Table des matières




Mardi 4 novembre 2003

- Présidence de M. Gérard Larcher, président, puis de M. Jean-Paul Emorine, vice-président. -

PJLF pour 2004 - Audition de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur le projet de loi de finances pour 2004.

M. Gérard Larcher, président
, a remercié le ministre d'être venu devant la commission présenter le budget de son ministère pour 2004. Il s'est également excusé de ne pouvoir en assurer la présidence jusqu'au terme de l'audition, prévenant qu'il cèderait sa place à M. Jean-Paul Emorine.

Après avoir remercié la commission de l'accueillir, M. Hervé Gaymard a d'abord souhaité effectuer une présentation globale des crédits consacrés à l'agriculture. Expliquant que le budget public de l'agriculture regroupait des fonds nationaux (Etat et collectivités territoriales) et des fonds communautaires, il a indiqué que la France avait versé en 2002 14,2 milliards d'euros au budget communautaire général et avait reçu en retour 11,8 milliards d'euros, rendant injustifiées les critiques selon lesquelles la France serait bénéficiaire net du budget européen. Il a expliqué que si la France obtenait environ le quart du budget agricole de l'Union européenne, elle contribuait globalement plus à ce budget qu'elle n'en profitait en retour. Enfin il a rappelé que si le budget agricole de l'Union européenne représentait environ la moitié du budget communautaire global, cela tenait au fait que l'agriculture était l'un des seuls secteurs d'activité réellement communautarisé, soulignant par ailleurs que la totalité des crédits affectés à l'agriculture (si l'on additionne le budget agricole de l'Union européenne et celui de chacun des États membres) équivalait à seulement 1,2 à 1,5 % de la totalité des dépenses publiques européennes (incluant les dépenses de l'Union européenne et celles de chacun des États membres).

Il a ensuite procédé à une décomposition du budget public français de l'agriculture -s'élevant à 29 milliards d'euros- entre le budget communautaire (10 milliards d'euros), le budget de la protection sociale agricole (15 milliards d'euros), le budget du ministère (4,97 milliards d'euros, se décomposant à son tour en 3,74 milliards d'euros consacrés à l'agriculture, la pêche, les affaires rurales, l'alimentation et la sécurité sanitaire ; 1,2 milliard d'euros consacrés à l'enseignement et à la recherche agricole ; et 0,2 milliard d'euros correspondant à des transferts de financement), les contributions des autres ministères (0,6 milliard d'euros) et les contributions des collectivités territoriales (0,9 milliard d'euros).

Après avoir observé que 11,7 milliards d'euros sur les 15 milliards d'euros d'aide à l'agriculture étaient consacrés aux exploitations (le reste correspondant à des dépenses de nature administrative), il a commenté le projet de budget agricole pour 2004. Rappelant que le budget 2003 s'élevait en loi de finances initiale à 5,18 milliards d'euros, il a estimé que le budget 2004, atteignant 4,97 milliards d'euros, était en réalité en reconduction si l'on raisonnait à périmètre constant. Ainsi, il a indiqué que les 198 millions d'euros consacrés au secteur de l'équarrissage dans le budget 2003 ne pesaient plus sur le budget 2004, du fait de la création d'une taxe spécifique d'un montant de 176 millions d'euros pesant sur la filière et affectée au Centre national pour l'adaptation des structures agricoles (CNASEA). D'autre part, a t-il ajouté, les 25,7 millions d'euros consacrés de façon transitoire au développement agricole dans le budget 2003 sont désormais pris en charge par une taxe affectée à l'Agence pour le développement agricole et rural (ADAR), qui a pris depuis cette année le relais de l'Association nationale pour le développement agricole (ADAR).

Il a ensuite décrit les principales économies réalisées dans le budget 2004, attribuables en partie à des économies constatées, en ce qui concerne notamment :

- la prime à la vache allaitante, le chapitre budgétaire correspondant ayant été réduit du fait que la totalité des crédits n'avait pas été consommée lors des derniers exercices ;

- le Fonds national de développement des adductions d'eau (FNDAE), constitué jusqu'en 2003 par un compte d'affectation spéciale et faisant dorénavant l'objet d'une budgétisation sur le budget du ministère. Ce fonds subventionne les collectivités territoriales entreprenant des travaux d'adduction d'eau et d'assainissement dans les zones rurales et finance une partie du Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA). Les modalités de gestion spécifique d'un compte d'affectation spéciale engendrant un nombre important de reports en crédits de paiement, la budgétisation du FNDAE et le rattachement de ces reports au budget du ministère ont permis de réduire pour moitié les inscriptions en crédits de paiement.

Puis il a évoqué les principales réformes engagées ayant permis de réaliser des économies dans le budget 2004 :

- la simplification des procédures administratives, 65 mesures ayant déjà été adoptées par le Comité de simplification installé en octobre de cette année ;

- la réforme de l'administration, qui s'est traduite par la fusion de deux directions d'administration centrale et par le regroupement en cours des directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF) et des directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) ;

- la poursuite de la maîtrise des dépenses de personnel, 300 emplois ayant pu être supprimés en net en raison du départ à la retraite de 800 fonctionnaires, et de la création de 500 nouveaux emplois ;

- la réforme des offices et des organismes de promotion, ayant permis d'économiser 6 millions d'euros. Il a ajouté que le rapport sur les offices, qui avait été demandé au Gouvernement à la suite d'un amendement parlementaire au projet de loi de finances pour 2003, avait été remis depuis peu aux présidents des deux assemblées parlementaires et ferait l'objet d'un débat prochain.

Il a ensuite détaillé les différentes priorités du budget :

- la promotion d'une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable. Il a indiqué que des mesures étaient prévues en faveur de l'installation (les dotations du Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture -FICIA- étant maintenues à un niveau élevé et le versement de la Dotation aux jeunes agriculteurs -DJA- devant intervenir en une seule fois), le soutien à l'activité dans les zones de handicap naturel (les Indemnités compensatoires de handicap naturel -ICHN- étant revalorisées de 5% pour les 25 premiers hectares), le soutien des services de remplacement (une mesure nouvelle de 1 milliard d'euros étant prévue), le financement des Contrats d'agriculture durable (CAD) (la dotation de 254 millions d'euros prévue dans le projet de loi de finances pour 2004 permettant d'honorer les engagements pris par l'Etat pour les Contrats territoriaux d'exploitation -CTE- conclus jusqu'à cette année et de financer le démarrage de CAD simplifiant et recentrant le dispositif des CTE) et la consolidation de la Prime herbagère agri-environnementale (PHAE) (dont l'enveloppe prévue pour 2003 est reconduite) ;

- le renforcement de la sécurité sanitaire et de la qualité des aliments. Il a annoncé le renforcement de la sécurité phytosanitaire (une mesure nouvelle de 2 millions d'euros étant prévue) et de la qualité sanitaire des aliments (les subventions de l'Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments -AFSSA- augmentant), ainsi que l'application de la réglementation communautaire pour l'équarrissage ;

- la gestion durable des territoires ruraux et de la forêt. Il a précisé que la priorité serait donnée à l'organisation de la filière bois (avec la création de 30 emplois sur les 200 promis au profit des Centres régionaux de la propriété forestière -CRPF-, le solde devant être créé dans les trois prochaines années) et au soutien de la filière cheval (un contrat d'objectifs pour la période 2004-2008 ayant été signé entre l'Etat et les Haras nationaux, conformément au plan annoncé conjointement avec le ministre délégué au budget, M. Alain Lambert, et le ministre des sports, M. Jean-François Lamour) ;

- la modernisation de la flotte de pêche et le soutien des entreprises de pêche et de cultures marines. Il a indiqué que l'accord sur la réforme de la Politique commune de la pêche (PCP) obtenu en décembre 2002 avait permis d'écarter les principales inquiétudes pesant sur l'avenir du secteur. Il a ajouté que le Gouvernement veillerait à intensifier l'effort de modernisation de la flotte (les crédits d'investissement destinés aux opérations de modernisation des bateaux de pêche devant être abondés dans la loi de finances rectificative pour 2003) et que l'inscription au budget du ministère des crédits de bonification des prêts à la pêche lui permettrait d'assurer la gestion de l'ensemble des mesures (étant précisé que ces crédits représentent une charge de bonification de 10,5 millions d'euros).

