'opposition de certains Etats-membres ne la rendait pas certaine. Estimant que La Poste remplit, en France, une mission de service public en permettant l'accès de 4 à 5 millions de Français aux services financiers, il a souhaité savoir si TPG remplissait un rôle similaire aux Pays-Bas.

M. Ad Scheepbouwer a précisé qu'il n'y avait plus un seul fonctionnaire au sein de TPG depuis 1989. Il a indiqué qu'un accord, signé avec les syndicats de salariés, pour une période de transition de huit ans, avait permis le changement de statut, du public au privé, de l'ensemble des personnels, ces derniers bénéficiant, notamment, d'une garantie d'augmentation de salaire par rapport aux évolutions de la fonction publique. Soulignant les évolutions salariales plus favorables intervenues chez TPG par rapport aux fonctionnaires d'Etat ces dernières années, il a rendu hommage à la clairvoyance des syndicats qui avaient su, dès 1988, prévoir cette tendance.

Au sujet de la libéralisation postale européenne, M. Ad Scheepbouwer a jugé qu'une ouverture totale à la concurrence, dès 2003 ou 2005, même si elle pouvait être provisoirement retardée par certaines réticences, était, à terme, inéluctable et souhaitable. Il a considéré que repousser cette ouverture serait une erreur, les nouvelles technologies permettant de contourner les marchés sous monopole.

Il a évoqué le partenariat de TPG avec Postbank pour les bureaux de poste, qui a créé une possibilité de diffusion des services financiers. Cet établissement, en collaboration avec la banque ING étant présent également dans le domaine de l'assurance, ayant six millions de clients pour une population de huit millions de foyers.

M. André Ferrand a demandé au président de TNT Post Group quelles étaient les modalités de la franchise des plus petits bureaux de poste aux Pays-Bas. Evoquant la stratégie allemande d'une tarification élevée du timbre, il s'est interrogé sur l'opportunité, pour l'opérateur français, de relever provisoirement ses tarifs afin d'accroître sa profitabilité et d'investir dans sa croissance externe avant l'ouverture à la concurrence. Il lui a enfin demandé si les différences d'identité culturelle étaient un obstacle à la constitution d'alliances entre les opérateurs historiques français et néerlandais.

M. Ad Scheepbouwer a précisé les modalités de franchise des petits bureaux postaux :

- les bureaux à plus faible trafic ont été délégués en franchise à certains employés qui le souhaitaient, moyennant une aide financière de TPG ;

- des chaînes de détaillants, telles que les supermarchés, ont également été franchisées ;

- dans les plus petits villages, la franchise a été attribuée, le cas échéant, à l'unique commerce existant.

Revenant à la stratégie allemande d'un prix du timbre élevé, M. Ad Scheepbouwer a jugé qu'il ne s'agissait pas d'une solution soutenable dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Il a considéré qu'il serait en outre difficile, pour cet opérateur, de baisser ultérieurement ses tarifs, compte tenu de sa prochaine introduction en bourse, qui implique qu'il prenne des engagements de rentabilité auprès de ses futurs actionnaires. Il a estimé qu'une augmentation de la rentabilité interne et de la productivité, ainsi qu'un investissement dans les secteurs à forte croissance représentaient des solutions plus durables.

Il a considéré que les problèmes culturels étaient toujours les plus difficiles à gérer dans les différentes alliances et fusions, même s'ils pouvaient être surmontés à condition que chacun des partenaires trouve à l'association un bénéfice suffisant.

Nomination de rapporteurs

La commission a ensuite procédé aux nominations suivantes :

M. Jean-François Le Grand, rapporteur de sa proposition de loi n° 198 (1998-1999), pour la protection et l'information desriverains d'aéroports ;

M. Jean Bizet, rapporteur de la proposition de loi n° 200 (1998-1999) de M. Robert Bret et plusieurs de ses collègues, relative aux actions propres à enrayer l'extension de l'algue tropicale Caulerpa taxifolia en Méditerranée ;

Mme Yolande Boyer, rapporteur de la proposition de loi n° 219 (1998-1999) de M. Franck Sérusclat et plusieurs de ses collègues, visant à l'établissement d'un permis de pêche sous-marine ;

M. Henri Revol, rapporteur de sa proposition de loi n° 235 (1998-1999) et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Présidence de M. Jean François-Poncet, président, puis de M. Louis Moinard, secrétaire, puis de M. Jean François-Poncet, président.

