Table des matières

  • Jeudi 21 juin 2001
    • Résolutions européennes - Livre blanc sur la sécurité alimentaire et propositions de règlements et directive relatives à l'hygiène des denrées alimentaires - Examen du rapport
    • Agriculture - Lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse - Examen du rapport

Jeudi 21 juin 2001

- Présidence de M. Jean Huchon, président. -

Résolutions européennes - Livre blanc sur la sécurité alimentaire et propositions de règlements et directive relatives à l'hygiène des denrées alimentaires - Examen du rapport

La Commission a tout d'abord examiné le rapport de M. Jean Bizet sur sa proposition de résolution n° 24 (2000-2001) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire (E-1405) et sur les propositions de règlements et de directive du Parlement européen et du Conseil relatives à l'hygiène des denrées alimentaires (E-1529).

M. Jean Bizet, rapporteur, a tout d'abord rappelé que cette proposition de résolution -qui porte d'une part sur le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire, d'autre part sur un ensemble de textes réformant la législation européenne sur l'hygiène des denrées alimentaires- visait à soutenir l'objectif de renforcement de la sécurité alimentaire, actuellement à l'oeuvre dans un vaste programme européen de réformes.

Il est ensuite revenu sur les propositions du Livre Blanc, présenté par la Commission européenne en janvier 2000 en vue de renforcer la sécurité à tous les stades de la chaîne alimentaire, « de la fourche à la fourchette ». Les initiatives qu'il propose, a-t-il expliqué, s'articulent autour de cinq grands axes :

- la création d'une Autorité alimentaire européenne, qui est la mesure la plus forte et la plus attendue politiquement ;

- la conduite de réformes de la législation alimentaire européenne, dans des champs aussi divers que l'hygiène alimentaire, l'alimentation animale ou encore l'ionisation des denrées ;

- une mise à jour des contrôles opérés au niveau national et européen dans le domaine alimentaire ;

- des initiatives en vue d'améliorer l'information des consommateurs, concernant notamment l'étiquetage, les allégations apposées sur les produits ou encore la publicité trompeuse ;

- enfin une meilleure prise en compte du contexte international dans lequel s'inscrit de plus en plus l'élaboration des normes en matière alimentaire, comme l'atteste l'exemple du Codex Alimentarius.

Puis M. Jean Bizet, rapporteur, a évoqué certains projets de textes européens tendant à mettre en oeuvre les actions détaillées dans le programme de travail annexé au Livre Blanc, précisant, en particulier, que la proposition de règlement E-1627 instituant l'Autorité alimentaire européenne devrait être adoptée au prochain Conseil extraordinaire du marché intérieur, de la consommation et du tourisme.

Abordant l'état des discussions sur ce texte, il a jugé souhaitable la mise en place de cette Autorité dans les plus brefs délais. Constatant l'émergence d'un consensus sur la nécessité de distinguer entre l'évaluation des risques, qui peut être confiée à l'Autorité alimentaire et la gestion des risques, qui doit relever des autorités politiques, il a considéré que le système d'alerte relevait de la gestion des risques et, à ce titre, de la compétence des institutions politiques.

Ayant estimé que l'attribution de prérogatives de communication à l'Autorité alimentaire, si elle garantit la transparence de l'évaluation scientifique des risques, pourrait conduire à inquiéter inutilement les consommateurs, en cas d'usage abusif de ce droit ou de mauvaise coordination avec les autorités politiques responsables de la gestion des risques, M. Jean Bizet, rapporteur, a souhaité que le Gouvernement veille à la cohérence de la politique de communication des risques. Il a également plaidé en faveur d'une représentation satisfaisante des États membres et des acteurs de la chaîne alimentaire au sein du conseil d'administration de l'Autorité.

Il a enfin, considéré qu'un certain nombre de points, tels que le champ de compétence de l'Autorité, ses conditions de saisine, l'articulation de son rôle avec celui des agences nationales ou encore son financement devaient faire l'objet d'une attention particulière.

Abordant ensuite des projets de textes destinés à renforcer la sécurité de l'alimentation animale, M. Jean Bizet, rapporteur, s'est notamment référé au projet de règlement relatif aux substances et produits indésirables, au projet de modification de la directive 95/53/CE relative aux contrôles officiels en alimentation animale, ainsi qu'au projet de règlement relatif aux sous-produits animaux.

Rappelant que la proposition de résolution invite à compléter la liste des produits interdits dans l'alimentation animale, il a toutefois considéré cette liste négative comme une solution provisoire, à laquelle devrait succéder à terme le principe d'une liste positive énumérant les ingrédients autorisés à entrer dans la composition des aliments pour animaux, sous réserve qu'elle soit régulièrement réactualisée.