Abordant ensuite le budget consacré à l'enseignement et à la recherche agricole, il a présenté les actions prioritaires du ministère comme consistant à :

- soutenir la place de l'enseignement agricole public. Il a fait état d'une augmentation des crédits permettant le remplacement des maîtres d'internat et surveillants d'externat, mais également d'une partie des emplois-jeunes, par des assistants d'éducation. D'autre part, il a annoncé que les crédits de fonctionnement de l'enseignement supérieur seraient augmentés pour pouvoir notamment engager cet enseignement dans la voie du modèle européen licence-mastère-doctorat (LMD). Il a également indiqué que les bourses de l'enseignement technique agricole seraient réévaluées afin de soutenir les familles scolarisant leurs enfants dans ce type de classes ;

- mettre en application la « loi Rocard » sur les relations entre les pouvoirs publics et l'enseignement privé, alors que s'est éteinte la procédure contentieuse engagée par des organismes d'enseignement privé contre l'Etat ;

- anticiper la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en expérimentant ses modalités de gestion pour le secteur de l'enseignement et de la recherche.

Évoquant la protection sociale agricole, il a souhaité faire état de deux éléments nouveaux :

- la mensualisation des retraites, qui interviendra dès le 1er janvier 2004, sans qu'il soit nécessaire d'honorer des dépenses de pensions supplémentaires, l'anticipation dans le calendrier des paiements étant prise en charge à cette date par le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, qui succèdera au Budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) ;

- la réforme du BAPSA, qui n'entraînera pas forcément l'abandon du débat parlementaire lui étant consacré jusqu'alors, rien n'interdisant de décider de poursuivre la discussion devant les deux assemblées lors de l'examen du projet de loi de finances.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis, des crédits consacrés au développement rural, s'est inquiété de la baisse de 13 % des crédits de la forêt, correspondant à une réduction de plus de 50 millions d'euros, alors que le secteur n'a pas achevé son redressement depuis 1999 et a connu des incendies de forêt particulièrement violents cet été.

Il s'est également interrogé sur la façon dont s'articulerait entre le projet de loi de finances et le projet de loi sur les territoires ruraux le plan de relance du secteur du cheval annoncé cet été.

Il a par ailleurs demandé des précisions quant au calendrier d'examen du projet de loi relatif aux territoires ruraux et en ce qui concerne la baisse des crédits affectés au Fonds national des adductions d'eau (FNDAE).

M. Gérard César, rapporteur pour avis du budget agriculture, a ensuite interrogé le ministre sur la prise en compte dans le budget 2004 de l'accord sur la réforme de la Politique agricole commune (PAC) intervenu au moins de juin à Luxembourg et sur le calendrier et les modalités de sa mise en oeuvre au niveau national.

Il s'est inquiété des mesures prévues pour venir en aide aux agriculteurs les plus en difficulté suite à la sécheresse qu'a connue le pays cet été. Il a espéré que la réforme du service public de l'équarrissage ne se traduise pas par un transfert de son financement des professionnels de l'abattage vers les éleveurs. Il a demandé des précisions sur les mesures visant à favoriser une agriculture écologiquement responsable, et notamment sur la transition entre les CTE et les CAD.

M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis des crédits consacrés aux industries agricoles et alimentaires, s'est interrogé sur l'avenir de la Société pour l'expansion des centres de produits agricoles et alimentaires (SOPEXA), un temps menacée de privatisation et dont les subventions publiques ont longtemps diminué, alors que la promotion de ce type de produits conditionne très largement l'image de la France et le succès de ses industries agroalimentaires dans le monde.

Il a demandé des précisions concernant la baisse des crédits affectés à l'Institut national des appellations contrôlées (INAO) et les avancées du dossier sur les sigles de qualité au niveau international quelques semaines après le déroulement du sommet de Cancùn.

Il a également relayé les inquiétudes des tabaculteurs, alors que la Commission européenne s'apprête à révéler sa position sur la réforme de l'organisation commune de marché du tabac, dont il a estimé la pérennité menacée.

Après avoir rappelé que le dispositif des « Sofipêches » prenait fin, en principe, à la fin de l'année 2003, M. Alain Gérard, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la pêche, a interrogé M. Hervé Gaymard sur la possibilité de son maintien au-delà de cette date.

Evoquant ensuite le faible taux d'utilisation des crédits communautaires à l'issue de la période de programmation 1994-1999, il s'est interrogé sur les raisons de cette faible consommation et sur le risque de perte, en 2004, au titre de la règle du « dégagement d'office », d'une partie des crédits alloués pour la période 2000-2006.

Enfin, M. Alain Gérard, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la pêche, a salué la signature récente d'une Charte entre l'Ifremer, le Comité national des pêches maritimes et la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture, ainsi que la proposition de création, à l'échelon européen, de Conseils consultatif régionaux associant les professionnels à l'élaboration des avis scientifiques. Il a également interrogé M. Hervé Gaymard sur les moyens d'améliorer le processus d'élaboration des avis scientifiques.

En réponse aux quatre rapporteurs pour avis, M. Hervé Gaymard a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant du secteur de la forêt, il a indiqué que les crédits rendus disponibles par le projet de loi de finances permettraient d'assurer la mise en oeuvre du « plan chablis » sur dix ans, que le problème lié à l'absence de financement à hauteur de 20 millions d'euros du budget de l'Office national des forêts (ONF) serait réglé dans les semaines à venir en veillant à ce que les communes forestières ne supportent pas cette charge, que 30 emplois seraient créés dans les CRPF et que des crédits seraient inscrits dans la loi de finances rectificative 2003 afin que soit engagée une première tranche de replantations dans les forêts les plus affectées par la sécheresse ;

- s'agissant du secteur du cheval, il a précisé que le plan de relance de la filière comportait plusieurs mesures parmi lesquelles l'homologation des formations en matière de tourisme équestre conjointement avec le ministre des sports, l'inscription dans le projet de loi de finances d'une dotation permettant de mettre en oeuvre le contrat d'objectif 2004-2008 conclu entre l'Etat et les Haras nationaux ainsi que de mesures fiscales concernant les syndicats d'étalons, et le classement des activités liées au cheval dans la catégorie des activités agricoles (des solutions devant être trouvées pour les communes particulièrement liées à ces activités et risquant de ce fait de subir une perte de taxe professionnelle) ;

- s'agissant du FNDAE, il a rappelé que les recettes issues du PMU et servant à le financer avaient été supprimées dans la loi de finances 2003 par l'Assemblée nationale car les crédits correspondants avaient fait l'objet de nombreux reports ou n'avaient pas été entièrement consommés. Il a indiqué que le projet de loi de finances pour 2004 prévoyait un chapitre budgétaire remplaçant le compte d'affectation spéciale afin de financer l'assainissement des eaux communales, ainsi qu'un nouveau chapitre budgétaire finançant le PMPOA et les bâtiments d'élevage. Il a ajouté que la discussion sur le dimensionnement et le financement du FNDAE aurait lieu à l'occasion des débats parlementaires concernant la loi de décentralisation et la loi sur l'eau ;

- s'agissant de la réforme de la PAC, il a rappelé que celle-ci n'avait pas eu d'incidence négative sur le budget national du fait de l'accord conclu en 2002 entre le Président Jacques Chirac et le Chancelier allemand Gerhardt Schröder plafonnant les dépenses agricoles communautaires à leur niveau de 2006 pour la période 2007-2013. Il a souligné que les débats concerneraient la mise en oeuvre de la réforme au niveau national, qu'il s'agisse de sa date d'application (2005, 2006 ou 2007) ou encore de la formule utilisée pour le découplage (il a répété qu'il souhaitait à titre personnel un découplage horizontal pour les grandes cultures et vertical pour les animaux). Il a ajouté que d'autres sujets devraient être abordés, tels que la gestion des droits (en matière d'installation des jeunes agriculteurs), la modulation (avec l'affectation des crédits récupérés sur le premier pilier vers le second pilier), la gestion des crises (les filières porc, volaille et fruits et légumes n'étant pas régies par une organisation commune de marché) ou encore la viticulture (avec la prolongation de l'expérimentation menée en Languedoc-Roussillon pour l'amélioration de la qualité du vignoble et son extension à toutes les aires d'appellation en faisant la demande), avant d'observer que le taux de retour de la France par rapport au budget communautaire agricole avait été cette année amélioré de 16 millions d'euros ;