Etablissements publics - Modernisation et développement du secteur public de l'électricité - Audition de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie
, a tout d'abord indiqué que l'ambition du Gouvernement était de doter la France d'une loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité, qui transpose " toute la directive mais rien que la directive ", et qui soit " cohérente, complémentaire, et jamais contradictoire avec la loi de 1946 ". Il a précisé que le projet de loi, qui pose les fondements du marché de l'électricité permettrait également de rendre le système électrique plus compétitif, avant de se dire attaché à une transposition rapide de la directive.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a ensuite rappelé les principales étapes de la très large concertation qui avait précédé le départ du projet de loi et, en particulier :

- la publication du " livre blanc " intitulé " Vers la future organisation électrique française " ;

- les avis donnés par le Conseil économique et social, le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, le Conseil de la concurrence, les conseils économiques et sociaux régionaux ;

- le rapport de M. Jean-Louis Dumont, député.

Il a indiqué qu'à la suite de ces consultations, l'avant-projet de loi avait été substantiellement modifié.

Il a enfin évoqué les trois ambitions du projet de loi :

- renforcer le service public de l'électricité en le définissant ;

- concourir à la cohésion sociale en instaurant une tarification de " produit de première nécessité " et en consolidant le mécanisme de prévention des coupures d'électricité pour les personnes en situation de précarité ;

- créer un système de répartition équitable des charges de service public entre les opérateurs.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a déclaré que l'ouverture progressive du marché de l'électricité à la concurrence bénéficierait tout d'abord aux grands clients industriels, mais que la définition d'obligations de service public claires préserverait les acquis de l'une des " bases de la République " pour les autres clients.

Le ministre a souligné que le projet de loi réaffirmait les missions des autorités concédantes de la distribution de l'électricité, et accroissait leurs possibilités d'intervention en matière de maîtrise de la demande d'électricité, de production décentralisée, de recours aux énergies renouvelables et à l'utilisation des déchets, ainsi qu'à la cogénération.

Il a précisé que les collectivités locales bénéficieraient d'un droit d'accès aux réseaux pour approvisionner, à partir de leurs installations, les services publics dont elles ont la charge, avant d'ajouter que les distributeurs non nationalisés pourraient, sous certaines conditions destinées à préserver la loyauté de la concurrence, fournir du courant aux clients éligibles.

Evoquant la programmation des investissements, M. Christian Pierret a souhaité qu'elle permette de garantir aussi bien la sécurité d'approvisionnement que la protection de l'environnement et la compétitivité de la fourniture d'électricité, grâce à un développement équilibré des installations de production. Il a fait valoir que l'électricité n'était pas un bien de consommation comme les autres, ce qui justifiait l'existence d'une politique énergétique déterminée de façon transparente et démocratique, après consultation du Parlement, et a souligné l'importance d'un accès au réseau des producteurs dans des conditions transparentes et non discriminatoires, sous le contrôle de la Commission de régulation de l'électricité.

M. Christian Pierret a estimé, pour conclure, que le texte du projet de loi tirait les conséquences d'un demi-siècle d'histoire industrielle, en ne remettant nullement en cause le statut des personnels, lequel pouvait d'ailleurs, a-t-il ajouté, être enrichi par des accords complémentaires.

Répondant à M. Henri Revol, rapporteur, qui l'interrogeait sur les modalités actuelles de mise en oeuvre de la directive, le ministre a précisé que, depuis le 19 février 1999, ce texte était d'application directe et que les clients éligibles, dont la consommation dépasse 100 gigawatts/heure, avaient le droit de s'en prévaloir pour choisir leurs fournisseurs. Il a indiqué que, même si Electricité de France (EDF) avait mis en place un régime transitoire d'accès au réseau, le Gouvernement souhaitait procéder rapidement à la transposition de la directive.

Interrogé par le rapporteur sur le concept de " site " applicable aux clients éligibles, M. Christian Pierret a indiqué que, conformément aux recommandations de la Commission européenne, le décret qui en déterminerait le régime juridique s'inspirerait de la notion définie par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Evoquant, à la suite d'une autre question du rapporteur, les différents fonds mis en oeuvre dans le cadre de la loi, le ministre a déclaré que ceux-ci se composaient :

- du fonds de péréquation de l'électricité destiné à financer les charges de service public au titre de la distribution ;

- du fonds d'amortissement des charges d'électrification, destiné à mutualiser le coût des travaux de renforcement des lignes de distribution ;

- du fonds des charges de service public de production, au financement duquel contribueront tous les producteurs, à l'exception de certains auto-producteurs.

