Table des matières




Mercredi 8 octobre 2003

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

MCI « La France et les Français face à la canicule : les leçons d'une crise » Désignation des membres

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord désigné MM. Bernard Barraux, Mme Evelyne Didier, MM. Hilaire Flandre, François Fortassin, Mme Gisèle Gautier, MM. Louis Grillot, Daniel Soulage et Pierre-Yvon Trémel en qualité de candidats appelés à la représenter au sein de la mission commune d'information : « La France et les Français face à la canicule : les leçons d'une crise ».

Nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite procédé à la nomination de M. Philippe Leroy sur la proposition de loi n° 356 (2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines.

Projet de loi de finances pour 2004 - Nomination des rapporteurs pour avis

Puis la commission a procédé à la nomination de ses rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2004. Ont été nommés :

M. Gérard César Agriculture

M. Alain Gérard Pêche

M. Gérard Delfau Développement rural

M. Bernard Dussaut Industries agricoles et alimentaires

M. Francis Grignon Industrie

M. Roland Courteau Energie

M. Henri Revol Recherche

M. Gérard Cornu PME, commerce et artisanat

Mme Odette Terrade Consommation et concurrence

M. Michel Bécot Commerce extérieur

M. Jean Pépin Aménagement du territoire

M. Jean-Paul Alduy Plan

M. Georges Gruillot Routes et voies navigables

M. Jean-Yves Mano Logement

M. Bernard Piras Urbanisme

M. Charles Ginésy Tourisme

M. Jean Bizet Environnement

M. Bernard Joly Transports terrestres

M. Jean-François Le Grand Aviation civile et transport aérien

M. Charles Revet Mer

M. Pierre Hérisson Technologies de l'information et poste

M. Daniel Raoul Outre-mer

M. Pierre André Ville

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats

La commission a ensuite procédé à la désignation de MM. Ladislas Poniatowski, commetitulaire et Jean Besson, comme suppléant, en qualité de candidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein de l'Observatoire national de l'électricité et du gaz.

Elle a ensuite désigné M. Bruno Sido en qualité de candidat proposé à la nomination du Sénat pour siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications (CSSPPT).

Poste et télécommunications - Audition de M. Thierry Breton, président-directeur général de France Télécom

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Thierry Breton, président-directeur général de France Télécom, sur le projet de loi n° 421 (2002-2003) relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

M. Gérard Larcher, président,
a tout d'abord souhaité que soit précisée l'analyse de l'opérateur historique sur le projet de loi avant de s'interroger sur les dispositions relatives au droit d'option des fonctionnaires prévues à l'article 3, puis d'évoquer le devenir du service public et de questionner M. Thierry Breton sur la situation de France Télécom.

En réponse, M. Thierry Breton a tout d'abord déclaré que depuis son entrée en fonction, voici un an, l'endettement de l'entreprise avait diminué de 70 à moins de 50 milliards d'euros, dans le cadre d'un plan de réorganisation ambitieux qui avait notamment permis de procéder à un refinancement obligataire à la fin 2002 et à une augmentation du capital à laquelle l'Etat a souscrit, par emprunt, et de rétablir la confiance des marchés, le cours du titre passant de 14,5 à 21 euros au cours de la période.

L'amélioration de la situation financière, a-t-il ajouté, a permis de se concentrer sur les clients et sur la maîtrise de technologies d'avenir, importantes notamment pour les collectivités locales, France Télécom ayant décidé, de son propre chef, de porter à 90 % de la population en 2005 le taux de couverture de la France en Asymetric Digital Subscriber Line (ADSL).

M. Thierry Breton a estimé qu'eu égard à l'héritage national qu'elle représente, l'un des premiers devoirs de France Télécom est d'être proche de ses clients et de dialoguer avec les élus, ce qui explique, d'une part, sa volonté de couvrir le territoire national en haut débit, avec des technologies filaires ou des technologies alternatives, et d'autre part, sa volonté d'être présente aux côtés des collectivités locales lorsque surviennent des incidents majeurs (inondations, incendies).