- s'agissant de la sécheresse, il a annoncé que des demandes de crédits destinés à figurer dans la loi de finances rectificative pour 2003 étaient en cours d'arbitrage et viendraient compléter les mesures d'urgence prises cet été. Il a reconnu que les dotations du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) et du Fonds d'allègement des charges (FAC) étaient encore insuffisantes et devraient être réévaluées, ajoutant que l'enveloppe de 50 millions d'euros dégagée pour le transport de foin semblait suffisante et que, s'agissant de l'assurance récolte, un rapport serait rendu début 2004 par le député Christian Ménard, nommé parlementaire en mission, et servirait de base à un débat plus vaste intégrant des dimensions nationale et communautaire du problème ;

- s'agissant de l'équarrissage, il a jugé que le gouvernement en place lors des premiers cas de « vache folle » avait eu le mérite de décider des mesures d'urgence, qui avaient toutefois provoqué, au fil du temps, des effets d'aubaine de la part de certaines entreprises au détriment du contribuable, expliquant le durcissement actuel des conditions d'indemnisation. Il a expliqué que la réforme de l'équarrissage consistait à créer une taxe spécifique perçue au niveau de l'abattage et dont les recettes couvriraient le coût exact du service public de l'équarrissage, soit 176 millions d'euros. Affirmant que le ministère, en concertation avec la Direction générale de la consommation, de la concurrence et la répression des fraudes (DGCCRF), ferait preuve de vigilance pour que la charge du financement ne soit pas répercutée vers l'amont de la filière, il a jugé que la sécurité sanitaire et l'hygiène alimentaire avaient un coût qui devait être totalement transparent et pourrait avoir des répercussions sur l'aval. Il a également rappelé que le problème de l'enlèvement des porcs à la ferme faisait actuellement l'objet de discussions ;

- s'agissant de l'agriculture écologiquement responsable, il a rappelé que la France, condamnée en septembre 2001 pour non-consommation de la totalité de ses crédits, avait obtenu une forte augmentation des dotations issues du second pilier et consommait à présent la totalité de ses crédits communautaires. Il a noté que l'agriculture biologique connaissait beaucoup de difficultés actuellement et qu'un rapport sur le sujet commandé par le Premier ministre et proposant certaines mesures avait été remis en juillet dernier. Evoquant les CTE, il a décrit les dysfonctionnements (complexité des procédures, dilution des mesures, difficultés de financement) ayant conduit le ministère à les suspendre et à les remplacer par le système des CAD ayant pour caractéristiques une plus grande simplicité, un recentrage sur des mesures véritablement utiles et la mise en place d'un dispositif de maîtrise budgétaire. Attribuant le retard de leur mise en oeuvre à des incertitudes juridiques, il a annoncé que les premiers seraient créés en novembre et en décembre, insistant sur le fait qu'ils avaient un caractère contractuel et ne constituaient en aucune façon un droit pour les agriculteurs ;

- s'agissant des industries agricoles et alimentaires, il s'est félicité que le Sénat réserve un examen particulier à ce secteur au sein du budget agricole et a reconnu que son ministère devrait s'engager encore davantage en ce domaine. En ce qui concerne la SOPEXA, il a déclaré que quatre offices par produit contribueraient à ses côtés aux campagnes de promotion pour 2004 et que la question de sa réforme faisait l'objet de discussions menées conjointement avec le ministre délégué au commerce extérieur, M. François Loos. En ce qui concerne l'INAO, il a exposé les problèmes auxquels l'institut se trouvait confronté cette année du fait d'une augmentation de ses dépenses et d'une réduction de ses recettes, et a indiqué qu'il travaillait avec ses responsables pour trouver une solution de financement pérenne. Il a estimé que l'INAO constituait un instrument privilégié dans le combat que l'Europe aurait à mener au niveau international pour la préservation des sigles de qualité, précisant que le sujet n'avait pas été abordé lors du sommet de l'OMC à Cancùn et qu'il ne serait sans doute pas d'actualité durant l'année 2004. En ce qui concerne l'OCM tabac, il a regretté que les pays du Nord de l'Europe cherchent à obtenir la suppression de cette culture alors qu'elle ne représente pour la France qu'une infime part de la production mondiale, ajoutant qu'il tenait à distinguer en la matière les aspects santé publique et agriculture et que le sujet ne viendrait sans doute pas à l'ordre du jour avant 2005 ;

- s'agissant de la pêche, il a déclaré qu'il était en discussion avec le ministre de l'économie et des finances pour obtenir la prorogation du dispositif des Sofipêches, pour lequel il a également évoqué trois pistes de réforme : la mise en place d'un système « Sofipêches deuxième chance » pour les patrons souhaitant acheter un navire plus récent ; l'élaboration d'un système adapté aux DOM, qui constitue un gisement important de créations d'emplois ; et l'élargissement aux armements non coopératifs de l'accès aux Sofipêches. Le maintien du dispositif pourrait être intégré, a-t-il ajouté, dans la loi de finances rectificative pour 2003. Rappelant le faible taux d'utilisation des crédits communautaires en 1994-1999, qui s'élève, au 31 décembre 2002, à 75 %, il a estimé que la raison principale de cette faible consommation résidait dans l'abandon par un certain nombre de pêcheurs de leur projet de construction de navire. Au sujet de la programmation 2000-2006, il a indiqué que la dotation allouée à la France s'élèverait à 256 millions d'euros, dont 234 pour la métropole. Il a jugé probable une hausse prochaine de la consommation des crédits, compte tenu de l'accélération de la programmation des projets. Il a précisé que des moyens supplémentaires en personnel seraient alloués aux directions régionales des affaires maritimes. Abordant enfin la question de l'élaboration des avis scientifiques, il a estimé nécessaire de pouvoir mener un débat serein, et a salué à cet égard la signature récente d'une charte entre la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture, l'Ifremer et le Comité national des pêches maritimes et de l'aquaculture. Cette charte, a-t-il indiqué, devrait permettre de réduire la fracture entre les pêcheurs et les scientifiques, et d'améliorer leur coopération dans l'élaboration des avis relatifs à l'état de la ressource.

Après avoir remercié le ministre pour son exposé et ses réponses claires et précises, M. Charles Guené a fait état des attentes des zones intermédiaires concernant les mesures rotationnelles agri-environnementales et leur inscription au comité STAR, se demandant si le budget 2004 permettait d'envisager leur mise en place, notamment en Haute-Marne et en Champagne-Ardenne, et si une révision du rendement des surfaces serait nécessaire dans le cadre des aides découplées.

Remerciant tout d'abord le ministre pour son pragmatisme et sa franchise, M. Gérard Cornu s'est alarmé du fait que de nombreux agriculteurs n'étant pas éligibles au FNGCA, dont les ressources avaient d'ailleurs été taries pour financer les CTE, ils devaient se tourner vers le FAC, qui ne prévoyait cependant rien pour venir en aide aux grandes cultures touchées par le gel et la canicule.

Après avoir remercié le ministre de l'avoir rassuré sur le maintien d'un débat parlementaire sur le BPASA, M. Jean Boyer a souhaité savoir quand seraient signés les premiers CAD et si des subventions spécifiques pour les bâtiments d'élevage situés en zone de montagne seraient envisagées.

M. Gérard Le Cam a demandé au ministre si le rapport sur les offices agricoles était disponible, si des mesures étaient prévues pour l'installation des jeunes ne disposant pas des diplômes requis et si les rapports entre les éleveurs de porcs et la grande distribution allaient faire l'objet d'un débat.

Félicitant le ministre pour sa remarquable prestation, M. Gérard Bailly a plaidé pour une meilleure communication sur les mesures de simplification administrative. Il a appelé à une grande vigilance dans la mise en oeuvre de la réforme de l'équarrissage au regard de la situation difficile que connaissent les éleveurs de porcs. Il a souhaité que les DDA puissent réagir aux avenants que pourront passer les agriculteurs concernant les CAD. Il a considéré qu'il serait opportun de faire preuve de souplesse dans la mise en oeuvre des PMPOA. Il s'est demandé si la politique d'aide aux organismes de suivi génétique, et notamment de contrôle laitier, ne devrait pas être une priorité. Il a déploré les difficultés rencontrées pour la vente de bois en raison du bostriche. Enfin, il a regretté que des promesses de financement européen dans le cadre du FEOGA n'aient pas été tenues au profit de la Franche-Comté.