M. Henri Revol a ensuite interrogé le secrétaire d'Etat sur l'étendue des " coûts échoués " et sur les compétences respectives de la Commission de régulation de l'électricité (CRE) et du Gestionnaire du réseau de transports (GRT).

Le secrétaire d'Etat lui a répondu que les coûts dits " échoués " correspondaient aux frais engagés par l'opérateur historique avant l'entrée en vigueur de la directive tels que le surcoût des contrats conclus par EDF du fait de l'obligation d'achat de courant ou encore ceux qui résultaient de la création de Superphénix. S'agissant de l'organisation et des compétences de la CRE, il a estimé que la question de l'extension au nom de ses compétences au secteur du gaz devrait être examinée le moment venu, c'est-à-dire à l'occasion de la transposition de la directive Gaz, et jugé nécessaire qu'un commissaire du Gouvernement y fasse valoir le point de vue de l'Etat, avant toute délibération. A propos de la création du GRT, il a rappelé que la directive n'obligeait pas à séparer cette instance de l'opérateur historique, que le GRT jouissait de réelles garanties d'indépendance et se trouvait soumis à une obligation de confidentialité pénalement sanctionnée.

Répondant à M. Pierre Hérisson, qui déplorait que le projet de loi soit examiné dans le cadre de la procédure d'urgence, alors même qu'une phase de concertation avait eu lieu, le secrétaire d'Etat a rappelé que le Conseil supérieur de l'électricité, dont quatre parlementaires étaient membres, avait également été consulté. A une seconde question du même auteur, relative au rythme d'ouverture du marché de l'électricité, M. Christian Pierret a répondu que celle-ci concernerait 440 entreprises (soit 26 % de la consommation nationale) en 1999 ; 800 entreprises (soit 30 % de la consommation nationale) en l'an 2000 et 3000 entreprises (soit 33 % de la consommation nationale) en 2003. Il a ajouté que le contrat de plan prévoyait des gains de productivité de nature à permettre un abaissement des prix de vente qui, a-t-il ajouté, se situaient déjà parmi les plus bas d'Europe.

Après s'être interrogés sur l'éventuelle conclusion d'accords sociaux au niveau européen pour fixer le statut des personnels appartenant au secteur de l'électricité afin d'éviter les distorsions de concurrence, MM. Bernard Murat et Ladislas Poniatowski se sont déclarés préoccupés par l'impossibilité d'accéder au marché où se trouveraient confrontées certaines PME-PMI. Le ministre leur a répondu que ces entreprises demeureraient, dans le futur, bénéficiaires d'une péréquation tarifaire qui avait permis d'abaisser le coût moyen de l'électricité de 9,5 % au cours des trois dernières années.

Répondant à M. Pierre Hérisson qui s'interrogeait sur l'avenir des régies de distribution, le ministre s'est déclaré soucieux de leur développement que le projet de loi devait faciliter puisqu'il donnait à ces régies le droit d'exploiter des installations pour le compte de leurs clients.

A une question de M. Henri Weber qui l'interrogeait sur la poursuite du programme de réacteur nucléaire de nouvelle génération " EPR ", M. Christian Pierret a répondu que l'électro-nucléaire constituait " la base " de la production énergétique française. Il s'est dit attaché à l'installation rapide des premières têtes de série du nouveau réacteur, qui serait moins polluant et plus sûr.

M. Henri Weber s'étant également inquiété du développement international d'EDF, le ministre a considéré que l'existence d'une " concurrence maîtrisée " était une chance pour l'opérateur historique qui avait déjà montré sa capacité d'exportation, notamment sur le site de Daya Bay, en Chine.

M. Pierre Hérisson, s'étant interrogé sur la définition des " coûts échoués ", M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat, a précisé que le montant de ces charges serait arrêté par le ministre, sur proposition de la Commission européenne.

M. Ladislas Poniatowski a jugé qu'une forte pression concurrentielle contraindrait, à terme, à une séparation entre l'opérateur historique et le GRT.

Le ministre a déclaré, en réponse, que cette question relevait du domaine de la loi et que rien ne pouvait être fait, sur ce point, sans l'accord du législateur.