S'agissant du projet de loi, il a expliqué que les directives « télécommunications » de 2002, applicables depuis juillet 2003, imposant que le service universel soit désormais dévolu aux opérateurs de télécommunications sur la base d'un cahier des charges et d'une mise en concurrence, il était nécessaire de modifier le régime juridique applicable aux salariés fonctionnaires de l'opérateur.

En effet, le Conseil d'Etat avait estimé, dans un avis rendu en 1993, que l'entreprise France Télécom transformée en société anonyme ne pouvait continuer à employer ces catégories de personnels que parce que des missions de services publics lui étaient confiées. Le schéma retenu par le projet de loi, a-t-il observé, semble le plus simple de tous ceux envisagés puisqu'il aboutit à garantir leur statut à tous les fonctionnaires de France Télécom, tout en prenant en compte la diminution progressive de leur nombre au gré des départs en retraite, du fait de l'absence de nouveaux recrutements, et en organisant la constitution d'instances représentatives du personnel de droit commun.

Evoquant la question du capital de son entreprise, il a rappelé que l'une des principales causes de la crise de liquidité qu'elle a subie était due à la nécessité où elle s'était trouvée, dans le passé, de procéder à des achats au comptant de participations en capital alors que ses homologues avaient eu recours à des échanges de titres pour se développer. C'est pourquoi, a-t-il observé, il est nécessaire que France Télécom dispose, en tant que de besoin, des moyens juridiques lui permettant de disposer des mêmes facilités. Il a ajouté que l'offre publique d'échange destinée à acquérir des titres d'Orange détenus par les actionnaires minoritaires avait pour objet de maîtriser les réseaux sur lesquels opère France Télécom, et qu'il envisageait de développer fortement la capacité de l'entreprise en matière de recherche et de développement.

Une déréglementation excessive peut, a-t-il noté, conduire à une destruction de valeur si les opérateurs se dessaisissent de leurs compétences techniques au bénéfice des équipementiers. A ce titre, il s'est déclaré préoccupé de ce que le nombre des ingénieurs employés dans le secteur des télécommunications ait été divisé par trois, estimant en outre que le pourcentage consacré par France Télécom à la recherche et au développement (environ 1,5 %) demeurait insuffisant et qu'il était résolu à l'accroître. Puis il a conclu par la nécessité, pour la France, de disposer de grandes entreprises qui permettent d'irriguer le réseau des PME situées sur l'ensemble du territoire national.

M. Gérard Larcher, président, a rappelé que le Conseil d'Etat avait, en 1993, insisté sur l'importance de la nomination en Conseil des ministres du président d'une société anonyme employant des fonctionnaires. Puis il s'est s'interrogé sur les conditions dans lesquelles des missions relevant de la souveraineté nationale pourraient, à l'avenir, être assurées si l'Etat n'était plus majoritaire au capital de l'entreprise, étant entendu que l'idée d'une attribution d'actions préférentielles (golden share) à l'Etat qu'il avait soutenue un temps, se heurtait aujourd'hui non seulement au fait que, les marchés réagissant négativement aux minorités de blocage instituées au profit des entités publiques, cela pouvait être de nature à entraver les capacités de développement de France Télécom, mais aussi à la jurisprudence extrêmement restrictive de l'Union européenne en ce domaine.

En réponse, M. Thierry Breton a souligné la nécessité de faire confiance aux hommes, observant qu'aux Etats-Unis les chefs d'entreprise qui sont pleinement exposés aux lois des marchés, notamment boursiers, savent prendre en compte les questions de souveraineté et concilier leur activité commerciale avec des impératifs nationaux, notamment en intégrant la nécessité de respecter l'environnement collectif dans lequel s'inscrivent leurs activités, et qu'ils n'ont pas exclusivement comme objectif la satisfaction des seules préoccupations des actionnaires.

S'étant déclaré très sensible aux propos de M. Thierry Breton relatifs à la recherche et au développement, M. Francis Grignon a évoqué les difficultés rencontrées par Alcatel, dont le berceau est situé en Alsace, et souhaité savoir si France Télécom envisageait de procéder à des transferts dans des régions disposant d'une main-d'oeuvre compétente.

