- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

Examen des orientations du rapport - Mission d'information sur les organismes génétiquement modifiés

La commission a tout d'abord examiné les orientations du rapport de la mission d'information sur les organismes génétiquement modifiés.

M. Gérard Larcher, président, a indiqué qu'en accord avec MM. Jean Bizet et Jean-Marc Pastor, respectivement président et rapporteur de la mission d'information sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), et suite à une demande du Président du Sénat, la commission procéderait à l'examen du rapport en deux temps. Après l'examen des orientations du rapport, le résumé de ces orientations serait adressé aux différents groupes politiques puis un second examen, le 14 mai, permettrait d'analyser les contributions apportées en réponse et de procéder au vote définitif sur le rapport.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a d'abord tenu à faire part de sa très grande satisfaction à l'issue du travail effectué : il s'est ainsi réjoui qu'une approche politique transversale du sujet ait permis de l'aborder avec raison plutôt qu'émotion et a tenu à en féliciter les membres de la mission. Il a précisé que l'objectif du rapport élaboré par la mission d'information était à la fois de mieux faire connaître les OGM, de mieux appréhender la transposition annoncée de deux directives communautaires (2001/18/CE et 98/44/CE), d'envisager une loi fondatrice sur les biotechnologies et, surtout, de donner moyen à l'agriculture d'être durable et compétitive, d'ouvrir des perspectives prometteuses pour l'industrie en général, et notamment l'industrie pharmaceutique et l'industrie agroalimentaire. A cet égard, il a souligné que le premier maillon de transformation serait le champ, devenu un « espace social », comme l'avaient déjà analysé les quatre sages ayant organisé le débat de février 2002 au Conseil économique et social. Il a exprimé l'espoir que le rapport permette de répondre à l'inquiétude des concitoyens et illustre la culture d'avenir qui est traditionnellement celle du Sénat.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission, a indiqué que le travail mené pendant 16 mois avait permis aux membres de la mission de disposer désormais d'une large vision du dossier des OGM. Il a émis le souhait que cela contribue à inscrire à l'avenir le débat public dans un cadre plus serein. Il a indiqué que l'horizon du dossier était, à court terme, la levée du moratoire européen sur les OGM et, à moyen terme, l'adoption d'une loi fondatrice sur les biotechnologies. Il a insisté fortement sur le fait que, les biotechnologies pouvant déboucher sur des applications concrètes à l'homme, une grande prudence s'imposait. Il a ensuite souligné le fait que beaucoup de gens ne parvenaient pas à bien comprendre ce qu'étaient les OGM, ce qui rendait nécessaire une définition accessible sans termes trop techniques. Comparant le code génétique au langage, il a estimé qu'on pouvait voir les individus comme des livres dont les chromosomes seraient des chapitres, et les gènes des mots. La modification génétique pourrait se comparer au fait de prendre un mot et de l'intégrer ailleurs dans le texte du livre. Il a rappelé que la sélection variétale était presque aussi ancienne que la maîtrise par l'homme de l'agriculture. Il a estimé que l'étape de la génomique, qui avait été franchie récemment, permettait d'accélérer considérablement le travail de sélection et constituait par conséquent un pas important pour la science. Il s'est demandé si la biotechnologie ne pouvait en fin de compte se résumer à cette combinaison entre l'observation variétale et la génomique, loin de toute alchimie. Il a rappelé qu'aujourd'hui, les deux tiers du globe étaient concernés par les OGM ce qui soulevait des enjeux économiques et humains considérables. Il a indiqué que le travail de la mission avait été guidé par quatre lignes de conduite : trouver les moyens pour que la société laisse la possibilité au consommateur du libre choix des produits qu'il consommait, ce qui impliquait étiquetage et traçabilité ; protéger certaines valeurs typiquement françaises, telles que la diversité des types d'agriculture (OGM, conventionnelle, fermière, et bio) ; reconnaître le caractère indispensable de la transparence dans le contrôle des OGM, les responsables scientifiques et politiques ayant été par le passé trop déconnectés de la population ; redéfinir le sens de la recherche et l'encourager.

Abordant la question de la méfiance de la population européenne envers les OGM, il a redouté que le blocage psychologique actuel ne perdure jusqu'à un point où la totalité du secteur serait sous contrôle de l'industrie américaine, à l'image de ce qui s'était passé il y a trente ans avec le maïs hybride. Il a dressé le constat de l'absence de danger sanitaire à court terme, insistant sur la puissance du processus digestif qui protégeait l'homme. Il a rappelé que c'était dans un contexte de nombreux scandales sanitaires que les OGM avaient pris leur essor dans les années 1990. Il a estimé que la coexistence des différentes filières agricoles était possible, comme le prouvait l'exemple du maïs-semence. Il a indiqué enfin que la question de la traçabilité, apparue dans le cadre de la crise de la vache folle, dépassait le seul dossier des OGM.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, s'est alors attelé à présenter les orientations de la deuxième partie du rapport, relative aux enjeux des OGM. Il a expliqué qu'après avoir tenté d'analyser les raisons des interrogations de nos concitoyens, la mission d'information avait cherché à fournir des éléments permettant au débat de sortir de l'impasse, estimant en effet que l'emprise croissante des OGM dans le monde devait amener à éclairer la position européenne. S'il a reconnu que cette position s'expliquait par des raisons diverses et souvent valables, il a considéré qu'elle gagnait à être resituée dans un contexte mondial plus large et indiqué que cela amenait nécessairement à s'interroger sur l'opportunité, pour l'Europe, de persévérer dans le refus a priori des OGM.

Il a alors analysé la diffusion croissante des OGM, à la fois en termes de diversification des usages et en termes d'extension géographique. Il a relevé que, d'ores et déjà, les applications effectives des OGM se caractérisaient par une très grande diversité. Sans spéculer sur ce qu'elles pourraient être, il a cité quelques exemples de réalisations concrètes et existantes de la transgénèse : en matière pharmaceutique, il a précisé qu'un médicament sur six était déjà issu du génie génétique et que 60 % des nouveaux médicaments étaient liés aux biotechnologies, du fait du moindre coût de ces techniques et de la plus grande sécurité qu'elles apportaient ; en matière agroalimentaire, il a fait observer que 70 % des fromages étaient fabriqués grâce à une enzyme recombinante, produite par une levure et remplaçant déjà la présure (susceptible d'être contaminée par la maladie de la « vache folle ») ; il a également évoqué la production industrielle de carburants, plastiques ou fibres textiles par transgénèse, autant de produits présentant l'avantage d'être biodégradables, ainsi que la dépollution des sols par des plantes transgéniques, rendues capables d'absorber les matières polluantes selon un procédé économique et écologique appelé « phytoremédiation » ; enfin, en matière agricole, il a rappelé que les plantes transgéniques étaient utilisées par certains agriculteurs en raison de leur tolérance aux herbicides ou de leur résistance aux ravageurs ou aux virus. Il a conclu de cette grande diversité des usages des OGM qu'elle invitait à ne pas focaliser le débat sur les produits alimentaires issus d'OGM.

Présentant ensuite l'extension rapide des zones cultivées en OGM de par le monde, sauf en Europe, il a indiqué qu'en 2002, la surface mondiale totale de cultures transgéniques avait atteint 58,7 millions d'hectares -12 % de plus qu'en 2001- et qu'elle s'étendait dans seize pays du monde. Il a précisé qu'une telle superficie représentait plus du double de la surface agricole utile française et relevé que, pour le soja, la culture OGM était désormais majoritaire à l'échelle mondiale. Rappelant qu'en ce domaine, les Etats-Unis faisaient figure de précurseur, il a noté qu'ils cultivaient aujourd'hui les deux tiers des surfaces OGM mondiales et que les trois quarts de leurs cultures de soja et de coton étaient OGM. Il a ensuite évoqué les deuxième et troisième cultivateurs mondiaux d'OGM, à savoir l'Argentine et le Canada, et fait observer que de nouveaux convertis suivaient le mouvement, notamment dans les pays en développement : la Chine indubitablement (déjà productrice de coton majoritairement OGM), mais aussi l'Inde, l'Afrique du Sud et australe...

S'agissant de l'Europe, M. Jean Bizet a remarqué qu'elle entretenait son décalage par rapport à ce mouvement mondial, ses cultures OGM -concentrées en Espagne- ne représentant que 12.000 hectares en 2001, et le moratoire sur les autorisations d'OGM décidé en 1999 se poursuivant encore en 2003.