Après avoir remercié le ministre de s'être investi dans le dossier de la canicule, M. Daniel Soulage s'est inquiété de l'évolution des crédits AGRIDIF, de la politique en faveur des fruits et légumes et de l'absence de réponse des institutions européennes suite aux demandes de fonds destinées à financer l'assainissement des eaux.

M. Hilaire Flandre s'est demandé s'il n'existait pas une accumulation de retards dans les dépenses à effectuer au profit de l'enseignement privé. Il a regretté par ailleurs que le ministère n'ait pas dégagé les fonds annoncés pour les programmes de recherche agricole centrés notamment sur la valorisation non alimentaire des produits.

M. Gérard César s'est ému des campagnes anti-vin menées dans les médias pour des motifs de santé publique, expliquant que la consommation de vin diminuait en France et que les viticulteurs étaient découragés.

M. François Gerbaud s'est interrogé sur d'éventuelles défaillances de la SNCF concernant le transport de fourrage.

En réponse à cette seconde série d'intervenants, M. Hervé Gaymard a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant des zones intermédiaires, il a indiqué qu'il s'agissait d'un dossier majeur, qu'il avait plaidé lors de la réforme de la PAC au mois de juin pour des mesures de découplage partiel et qu'il procèderait à une concertation avec les organisations agricoles dans les semaines à venir pour examiner des sujets tels que l'extension de la mesure rotationnelle, les aides directes et le découplage partiel, ainsi que les rendements de référence ;

- s'agissant de la simplification administrative, il a précisé que certaines mesures étaient entrées en application, tandis que d'autres seraient prises prochainement, qu'il faudrait obtenir également l'engagement des institutions européennes à décider de telles mesures, qu'avait été nommé un comité permanent de la simplification permettant de réduire la complexité administrative en amont et qu'une enquête avait révélé au demeurant que la complexité était demandée ou organisée dans la majorité des cas par les organisations professionnelles agricoles et non par les services déconcentrés du ministère ;

- s'agissant de la sécheresse, il a reconnu que certains aspects n'étaient effectivement pas couverts par les mesures d'urgence, précisant que le FAC serait abondé en loi de finances rectificative à cet effet ;

- s'agissant des CAD, il a répété que les premiers seraient signés dès novembre, insistant à nouveau sur le fait qu'ils ne constituaient pas un droit inaltérable au profit de chaque agriculteur ;

- s'agissant des bâtiments d'élevage, il a déclaré qu'une ligne budgétaire de 60 millions d'euros leur était consacrée ainsi qu'au PMPOA, des discussions étant actuellement en cours pour en fixer la répartition ;

- s'agissant des crédits communautaires figurant dans les Documents uniques de programmation (DOCUP) en provenance des fonds structurels et des suites du dispositif pour les tempêtes de 1999, il a souhaité réserver la primeur de sa réponse à M. Gérard Bailly à l'occasion de sa visite, ce jeudi, dans le Jura ;

- s'agissant du rapport sur les offices, il a précisé qu'il avait été remis aux présidents des deux assemblées parlementaires et qu'il était donc disponible ;

- s'agissant de l'installation des jeunes, il a évoqué les mesures administratives et budgétaires (le versement de la DJA en une seule fois étant effectif l'année prochaine), les perspectives économiques (pour lesquelles les modalités de mise en oeuvre de la PAC seront capitales) et les problèmes liés à l'attractivité du métier (qu'il a jugée moindre dans une société très sensible au temps de travail et pour laquelle des mesures seront intégrées dans la future loi d'orientation agricole faisant actuellement l'objet de discussions avec les organisations professionnelles) ;

- s'agissant des relations entre les éleveurs et la grande distribution, il a considéré que le ministère avait tenu ses engagements en ayant procédé à des modifications législatives visant à favoriser l'interprofession (comme l'illustre la création récente d'INAPORC) ou encore l'extension des notions de prix abusivement bas et de prix minimum aux produits agricoles. Il a ajouté qu'il revenait à la DGCRF de veiller à l'application de ces mesures législatives (nécessitant un renforcement de ses équipes et une modification de leur formation), mais aussi aux filières de s'organiser (notamment les plus fragiles, telles que la filière porc, la filière volaille ou la filière fruits et légumes) ;

- s'agissant du PMPOA, il a concédé que la complexité de la réglementation rendait sa compréhension difficile, ajoutant toutefois que des simplifications avaient été engagées depuis un an et demi en concertation avec le ministre de l'écologie et du développement durable, Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Il a ensuite évoqué trois sujets concernant le PMPOA : la répartition de crédits entre les zones vulnérables et les autres zones (la proportion de 80/20 proposée par la Commission posant des problèmes d'application pratique), les modalités de financement (qui ne sont pas insurmontables du fait des crédits européens obtenus dans le cadre de la modulation) et la fixation de la date du 31 décembre 2006 (qui ne repose sur aucun élément scientifique pertinent) ;

- s'agissant du suivi génétique et du contrôle laitier, il a indiqué que les crédits gelés en 2003 à cet effet allaient être débloqués. Il a tenu à cette occasion à souligner que le budget agricole devait composer avec des contraintes tant nationales qu'européennes et internationales, et que l'objectif pour les dix prochaines années serait de maintenir ses 15 milliards d'euros de dotation actuelle (hors protection sociale). Déplorant le fait que le ministère ne parvienne, malgré l'importance relative de ses crédits, à entretenir son patrimoine immobilier, il a insisté sur la nécessité de les utiliser de façon optimale, mais également de repenser sur le long terme leur affectation de sorte que les dépenses de fonctionnement (essentiellement salaires et charges sociales) ne concentrent plus la quasi-totalité des crédits au détriment des dépenses d'investissement ;

- s'agissant du FAC, il a précisé que des crédits supplémentaires devraient figurer dans la loi de finances rectificative ;

- s'agissant des fruits et légumes, il a annoncé que serait proposée la création d'une organisation de marché au niveau communautaire afin de gérer les crises affectant le secteur ;

- s'agissant de l'enseignement privé agricole, il a rappelé que les textes législatifs en vigueur allaient pouvoir être appliqués suite au retrait du recours intenté par les organismes d'enseignement privé contre l'Etat. Il a souhaité que l'enseignement agricole continue de relever de la compétence du ministère de l'agriculture, tout en nouant des partenariats d'orientation avec l'éducation nationale. Il a jugé nécessaire de réfléchir au coût individuel de l'élève et du formateur, ainsi qu'aux moyens budgétaires globaux devant leur être consacrés ;

- s'agissant du vin, il a reconnu qu'existait aujourd'hui une crispation entre les producteurs de vin et une opinion publique très attachée à des questions de sécurité routière ou de santé publique. Il a mis en garde les professionnels du vin contre des prises de position pouvant sembler corporatistes, les invitant à s'associer aux différentes actions de prévention menées en matière de sécurité au volant ou d'hygiène alimentaire, saluant à cet égard l'organisation par le Sénat d'un colloque « Vin, alimentation et santé » ;

- s'agissant enfin du transport de fourrage, il a souligné les difficultés logistiques que représentait la gestion sur quelques semaines d'un événement climatique historique, tout en comprenant l'impatience des agriculteurs et des éleveurs. Estimant qu'il était inconcevable de réquisitionner les transporteurs privés, il a rappelé qu'il avait mis en place avec le ministre des transports, M. Gilles de Robien, une bourse de transport fonctionnant de façon satisfaisante. Concernant plus spécialement la SNCF, il a indiqué qu'elle avait, passée une première phase de latence, mobilisé rapidement des moyens conséquents. Il a mis en évidence les différences existant pour l'entreprise publique dans la gestion de la crise de cet été par rapport à celle de 1976, rappelant qu'un nombre bien plus important de gares et de points de livraison ferroviaires existait alors. Il a reconnu cependant qu'il serait souhaitable de réduire l'incertitude concernant les délais et dates de livraison de paille aux agriculteurs et aux éleveurs. Il a observé enfin que les convois militaires n'étaient sans doute ni suffisamment nombreux, ni adaptés de façon satisfaisante au transport de fourrage.