M. Jean Bizet, rapporteur, a par ailleurs mis l'accent sur les difficultés soulevées par le projet de modification de la directive relative à la commercialisation des aliments composés, qui tend à imposer l'énumération sur l'étiquette des aliments pour animaux de toutes les matières premières, avec leur taux d'incorporation en pourcentage du poids. Outre que cette obligation paraît techniquement délicate à appliquer en raison de la variation quotidienne des formules utilisées par les industriels, elle compromet le secret de fabrication des aliments composés, mettant en cause la compétitivité de ces entreprises.

Après avoir rappelé les grandes lignes de la réforme de la réglementation relative à l'hygiène des denrées alimentaires -dont le fondement consiste à affirmer la responsabilité propre des acteurs de la filière alimentaire, y compris des producteurs primaires, à l'égard de la sécurité des produits mis sur le marché-, il s'est prononcé en faveur d'une disposition commune à deux des propositions de règlement, qui prévoit des adaptations aux règles énoncées, en faveur des petits établissements réalisant des fabrications traditionnelles.

Résumant ses propositions, M. Jean Bizet, rapporteur, a suggéré d'apporter les modifications suivantes à la proposition de résolution transmise par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne :

- inscrire dans la proposition de résolution que les développements récents de la crise de l'ESB confortent les démarches initiées à l'échelle européenne pour renforcer la sécurité alimentaire et plaident en faveur d'une coopération efficace entre États membres et institutions européennes ;

- ajouter la proposition de règlement E-1627 instituant l'Autorité alimentaire européenne à la liste des documents visés par la proposition de résolution ;

- remplacer le terme « d'agence » par celui, désormais officiel, d'Autorité alimentaire européenne ;

- préciser que l'Autorité alimentaire européenne ne doit pas se voir confier la gestion des risques, laquelle doit continuer à relever, y compris s'agissant de la responsabilité du système d'alerte rapide, des institutions européennes ;

- inviter le Gouvernement à s'assurer de la cohérence de la politique de communication des risques, et de la représentation des États membres et des acteurs de la filière alimentaire au sein du conseil d'administration de l'Autorité ;

- supprimer la disposition, devenue obsolète compte tenu de la déclaration de candidature de Lille, invitant le Gouvernement à proposer à ses partenaires la candidature d'une ville française.

Il a en outre proposé deux modifications consistant :

- d'une part à prévoir que la liste négative doit faire l'objet d'une mise à jour, ce qui permet à la fois son extension et l'évaluation scientifique des produits qui y figurent ;

- d'autre part, à soutenir le principe, non pas de « dérogations », mais « d'adaptations » aux règles applicables en matière d'hygiène alimentaire en faveur des petits établissement réalisant des fabrications traditionnelles, le terme d'adaptation, outre qu'il est utilisé dans les propositions de règlements européens, semblant plus conforme à l'esprit de la réforme sur l'hygiène alimentaire.

M. Jean-Paul Emorine s'est déclaré favorable à une liste positive des matières premières utilisées en alimentation animale. Il a estimé qu'une liste négative était insatisfaisante puisque les aliments n'y figurant pas se trouvaient de facto autorisés. Il s'est, en outre, prononcé en faveur non seulement de l'étiquetage quantitatif des ingrédients, mais encore de la mention de leur pays d'origine, afin de tenir compte des risques liés à l'encéphalopathie spongiforme bovine.

M. Hilaire Flandre a exprimé ses doutes quant au bien-fondé du recours à une liste énumérant limitativement les produits entrant dans l'alimentation animale, alors que les matières premières susceptibles d'entrer dans la composition des produits sont en constante évolution.

S'agissant de la notion de responsabilité primaire des producteurs, M. Gérard Le Cam a estimé que les producteurs ne pouvaient être véritablement tenus pour seuls responsables, dès lors qu'ils dépendent des coopératives et des fournisseurs d'aliments pour bétail. Il a plaidé pour une interprétation modulée de leur responsabilité.

Il s'est par ailleurs félicité de la délimitation du champ des compétences dévolues à l'Autorité alimentaire européenne qui, de même que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, a pour rôle d'aider à la décision politique.

Sur le sujet de l'importation des aliments, M. Gérard Le Cam a considéré qu'il fallait l'étendre et l'appréhender à l'échelon mondial, afin d'optimiser la sécurité alimentaire. Il a estimé que l'Union européenne devait soumettre les importations de denrées alimentaires aux mêmes exigences sanitaires que celles en vigueur sur le marché intracommunautaire.