Il a estimé que cette diffusion mondiale attestait sans doute de l'intérêt que trouvaient certains agriculteurs de divers pays à la culture transgénique. Il a alors suggéré que les agriculteurs européens pourraient, eux aussi, s'interroger sur les éventuels bénéfices des techniques OGM, dans des conditions agronomiques évidemment différentes, et que cela devrait peut-être davantage inciter à une approche plus pragmatique des OGM. Il a jugé que c'était de ces questions que la mission d'information invitait à débattre sans tabou.

Il a ensuite posé la question suivante : face à cette lame de fond à l'échelle mondiale, l'Europe peut-elle se satisfaire d'un refus a priori des OGM ? Il a jugé nécessaire de se pencher en effet sur les enjeux et les conséquences de l'attitude européenne, et en a identifié trois principaux, d'ordre agricole, commercial et stratégique.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a déclaré que les OGM représentaient certainement un enjeu pour l'agriculture de demain : il a estimé que, vue la dépendance agricole en protéines végétales dans laquelle l'Europe était actuellement maintenue, il lui paraissait difficile de maintenir durablement un approvisionnement de masse non-OGM alors que l'Europe importait 75 % des protéagineux qu'elle consommait. Il s'est interrogé sur le fait de savoir s'il n'y avait pas une forme d'hypocrisie à persévérer dans le refus des OGM à l'intérieur, tout en étant contraints aujourd'hui d'importer massivement des OGM pour l'alimentation animale... En outre, il s'est demandé si l'on pouvait laisser en friche un champ de progrès agricoles et si, afin d'améliorer l'agriculture européenne, les sciences du vivant ne représentaient pas tout simplement un outil supplémentaire et puissant, notamment au service de la création variétale, s'inscrivant à ce titre dans une tradition dont notre agriculture était en droit de s'enorgueillir. Il a estimé que l'agriculture devait rester au coeur des mutations en cours si elle voulait maîtriser son destin. Ce point lui a paru d'autant plus important que, d'ores et déjà, l'agriculteur européen était fort dépendant des semenciers, le recours aux semences de ferme n'étant plus que marginal. Enfin, il s'est demandé s'il fallait se priver d'un outil potentiel de développement durable, une agriculture enrichie des connaissances en biotechnologie végétale pouvant s'avérer moins polluante et moins consommatrice en ressources rares tout en améliorant l'efficacité productive. A cet égard, il a douté que, face aux besoins alimentaires mondiaux, l'outil représenté par les OGM dusse être écarté a priori, alors qu'il pourrait être un instrument parmi d'autres permettant aux pays en développement de concilier les augmentations de leur rendement agricole et l'utilisation durable des ressources naturelles.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a ensuite présenté l'enjeu commercial que les OGM représentaient et quel était le prix du refus européen des OGM.

Il a rappelé que, sur la base de leur prépondérance dans la production agricole d'OGM, les Etats-Unis prônaient l'application des règles communes de libre-échange au commerce international des OGM. En outre, il a précisé que, puisque les Etats-Unis n'avaient pas ratifié la Convention de Rio (1992) sur la diversité biologique, ils n'étaient pas liés par le Protocole de Carthagène sur la diversité biologique (2000), que la France venait de ratifier et qui établissait des procédures spécifiques concernant les échanges internationaux de produits OGM.

Il a appelé l'attention de ses collègues sur la consistance toute relative, à l'échelle internationale, du principe de précaution, fondement juridique invoqué pour justifier l'attitude européenne à l'égard des OGM : en droit communautaire, a-t-il précisé, sa valeur juridique est déjà incertaine (l'article 174 du traité CE ne portant que sur l'environnement) et le principe est rendu peu opérationnel par une lacune importante, à savoir l'absence de texte juridique précisant le processus d'application du principe de précaution ; il a également indiqué que l'indigence, en droit international, du principe de précaution, seulement envisagé tacitement par les accords de l'OMC, rendait incertaine l'issue d'une éventuelle plainte devant cette organisation.

Or, a-t-il indiqué, c'est à 4 milliards de dollars que les Etats-Unis évaluent le préjudice annuel de l'attitude européenne exigeant étiquetage et traçabilité. Il a en outre appelé à ne pas négliger non plus la possibilité que l'Union européenne se trouve accusée par un pays autre que les Etats-Unis d'enfreindre les règles de l'OMC.

Enfin, M. Jean Bizet a considéré que les OGM représentaient un enjeu stratégique pour une économie de la connaissance. Après avoir rappelé qu'avec les technologies de l'information, les sciences du vivant constituaient assurément un levier majeur pour atteindre l'objectif stratégique que l'Union européenne s'était vu assigner lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 - devenir « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » -, il a jugé que le moratoire européen en vigueur depuis 1999 et les destructions d'essais expérimentaux d'OGM affaiblissaient considérablement la mobilisation des chercheurs européens en biotechnologies et avaient en outre entraîné la délocalisation hors d'Europe des essais en plein champ et des investissements stratégiques. Il a indiqué que la Commission européenne estimait à 250.000 le nombre d'emplois de recherche perdus de ce fait depuis dix ans.

S'il a reconnu que l'Union européenne affichait sa volonté de promouvoir la recherche en biotechnologies -lors du Conseil européen de Stockholm en mars 2001 et via la stratégie pour les biotechnologies publiée par la Commission européenne en janvier 2002-, il a considéré insuffisante la mobilisation humaine et financière en France comme dans de nombreux autres Etats membres, comme l'attestait l'érosion progressive de la position de l'Europe dans les dépôts de brevets en biotechnologies.

Il en a conclu que, si l'Europe ne prenait pas la mesure de l'enjeu biotechnologique, elle s'exposait à de grands risques : dépendance à l'égard des détenteurs étrangers de procédés protégés par la propriété intellectuelle, fuite des cerveaux, appauvrissement de ses capacités de croissance... Citant un rapport prospectif de la Commission européenne sur le commerce mondial au XXIe siècle qui prédisait un recul de l'Europe dans le commerce mondial et une spécialisation plus ou moins contrainte par une dépendance technologique accrue, il a présenté le comblement du fossé technologique croissant entre l'Europe et les Etats-Unis, particulièrement dans le domaine des biotechnologies, comme le pilier géostratégique de la place qu'occuperait l'Europe dans le monde du XXIe siècle.

Il a également souligné que la capacité européenne d'expertise en biotechnologie était en outre un élément de la politique de défense, les progrès du génie génétique pouvant servir à manipuler le génome des agents classiques de la guerre biologique -peste, maladie du charbon...-, et les rendre encore plus dangereux. Il en a déduit qu'il était important de conserver en Europe une capacité de détection et d'expertise en biotechnologies, seule à même de garantir l'indépendance et la sécurité de la zone.

Envisageant l'hypothèse où l'Europe, au regard des enjeux de taille ainsi soulevés, choisissait une attitude active plutôt que passive vis-à-vis du développement des technologies du vivant, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, s'est interrogé sur le fait de savoir si l'Europe y perdrait son âme pour autant. La réponse lui a paru négative, puisqu'il a jugé possible d'exploiter les biotechnologies de manière responsable, dans le respect des valeurs et principes fondant l'Union européenne (santé et sécurité des consommateurs, préservation de l'environnement, respect de la liberté de chacun) grâce au socle réglementaire communautaire existant ou en voie de finalisation. Il a alors présenté les trois volets de cette construction réglementaire :

- un régime juridique d'autorisation au cas par cas pour une approche de précaution ; à cet égard, il a rappelé que l'Europe avait fait le choix de n'accorder que des autorisations au cas par cas, en fonction de la caractéristique du gène introduit, et limitées dans le temps. Il a expliqué que ce choix reposait sur la directive 2001/18 relative à la dissémination volontaire d'OGM -en application depuis le 17 octobre dernier- et sur le règlement 178/2002. Il a indiqué que ces textes renforçaient la législation précédente, imposant notamment une évaluation scientifique précommerciale plus approfondie de chaque OGM et une transparence accrue aux différentes étapes de la procédure. Les nouveaux principes communautaires d'évaluation des risques (évaluation plus détaillée des risques, obligation de consulter les comités scientifiques, périodes de première autorisation de dissémination d'OGM limitées à 10 ans) lui ont ainsi paru garantir que les OGM mis sur le marché étaient inoffensifs pour la santé humaine et pour l'environnement. En résumé, il a relevé qu'à la réglementation en bloc de tous les OGM par la directive de 1990, avait été substituée une réglementation plus fine, qui autorisait une approche au cas par cas des produits du génie génétique, cette nouvelle approche seyant mieux à la nature de ces innovations et correspondant à un bon usage du principe de précaution ;