M. Pierre Lefebvre s'est dit préoccupé par l'éventualité d'un accroissement de l'autonomie de la Compagnie nationale du Rhône dont les installations de production avaient été financées par EDF. Il s'est déclaré inquiet d'une éventuelle mise en cause du statut des personnels appartenant à la branche des industries électriques et gazières, en général, et de celui des personnels d'EDF, en particulier.

Sur ce second point, le ministre lui a répondu que le statut d'EDF était protégé par la loi elle-même et qu'en conséquence, le législateur demeurait le garant de sa pérennité.

Etablissements publics - Modernisation et développement du secteur public de l'électricité - Audition de M. François Roussely, président d'Electricité de France (EDF), sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. François Roussely, président d'Electricité de France (EDF), sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

M. François Roussely
a tout d'abord estimé que le projet de loi présenté au Sénat ouvrait un nouvel espace à la politique énergétique française dont EDF est l'un des acteurs. Il a considéré qu'en ce domaine, la loi, comme la directive européenne, ne faisaient que suivre une évolution déjà largement inscrite dans les faits, tant par les bouleversements économiques que par les changements technologiques. Il a cité la saturation du marché de l'énergie, les innovations techniques, telles que l'avènement des micro-turbines, ou le changement des prix relatifs des différentes sources d'énergie -le pétrole et le gaz étant à leur plus bas niveau depuis trente ans- comme des facteurs de changement déterminants.

M. François Roussely a indiqué que la réforme proposée par le projet de loi permettrait aux opérateurs de répondre aux besoins des clients, désormais présents dans toute l'Europe, chaque client éligible ayant en moyenne douze implantations en Europe. L'énergie étant une composante essentielle des coûts des entreprises, une fourniture globale d'électricité, à l'échelle européenne, est, a-t-il estimé, indispensable. Il a observé que les entreprises se recentraient désormais sur leur " coeur de métier " et souhaitaient disposer d'une fourniture énergétique intégrée, au moyen d'un ensemble de prestations, qu'il s'agisse du génie thermique, du génie climatique, ou du génie et de la maintenance électriques.

M. François Roussely a mis l'accent sur le double élargissement qui caractériserait, selon lui, l'évolution récente du secteur de l'électricité :

- l'élargissement des métiers à des activités multi-énergétiques et multi-services, tous les grands électriciens du monde étant, par exemple, présents dans le domaine de la propreté ;

- l'extension du champ géographique de l'activité de ces opérateurs, du fait de la mondialisation de l'économie.

M. François Roussely a indiqué qu'EDF avait pour objectif de doubler ses investissements internationaux, l'entreprise ayant récemment racheté l'opérateur London Electricity. Il a précisé que la diversification récente des activités d'EDF hors de son métier d'électricien national n'atteignait toutefois pas l'ampleur de celle de certains de ses concurrents, Electrabell ayant consacré l'an passé 30 % de ses investissements à cette diversification, Scottish Power 54 %, contre seulement 7 % pour EDF.

M. François Roussely a évoqué la récente signature, entre la direction et les syndicats de personnels, d'un accord portant sur la réduction du temps de travail à 35 heures dans l'entreprise. Estimant que des interprétations parfois inexactes avaient été données du contenu de cet accord, il a précisé que celui-ci avait la valeur, au-delà de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, d'une manifestation de confiance de l'ensemble des personnels, à la veille de changements importants dans l'organisation du secteur. Il a jugé cet accord équilibré, puisqu'il permet une réduction du nombre d'heures travaillées de 3 % par an, une baisse de 25 % du nombre d'heures supplémentaires et une diminution de la masse salariale, sans aide financière de l'Etat. Il a rappelé à ce sujet que, depuis 15 ans, EDF n'avait reçu aucune subvention de la part de l'Etat.

M. François Roussely a estimé que la France pouvait enrichir ses partenaires européens de sa conception du service public. Il a d'ailleurs évoqué la récente constitution d'un groupe de travail, au sein de la Commission, sur le thème des conséquences sociales de la dérégulation du secteur électrique européen. Il a considéré qu'EDF, avec l'ensemble de ses personnels, avait développé un service public de qualité, qui avait démontré son efficacité.