Après avoir reconnu que la question de la recherche et du développement « le taraudait », M. Thierry Breton a mis en avant l'intérêt des investissements effectués dans le cadre de partenariats, à l'exemple de celui qui, en associant Thomson et France Télécom, avait permis, voici quelques années, d'obtenir de remarquables résultats en matière de techniques de compression des signaux. Il a également indiqué que France Télécom investissait massivement dans les réseaux et qu'Alcatel était un de ses plus gros fournisseurs.

M. André Ferrand l'ayant interrogé sur sa politique de développement international, le président de France Télécom a invoqué la nécessité d'apurer la crise passée tout en constituant une base commerciale forte sur le marché européen, avant de trouver des relais de croissance à l'étranger pour y développer des services conçus dans l'hexagone, dans le cadre d'une approche industrielle pragmatique.

Ayant souscrit aux propos de l'orateur sur la recherche et le développement, M. Pierre-Yvon Trémel a fait part de son attachement au service public, dont l'égalité, la continuité et l'adaptabilité sont les principales caractéristiques, et dit sa crainte que France Télécom ne réduise sa présence sur le territoire national.

M. Thierry Breton a, en réponse, déclaré souscrire à ces principes qui caractérisent le service public, avant de rappeler que des directives européennes précitées avaient écarté l'extension du service universel aux réseaux à haut débit et à la téléphonie mobile, tout au moins avant 2005, date à laquelle cette question pourrait être réexaminée. Il a par ailleurs indiqué que son objectif était d'assurer, à terme, la couverture de la totalité de la population française, considérant que l'égalité d'accès au service ne signifiait pas nécessairement l'identité des techniques mises en oeuvre pour y satisfaire. Il a notamment envisagé des solutions alternatives, tel le satellite éventuellement combiné au Wi-Fi, pour assurer le maillage territorial.

A une seconde question du même auteur qui, après avoir évoqué les conditions d'emploi des fonctionnaires et s'être interrogé sur la constitutionnalité des dispositions du projet de loi, lui demandait si France Télécom était à l'origine des dispositions de l'article 3 sur le droit d'option et souhaitait que le problème lancinant des personnels « reclassés » soit réglé, M. Thierry Breton a répondu qu'il jugeait souhaitable de permettre aux « reclassés » et « reclassifiés » d'évoluer au sein de l'entreprise, sans être défavorisés.

Il a estimé qu'il fallait profiter du vote de cette loi pour traiter les problèmes rencontrés par les 6.000 fonctionnaires reclassés mais ayant refusé la reclassification, et s'est engagé à contribuer au traitement de cette question. Il a indiqué, d'autre part, que le « droit d'option » ne concernait que des volontaires, au cas par cas. Rappelant qu'un tel droit existait d'ores et déjà, il a pris l'engagement qu'il n'y aurait pas, de la part de l'entreprise, d'incitation aux fonctionnaires pour les amener à faire jouer ce droit.

M. Pierre-Yvon Tremel lui ayant demandé si la détention du capital par l'Etat à hauteur de 50 % constituait un obstacle pour mener à bien des opérations stratégiques majeures, le président de France Télécom a déclaré ne pas faire de distinction entre ses actionnaires, publics ou privés, même s'il était conscient des responsabilités de son entreprise vis-à-vis des Français. Mais il a estimé que l'impératif législatif imposant à l'Etat de détenir plus de la moitié des actions de France Télécom avait démontré ses inconvénients pour l'entreprise puisqu'il avait contribué à créer le « mur de liquidités » auquel s'était heurtée France Télécom et qu'il avait conduit l'entreprise, pour retrouver de la flexibilité, à construire des filiales selon un mécanisme peu vertueux puisqu'il opérait parfois au détriment de la maison mère. Il a estimé que dès lors que « le verrou législatif » qui interdit d'abaisser la participation de l'Etat était levé « à froid », il serait possible, en fonction des opportunités, de réaliser des projets industriels aujourd'hui irréalisables. Il a, de ce point de vue, considéré que le projet de loi constituait une réponse de raison au problème posé.