- une liberté de choix pour les consommateurs, élément indispensable, aujourd'hui assurée par un étiquetage et une traçabilité systématique des produits ; après avoir précisé que la directive 2001-18 prévoyait en effet que les Etats membres garantissent l'étiquetage des OGM mis sur le marché en tant que produit, ou même élément de produit, il a indiqué que de nouveaux textes communautaires étaient déjà en cours de discussion, qui instauraient un système communautaire harmonisé de traçabilité des OGM et introduisaient l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés ou produits à partir d'OGM, à destination humaine comme animale, en cas de présence fortuite d'OGM autorisés supérieure à 0,9 %. Relevant que la finalisation de ces textes n'était plus qu'une question de mois, il a estimé que leur application assurerait le libre choix des consommateurs, expression forte de fidélité aux valeurs fondatrices de l'Union européenne ;

- une liberté de choix pour les opérateurs agricoles, par l'organisation de la coexistence entre les cultures ; il a précisé qu'afin de préserver la viabilité et la diversité de l'agriculture en Europe, et, là encore, sauvegarder le modèle européen, les Etats membres examinaient actuellement les mesures de gestion agricole susceptibles de prévenir au mieux les conséquences économiques et juridiques de la présence fortuite d'OGM dans des produits agricoles issus de cultures non-OGM. Après avoir fait observer qu'une telle présence fortuite était inévitable, du fait d'impuretés dans les semences, de pollinisation croisée, de germination spontanée ou de pratiques de stockage et de transport des récoltes, il a exposé les divers moyens permettant de limiter ces interférences : distances obligatoires de séparation entre parcelles, zones tampon ou pièges à pollen, lutte contre les repousses de précédentes cultures, rotation des cultures ou encore calendriers échelonnés de plantation pour garantir un décalage des périodes de floraison...

M. Jean Bizet a conclu que l'achèvement de ces règles (autorisation au cas par cas, liberté de choix pour le consommateur, comme pour le producteur) permettrait à l'Union européenne de se montrer à la fois ouverte et responsable à l'égard des biotechnologies. Il a enfin déclaré qu'il était temps de restaurer la décision politique.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a ensuite présenté les onze propositions de la mission, à savoir : lever le moratoire en vigueur depuis quatre ans, au vu des importantes précautions qui étaient désormais prises aux niveaux communautaire et national, et dans la perspective de la mise en place de l'étiquetage et de la traçabilité des produits ; respecter et, au besoin, protéger la recherche, dès lors qu'elle se plie comme de juste au principe de précaution, pour respecter les règles de l'Etat de droit ; encadrer les cultures de plantes génétiquement modifiées (PGM) ; fixer des seuils d'étiquetage de présence d'OGM réalistes ; clarifier la situation en matière d'assurance en distinguant les différents risques éventuellement associés aux OGM ; favoriser la recherche, par un soutien économique aux entreprises, un rétablissement des budgets de recherche publique, un encouragement des partenariats de recherche public/privé, mais aussi un signe politique de soutien moral aux scientifiques ; défendre le certificat d'obtention végétale (COV) comme mode de protection de la propriété intellectuelle des variétés végétales, notamment dans le cadre des négociations commerciales internationales ; réunir la Commission de génie biomoléculaire (CGB) et le Comité de biovigilance, et créer une instance symétrique à l'instance de contrôle et d'évaluation scientifique, qui permette la pleine expression de la société civile ; soutenir la mise en place d'une biovigilance dans tous les pays du monde, et notamment dans ceux en voie de développement, dans le cadre d'une agence mondiale de l'environnement (AME) ; rendre effective l'information des élus locaux, notamment par l'élaboration de plans d'occupation des champs (POC) ; adopter une loi fondatrice sur les biotechnologies, qui pose notamment les limites éthiques au développement de ces technologies.

Après avoir fait part de sa complète adhésion aux propos du rapporteur, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a souhaité apporter quelques précisions sur les propositions exposées.

Concernant la onzième proposition, il a confirmé que les applications animales des biotechnologies soulevaient assurément de grandes questions éthiques mais que leurs enjeux ne pouvaient être ignorés. A titre illustratif, il a cité l'exemple du porc génétiquement modifié dont la croissance se trouve accélérée et la quantité de phosphore dans le lisier réduite. Se référant à l'audition du professeur Thibier, directeur général de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture, il a indiqué que les interrogations fortes actuellement soulevées par l'application végétale des biotechnologies annonçaient sans doute des interrogations plus fortes encore lors des développements prévisibles en biotechnologie animale.

Concernant la septième proposition, relative à la propriété du vivant, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a tenu à souligner que l'Europe avait choisi comme postulat de base de ne pas breveter les espèces végétales et animales. Il a jugé qu'il convenait de développer une approche complémentaire entre le brevet, instrument de protection de la propriété intellectuelle ayant déjà largement fait ses preuves, et le certificat d'obtention végétale (COV), sans doute mieux adapté au domaine du vivant et garantissant une plus grande facilité d'utilisation des progrès scientifiques antérieurs, grâce au principe d'exception du sélectionneur.

M. Gérard Larcher, président, a exprimé sa préoccupation qu'une sorte « d'arme » végétale se trouve concentrée dans les mains d'une seule puissance. Il a estimé qu'alors que la France s'engageait par trop dans une attitude de frilosité face aux nouvelles avancées de la science et de la technologie, les propositions raisonnables de la mission d'information étaient bienvenues. Quant à la proposition de création d'une AME, il s'est demandé si les agences de l'ONU déjà existantes, et notamment la FAO, ne pourraient déjà fournir un cadre à ce projet. Il s'est par ailleurs interrogé sur les instances compétentes pour l'établissement du POC et son domaine d'intervention, redoutant que le POC soit difficile à gérer s'il dépassait le cadre des seuls OGM.

M. Marcel Deneux, estimant que le dossier des OGM posait un vrai problème de pédagogie, a émis le souhait que le rapport puisse constituer un outil d'information du grand public, en étant largement diffusé, par exemple sur support de CD-ROM. Il a enfin insisté sur l'importance de la partie animale du dossier.

M. Gérard César, abondant dans le sens de M. Jean Bizet quant à la dépendance européenne en protéagineux, a rappelé les propositions du rapport sénatorial sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC) sur ce point. Il a également souhaité savoir si la France serait en mesure d'appliquer le seuil d'étiquetage de 0,9 % de présence d'OGM, et quelle était, de ce point de vue, la situation des pays candidats en voie de rejoindre l'Union européenne. Il s'est interrogé pour savoir si la séparation des instances consultatives entre scientifiques et non-scientifiques n'était pas contre-productive.

Répondant à M. Marcel Deneux sur la question de la diffusion du rapport, M. Gérard Larcher, président, a indiqué que celle-ci se ferait selon une stratégie correspondant à ce qu'avait souhaité le Bureau de la commission, pour laquelle seraient demandés des crédits spécifiques et qui permettrait notamment d'engager le débat avec la société en allant à la rencontre de grands titres de la presse quotidienne régionale. Il a rappelé que le rapport serait disponible sur le site Internet du Sénat, estimant qu'il conviendrait d'envisager la diffusion par CD-ROM à l'issue des débats organisés avec la presse.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a insisté sur le fait que le principal attrait des OGM n'était pas de produire plus de protéagineux, sans quoi le même résultat pourrait être atteint en renégociant les accords agricoles à l'OMC, M. Gérard César rappelant à ce titre que le rapport sur l'avenir de la PAC proposait précisément une telle renégociation. En réponse à l'interrogation de M. Gérard César sur la séparation entre une instance consultative scientifique et un représentant la société civile, il a indiqué qu'il était ressorti des auditions de la mission que cette séparation constituait une réelle demande des acteurs non-scientifiques du dossier. En réponse à M. Gérard César, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a fait part de sa propre expérience au sein de la commission du génie biomoléculaire (CGB). Pour l'avoir vécue de l'intérieur, il a confirmé qu'une telle commission débattait à un niveau d'expertise scientifique tel que le profane se trouvait vite dépassé. Il a d'ailleurs indiqué que le président de la CGB lui-même s'était dit favorable à la constitution d'une enceinte symétrique représentant la société civile, susceptible de permettre la tenue d'un autre type de débat. Il a enfin précisé que ces deux enceintes exprimeraient des avis et que la décision resterait entre les mains du Gouvernement.

M. Hilaire Flandre, après avoir estimé que les propositions 8 et 9 étaient liées, a fait part de sa préoccupation devant la volonté exprimée par le Président de la République de rattacher le principe de précaution à la Constitution, craignant qu'une telle évolution n'aboutisse, dans le contexte actuel d'inquiétude de l'opinion publique, à entraver toute recherche.

Mme Odette Terrade, après avoir estimé que la diffusion du rapport et le débat qui s'ensuivrait constitueraient des moments très importants pour ce dossier, a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen approuvait, à ce stade, les orientations du rapport.