M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié le ministre d'avoir consacré plus de deux heures à présenter le budget de l'agriculture à la commission et l'a assuré que celle-ci était à sa disposition pour toute étude ou réflexion sur le sujet.

Mercredi 5 novembre 2003

- Présidence de M. Gérard Larcher, président. -

PJLF pour 2004 - Industries agricoles et alimentaires - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Bernard Dussaut sur les crédits consacrés aux industries agricoles et alimentaires dans le projet de loi de finances pour 2004.

A titre liminaire, M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, a indiqué que les résultats enregistrés par le secteur des industries agroalimentaires (IAA) étaient, cette année encore, globalement satisfaisants, contrairement à d'autres industries affectées par des crises économiques ou spéculatives. Soulignant ainsi que la production industrielle des IAA s'était accrue en 2002 de 1,4 %, tandis que celle de l'industrie manufacturière reculait de 1,7 %, il a précisé que le chiffre d'affaires des IAA avait augmenté, en 2002, de 2,3 %, en partie grâce à la bonne santé du secteur des boissons, la situation du secteur agroalimentaire restant relativement satisfaisante comparée à celle de l'industrie manufacturière, dont le chiffre d'affaires a, quant à lui, reculé de 1,7 %.

Il a également noté que les prix de vente industriels des produits agroalimentaires étaient stables sur l'année 2002, après des hausses soutenues les deux années précédentes, permettant ainsi à la consommation des ménages en produits de ce type de croître de 0,8 %. Il a enfin observé que l'emploi salarié des IAA avait augmenté tout au long de l'année 2002, 3.700 postes ayant été créés dans ce secteur, alors que l'industrie manufacturière avait enregistré la perte de 88.000 emplois.

M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, s'est ensuite félicité des bonnes performances en termes de commerce extérieur des IAA, l'excédent commercial dégagé en 2002 par les échanges de produits agroalimentaires s'étant accru de 900 millions d'euros par rapport à 2001, en raison d'une croissance des exportations plus élevée que celle des importations, portant le solde du commerce extérieur à 8,4 milliards d'euros. Il a constaté que les principaux secteurs excédentaires concernaient les vins et spiritueux, les céréales et les produits laitiers, notant que les exportations avaient tout particulièrement augmenté vers les pays européens candidats à l'adhésion, la Russie et les Etats-Unis. Il a souligné que ces bons résultats maintenaient la France dans son rang de deuxième exportateur mondial derrière les Etats-Unis pour l'ensemble des produits agricoles et alimentaires, et de leader mondial dans le commerce de produits transformés.

Remarquant toutefois que les résultats globalement satisfaisants des IAA masquaient certains éléments plus inquiétants, M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, a fait tout d'abord état d'une diminution de leurs parts de marché dans la presque totalité des secteurs européens et internationaux. Il a expliqué ce recul, amorcé dès le début des années 90, par la montée en puissance de nouveaux pays émergents dans le secteur de l'agroalimentaire.

Il a également observé que les IAA étaient aujourd'hui fortement oligopolistiques et très hétérogènes, relevant que quelques grands groupes d'agroalimentaire français concentraient l'essentiel du chiffre d'affaires du secteur et pouvaient aisément faire pression sur l'amont de la filière (producteurs) comme sur l'aval (distributeurs), tandis que les petites et moyennes entreprises, bien que très largement majoritaires, connaissaient pour certaines une situation économique ou financière délicate et peinaient à trouver des débouchés satisfaisants.

Il a jugé par ailleurs que la présence des grands groupes d'agroalimentaire français à l'international était relative, les groupes américains étant surreprésentés, et incertaine, l'indépendance de ces grands groupes français étant pour certains menacée.

Il a ensuite déploré l'insuffisance notoire des efforts de recherche et de développement consentis par les IAA, notant que le taux de valeur ajoutée y étant consacrée était le plus faible de l'ensemble des entreprises du secteur industriel. Il a expliqué cette carence par le fait que les PME, qui constituent la quasi-totalité des entreprises du secteur, peinaient à financer des programmes de recherche souvent onéreux.

Il s'est enfin inquiété des relations des IAA avec la grande distribution et du problème des « marges arrières », indiquant que la multiplication des mesures législatives et l'engagement d'un dialogue entre les acteurs concernés n'avaient pas mis fin à des pratiques menaçant aujourd'hui l'équilibre économique de toute la filière.

Après avoir brièvement présenté quatre dossiers concernant l'action des pouvoirs publics, à savoir les évolutions politico-juridiques concernant les OGM, la réforme de la législation européenne en matière d'hygiène alimentaire, la politique de traçabilité des produits d'origine agricole et les politiques de promotion des produits agroalimentaires, M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, a abordé l'examen des crédits, affirmant que le projet de budget pour 2004 retraçait des évolutions globalement inquiétantes.

Il a tout d'abord fait état du recul de presque 10 % des crédits destinés à la politique industrielle, consacrés au soutien à l'investissement des entreprises agroalimentaires, en raison de la baisse très sensible des crédits affectés au versement de la part régionale de la prime d'orientation agricole (POA).

Evoquant ensuite les crédits consacrés à la recherche, il a effectué un double constat :

- sur la forme, il a observé que la présentation qu'en faisait le Gouvernement dans le « bleu » budgétaire n'était pas satisfaisante, les crédits ayant en effet été regroupés et fondus dans un programme commun où n'apparaissait plus leur ventilation en chapitres et articles, dans le cadre de la mise en oeuvre progressive de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ;

- sur le fond, il a indiqué que ces crédits accusaient cette année une nouvelle baisse non négligeable de 6,4 %, ajoutant qu'étaient visés plus particulièrement les subventions de fonctionnement de l'INRA et les crédits finançant la recherche appliquée au secteur agroalimentaire.

S'agissant des crédits consacrés à la promotion des produits agricoles et alimentaires, il a observé qu'ils diminuaient de 26,3 %, une baisse substantielle qu'il a considérée comme préoccupante, ces dotations étant principalement destinées au financement de la Sopexa - société pour l'expansion des ventes de produits agricoles et alimentaires -, entreprise de service public faisant face à une concurrence accrue depuis la libéralisation du marché de la promotion agroalimentaire.

Abordant alors les crédits destinés à la politique de la qualité, en quasi-reconduction par rapport à l'exercice précédent, il a noté que cette stabilité masquait une réduction inquiétante des subventions de fonctionnement de l'INAO à un moment où l'organisme public devait faire face à des charges croissantes.

Enfin, M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, a exprimé ses interrogations quant à l'évolution des crédits consacrés à la sécurité alimentaire, observant que :

- les crédits en faveur de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) augmentaient pour ce qui est du financement des dépenses ordinaires mais diminuaient en ce qui concerne le financement des dépenses d'investissement ;

- les dotations consacrées à l'hygiène alimentaire faisaient l'objet d'évolutions contrastées, certaines augmentant notablement, l'une étant reconduite et les dernières, affectées aux services vétérinaires et phytosanitaires, diminuant, suscitant l'incompréhension des professionnels du secteur à l'heure où la rémanence de certaines crises sanitaires était loin d'être écartée ;

- enfin, les crédits destinés au secteur de l'équarrissage enregistraient une très forte baisse de 70 %, correspondant à une « perte » de près de 200 millions d'euros. Expliquant que cette évolution traduisait la réforme du service public de l'équarrissage, désormais financé par une taxe spécifique d'équarrissage prélevée au niveau des abattoirs et dont le produit serait affecté au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), il s'est inquiété d'un risque de transfert de charges vers des éleveurs déjà très fragilisés par les crises touchant ou ayant touché leur secteur, ou bien vers un consommateur dont l'élasticité de la demande à la hausse des prix est relativement forte.

En conclusion, M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il s'en remettait à la sagesse du Sénat quant à l'adoption des crédits de l'agriculture destinés à l'industrie agroalimentaire, exprimant qu'après avoir longtemps pensé donner un avis défavorable, il avait été rassuré par les éléments d'information apportés la veille par M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, à l'occasion de son audition par la commission sur le projet de budget.