M. François Fortassin s'est déclaré très attaché au service public et à l'aménagement du territoire, rappelant que comme 80 % de la population vivait sur 20 % du territoire, il aurait préféré que France Télécom retienne un objectif de desserte de 90 % du territoire plutôt que de 90 % de la population car il craignait les effets de l'objectif retenu sur la couverture territoriale en ADSL et en téléphonie mobile. Il a estimé que la préoccupation principale des entreprises américaines précédemment évoquées n'était, à sa connaissance, ni l'aménagement du territoire ni le service public, ce qui l'amenait à considérer que la question du contrôle des chefs d'entreprises par ceux en charge de l'intérêt général restait posée.

En réponse, M. Thierry Breton s'est déclaré très désireux de voir jouer pleinement le contrôle exercé par le conseil d'administration de France Télécom -réuni par ses soins vingt fois en un an- et a souligné que si 90 % de la population se verrait, à terme, desservie par les technologies filaires, des expérimentations étaient menées pour permettre une amélioration de ce taux de couverture par d'autres techniques.

Puis à M. Alain Fouché, qui le questionnait sur les perspectives de développement de partenariats européens et sur la téléphonie mobile, M. Thierry Breton a déclaré rechercher des partenariats, notamment européens, pour faciliter le passage des clients d'un réseau à l'autre et pour mettre en oeuvre des programmes de recherche et développement.

Après avoir rappelé l'engagement pris par France Télécom au sujet du financement des « équipements actifs » au cours de la phase 1 visant à couvrir l'intégralité du territoire en GSM, M. Michel Teston s'est interrogé sur le financement de ces équipements dans les communes concernées par la phase 2. Observant que l'ADSL était la norme de référence, il a noté que France Télécom s'était déclarée prête à financer les équipements destinés aux communes comportant plus de mille foyers ainsi qu'à celles se situant en deçà de ce seuil mais dans lesquelles une offre groupée d'au moins 100 foyers serait constituée, avant d'observer que, sur le terrain, la progression de plan du déploiement de la technologie ADSL était très lente.

Après avoir indiqué qu'il comprenait l'impatience des élus locaux et qu'il était soucieux de satisfaire les demandes de ceux qui étaient des clients de son entreprise, M. Thierry Breton a souligné que le plan de couverture en ADSL annoncé en juin dernier et doté de 600 millions d'euros n'avait rien d'un « effet d'annonce » et qu'il permettrait un accroissement du trafic. Il a précisé qu'étaient installés environ 3.000 Digital Subscriber Line Access Multiplexer (DSLAM) par an et il a estimé souhaitable d'envisager, dans les mois à venir, avec les partenaires de France Télécom, les modalités du financement de la phase 2 du plan GSM.

Après que M. Gérard César eut déploré que France Télécom se désengage de l'enfouissement des lignes aériennes, M. Thierry Breton s'est déclaré sensible à cette question, tout en observant, qu'eu égard à sa situation financière, les moyens de son entreprise en la matière étaient limités.

M. Jean Boyer s'étant déclaré préoccupé par l'étendue des services dont disposeraient les 10 % de la population qui vivent sur 40 % du territoire et ayant évoqué l'opportunité de construire des relais de téléphonie mobile en zones de montagne, le président de France Télécom a jugé que l'implantation de ces infrastructures devait être envisagée de façon durable.

M. Daniel Raoul
s'étant, quant à lui, interrogé sur les conséquences économiques de l'utilisation d'Internet pour la transmission des communications téléphoniques et de la télévision ainsi que sur les éventuelles conséquences sanitaires de l'usage du Wireless Fidelity (WIFI), M. Thierry Breton a tout d'abord mis en avant que les questions sanitaires dans le domaine du WIFI -comme dans d'autres- étaient examinées avec la plus grande vigilance. Il a ensuite défendu la thèse selon laquelle une nouvelle technologie ne remplaçait pas une technologie antérieure en un « claquement de doigts » et a soutenu qu'en la matière il y avait souvent « chevauchement » et non rupture soudaine. Il a estimé, en conséquence, que les évolutions en cours n'apparaissaient pas de nature à engendrer des effets brutaux et déstabilisants. Il a notamment jugé que l'usage croissant d'Internet, comme support des communications vocales, allait engendrer de nouveaux services annexes qui pourraient compenser les pertes enregistrées sur la transmission de la voix.