M. Bernard Piras a émis le souhait que le rapport puisse contribuer à relancer la recherche, afin de maintenir le rang de la France et de l'Europe dans le monde.

M. Jean Boyer a rappelé que le dossier rapprochait trois parties prenantes, les consommateurs, dont on pouvait comprendre les préoccupations, les producteurs et les pouvoirs publics.

M. Gérard Larcher, président, a indiqué qu'une question orale avec débat sur les OGM se tiendrait en séance publique le 19 juin. Réagissant au propos de M. Jean Boyer, il s'est demandé si tous les producteurs étaient demandeurs des OGM.

En réponse à M. Gérard Larcher, président, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a indiqué que l'attente des producteurs à l'égard des OGM serait certainement corrélée au gain potentiel qu'ils pourraient en dégager. A titre illustratif, il a rappelé que l'économie d'intrants était estimée à 14 dollars par hectare aux Etats-Unis, en moyenne. Il a estimé qu'en France il était possible que de grands producteurs céréaliers d'Ile-de-France tirent un bénéfice certain du recours aux OGM, mais, qu'en revanche, le gain était beaucoup plus incertain dans des régions de polycultures cultivées sur des parcelles de petite taille. Il a une nouvelle fois insisté sur la nécessité de respecter les différents types d'agriculture, ce qui s'imposait comme une spécificité française, et préconisé l'élaboration de cahiers des charges précis permettant de fonder ce respect mutuel.

M. Gérard Larcher, président, s'est félicité que la commission soit éclairée par le rapport de sa mission, sur un sujet très complexe, mais également très politique. Il a rappelé que la commission procéderait le 14 mai au vote définitif sur le rapport, après avoir entendu ceux de ses membres qui souhaiteraient relayer la position de leur groupe politique, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, indiquant que chaque groupe politique était invité à fournir une contribution écrite, qui serait annexée au rapport.

 

Codification - Habilitation du Gouvernement à simplifier le droit - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de MM. Alain Fouché et Gérard César sur le projet de loi n° 262 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

A titre préalable, M. Daniel Raoul est intervenu au nom du groupe socialiste pour exprimer son vif regret que la commission des affaires économiques ne se soit pas saisie pour avis des articles 3 et 4 du projet de loi qui visent, respectivement, à permettre la modification des procédures de la commande publique et l'institution de nouveaux contrats de coopération entre personnes de droit public et personnes de droit privé. Il a observé que les conséquences des dispositions envisagées par le Gouvernement sur l'activité des PME, des PMI et des artisans, qui leur font courir le risque de se voir exclus d'une partie importante des marchés publics de l'Etat et des collectivités territoriales au profit des grandes entreprises du BTP, auraient justifié que la commission s'exprime à ce sujet.

Après que M. Gérard Larcher, président, eut pris acte de cette déclaration, M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, a présenté son rapport. Rappelant que, dans son discours de politique générale du 3 juillet 2002, le Premier ministre avait indiqué qu'il demanderait au Parlement l'autorisation de légiférer par ordonnance pour simplifier la législation dans un certain nombre de domaines qui ne toucheront pas aux équilibres fondamentaux de la République, il s'est félicité que, moins d'un an après cette déclaration, le Gouvernement soit en mesure d'engager un premier ensemble de mesures de simplifications dans tous les champs de la vie administrative, économique et sociale de notre pays. Il a considéré que l'étendue même de ce champ, tout comme la nature et le nombre des procédures qu'il est envisagé de réformer, justifiaient pleinement le recours aux ordonnances.

Après avoir souligné que le Conseil constitutionnel avait à plusieurs reprises précisé la manière dont il convenait d'interpréter l'article 38 de la Constitution pour garantir le respect des prérogatives du Parlement en matière législative, il a estimé que la voie des ordonnances pour procéder à de très nombreuses simplifications du droit et à une oeuvre importante de codification s'imposait pour trois raisons conjuguées :

- la nécessité d'éviter que l'ordre du jour des assemblées parlementaires ne soit encombré par un programme législatif de simplification et de codification qui leur interdirait d'accomplir toute autre tâche législative ou de contrôle ;

- le caractère essentiellement technique des mesures envisagées ;

- l'impératif politique de rendre à nouveau la règle de droit intelligible à nos concitoyens et les alléger de procédures administratives trop nombreuses et complexes dont l'intérêt n'est pas toujours prouvé.

M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, a ensuite expliqué les raisons ayant présidé à la répartition des compétences entre la commission des lois, saisie au fond, et les trois commissions saisies pour avis, et relevé que, dans ce cadre, la commission des affaires économiques était saisie des articles 9 et 23 à 27.

Puis il a exposé que l'habilitation donnée par l'article 9 permettra de simplifier la procédure de validation annuelle du permis de chasser, notamment en créant un guichet unique pour les chasseurs auprès des fédérations départementales des chasseurs volontaires et d'adapter le régime des adjudications du droit de chasse en forêt domaniale tout en harmonisant les règles de priorité reconnues aux titulaires d'une licence ou d'une location sur un lot de chasse.

Il a indiqué que l'article 23 proposait de ratifier l'ordonnance du 11 avril 2001 relative à la transposition de dispositions communautaires dans le domaine de l'environnement, soit cinquante et une directives communautaires et environ une quinzaine d'autres textes portant sur le contrôle des substances appauvrissant la couche d'ozone, le réseau « Natura 2000 » ou encore la liberté d'accès à l'information en matière environnementale. Il a précisé que, dans une décision du 19 mars 2003, le Conseil d'Etat a considéré que l'ensemble des dispositions relatives à la mise en oeuvre du réseau « Natura 2000 » avait fait l'objet d'une ratification implicite, le législateur ayant fait expressément référence aux sites et aux contrats « Natura 2000 » dans l'article 1er de la loi du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt.

Puis relevant que l'article 24 proposait notamment de ratifier l'ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l'environnement, compte tenu d'un certain nombre de corrections rédactionnelles ou mineures à droit constant figurant également à cet article, M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, a annoncé qu'il suggérerait de compléter cette série de corrections pour inscrire dans le code de l'environnement des dispositions législatives récentes qui ont vocation à l'intégrer pour en assurer une meilleure lisibilité, en particulier la loi du 19 février 2001 relative à la lutte contre l'effet de serre et la disposition concernant les éoliennes intégrée dans la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

Par coordination avec ces amendements, il a indiqué qu'il proposerait, à l'article 25, de supprimer l'habilitation qu'il accorde au Gouvernement pour compléter le code de l'environnement afin d'y intégrer les dispositions législatives nouvelles qui n'ont pas été codifiées par le législateur, puisqu'elle ne serait dès lors plus nécessaire.

M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, a ensuite présenté les dispositions de l'article 26 qui autorisent le Gouvernement à procéder à l'adoption du code de la recherche et du code du tourisme à droit constant, dont la création figurait au programme général de codification 1996-2000 adopté par la Commission supérieure de codification en décembre 1995. Rappelant l'intérêt de la codification pour mettre à la disposition de tous un instrument juridique clair et maniable facilitant un accès simple aux règles de droit, il a toutefois souligné que le code de la recherche et le code du tourisme se présenteraient vraisemblablement, au plan matériel, comme des « petits » codes, en particulier en ce qui concerne le nombre de leurs articles relevant du domaine de la loi, et surtout que l'un et l'autre comprendraient de très nombreux « articles suiveurs ». Précisant qu'on entendait par cette formule la reprise à l'identique d'articles figurant dans d'autres codes, dits « pilotes », il a estimé que, si cette méthode présentait quelques avantages pour la cohérence de la lecture d'un « code suiveur », l'abondance des dispositions suiveuses que contiendraient les deux nouveaux codes et la multiplicité des codes pilotes de référence faisaient peser quelques menaces sur leurs évolutions futures, car elles accroîtraient les risques d'erreurs et d'omission lorsqu'il sera légiféré à l'avenir. Il a souhaité que les ministères intéressés et le Parlement restent extrêmement vigilants sur ce point pour que soient modifiées les dispositions législatives concernées tant dans le « code pilote » que dans le « code suiveur » afin de garantir la cohérence et l'intelligibilité du droit positif.

S'agissant enfin de l'article 27, qui habilite le Gouvernement à codifier, chose inhabituelle, « à droit non constant », c'est-à-dire à modifier la législation en même temps qu'il est procédé à sa codification, M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, a tout d'abord relevé que cette innovation présentait, techniquement, quelques difficultés pratiques au regard de la procédure traditionnelle de contrôle méthodologique exercé par la Commission supérieure de codification qui, depuis un décret du 16 juin 2000, ne peut plus examiner que des projets de codification à droit constant. Exposant ensuite le fond du deuxième alinéa (1°) de l'article, qui concerne le secteur des métiers et de l'artisanat, il a estimé que l'habilitation envisagée était extrêmement large et que la rédaction de l'alinéa présentait, par son imprécision, des risques non négligeables de censure du Conseil constitutionnel.