Revenant sur le dossier des OGM évoqué par le rapporteur pour avis, M. Gérard Larcher, président, a indiqué qu'il s'était rendu, la veille, au siège d'Ouest-France, à Rennes, en compagnie de MM. Jean Bizet et Jean-Marc Pastor, afin d'y présenter, en présence de M. François-Régis Hutin, président-directeur général du groupe, les conclusions de la mission d'information sur les enjeux économiques et environnementaux des OGM, présidée par M. Jean Bizet, et dont le rapporteur était M. Jean-Marc Pastor. Evoquant les difficultés liées à la transposition de la directive européenne relative à la dissémination volontaire d'OGM, il a précisé avoir demandé au Gouvernement qu'elle se fasse par la voie législative et non par le biais d'ordonnances, rappelant que le rapport de la mission d'information soulignait la nécessité d'associer étroitement le Parlement à ces travaux.

Répondant ensuite à Mme Odette Herviaux, qui s'était interrogée sur l'existence de mesures de soutien financier aux filières agroalimentaires en difficulté dans certaines régions, M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, a indiqué qu'aucune ligne budgétaire n'était spécifiquement prévue à cet effet.

M. Daniel Raoul a déploré la faiblesse des dotations consacrées à la recherche en matière agroalimentaire, estimant que des efforts conséquents devraient être effectués en ce domaine afin de valoriser de façon optimale les produits français.

Commentant les bons résultats du secteur des boissons en 2002, M. Jean Pépin s'est demandé si le secteur des vins ne risquait pas de connaître une année 2003 difficile en raison des conséquences de la sécheresse. En réponse, M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, a précisé que les exportations de ce secteur enregistraient effectivement une baisse en 2003, mais que celle-ci n'était pas aussi importante que prévu et que les problèmes viendraient davantage de réglementations de santé publique mettant en exergue la dangerosité du vin.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux industries agricoles et alimentaires dans le projet de loi de finances pour 2004, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen votant contre.

PJLF pour 2004 - Urbanisme - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Bernard Piras sur les crédits consacrésà l'urbanisme dans le projet de loi de finances pour 2004.

Après avoir rappelé que le budget de l'urbanisme représentait un volume de crédits assez modique par rapport au budget global, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a indiqué que celui-ci visait essentiellement deux objectifs : d'une part la conduite des politiques foncières, d'autre part le soutien à l'élaboration des documents de planification urbaine.

Abordant d'abord la question des politiques foncières, il a souligné l'orientation à la baisse de la dotation regroupant les différentes actions de l'Etat en matière foncière, qui revient de 31 millions d'euros en autorisations de programme (AP) à 27,5 millions d'euros en 2004, soit une baisse de 11,45 %.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a ensuite développé les grands axes de la politique foncière de l'Etat. Il a d'abord indiqué que le soutien aux syndicats d'agglomération nouvelle les plus endettés revenait de 13 millions d'euros en 2003 à 12 millions d'euros en 2004, et relevé que les crédits consacrés à l'aménagement des voiries primaires des villes nouvelles étaient transférés en 2004 du budget des routes à celui de l'urbanisme, à hauteur de 3,8 millions d'euros en AP.

Après avoir évoqué le soutien aux grandes opérations d'aménagement comme l'opération Méditerranée à Marseille, ou celle de la Plaine de France en Seine-Saint-Denis, il a mentionné la participation de l'Etat au volet foncier des contrats de plan Etat-région (CPER) 2000-2006. En Ile-de-France, a-t-il indiqué, la part dévolue à l'Etat s'élève à 46 millions d'euros pour la période, portée à 108 millions d'euros dans le cadre de la convention foncière signée le 15 juin 2001 entre l'Etat et la région d'Ile-de-France ; dans les autres régions, la participation de l'Etat aux CPER est de 66 millions d'euros. Observant que la dotation contribuant à ces deux dernières actions était en baisse de 13,8 % (de 18 millions d'euros en AP à 15,5 millions d'euros), il a ajouté qu'elle comprendrait, en 2004, un objectif supplémentaire par rapport à 2003, puisqu'elle devra financer le nouveau dispositif de soutien à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale (SCOT).

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a enfin souhaité attirer l'attention de la commission sur trois éléments concernant la politique foncière : l'apparition de trois nouveaux établissements fonciers locaux, et la publication, en mai 2003, d'un guide à visée pédagogique qui leur est consacré, l'attribution aux communes dotées d'une carte communale d'un droit de préemption, et la situation financière préoccupante des agences dites des « 50 pas géométriques » ainsi que de l'Etablissement public d'aménagement de la Guyane. A cet égard, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, s'est réjoui que, conformément au souhait émis lors de son avis sur le budget 2003, la durée de vie des agences, initialement fixée à 10 ans, ait été prolongée en 2003 à 15 ans. En revanche, il a déploré que les ressources de ces agences reposent aujourd'hui sur le seul produit de la taxe spéciale d'équipement, qui reste relativement modeste.

Evoquant ensuite le soutien à l'élaboration des documents d'urbanisme, second objectif assigné au budget de l'urbanisme, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a énuméré les différentes dotations attribuées aux communes :

- un concours particulier créé au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD), qui devrait s'élever en 2004 à 16,6 millions d'euros, visant à compenser les transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales ;

- une dotation pour les « études en matière de construction, de logement, d'habitat et d'urbanisme », qui subit une nette diminution pour 2004, de 20,44 millions d'euros en AP à 18 millions d'euros, soit une baisse de 11 %, de même que les crédits des agences d'urbanisme, qui baissent de 4,3 % ;

- une aide financière aux communes et groupements de communes qui décideront d'établir un SCOT à raison d'un euro maximum par habitant, applicable à compter du 1er janvier 2004, jusqu'au 31 décembre 2007, dont le montant en AP devrait être de 3,5 millions d'euros pour l'année 2004 ;

- une dotation visant la compensation financière des charges résultant des contrats d'assurance destinés à garantir les communes contre les risques de contentieux, dont le taux de progression serait de 2,17 %.

Rappelant que le coût d'élaboration d'un plan local d'urbanisme (PLU) pour une commune de 10.000 à 20.000 habitants était estimé à environ 44.000 €, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a regretté la baisse du soutien financier et technique de l'Etat.

Au sujet de l'état d'avancement des documents de planification, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, s'est d'abord réjoui que les communes bénéficient désormais de l'éligibilité des documents d'urbanisme au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée. Il a ensuite indiqué que les documents d'urbanisme connaissaient une croissance assez régulière : au 1er janvier 2003, le nombre de nouveaux périmètres de SCOT arrêtés était en forte augmentation par rapport au 1er janvier 2002, au 1er juillet 2003, le nombre de communes couvertes par un plan d'occupation des sols (POS) ou un PLU approuvé était estimé à 16.150, soit 89,4 % de la population totale, et en 2002, 180 communes disposaient d'une carte communale approuvée.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a ensuite déploré les conséquences de la disposition du projet de loi relatif aux responsabilités locales concernant la fin de l'aide gratuite apportée par les services déconcentrés aux communes de plus de 10.000 habitants pour l'instruction des actes d'application du droit des sols. Plus de la moitié des communes entre 10.000 et 50.000 habitants, a-t-il précisé, ont aujourd'hui recours à cette aide. Il a estimé nécessaire qu'en tout état de cause, l'assistance aux communes de moins de 10.000 habitants soit conservée et si possible renforcée.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a enfin attiré l'attention de la commission sur la lenteur du Gouvernement à prendre les décrets d'application des textes législatifs, citant à cet égard le décret relatif aux estuaires et le décret rendant les cartes communales éligibles à la DGD, fortement attendu en raison du coût important des cartes communales, évalué à 10.000 euros en moyenne.

Après avoir rappelé l'extrême lenteur d'élaboration des sept directives territoriales d'aménagement, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a souligné la multiplication des lois relatives à l'urbanisme et la complexité croissante du droit de l'urbanisme. L'Etat, a-t-il estimé, doit apporter un soutien financier à la hauteur des compétences transférées aux communes. En conséquence, il a indiqué qu'il ne pouvait demander à la commission que d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'urbanisme inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004.

Après avoir déploré la baisse continue des crédits de l'urbanisme et le désengagement progressif de l'Etat, M. Daniel Reiner a plus particulièrement mis en avant les difficultés des petites communes en matière d'urbanisme. Evoquant la circulaire ATESAT (assistance technique fournie par l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire), il a dénoncé la réduction de l'aide technique apportée aux petites communes en fonction de leur potentiel fiscal. A cet égard, il a souligné que le droit du sol était de plus en plus complexe et que les petites communes seraient en conséquence bientôt obligées de recourir à des bureaux d'étude privés. Qualifiant de « travail destructeur » l'actuelle démarche de décentralisation, il a estimé que l'on ne pouvait pas responsabiliser les acteurs locaux sans leur donner les moyens nécessaires en retour, et a relevé que ce jugement était très largement partagé.