M. Henri Revol a interrogé le président d'EDF sur la notion du " droit à l'électricité pour tous " et sur les implications financières de son inclusion dans le projet de loi. Il lui a demandé s'il était envisageable, au regard de la position de la Commission en la matière, d'inclure le surcoût lié au régime de retraites des industries électriques et gazières (IEG) dans les " coûts échoués " financés par l'ensemble des opérateurs. Evoquant l'élargissement de l'objet d'EDF que consacre le projet de loi, le rapporteur a évoqué les inquiétudes que cette disposition soulève chez un certain nombre de petites et moyennes entreprises, inquiétudes récemment alimentées par le rachat de l'entreprise Clemessy par EDF. Il a enfin abordé la question du degré d'indépendance du Gestionnaire du Réseau de Transports (GRT) au sein d'Electricité de France.

M. François Roussely a indiqué que, si l'un des bénéfices traditionnellement attribués à la dérégulation était une baisse significative des prix due à l'arrivée de nouveaux entrants, cette situation ne saurait se produire avec la même ampleur en France, où l'ensemble des gains de productivité réalisés par EDF ont déjà profité aux clients de l'entreprise, à l'Etat et, dans une moindre mesure, aux salariés. Il a insisté sur le bas niveau du prix de l'électricité en France par rapport au reste de l'Europe.

M. François Roussely a rappelé qu'il existait des dispositifs destinés aux plus démunis, qui interdisent de couper le courant aux clients qui n'acquittent pas leurs factures sans qu'ait pu être réellement appréciée leur situation financière. Il a souhaité que l'objectif d'accès de tous à l'électricité soit atteint grâce à un dispositif réaliste, contrairement aux mesures mises en oeuvre, notamment, en Italie, qui se sont révélées inefficaces et impraticables. Il a jugé que le texte adopté par l'Assemblée nationale aurait, en l'état, des conséquences financières importantes pour EDF.

Abordant la question des " coûts échoués ", M. François Roussely a estimé que les différences d'appréciation de cette notion entre les Etats-membres pourraient créer des distorsions de concurrence. Il a cité les exemples de l'Espagne et de la Belgique, -ce pays envisageant d'y intégrer le surcoût des retraites des agents de son opérateur électrique-. Il a souligné que l'Assemblée nationale avait supprimé l'inclusion des surcoûts liés au surgénérateur Superphénix dans les coûts échoués définis par le projet de loi.

Abordant la question de l'objet d'EDF, M. François Roussely a déclaré comprendre les craintes de certaines entreprises travaillant " à l'aval du compteur ", mais les a jugées infondées, EDF n'entendant pas se développer sur ce marché. Il a au contraire souligné l'aide apportée par EDF à certaines de ces entreprises, notamment par une pénétration commune des marchés étrangers.

M. François Roussely a précisé que l'entreprise Clemessy, située dans l'est de la France, était spécialisée dans le génie électrique. Il a indiqué qu'EDF avait fait une offre d'achat de cette entreprise, jugée intéressante par ses actionnaires, le groupe Vivendi exerçant toutefois son droit de préemption. Estimant que cette opération s'intégrait dans le cadre de la vie normale des affaires, il a rappelé que plus de la moitié des clients de Clemessy, et plus de 90 % en 2003, seraient des clients éligibles à la concurrence. Il a indiqué que, même si l'opération aboutissait, EDF ne serait pas majoritaire au sein du capital de l'entreprise.

Evoquant la question des liens entre le GRT et EDF, M. François Roussely a rappelé que la directive laissait aux Etats-membres la latitude d'organiser à leur gré la séparation comptable et fonctionnelle de ces deux entités. Il a indiqué qu'en Allemagne chaque Land avait mis en place un GRT et une tarification particulière du transport de l'électricité, ce qui rendait d'ailleurs la pénétration du marché allemand extrêmement difficile pour les nouveaux entrants.

M. François Roussely a précisé que, pour la période intermédiaire comprise entre le 19 février 1999 et la date de promulgation de la loi actuellement soumise à l'examen du Parlement, EDF avait mis en place un dispositif transitoire, par la nomination d'un responsable du réseau de transport, par l'établissement d'une grille de tarification de ce transport et par une séparation entre les activités liées à la gestion du réseau et à l'optimisation de la production, jusque là assumées conjointement.

Il a souligné qu'il était favorable à un système de tarification du transport d'électricité déconnecté de la distance, mais corrélé au volume transporté, sur le modèle du timbre poste, afin d'assurer la fluidité du transport électrique.

M. Ladislas Poniatowski a posé la question de l'indemnisation d'EDF, au cas où la Compagnie nationale du Rhône (CNR) deviendrait un de ses concurrents, les 19 barrages hydroélectriques gérés par cette dernière ayant été construits par l'établissement public. Il a demandé au président d'EDF les raisons de la faible ouverture du marché allemand de l'électricité malgré une ouverture théorique totale à la concurrence.