M. Jean Huchon, président, s'est rangé à l'avis de M. Gérard Le Cam, considérant que la Communauté européenne se devait d'être aussi exigeante avec les pays tiers qu'elle l'était à l'égard de ses propres producteurs.

M. Louis Moinard a rappelé que les crises alimentaires dont l'Europe a été victime étaient imputables aux insuffisances de l'étiquetage des produits plutôt qu'aux produits eux-mêmes, les étiquettes ne mentionnant pas le pays d'origine des ingrédients.

De ce fait, il a soutenu la proposition d'une liste positive des ingrédients entrant dans la production d'aliments pour animaux et a souligné qu'une telle liste ne manquerait pas d'évoluer grâce aux procédures d'agrément.

En réponse aux interventions de ses collègues, M. Jean Bizet, rapporteur, a relevé que l'échange de vues qui venait d'avoir lieu sur la liste positive reflétait les débats qui se tenaient dans les instances communautaires. Justifiant sa préférence pour une liste positive, il a précisé qu'une telle liste ne serait pas verrouillée mais annuellement complétée. Il a insisté sur le fait qu'une liste négative pouvait être mise en porte-à-faux quotidiennement par la découverte d'une nouvelle molécule ou d'une révélation comme la découverte, dans les années 80, de la présence d'hormones. A l'inverse, il a remarqué qu'une liste positive, même si son établissement ne se concevait qu'à moyen terme en raison du travail qu'il nécessitait, apparaissait beaucoup plus sécurisante.

S'agissant de l'obligation qui serait imposée aux fabricants de fournir la liste détaillée de tous les ingrédients entrant dans la composition d'un aliment, le rapporteur a évoqué l'opposition des professionnels qui souhaitent préserver leur secret de fabrication et qui s'approvisionnent en matières premières selon l'évolution des cours. C'est pourquoi il a réaffirmé son soutien au projet d'une déclaration semi-ouverte dans laquelle l'étiquetage se bornerait à indiquer la part des ingrédients par fourchettes de pourcentages. Il a précisé que ce projet ne compromettait pas l'objectif d'une sécurité alimentaire optimale.

En réponse à M. Gérard Le Cam, M. Jean Bizet, rapporteur, a indiqué qu'il partageait ses réserves sur la notion de responsabilité des producteurs. Il a tenu, à ce sujet, à évoquer les débats avec M. Jean-Paul Emorine sur le principe de précaution, lors de l'examen du projet de loi d'adaptation au droit communautaire relatif à la santé des animaux. Il avait alors mis en balance le principe de précaution et le principe de compensation, lequel avait été retenu par le Sénat mais malheureusement écarté par l'Assemblée nationale.

Enfin, M. Jean Bizet, rapporteur, a souhaité rassurer M. Jean Huchon, en lui indiquant que la proposition de règlement E.1529 relative à l'hygiène des denrées alimentaires prévoyait le principe d'équivalence, selon lequel les exigences sanitaires applicables aux denrées produites dans l'espace intracommunautaire s'imposent également aux importations. Il a par ailleurs souligné que l'internationalisation des exigences de sécurité alimentaire se trouvait à l'oeuvre dans l'élaboration de normes mondiales précises au sein du Codex Alimentarius.

La proposition de résolution présentée par le rapporteur a été adoptée à l'unanimité par la commission.

Agriculture - Lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse - Examen du rapport

Enfin, la commission a examiné le rapport d'information présenté par M. Jean-Paul Emorine au nom de la mission d'information sur la lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse.

M. Philippe Arnaud, président de la mission d'information, a, tout d'abord, rappelé que celle-ci, constituée le 19 avril dernier, avait pour objet d'apprécier la pertinence des décisions prises par les pouvoirs publics de se prononcer sur les conditions et les délais d'indemnisation, et sur l'opportunité d'une vaccination du cheptel. Puis il a indiqué qu'il existait deux stratégies de lutte contre la fièvre aphteuse. La première consistant en une vaccination préventive des bovins dans les zones où la maladie est endémique, et la seconde, en une politique d'abattage du cheptel infecté une fois la maladie éradiquée. Le président de la mission d'information a ajouté que si la France n'avait enregistré que deux foyers aphteux et abattu seulement 58.000 animaux, au Royaume-Uni, on dénombrait plus de 1.700 foyers et 3 millions d'animaux abattus ; si bien que le coût total de cette épizootie, comprenant les dépenses directes et indirectes, s'élèverait à plus de 50 milliards de francs, dont 12 milliards de compensations versées aux éleveurs au titre de la destruction de leur cheptel.