M. Gérard Larcher, président, a alors, à l'appui des propos de M. Thierry Breton sur le séquencement des changements, rappelé qu'en 1996 la commission des affaires économiques avait déjà estimé, qu'eu égard aux progrès constants des techniques de compression numérique, les réseaux en fil de cuivre n'étaient pas dépourvus d'avenir, notamment pour la desserte des particuliers, et que l'on pouvait le constater aujourd'hui.

M. Jean Pépin s'est, quant à lui, déclaré convaincu de la nécessité de recourir prioritairement à la technologie optique et a fait part de sa préoccupation quant aux difficultés rencontrées pour enfouir concomitamment les réseaux téléphoniques et les autres réseaux, alors même que les collectivités locales n'ont pas le droit de prendre en charge la part de ces dépenses revenant à France Télécom.

Nuançant la nécessité de recourir à la fibre optique pour tous les usages, M. Thierry Breton lui a répondu que le coût total de l'enfouissement de l'ensemble des réseaux téléphoniques est estimé à 30 milliards d'euros.

Après avoir souhaité que le président de France Télécom puisse donner des instructions aux directions régionales de son entreprise pour faciliter l'enfouissement des réseaux, M. Dominique Braye l'a interrogé sur la question de la revente des abonnements. M. Thierry Breton lui a répondu qu'une telle opération n'aurait pas pour effet de créer de valeur.

Poste et télécommunications - Audition de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le projet de loi n° 421 (2002-2003) relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Rappelant que la commission avait, le matin même, entendu M. Thierry Breton, président-directeur général de France Télécom, M. Gérard Larcher, président, a dit qu'il avait perçu que le redressement de France Télécom semblait bien engagé, que le marché des télécommunications commençait à sortir de la crise qui l'avait ébranlé et qu'il convenait désormais, à son sens, de penser au futur, notamment au travers de l'effort de recherche-développement. Il a souhaité connaître l'opinion de M. Francis Mer sur ces différents points ainsi que sur l'analyse du projet de loi, en particulier pour ce qui concernait le volet relatif au service universel des télécommunications. Il a également souhaité savoir comment, dans le nouveau contexte législatif, les fonctionnaires, notamment ceux reclassés mais non reclassifiés, de France Télécom pourraient bénéficier de « passerelles » vers l'administration.

M. Francis Mer a tout d'abord indiqué que la conjoncture concernant le secteur des télécommunications s'était améliorée, permettant aux entreprises de réduire leur endettement et d'augmenter leurs marges. Voyant dans ce redressement le début d'une amélioration à plus long terme, permise par un renforcement des fonds propres et le renouvellement de financements à long terme, le ministre a souligné que France Télécom avait traversé la même crise que ses concurrents et commençait à retrouver des conditions favorables. L'entreprise publique, qui vient de mener à terme la reprise d'Orange, devrait selon lui poursuivre son désendettement et intensifier ses efforts de recherche afin de satisfaire au mieux sa clientèle dans un contexte de concurrence très vive.

M. Francis Mer a déclaré avoir débattu longuement en compagnie des ministres des finances des pays de l'Union européenne réunis à Luxembourg dans le cadre du conseil Ecofin, avant de conclure que la recherche était la principale source de croissance et qu'il convenait de la valoriser à l'échelle communautaire en relançant une initiative européenne en ce sens. Déplorant que 80 % de la recherche privée en Europe soit assurée par seulement 150 entreprises, le ministre a souligné que l'amélioration de cette situation passerait au moins autant par un changement d'état d'esprit des acteurs économiques que par des décisions politiques.

Abordant ensuite le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, M. Francis Mer a rappelé qu'il avait pour objet d'adapter la législation nationale à la réglementation européenne et d'ouvrir ainsi davantage le secteur à une concurrence indispensable à la création de richesses. Il a indiqué que le service universel en matière de télécommunications, jusque là pris en charge par la seule France Télécom, ferait l'objet d'un appel à candidatures auprès d'entreprises privées parfaitement capables d'assurer des missions d'intérêt général.