Il a en effet rappelé que ce dernier s'était toujours attaché à ce que les principes constitutionnels encadrant la technique de la législation déléguée soient rigoureusement suivis pour respecter les prérogatives du Parlement en matière législative, exigeant en particulier du Gouvernement qu'il indique avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnance ainsi que leur domaine d'intervention. Il a considéré qu'en l'espèce, ces prescriptions n'étaient probablement pas respectées car, en permettant « d'adapter à l'évolution des métiers » toutes les dispositions particulières à ce secteur dans les domaines de la fiscalité, du crédit, des aides aux entreprises, du droit du travail et de la protection sociale, l'article 27 donnait en pratique toute latitude au pouvoir exécutif de légiférer sans limite dans ces domaines.

Relevant que le secteur des métiers et de l'artisanat était aujourd'hui régi par un code datant de 1952, dont les dispositions avaient été supprimées à plus de 60 % et, pour le reste, étaient souvent caduques ou d'ordre réglementaire, et que l'essentiel de la législation et de la réglementation concernant ce secteur était en fait éparpillé dans 700 à 800 textes différents, dont beaucoup contenaient en outre des dispositions obsolètes, M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, a reconnu qu'il n'était matériellement pas possible au Gouvernement de préciser exactement, au moment de sa demande d'habilitation, quel type de modifications il serait susceptible d'entreprendre. Aussi, ayant observé que plusieurs articles du présent projet de loi autorisaient le Gouvernement à procéder à de nombreuses simplifications dans le secteur des métiers et de l'artisanat dans les domaines législatifs évoqués par l'article 27, il a indiqué qu'afin de s'assurer qu'aucune censure du Conseil constitutionnel ne viendrait entraver l'ambitieux objectif du Gouvernement de créer un nouveau code des métiers et de l'artisanat, qu'attendent notamment tous les professionnels du secteur, il proposerait un amendement définissant plus précisément le champ exact de l'habilitation accordée par le Parlement au Gouvernement, sans pour autant entraver la tâche de celui-ci.

Puis M. Gérard César, rapporteur pour avis, est intervenu pour présenter les dispositions des articles 24 et 25 visant à parfaire la codification du code rural, dont certains livres n'avaient pas reçu valeur législative.

Il a rappelé que si l'idée d'élaborer un code rural remontait à l'Ancien Régime, elle n'avait cependant trouvé de véritable concrétisation qu'après la deuxième guerre mondiale, grâce à l'adoption de deux décrets en 1955. Il a expliqué qu'une révision de ce premier code rural avait été entreprise à la fin des années 1980 par décrets en Conseil d'Etat, permettant la refonte de trois de ses livres. Quatre autres livres ayant été adoptés par le Parlement au cours des années 1990, notre commission ayant été concernée sur le rapport de notre collègue Alain Pluchet, deux livres restaient donc encore à adopter. Il a souligné que tel était l'objet de deux ordonnances prises par le Gouvernement sur le fondement d'une habilitation par le Parlement :

- une ordonnance du 15 juin 2000, qui révise et adopte les deux derniers livres VII (« Dispositions sociales ») et IX (« Santé publique vétérinaire et la protection des végétaux »), mettant également à jour les parties législatives des livres Ier, III et IV du code rural ;

- une ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l'environnement, qui transfère le contenu du livre IX du code rural vers le livre II du même code, celui-ci se trouvant libéré des dispositions relatives à la préservation du patrimoine biologique, à la chasse et à la pêche en eau douce du fait de la réalisation du code de l'environnement.

Indiquant que l'article 24 du présent projet de loi avait notamment pour objet de ratifier ces deux ordonnances, M. Gérard César, rapporteur pour avis, s'est félicité que leurs dispositions acquièrent ainsi une valeur législative. Il a, à cet égard, fait valoir que cette ratification permettrait désormais d'éviter les recours contentieux contre leurs dispositions, lesquels sont source de confusion et d'instabilité dans l'application du droit. Il a toutefois regretté qu'elle intervienne tardivement, rappelant que le projet de loi de ratification déposé dès juillet 2000 sur le Bureau du Sénat n'avait jamais été inscrit à l'ordre du jour.

Il a précisé que l'article 24 tendait également à rectifier plusieurs dispositions du code rural couvertes par l'ordonnance du 15 juin 2000 afin de tenir compte des nombreuses modifications qui, depuis sa publication, y avaient été apportées par des dispositions législatives nouvelles. A cet égard, faisant siennes les remarques formulées en 2000 par M. Jean-PaulEmorine dans son rapport sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la santé des animaux, il a souligné combien il était regrettable que le processus législatif et les travaux de recodification n'aient pas été mieux coordonnés. Enfin, après avoir ajouté que l'article 24, tel que modifié par l'Assemblée nationale, visait à étendre à certaines collectivités d'outre-mer les modifications proposées, il a indiqué qu'il présenterait cinq amendements formels ou rédactionnels visant à préciser certaines dispositions du code rural concernées par la ratification et à améliorer la rédaction des rectifications apportées par le projet de loi.

M. Gérard César, rapporteur pour avis, a ensuite expliqué que l'article 25 habilitait le Gouvernement à corriger et à compléter par ordonnance les parties législatives du code rural et de l'environnement, conformément à l'article 38 de la Constitution. Il a précisé qu'aux termes de l'article 28 du projet de loi, ces ordonnances devraient intervenir dans les six mois suivant la publication de cette loi. Il a rappelé que cette habilitation autorisait seulement le Gouvernement à procéder à des corrections formelles et aux mises à jour nécessaires, mais en aucun cas à des modifications de fond du code rural.

Il a conclu qu'il était favorable aux articles du projet de loi relatifs au code rural, puisqu'ils constituaient l'aboutissement du processus de révision, sous réserve de l'adoption de quelques amendements et de l'engagement du Gouvernement que l'habilitation qui lui était accordée ne donnerait pas lieu à une réforme de fond du code rural.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements présentés par les rapporteurs pour avis.

A l'article 24, elle a adopté cinq amendements rédactionnels et de coordination proposés par M. Gérard César, rapporteur pour avis, pour préciser le texte du code rural. Elle a également adopté trois amendements rédactionnels et de coordination proposés par M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, pour préciser le texte du code de l'environnement, ainsi que sept amendements procédant à l'insertion dans ce code, respectivement :

- de la loi relative à la lutte contre l'effet de serre ;

- d'un renvoi au code du domaine de l'Etat en matière de gestion du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustre afin de rendre plus cohérente la lecture du code de l'environnement ;

- d'inscrire une référence à l'article 70 de la loi du 7 janvier 1983 créant les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, indiquant à M. François Gerbaud que cette insertion n'accroissait en rien les pouvoirs déjà importants des architectes des bâtiments de France ;

- d'un renvoi au code général des collectivités territoriales pour prendre en compte la création d'un conseil des sites en Corse afin de rendre plus cohérente la lecture du code de l'environnement ;

- d'une mention relative à la durée des opérations de fouilles d'archéologie préventive, qui interrompt la durée de l'autorisation administrative d'exploitation des carrières, M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, indiquant à M. Charles Revet que les indispensables modifications à apporter à cette législation ne pouvaient être entreprises dans le cadre du présent projet de loi, et M. Gérard Larcher, président, observant qu'un nouveau texte en la matière était susceptible d'être déposé prochainement ;

- des dispositions législatives relatives aux éoliennes. Un débat s'est ouvert après que M. Hilaire Flandre eut indiqué qu'un amendement tendant à remplacer des limites de hauteur par des limites de puissance était susceptible d'être déposé par M. Ladislas Poniatowski, et que M. François Gerbaud eut précisé que, la hauteur des éoliennes étant conditionnée par le passage des avions, une concertation avec l'administration de l'aviation civile était nécessaire avant toute installation. M. Dominique Braye, ayant souligné que le véritable problème résultait de l'imprécision de la loi quant à la référence à prendre pour calculer la hauteur maximale d'une éolienne (le mat ou les pales), a fait part de son opposition à toute modification de la référence actuelle, estimant, approuvé en cela par M. Gérard César, que seule la notion de hauteur pouvait être retenue en matière d'urbanisme. M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, a une nouvelle fois souligné que si le principe de la codification à droit constant interdisait de modifier les dispositions législatives qu'il proposait par cet amendement de codifier dans le code de l'environnement, rien n'empêchait de le faire ultérieurement ;

- des dispositions de la loi relative à la lutte contre l'effet de serre applicables aux départements d'outre-mer.