M. Jean-Paul Emorine a également évoqué la restriction de l'aide apportée aux petites communes dotées d'un fort potentiel fiscal.

Mme Odette Herviaux a précisé qu'il fallait distinguer la possibilité, pour les plus petites communes, de passer des conventions avec les services déconcentrés pour l'élaboration des documents d'urbanisme, de l'aide technique apportée aux communes dans le domaine de la voirie, cette dernière étant attribuée en fonction du potentiel fiscal des communes.

Regrettant à son tour le « désengagement » de l'Etat entamé depuis longtemps, M. Michel Bécot a fait part des difficultés à trouver des bureaux d'étude de qualité en milieu rural.

En réponse, et sur la suggestion de M. Gérard Larcher, président, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a proposé de préciser ces éléments dans son rapport.

A cet égard, M. Jean-Pierre Vial a souhaité que le ministère de l'équipement fournisse des réponses précises sur les différentes aides apportées par les services déconcentrés aux communes en fonction de leur taille, qu'il s'agisse de l'aide à l'étude technique, de l'aide à la décision, ou du conseil.

A propos de la dotation allouée aux syndicats de villes nouvelles les plus endettées, M. Gérard Larcher, président, a évoqué le retour progressif au droit commun des villes nouvelles pour expliquer la réduction concomitante du champ d'application de cette dotation.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a confirmé que la dissolution progressive des établissements publics d'aménagement des villes nouvelles induisait une baisse mécanique des crédits concernés.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'urbanisme dans le projet de loi de finances pour 2004, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen votant contre.

PJLF pour 2004 - Outre-mer - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Daniel Raoul sur les crédits consacrésà l'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2004.

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé que l'année 2003 avait été marquée par deux avancées importantes pour l'outre-mer :

- la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a procédé à une refonte du cadre juridique applicable à l'outre-mer en distinguant les collectivités soumises au principe de l'assimilation législative, que sont aujourd'hui les départements et les régions d'outre-mer, des autres collectivités régies par le principe de spécialité législative. Les nouvelles dispositions, a-t-il souligné, facilitent les évolutions institutionnelles afin de tenir davantage compte des aspirations des populations ;

- l'adoption de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, qui vise principalement à relancer l'emploi et l'investissement privé, grâce à un renforcement des allègements de charges et à un élargissement du dispositif de défiscalisation.

Il a ensuite insisté sur les difficultés économiques persistantes de l'outre-mer français, constatant à cet égard que les résultats publiés pour l'année 2002 témoignaient d'un sensible ralentissement conjoncturel, lié au recul de l'investissement et de la consommation, et d'une crise du tourisme qui s'installe dans la durée, notamment dans les Antilles. Le chômage, a-t-il ajouté, est partout très élevé et touche au premier chef un public jeune sans qualification.

Après avoir rappelé que le budget du ministère de l'outre-mer ne rassemblait que 11 % de l'ensemble des crédits ministériels destinés à l'outre-mer, il a estimé que, compte tenu du contexte, le projet de budget pour 2004 ne lui paraissait pas à la hauteur des ambitions affichées.

Il a indiqué que les crédits de ce ministère s'élevaient, pour 2004, à 1,121 milliard d'euros contre 1,085 l'année dernière, soit une progression de 3,3 %, ce qui peut sembler appréciable dans un contexte budgétaire tendu. Il a précisé que les dépenses ordinaires, d'un montant total de 863 millions d'euros et en hausse de 6 %, représentaient près de 77 % de l'ensemble des dépenses, contre 258 millions d'euros pour les dépenses en capital, en recul de 6,6 %.

Analysant les grandes masses de dépenses par destination, il a noté la place toujours importante qu'y occupent l'emploi et l'insertion sociale (58 %) et le logement (15 %), soulignant que les crédits à vocation sociale représentaient près des trois quarts de ce budget (73 %).

Détaillant ensuite le contenu du projet de budget, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a considéré qu'il se caractérisait par un volet social globalement préservé, un soutien aux collectivités territoriales renforcé et des crédits d'investissement sacrifiés.

Ainsi, il a tout d'abord indiqué que la stabilité apparente des dépenses à vocation sociale n'en recouvrait pas moins une évolution contrastée. Ayant pris acte de la reconduction à 477 millions d'euros des crédits destinés à l'emploi et à l'insertion professionnelle, il a mis l'accent sur la fusion de l'ensemble des lignes budgétaires auparavant affectées au financement des différentes mesures pour l'emploi en une dotation unique destinée au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte (FEDOM), afin d'optimiser la répartition des crédits en cours d'année selon les besoins réels des différents dispositifs, une dotation de 70 millions d'euros étant toutefois détachée de cette enveloppe globale afin de permettre une expérimentation de gestion des crédits par mission en Martinique. Il a estimé que la simple reconduction des crédits pour l'emploi impliquerait nécessairement des redéploiements pour financer les mesures nouvelles issues de la loi-programme, telles que le contrat d'accès à l'emploi rénové, l'aide à l'embauche des jeunes diplômés ou encore une partie des allègements de charges sociales supplémentaires.

Relevant que les crédits destinés au logement étaient, eux aussi, reconduits (287,5 millions d'euros en autorisations de programme et 173 millions d'euros en crédits de paiement), il a insisté sur les difficultés persistantes rencontrées pour réaliser les opérations de construction projetées, notamment en raison du coût du foncier et de la nécessité de viabiliser au préalable les terrains, et rappelé que les besoins en logements sociaux restaient considérables, compte tenu de la croissance démographique.

Puis M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a expliqué que la plus importante augmentation de dépenses visait à financer la revalorisation du plafond d'éligibilité à la couverture maladie universelle complémentaire, afin de tenir compte du coût plus élevé des soins dans les DOM, estimant que cette dépense de 50 millions d'euros constituait la seule vraie mesure d'envergure de ce projet de budget.

Il a souligné que deux catégories de crédits à caractère social subissaient, en revanche, un ajustement à la baisse :

- les dépenses de formation professionnelle, en diminution de 7 millions d'euros ;

- les crédits d'action sociale (7 millions d'euros en valeur), dont le recul de 16 % affectera en priorité le dispositif de passeport-mobilité qui, a-t-il rappelé, subventionne un trajet aérien annuel pour les jeunes poursuivant des études en dehors de leur collectivité d'origine.

A cet égard, il a fait observer que le dispositif de soutien à la continuité territoriale instauré par l'article 60 de la loi de programme de juillet 2003 ne serait pas financé par le budget de l'outre-mer, le Gouvernement ayant choisi d'inscrire la dotation correspondante de 30 millions d'euros au budget du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), évitant ainsi de faire apparaître une augmentation excessive des dépenses du ministère de l'outre-mer, mais contribuant à une nouvelle dispersion des crédits qui relèvent naturellement de son action.

S'agissant du soutien aux collectivités territoriales, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a considéré que le projet de budget pour 2004 permettait à l'Etat de respecter ses engagements envers les collectivités d'outre-mer, grâce à une progression, non seulement des dotations obligatoires destinées, notamment, à compenser les exonérations de taxes foncières imposées par l'Etat (8 millions d'euros), mais également des subventions facultatives (82 millions d'euros) et des dotations globales destinées à la Nouvelle-Calédonie (86,2 millions d'euros).

Enfin, il a regretté la forte diminution des crédits d'investissement, qui concerne plus de 22 millions d'euros en autorisations de programme et 41 millions d'euros en crédits de paiement.

Ainsi, a-t-il constaté, les crédits du Fonds d'investissement des DOM (FIDOM) baissent de près de 14 % en autorisations de programme et de 37,5 % en crédits de paiement, pour s'établir respectivement à 34,3 et 23,6 millions d'euros. Il a estimé que cette évolution, qui fait suite à des mesures de régulation budgétaire en 2003, était préoccupante, dans la mesure où elle pourrait conduire à freiner la mise en oeuvre des contrats de plan Etat-régions et, par conséquent, la consommation des crédits européens qui leur sont liés, avec le risque que ces derniers soient purement et simplement supprimés en application de la règle du « dégagement d'office ». Il a noté que la même tendance à la baisse se retrouvait s'agissant des crédits du Fonds d'intervention pour le développement économique et social des TOM (FIDES), en recul de 12 % en autorisations de programme, et ainsi que pour certaines dotations d'investissement aux collectivités locales d'outre-mer, comme celle destinée à financer le plan de développement de l'agriculture guyanaise, la seule progression enregistrée étant celle des crédits d'investissement directs de l'Etat.