En ce qui concerne le régime social applicable aux opérateurs d'électricité, il a relevé qu'une distorsion existerait entre les coûts imposés aux opérateurs implantés en France et ceux à la charge des opérateurs étrangers. Il a interrogé M. François Roussely sur les solutions à apporter à ce problème, notamment au moyen de conventions collectives européennes.

Evoquant la diversification d'EDF dans de nouveaux secteurs d'activités, il a jugé cette évolution indispensable dans le nouveau cadre concurrentiel, mais s'est toutefois fait l'écho des inquiétudes réelles des 2.000 entreprises françaises, souvent petites et moyennes, intervenant dans des secteurs tels que la géothermie ou la maintenance d'installations électriques.

M. Ladislas Poniatowski a enfin interrogé M. François Roussely sur l'attitude passée d'EDF en Chine.

M. François Roussely a précisé que, d'après les analyses juridiques les plus couramment admises, la CNR pouvait être considérée comme un producteur d'électricité indépendant. Il a souligné que la moitié de ses effectifs était toutefois composée d'agents d'EDF et que l'ensemble de ses installations avait été construit par EDF. Il a indiqué que les débats parlementaires de la loi de nationalisation de 1946 avaient montré que l'éventualité d'une intégration de la CNR à EDF avait d'ailleurs été envisagée.

Evoquant les négociations en cours avec la CNR, M. François Roussely a estimé que dans le cas -non inéluctable à son sens- où elle serait reconnue comme un producteur indépendant, il serait nécessaire de la séparer complètement d'EDF et d'indemniser ce dernier, non seulement pour les investissements réalisés mais également pour la plus-value, ou " rente du Rhône ", dont avait profité la CNR pendant cinquante ans. Il a déclaré que nombre de clients d'EDF implantés dans la vallée du Rhône seraient éligibles à la concurrence. Il a estimé qu'une non-indemnisation d'EDF ne serait pas comprise par les personnels de l'entreprise, qui avaient contribué à la réussite de la CNR.

M. François Roussely a relevé les difficultés de pénétration du marché allemand de l'électricité pour l'ensemble des opérateurs extérieurs. Il a toutefois jugé une présence en Allemagne indispensable, vu le nombre de clients industriels qui y sont implantés. Il a affirmé qu'EDF cherchait actuellement à prendre une participation dans une société lui offrant une porte d'entrée sur ce marché, mais qu'une telle entreprise s'avérait à la fois coûteuse et complexe.

Abordant la question du régime social des industries électriques et gazières (IEG), M. François Roussely a convenu qu'il ne s'appliquerait qu'en France alors que, si EDF a 30 millions de clients français, 15 autres millions sont situés hors de France. Il a d'ailleurs relevé que 3.300 salariés de London Electricity, basés, notamment, à Londres, ne relevaient pas de ce statut, bien qu'il s'agisse d'une filiale à 100 % d'EDF. Il a jugé qu'une négociation conventionnelle au niveau européen avec les partenaires sociaux permettrait d'égaliser les conditions statutaires des personnels des différents opérateurs. Il a d'ailleurs évoqué la constitution prochaine d'un comité d'entreprise européen au sein du groupe EDF.

Abordant la question de la diversification d'EDF, M. François Roussely a estimé que la " ligne jaune ", représentée pendant cinquante ans par le compteur électrique devait désormais laisser la place à un nouvel équilibre. Il a toutefois souligné qu'EDF n'entendait pas pour autant se substituer aux entreprises oeuvrant " en aval du compteur ".

Le président d'EDF a considéré que la perspective du renouvellement du parc électronucléaire dans les années 2020 à 2030 exigeait que l'Europe conserve une industrie électronucléaire forte. Dans cette optique, les marchés étrangers -et notamment la Chine- pourraient permettre, à son sens, son développement. Il a estimé que leur conquête pourrait se réaliser au moyen de la constitution d'alliances, afin de remédier à la dispersion et de conserver l'excellence de l'industrie nucléaire européenne.

Energie - Perspectives offertes par la technologie de la pile à combustible - Saisine de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Enfin, après une intervention de M. Henri Revol et de M. Jean François-Poncet, président, la commission a décidé de saisir l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une demande d'étude sur les perspectives offertes par la technologie de la pile à combustible.