A l'article 25, elle a adopté un amendement proposé par M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, tirant les conséquences de l'intégration directe dans le code de l'environnement des dispositions législatives mentionnées ci-dessus et supprimant l'habilitation que l'article proposait d'accorder au Gouvernement pour le faire ultérieurement dans le cadre d'une ordonnance.

A l'article 27, elle a adopté un amendement proposé par M. Alain Fouché, rapporteur pour avis, qui précise et encadre, de manière à éviter une éventuelle censure du Conseil constitutionnel, l'habilitation accordée au Gouvernement de codifier à droit non constant les dispositions législatives relatives au secteur des métiers et de l'artisanat.

Puis après que M. Gérard Larcher, président, eut félicité les rapporteurs pour leur travail sur un texte technique et difficile, et en particulier M. Alain Fouché dont c'était le premier rapport, un débat s'est engagé sur l'absence de saisine par la commission des affaires économiques d'un avis sur les articles 3 et 4 du projet de loi.

Rappelant que la commande publique représentait plus de 10 % du produit intérieur brut du pays, M. Daniel Raoul a considéré qu'il était anormal que la commission n'intervienne pas sur des dispositions qui, en revenant notamment à la notion de contrat global, risquaient d'exclure les PME, les PMI et les entreprises artisanales, ainsi que les architectes, des marchés publics de l'Etat et des collectivités territoriales. Après avoir expliqué les raisons de principe ayant conduit la commission des affaires économiques à laisser la commission des lois examiner au fond l'article 4, notamment au regard de son champ juridique, M. Gérard Larcher, président, a considéré que la nature des difficultés que les PME, les PMI et les entreprises artisanales étaient susceptibles de connaître au plan économique justifiait que le rapporteur pour avis de la commission, M. Alain Fouché, intervienne dans le débat en séance publique pour exprimer la préoccupation commune des commissaires à ce sujet, et qu'il soit fait mention de cette préoccupation dans le rapport pour avis. Après que M. Charles Revet eut souligné que certaines grandes entreprises du BTP mettaient en oeuvre le contentieux avant même l'ouverture des chantiers, la commission a entériné à l'unanimité la proposition du président.

Puis elle a émis un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de soi soumises à son examen, ainsi modifiées, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant pour manifester leur opposition au nombre et à l'ampleur des habilitations à légiférer par ordonnances données au Gouvernement par le présent projet de loi.

 

Urbanisme - Diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Charles Guené et Dominique Braye sur le projet de loi n° 245 (2002-2003), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

M. Dominique Braye, rapporteur, a, tout d'abord, présenté les principaux changements opérés par l'Assemblée nationale au titre I sur les dispositions relatives à l'urbanisme, qui concernent :

- le régime juridique des plans locaux d'urbanisme (PLU) approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi (article 2 bis B) ;

- la révision et la modification des PLU (article 4) ;

- le renouvellement urbain au voisinage des aéroports (article 5 bis AA) ;

- la révision des plans d'exposition aux bruits (article 5 bis AB) ;

- le régime de construction en montagne (article 5 bis DA) ;

- la réalisation d'équipements culturels dans les zones couvertes par la loi « littoral » (article 5 bis EA) ;

- la procédure d'élaboration du plan de déplacement urbain (article 5 bis GA) ;

- la réalisation de branchements dans les communes n'ayant pas institué la participation pour voirie et réseau (article 6 bis BA) ;

- la responsabilité pénale des personnes morales du fait des infractions au code de l'urbanisme (article 6 quater A) ;

- la délégation au maire du pouvoir de signer une convention dans les ZAC (article 6 sexies A) ;

- le régime du droit de préemption des départements (article 6 quindecies) ;

- la simplification du régime de la taxe locale d'équipement (article 6 sexdecies).

Il s'est déclaré favorable à l'adoption de ces transformations, tout en y proposant, outre plusieurs amendements rédactionnels ou de coordination, trois modifications principales, afin de :

- clarifier le régime du droit de construire en zone de montagne (article additionnel avant l'article 5 bis DA, articles 5 bis DA et 5 bis D) ;

- clarifier le régime de l'adaptation et du changement de destination (article additionnel après l'article 5 bis D) ;

- procéder à la validation de contrats de mandats afin de combler tout vide juridique (article additionnel après l'article septdecies).

Evoquant le titre V (dispositions relatives aux pays), M. Dominique Braye, rapporteur, s'est félicité que l'Assemblée nationale ait apporté des modifications conformes à la philosophie qui a inspiré le Sénat, et proposé de n'y adopter que des amendements de précision qui concernent :

- le régime des pays créés avant l'entrée en vigueur de la loi « Voynet » et dont le périmètre ne respecte pas encore celui des EPCI à fiscalité propre (article 20) ;

- la faculté pour une association d'être signataire du contrat relatif à la constitution d'un pays (article 20).

MM. Jean Boyer et Charles Revet ont fait part de leur vive préoccupation relative à l'application des dispositions de l'article 4 sur la mise en oeuvre de la procédure de modification et celle de révision simplifiée. Ils ont craint que le régime en vigueur ne permette pas la souplesse que nécessite l'action publique, d'autant que certaines directions départementales de l'équipement ont une interprétation très restrictive des dispositions adoptées par le législateur. Ils ont souhaité que le rapporteur se fasse l'écho de leurs préoccupations, au nom de la commission, à l'occasion de l'examen du texte en séance publique et que le ministre de l'équipement donne des instructions très précises sur le sens et la portée du nouveau texte.

M. Max Marest a souhaité que tous les élus locaux soient rendus destinataires des circulaires d'interprétation du nouveau texte.

En réponse à ces trois orateurs, M. Dominique Braye, rapporteur, a indiqué qu'il demanderait solennellement au ministre, à l'occasion de la séance publique, qu'une circulaire d'interprétation qui présente clairement les intentions du législateur soit rapidement publiée.

Mme Evelyne Didier a souligné la nécessité d'une interprétation très claire de l'article 6 relatif à la participation pour voiries et réseaux.

A l'occasion d'un débat auquel ont pris part Mme Evelyne Didier, MM. Gérard César et Charles Guené, M. Hilaire Flandre s'est interrogé sur le régime de l'exécution des contrats de pays.

M. Philippe Arnaud a souligné la nécessité de substituer le concept de « raccordement » à celui de branchement à l'article 6 bis BA. Le même orateur ayant souhaité apporter une modification au 2° de l'article 6 quater, le président Gérard Larcher a suggéré au rapporteur d'en étudier l'opportunité avec les spécialistes compétents.

M. Daniel Reiner, après avoir noté que les dispositions de l'article 5 bis DA étaient inacceptables dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, a indiqué que son groupe s'abstiendrait sur ce projet de loi.

M. Gérard César a regretté, quant à lui, qu'il puisse advenir que les périmètres des schémas de cohérence territoriale et des pays ne soient pas identiques.

A M. Alain Fouché, qui l'interrogeait sur le régime de constructibilité des terres agricoles, M. Dominique Braye, rapporteur, a répondu que le projet de loi ne le modifiait pas et qu'il serait possible, le cas échéant, d'y apporter des amendements dans le cadre du projet de loi sur l'espace rural si certains de ses collègues le jugeaient utile.

Puis M. Charles Guené, rapporteur, a présenté les dispositions des titres II, III et IV du projet de loi. Il a précisé qu'au titre II, relatif à la sécurité des ascenseurs, l'Assemblée nationale avait adopté les modifications suivantes :

- une nouvelle rédaction de l'intitulé du titre II ;

- deux amendements de précision à l'article 8, relatif aux dispositions qui devront être contenues dans le décret d'application de cet article, le premier clarifiant la distinction entre les exigences de sécurité et les dispositifs de sécurité, le second précisant que les obligations des parties au contrat d'entretien de l'ascenseur seraient définies au moment de sa conclusion.

Il a indiqué qu'au titre III, l'Assemblée nationale avait adopté conforme l'article 10.