Après avoir indiqué qu'en France, toute l'activité économique des deux départements dans lesquels les foyers aphteux étaient apparus avait été bloquée, M. Philippe Arnaud a regretté que les préjudices indirects n'aient pas fait l'objet d'une compensation intégrale, alors que les préjudices directs occasionnés par l'abattage des animaux aient été bien compensés.

S'agissant de la vaccination du cheptel, il a rappelé que celle-ci avait été interdite par une directive européenne de 1990, car la fièvre aphteuse était éradiquée du territoire européen, d'une part, et que le coût actualisé de la politique de vaccination était supérieur à celui d'une politique de non-vaccination, d'autre part. Il a ajouté que les vaccins traditionnels limitaient les exportations vers les pays indemnes, car ceux-ci se refusaient à importer les cheptels vaccinés, craignant qu'ils ne véhiculent la maladie. De nouvelles techniques vaccinales, a-t-il observé, sont cependant apparues, lesquelles permettent de distinguer, par des tests sérologiques, les animaux infectés des animaux vaccinés. C'est pourquoi il conviendrait de refaire le bilan coût/avantages du rétablissement de la vaccination.

Puis M. Jean-Paul Emorine, rapporteur, a présenté les principales préconisations de la mission d'information.

Évoquant la gestion de la récente crise en France, il a souligné le préjudice causé à des zones qui n'étaient pas concernées par la fièvre aphteuse, du fait de l'établissement de mesures nationales d'interdiction de la circulation du bétail, ainsi que la nécessité de renforcer le contrôle des rassemblements et des mouvements d'animaux.

S'agissant de la lutte au plan international, il a jugé souhaitable de définir, dans le cadre de l'Office international des épizooties, un nouveau statut applicable aux zones indemnes de fièvre aphteuse pratiquant une surveillance sérologique ; d'exiger que tous les États concernés déclarent rapidement leurs foyers aphteux, et de combattre les mesures de restriction aux échanges internationaux motivées par un hypothétique danger aphteux.

Estimant indispensable d'accroître la prévention, le rapporteur s'est déclaré favorable au renforcement des contrôles vétérinaires, mais s'est dit préoccupé par l'affaiblissement progressif du remarquable réseau de surveillance épidémiologique que constituent les vétérinaires sanitaires installés en zone rurale.

Marquant son souci d'une mobilisation très rapide des moyens de lutte en cas de crise, il a souligné que la vitesse de réaction des pouvoirs publics face à un foyer aphteux était une condition essentielle du succès. C'est pourquoi, a-t-il estimé, l'abattage préventif des animaux suspects devrait être mis en oeuvre, ainsi que la vaccination d'urgence dans le cas où les pouvoirs publics risqueraient de perdre le contrôle de l'épizootie.

Il a enfin ajouté qu'il convenait de réactiver la recherche sur la fièvre aphteuse, laquelle s'est, au cours de ces dernières années, considérablement assoupie.

Répondant à une question de M. Jean Huchon, président, sur les modalités d'importation et de transport des ovins vivants en France, M. Jean-Paul Emorine s'est déclaré favorable à l'établissement de centres de rassemblement et de transit de ces animaux hors des zones d'élevage.

M. Hilaire Flandre s'est, quant à lui, déclaré convaincu de la nécessité d'une réaction rapide face à la maladie, consistant notamment en une interdiction des rassemblements et des mouvements d'animaux.

Tout en soulignant qu'il ne fallait pas imaginer uniquement le pire scénario, M. Gérard Le Cam a constaté qu'il était rare que tous les préjudices soient intégralement couverts à l'issue d'une épizootie et a souhaité savoir s'il existait d'autres solutions que les bûchers pour détruire les carcasses d'animaux.

M. Philippe Arnaud, président, lui a répondu que le problème spécifique de la fièvre aphteuse tenait à ce qu'il existait une alternative -la vaccination- à la stratégie d'abattage massif, ce qui justifiait que la puissance publique, qui avait interdit la vaccination et imposé cette seconde stratégie, compense aussi les préjudices indirects qu'elle occasionne.

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur, a, quant à lui, souligné que la détection du premier ovin touché par l'épidémie, en Mayenne, avait été heureuse, selon les propres propos du vétérinaire à l'origine de la découverte.

M. Louis Moinard a, quant à lui, souligné que la vaccination était interdite depuis près de dix ans à l'initiative des pouvoirs publics, tandis que M. Hilaire Flandre évoquait l'ampleur des pertes indirectes qui ont atteint le secteur du tourisme.

Puis la commission a adopté les conclusions présentées par le rapporteur.