S'agissant de la téléphonie fixe, le ministre a rappelé que le service universel était financé par les opérateurs de télécommunication abondant un fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations. Il a précisé que la clef de répartition en serait modifiée afin que les fournisseurs d'accès Internet ne soient pas pénalisés. Il a également indiqué que la législation communautaire pourrait être adaptée en 2005 pour permettre l'extension du contenu du service universel à des services plus avancés.

Evoquant le haut débit, M. Francis Mer a souligné que le récent Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) avait tracé des perspectives, comme la suppression de la taxe sur les paraboles, qui devait permettre un essor du réseau satellitaire.

Concernant enfin la téléphonie mobile, le ministre a rappelé que, dans le droit fil de la proposition de loi sénatoriale, une convention entre les opérateurs et les collectivités locales concernés permettant de couvrir au cours d'une première phase 1.600 communes, avait été signée le 15 juillet dernier, l'équipement de ces zones non rentables étant partagé entre les opérateurs. Il a précisé que cet accord représentait un effort de 46 millions d'euros pour l'Etat.

Après avoir rappelé que 86 % de la maison mère de France Télécom, soit une centaine de milliers de personnes, étaient des fonctionnaires et prendraient leur retraite pour les derniers en 2035, M. Francis Mer a expliqué que l'évolution prévue pour l'entreprise préservait leurs intérêts en leur garantissant le maintien de leur statut. Expliquant que la crise qu'a connue France Télécom avait été aggravée par l'obligation de détention majoritaire du capital par l'Etat, le ministre a insisté sur sa nécessaire réforme afin de rendre la gestion de l'entreprise plus souple et plus réactive.

Souhaitant par ailleurs renforcer les passerelles existant pour les fonctionnaires entre France Télécom et l'administration, il a précisé qu'un décret en cours d'élaboration permettrait leur détachement auprès de services administratifs, ajoutant qu'une disposition de même esprit était à l'étude pour faciliter l'intégration des personnes qui souhaiteraient poursuivre leur carrière dans l'administration. Ceci pourrait faire l'objet d'un amendement du Gouvernement au projet de loi après les nécessaires consultations.

M. Gérard Larcher, président, a tout d'abord estimé que si le Conseil d'Etat avait, en 1993, établi un lien constitutionnel entre entreprise employant des fonctionnaires et Etat à travers, à la fois, la détention majoritaire du capital et la procédure de nomination du président, cette analyse ne pouvait plus aujourd'hui demeurer inchangée au regard des évolutions du secteur des télécommunications, de France Télécom et de la législation européenne. Evoquant le fait que l'Etat pourrait être amené à détenir un jour moins de 50 % des actions de France Télécom, il s'est interrogé sur la façon dont il pourrait conserver un contrôle sur l'entreprise afin de veiller au respect d'exigence de souveraineté et à la prise en compte des objectifs d'aménagement du territoire. Enfin, il a questionné le ministre sur les perspectives d'évolution de l'effort de recherche au sein de France Télécom.

Répondant d'abord sur ce dernier point, M. Francis Mer a souligné que les dirigeants des grandes entreprises ne devaient pas se focaliser sur le court terme, mais être conscients de l'importance des efforts à réaliser sur le long terme en matière de recherche et développement. Rappelant que les plus grandes entreprises mondiales valorisaient fortement la recherche, il a estimé que les marchés étaient suffisamment clairvoyants pour comprendre qu'une entreprise devait nécessairement fournir des efforts en la matière sur le long terme. Il a précisé que France Télécom était aujourd'hui autant une entreprise d'industrie que de services, d'importants progrès techniques étant attendus dans le domaine des matériels et équipements.

S'agissant des incidences que pourrait représenter pour les pouvoirs publics la détention d'une part minoritaire du capital de France Télécom, le ministre a expliqué que l'Etat conserverait nécessairement une présence forte dans France Télécom, à travers la centaine de milliers de fonctionnaires y travaillant et, plus généralement, à travers son rôle de réglementation et de protection de l'intérêt général.