Concernant le titre IV du projet de loi, il a noté que l'Assemblée nationale avait apporté les changements suivants :

- une nouvelle rédaction de l'intitulé du titre IV pour tirer les conséquences de la réforme de l'amortissement fiscal pour les investissements locatifs ;

- un article additionnel permettant la constitution effective de sociétés anonymes de coordination entre organismes d'habitation à loyer modéré afin que ces derniers coordonnent leur action sur un territoire donné pour améliorer la gestion des logements ;

- un article additionnel réformant l'amortissement fiscal pour les investissements locatifs. M. Charles Guené, rapporteur, a expliqué que cet amortissement permet au bailleur investissant dans la création de logements locatifs neufs de déduire de ses revenus fonciers 8 % du prix d'acquisition du logement les cinq premières années et 2,5 % de ce prix les quatre années suivantes. Il a précisé que cet amortissement était reconductible et permettait au bailleur d'amortir 65 % du prix d'achat du logement. Il a toutefois noté qu'en contrepartie le bailleur devait s'engager à louer le logement sous plafond de loyer et que ses locataires devaient disposer de revenus inférieurs à un plafond. Il a indiqué que cet article additionnel supprimait le plafond de ressources afin d'élargir le bénéfice de l'amortissement et que, par ailleurs, les plafonds de loyer seraient augmentés par décret pour améliorer la rentabilité des investissements locatifs.

Soulignant que cette réforme devrait permettre la construction de près de 10 000 logements locatifs supplémentaires par an, il a précisé qu'elle contribuerait à répondre à la forte demande de logements locatifs qui existe aujourd'hui en France, notamment dans les grandes agglomérations.

Il a enfin attiré l'attention de la commission sur le fait que le Gouvernement déposerait certainement un amendement avant la discussion en séance publique du projet de loi qui, tout en confirmant les orientations décrites, devrait élargir et compléter cette réforme ;

- un article additionnel permettant à la SOGINORPA, la société gérant les 69 000 logements de l'établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais, de percevoir l'allocation logement en tiers payant, même lorsque le logement ne répondait pas aux critères de décence définis par la loi SRU, sous réserve que le bailleur s'engage, par convention avec l'Etat, à rendre le logement décent dans un délai fixé par ladite convention ;

- un article additionnel permettant d'assouplir la règle de majorité dans les copropriétés, pour réaliser les travaux d'accessibilité aux personnes handicapées et à mobilité réduite.

M. Charles Guené, rapporteur, s'est déclaré favorable à ces modifications et à ces ajouts et a proposé à la commission d'adopter ces articles sans modification. Il a par ailleurs proposé à la commission d'adopter un amendement de simplification administrative permettant d'exonérer de l'obligation de conclure une convention avec l'Etat les maîtres d'ouvrage qui réalisent des opérations financées à l'aide des subventions réglementées dans le code de la construction et de l'habitation.

Concernant la réforme de l'amortissement fiscal pour les investissements locatifs, M. Daniel Reiner a déploré la suppression de la condition de ressources pour bénéficier de ce dispositif dans la mesure où elle mettait fin à la contrepartie sociale de cette incitation fiscale, pourtant coûteuse pour le budget de l'Etat.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

A l'article 2 bis A (changement de destination des bâtiments agricoles), la commission a adopté un amendement de coordination.

A l'article 5 bis C (nouveau) (travaux sur les chalets d'alpage et les bâtiments d'estive), la commission a voté un amendement rectifiant une erreur matérielle.

A l'article additionnel avant l'article 5 bis DA (construction en zone de montagne), elle a adopté un amendement tendant à mieux encadrer le régime de construction en zone de montagne avant de supprimer, par coordination, les articles 5 bis DA (régime des hameaux) et 5 bis D (extension des éléments en continuité desquels l'urbanisation peut se réaliser dans les zones de montagne).

Elle a introduit un article additionnel après l'article 5 bis D à des fins de coordination.

A l'article 6 bis BA (nouveau) (autorisation d'aménager ou de lotir dans les communes n'ayant pas institué la participation pour voirie et réseaux (PVR)), la commission a adopté trois amendements de précision.

Après l'article 6 septdecies, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel, pour valider, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, des contrats de mandat dont la passation a été décidée ou délibérée avant le 6 mars 2003.

Après l'article 19 quinquies (nouveau), elle a voté un amendement tendant à exonérer de l'obligation de conclure une convention les maîtres d'ouvrage qui réalisent des opérations financées à l'aide de subventions réglementées par le code de la construction et de l'habitation.

A l'article 20 (simplification de la création et du fonctionnement des « pays »), elle a adopté, outre un amendement tendant à faciliter la mise en conformité du périmètre des pays et de celui des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, trois amendements pour permettre que des associations puissent être parties aux contrats de pays dont l'exécution ne saurait relever que d'une personne publique.

Puis la commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

Mission en Iran - Communication de M. le Président

Enfin, M. Gérard Larcher, président, a fait une communication sur la mission en Iran.

Il a tout d'abord indiqué que cette mission avait été effectuée du 15 au 18 avril dernier, à l'invitation du Parlement iranien, et que MM. Gérard César, Michel Bécot, Philippe Arnaud et Daniel Reiner avaient participé à ce déplacement.

Il a noté que la délégation avait reçu un accueil d'une qualité excellente, faisant écho à la célèbre tradition d'hospitalité du peuple perse, ce qui constituait un signal fort à l'égard de la France. Relevant que les entretiens effectués avaient été de très haut niveau, il a précisé que la délégation avait rencontré le ministre de l'économie, le vice-ministre des affaires étrangères chargé des affaires économiques et de nombreux responsables du Parlement iranien, notamment le président de la Commission des affaires économiques, ainsi que le premier vice-président du Parlement, M. Mohammed Reza Khatami, frère du Président de la République et leader du groupe des réformateurs au Parlement.

Sur le fond des dossiers évoqués, M. Gérard Larcher, président, rappelant le contexte international marqué par le conflit en Irak, a souligné que la prise de position de la France concernant ce conflit avait été très appréciée en Iran et que les témoignages en ce sens avaient été constants.

Il a toutefois indiqué avoir ressenti très nettement que l'Iran éprouvait un sentiment d'isolement sur le plan diplomatique, le pays ayant été classé dans « l'axe du mal » par les Etats-Unis et le Congrès américain ayant voté une loi (la loi dite d'Amato) interdisant aux entreprises d'effectuer des investissements en Iran. Il a en outre souligné que le nouveau contexte géopolitique de la région ne faisait que renforcer ce sentiment, l'Iran étant désormais géographiquement « cerné » par des pays contrôlés par les Etats-Unis comme l'Afghanistan à l'est, l'Irak à l'ouest ou sous forte influence américaine comme la Turquie, le Pakistan, ou l'Azerbaïdjan.

Rappelant que les autorités iraniennes s'étaient déclarées opposées à l'intervention anglo-américaine en Irak, sans toutefois entreprendre d'actions contre, il a souligné que l'Iran se félicitait de la chute du régime irakien dans la mesure où le souvenir de la guerre Iran-Irak et des nombreux morts qu'elle avait occasionnés était encore très prégnant aujourd'hui.

Il a fait observer que le sentiment d'un « encerclement » semblait renforcer la volonté des Iraniens de briser un certain isolement en nouant ou en renforçant des contacts bilatéraux avec un certain nombre de pays. Il a précisé qu'un rapprochement diplomatique opéré progressivement entre l'Union européenne et l'Iran depuis 1992 s'était accéléré en 2000 et que les négociations concernaient les questions de coopération économique mais aussi les droits de l'homme.

Au plan intérieur, M. Gérard Larcher, président, a qualifié d'original le système institutionnel iranien, évoquant les propos d'un des parlementaires rencontrés qui considérait que l'Iran était « le porte-drapeau de la démocratie au Moyen-Orient ». Rappelant que le peuple iranien avait toujours voté pour élire ses représentants et que les élections étaient, de l'avis des observateurs internationaux, libres, il a souligné que les institutions démocratiquement élues ne disposaient cependant pas de tous les pouvoirs, les instances religieuses ayant un poids prépondérant dans les structures institutionnelles et dans la prise de décision, ce qui faisait de l'Iran une République théocratique.

Relevant que le Conseil des gardiens de la Révolution, institution composée de six théologiens et de six juristes, avait pour tâche d'autoriser les candidatures aux élections à la condition que le candidat soit déclaré comme respectant les principes religieux et ne remettant pas en cause le socle des valeurs du régime, il a ajouté que ce conseil disposait de pouvoirs comparables à ceux du Conseil constitutionnel français, à la différence majeure que le Conseil des gardiens examinait non seulement la conformité à la Constitution des lois votées par le Parlement mais également leur compatibilité avec la loi islamique, la Charia.

Il a ensuite expliqué que le Guide de la Révolution disposait de pouvoirs étendus, notamment dans le domaine de la politique extérieure et qu'il pouvait édicter des fatwas, comme celle prenant position contre la création d'un Etat israélien et d'un Etat palestinien séparés. Signalant que le système judiciaire était également entièrement contrôlé par les religieux et échappait largement à la tutelle gouvernementale, il a noté que cela entraînait une hétérogénéité dans les jurisprudences des divers tribunaux, et, surtout, que ceci n'était pas sans effets politiques, des journaux ayant été interdits et des députés réformateurs lourdement condamnés pour infraction à la Charia.