Insistant sur l'importance des efforts d'investissements publics à fournir en matière de recherche et de développement et déplorant le retard pris par rapport aux Etats-Unis en ce domaine, M. Daniel Raoul a préconisé la constitution d'un fonds de financement européen. Il a ensuite contesté la distinction opérée par le ministre entre la production industrielle et la fourniture de services, au vu des interactions croissantes entre ces deux activités. Il a rappelé, enfin, que le Conseil d'Etat avait posé deux conditions dans son avis de 1993 à la possibilité pour France Télécom d'employer des fonctionnaires : le fait que l'entreprise se voit affecter une mission de service public et le fait que son capital soit détenu majoritairement par l'Etat.

Craignant que les collectivités les plus défavorisées ne soient à l'avenir obligées de consentir d'importants efforts financiers pour être connectées à des réseaux de télécommunication performants, M. François Fortassin s'est ensuite inquiété de savoir si des obligations de résultat seraient fixées à France Télécom en matière d'aménagement du territoire et de service public.

Mme Marie-France Beaufils a alors interrogé le ministre sur la possibilité d'améliorer une définition du service universel des télécommunications aujourd'hui insuffisante, sur la perte éventuelle par l'Etat de son pouvoir d'influence dans France Télécom alors que vient de paraître un rapport sur le rôle de l'Etat actionnaire, et sur l'opportunité de légiférer sur le détachement de personnels alors qu'existe déjà un dispositif en la matière.

Répondant tout d'abord à M. Daniel Raoul, M. Francis Mer a reconnu que les Etats-Unis savaient beaucoup mieux que les Européens établir des relations fructueuses entre secteurs publics et privés, à travers notamment leur ministère de la défense. Même si le programme Eureka ou un plan concernant les nanotechnologies fonctionnent relativement bien, le ministre a appelé à fournir des efforts soutenus et coordonnés à l'échelle européenne.

S'agissant de l'actionnariat public de France Télécom, M. Francis Mer a précisé que la détention d'une majorité du capital par l'Etat n'était, dans l'avis du Conseil d'Etat de 1993, qu'une condition accessoire, et que le Conseil d'Etat avait estimé que le présent projet de loi était compatible avec la Constitution.

En réponse à M. François Fortassin, le ministre a expliqué que si le contenu de la notion de service universel était aujourd'hui fixé par des normes communautaires et ne s'étendait pas à la téléphonie mobile, ces mêmes normes pourraient, à l'avenir, être réactualisées afin d'élargir en ce sens le périmètre du service universel.

Répondant enfin à Mme Marie-France Beaufils, le ministre a indiqué que si l'actionnariat public ne pouvait être considéré en soi comme un handicap, la possibilité d'une réduction de la participation de l'Etat dans le capital de France Télécom sous le seuil des 50% permettrait, en tant que de besoin, à l'entreprise de réagir à l'avenir plus promptement et plus efficacement dans un contexte de concurrence exacerbée. Quant aux dispositions concernant le détachement, il a indiqué qu'elles ne faisaient que compléter ce qui était déjà prévu dans le statut général de la fonction publique.

M. Gérard Larcher, président, a ensuite rappelé l'importance de la « clause de rendez-vous » prévue à l'article L. 35-7 du code des postes et télécommunications, qui devait permettre de réévaluer le périmètre du service universel au niveau national, avant de le faire au niveau européen en 2005. Il a également indiqué qu'il ne voyait pas bien l'intérêt de la disposition du 3°) du II de l'article 3 du projet de loi, qui faisait obligation à France Télécom d'accepter toute demande d'un de ses fonctionnaires de passer sous statut privé.

Répondant enfin à M. Daniel Raoul qui demandait des précisions sur les détachements de fonctionnaires de France Télécom au sein même de France Télécom, M. Francis Mer a précisé qu'il s'agissait de cas exceptionnels de fonctionnaires de France Télécom détachés auprès de filiales du groupe, et qui seraient naturellement réintégrés au sein de France Télécom si leur détachement prenait fin.