Evoquant l'analyse de beaucoup d'observateurs selon laquelle la situation politique intérieure semblait avoir atteint aujourd'hui un point de blocage, il a rappelé que l'élection du Président Khatami en 1997, qui avait marqué l'arrivée au pouvoir des réformateurs, avait résulté de l'aspiration au changement exprimée par la population et qu'en conséquence des réformes avaient suivi cette élection. Il a toutefois souligné que l'action des réformateurs, entravée par le Conseil des gardiens de la Révolution, le Guide de la Révolution et les juges, avait déçu, ce qui s'était traduit par un taux d'abstention de près de 80 % aux élections municipales de février dernier.

Notant que les réformateurs, pour la plupart des hommes politiques brillants et bien formés, n'avaient pas en définitive réellement disposé des moyens d'accomplir le programme des réformes pour lequel ils avaient été portés au pouvoir, il a précisé qu'en leur sein existaient des divergences entre libéraux et dirigistes en matière de politique économique mais que tous partageaient une histoire commune - l'opposition au Shah - avec les membres de l'autre force politique du pays que les commentateurs désignent sous le nom de « conservateurs ».

Rappelant la réélection de M. Khatami en 2001, il a indiqué que les conservateurs avaient récemment mené une offensive politico-judiciaire, qui s'était traduite par l'interdiction de journaux réformateurs et des poursuites contre des journalistes, des intellectuels et des hommes politiques. Il a attiré l'attention de la commission sur le fait qu'en Iran près de 40 % de la population vivait encore dans le monde rural, où le poids des traditions religieuses était plus important qu'en ville.

M. Gérard Larcher, président, a souligné qu'il n'existe actuellement aucune alternative crédible dans le pays au pouvoir religieux du fait de l'inexistence d'une opposition structurée. Il a toutefois fait remarquer qu'un ferment social d'évolution pouvait se distinguer dans le fait que 50 % de la population a moins de 15 ans et 65 % moins de 25 ans, ce qui signifiait que la grande majorité de la population était née après la révolution islamique. Or, la jeunesse des villes, sensibilisée aux séductions occidentales au travers d'Internet et de la télévision satellitaire, paraît, selon plusieurs sources convergentes, supporter de plus en plus difficilement les contraintes du régime.

Au plan économique, M. Gérard Larcher, président, a relevé que l'Iran s'affirmait comme un poids lourd sur le plan régional, aspirait à jouer un rôle moteur dans les échanges régionaux, et espérait contribuer aux reconstructions afghanes et irakiennes, notamment dans le domaine des infrastructures.

Concernant les relations bilatérales franco-iraniennes, après avoir noté que les échanges économiques entre l'Iran et la France s'étaient élevés à 2,4 milliards d'euros en 2002, soit une hausse de 19 % par rapport à 2001, il a indiqué que les autorités iraniennes avaient fait part, à de nombreuses reprises, de leur volonté d'ouverture, et de renforcement des échanges économiques dans de nombreux secteurs industriels comme l'automobile, le secteur énergétique ou l'aéronautique.

Précisant que les implantations françaises en Iran étaient encore relativement peu nombreuses, même si certaines avaient, comme Peugeot, mené à bien des projets couronnés de succès, il a considéré que pour beaucoup d'interlocuteurs rencontrés, ces échanges pourraient être nettement plus intenses.

Soulignant que des efforts avaient déjà été réalisés notamment pour unifier le taux de change, pour réformer la fiscalité ou pour faciliter les investissements étrangers, il a jugé regrettable pour l'économie iranienne que sa croissance soit entravée par une législation ne favorisant pas son intégration dans le commerce mondial et par le poids d'un secteur public contribuant pour au moins 70 % au PIB. Il a relevé qu'un mouvement de privatisation avait été initié mais qu'il consistait souvent en un transfert de propriété du secteur public vers des structures para-publiques.

Il a considéré que les processus de décision administratifs pour autoriser les investissements et les implantations étaient extrêmement lourds, en donnant plusieurs exemples.

M. Gérard Larcher, président, a estimé que les investissements français en Iran pourraient être développés avec la conclusion d'un accord bilatéral de protection et d'encouragement des investissements et que le déplacement envisagé de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, en Iran pour signer cet accord pourrait constituer un accélérateur.

Sur le plan des relations économiques internationales, il a souligné que l'Iran faisait les frais de l'isolement diplomatique pour ce qui concerne sa demande d'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce, celle-ci étant actuellement bloquée par les Etats-Unis. Il a toutefois indiqué que des obstacles structurels, comme la subvention de produits alimentaires de base, tels que le pain, risquaient d'imposer une relativement longue période d'adaptation pour assurer, après l'adhésion demandée, une intégration effective, même si la solidité financière de l'économie iranienne était bien établie.

Rappelant que l'Union européenne avait normalisé ses relations avec l'Iran à partir de février 1998, il a fait valoir que l'Union européenne et l'Iran avaient engagé un dialogue global se substituant au dialogue critique qui ne portait que sur les points conflictuels. Il a par ailleurs précisé qu'à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, le Conseil de l'Union européenne « affaires générales » du 20 novembre 2000 avait donné mandat à la Commission pour entamer des négociations sur la conclusion d'un accord de commerce et de coopération, ce processus étant assorti d'un dialogue sur les droits de l'homme.

Au final, notant que beaucoup de conditions étaient réunies pour que la France intensifie sa coopération économique avec l'Iran, il a précisé que cette volonté d'ouverture pourrait se traduire par des partenariats très importants pour des entreprises françaises.

Il a indiqué, en particulier, que le projet d'implantation de Renault en Iran -visant à y développer un modèle de véhicule pouvant être exporté dans les pays de la région- avait été évoqué par la délégation, que le président-directeur général de cette entreprise, M. Louis Schweitzer, s'était rendu en Iran pour signer une lettre d'intention et qu'un tel partenariat, répondant à une forte attente exprimée des autorités iraniennes, pourrait être fructueux.

Il a également souligné que la compagnie nationale aérienne, Iran Air, devait renouveler sa flotte et qu'Airbus était sur les rangs pour ce marché.

Il a enfin précisé que dans le contexte géopolitique actuel une accentuation des échanges dans le domaine énergétique n'était pas sans intérêt pour consolider et diversifier l'approvisionnement énergétique français, l'Iran disposant des troisièmes réserves pétrolières mondiales et des deuxièmes réserves gazières. Rappelant que Total-Fina-Elf était déjà implantée en Iran, il a fait part des nouveaux projets de développement de cette entreprise et de l'importance de la renégociation des contrats de « buy-back » devant prochainement arriver à échéance.

Concluant son intervention, M. Gérard Larcher, président, a considéré que le pays se trouverait renforcé s'il consolidait sa démocratisation, qu'il serait vraisemblablement appelé à jouer un rôle régional important, que, pour ce qui concerne la situation irakienne, les autorités iraniennes avaient joué un rôle de modérateur par rapport à la population chiite et qu'enfin le développement du commerce extérieur avec l'Iran pourrait être accentué sans renoncer à la vigilance sur la question des droits de l'homme. Il a enfin jugé que la mission effectuée avait permis de prendre mieux conscience du souci d'ouverture du pays et de la qualité de ses cadres dirigeants.

M. Gérard César, indiquant se retrouver pleinement dans les propos de M. Gérard Larcher, a précisé que la visite de la délégation avait permis de conforter plusieurs négociations commerciales en cours et qu'il était indispensable de donner une suite concrète aux contacts qui avaient été noués.

S'associant également aux propos de M. Gérard César, M. Daniel Reiner a précisé qu'il partageait les inquiétudes développées par M. Gérard Larcher, mais a précisé qu'il était optimiste quant à l'avenir du pays dans la mesure où la jeunesse de sa population, son bon niveau de formation constitueraient de puissants facteurs d'ouverture du pays et que la France devait aider ce pays à s'ouvrir.

M. Gérard Larcher, président, a enfin souligné que l'Iran était confronté à de graves problèmes liés au trafic de drogue et qu'en dépit de la forte détermination du pays à lutter contre ce fléau, un nombre important de personnes faisait usage des drogues dures (près de 2 millions de personnes sur une population totale de 66 millions), ce qui n'était sans doute pas sans révéler un certain malaise social.

Répondant à une question de M. Max Marest, M. Gérard Larcher, président, a confirmé que le développement de la francophonie dans ce pays constituait également un enjeu important des prochaines années.