Rappelant les aspects du projet de budget qui lui semblaient les plus contestables, en particulier l'insuffisance des dotations prévues pour l'emploi au regard des engagements pris dans le cadre de la loi-programme, la réduction importante des crédits destinés au soutien de l'investissement et le rattachement de la dotation de continuité territoriale au FIATA, il a, par ailleurs, regretté la pérennisation de dépenses excessives, comme celles liées à la surrémunération des fonctionnaires, dont le coût, pour le seul ministère de l'outre-mer, représente 9 millions d'euros. Il a alors exprimé sa plus grande réserve sur ce projet de budget.

En marge de l'examen des crédits, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a, par ailleurs, indiqué que l'Assemblée nationale avait voté, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2004, la suppression d'un mécanisme assez ancien qui aboutissait à rembourser aux entreprises ultra-marines importatrices de biens intermédiaires une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu'elles n'avaient pas acquittée, en compensation du surcoût lié à l'éloignement et au transport des marchandises. Relevant que ce dispositif représentait indéniablement un soutien aux entreprises et donc à l'activité économique outre-mer, il a fait savoir qu'il demanderait au Gouvernement dans quelle mesure l'économie ainsi réalisée serait redéployée en faveur de l'outre-mer.

M. Dominique Braye s'étant interrogé sur l'application de la TVA dans les départements d'outre-mer, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a expliqué qu'il existait des taux réduits dans les DOM mais qu'en l'espèce, les entreprises bénéficiaient d'un droit à récupération sur des biens acquis en exonération de TVA.

Soulignant que ce mécanisme apparaissait aussi comme un moyen de compenser l'octroi de mer, M. Gérard Larcher, président, a souhaité que la ministre de l'outre-mer soit également interrogée sur l'articulation entre la suppression de ce dispositif et le maintien de l'octroi de mer.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2004, les groupes socialistes et communiste républicain et citoyen ayant voté contre.

PJLF pour 2004 - Tourisme - Examen du rapport pour avis

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Charles Ginésy sur les crédits consacrés au tourisme dans le projet de loi de finances pour 2004.

A titre liminaire, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a souligné que l'examen des crédits consacrés au tourisme s'inscrivait cette année dans un contexte très défavorable. Il a tout d'abord évoqué la situation économique nationale et mondiale, observant que lorsque les difficultés économiques s'accumulent, le tourisme en souffre particulièrement, car le budget que les ménages consacrent à leurs loisirs devient nécessairement la variable d'ajustement. Au-delà de ces considérations, il a indiqué que l'activité touristique avait été durement pénalisée, depuis les odieux attentats du 11 septembre 2001, par la succession des violences terroristes en 2002 et 2003 dans de nombreux pays à la vocation touristique affirmée ou en devenir, qui a entretenu un climat de défiance généralisée à l'égard des voyages, à laquelle se sont ajoutés, à compter de mars 2003, le déclenchement des hostilités en Irak, qui a lourdement et durablement pesé sur le climat général du secteur touristique, puis l'épidémie de pneumopathie atypique (SRAS), qui a littéralement sinistré la zone asiatique et fortement perturbé tout le secteur aérien jusqu'à l'été 2003.

Puis M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a relevé que dans cet environnement général peu porteur, la France avait en outre connu des difficultés très importantes qui lui étaient propres : la marée noire provoquée par le naufrage du Prestige en novembre 2002, qui a pénalisé le tourisme aquitain tout au long de l'année 2003 ; la multiplication des incendies de forêt en juillet et en août 2003, notamment dans des régions fortement dédiées au tourisme telles la Côte d'Azur et la Corse ; la canicule estivale, qui a conduit de nombreux touristes européens venant habituellement en France chercher le soleil à demeurer chez eux ; et enfin le climat social agité ayant prévalu tout au long du printemps et de l'été (grèves à l'occasion de la réforme des retraites, arrêts de travail des contrôleurs aériens, et mouvement des intermittents du spectacle, qui a provoqué une vague sans précédent d'annulations de festivals aux quatre coins du pays), qui n'a pas amélioré l'image du pays auprès des clientèles étrangères et qui, pour beaucoup, a directement affecté des activités étroitement liées au tourisme.

Indiquant que, dans ces conditions, il était acquis que l'année touristique 2003 serait en recul quasi généralisé,M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a observé que le bilan de la saison 2002 témoignait pourtant de la solidité structurelle des « fondamentaux » du tourisme français : un nombre des visiteurs étrangers en France s'étant élevé à 77 millions, en progression de 2,4 %, une position de première destination mondiale maintenue, un solde positif de 15 milliards d'euros permettant au poste tourisme d'occuper toujours la première place dans la balance des paiements, et une augmentation de 4,3 % des séjours personnels des Français dans l'hexagone, le nombre des nuitées ayant connu, pour sa part, une croissance de 3,8 %.

Au reste, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a constaté que l'année 2002 avait confirmé les tendances observées dès 2001, citant, parmi les plus significatives :

- la nouvelle diminution des clientèles américaine et japonaise en raison, pour l'essentiel, des difficultés boursières qui affectent les fonds de pension américains et de la faiblesse persistante de l'économie nippone ; observant que cette désaffection, qui pénalise la région Île-de-France et la Riviera Côte d'Azur, ainsi que les secteurs des hôtels haut de gamme, des voyagistes et des entreprises de transport aérien, n'était pas compensée par l'augmentation des clientèles italiennes et espagnoles, ainsi que nord-européennes, dont le pouvoir d'achat est beaucoup moins important, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a fait valoir que cette modification de la structure par nationalité de la clientèle étrangère avait pesé d'environ 5 % sur la baisse des recettes ;

- la priorité donnée par les Français aux vacances hexagonales, l'augmentation de leurs déplacements à l'étranger étant plus que compensée par la réduction de leurs séjours ;

- la généralisation, sur tous les segments des marchés, du fractionnement des séjours, de leur durée limitée, et des départs à la dernière minute, en particulier chez les jeunes, les cadres et professions libérales et, naturellement, les personnes sans enfant au foyer, comme les retraités ;

- la stabilité des destinations et des motifs des déplacements, le littoral et la campagne restant les destinations les plus fréquentées, et les visites à la famille et aux amis constituant plus de la moitié des motifs des déplacements personnels. M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a toutefois noté une érosion des trois régions habituellement les plus réceptrices - PACA, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon -, au profit notamment de l'Auvergne et de régions situées au nord de la Loire. Il a indiqué que ces dernières, telles la Bretagne ou les Normandie, avaient connu en 2003 une très forte progression en raison de la canicule, et souligné la diminution du secteur marchand de l'hébergement en raison de la réduction des séjours en campings et en clubs et villages de vacances ;

- la résistance des résultats économiques globaux malgré les difficultés conjoncturelles, le chiffre d'affaires des agences de voyage ayant stagné en dépit d'une baisse du volume clients supérieure à - 6 % et le trafic aérien ayant connu des pertes somme toute limitées après la très difficile année 2001 et malgré l'essor de 85 % des compagnies aériennes à bas prix. En outre, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, s'est félicité de l'excellent résultat de la saison hivernale 2002-2003, grâce aux conditions climatiques exceptionnelles, et surtout de l'homogénéité de ce bilan positif, qui a concerné cette année tous les massifs.

Puis M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a cité les mesures conjoncturelles prises par le gouvernement pour aider le secteur du tourisme dans les phases difficiles qu'il a traversées : un plan d'aide aux professionnels après les attentats de 2001, l'installation d'une cellule de crise ministérielle à partir de février 2003, très active après le début du conflit irakien et pendant l'épidémie de SRAS, ou encore la mise en place d'un dispositif exceptionnel de soutien financier d'un million d'euros à la suite des incendies de cet été. Il a également mentionné la réunion, pour la première fois depuis vingt ans, d'un comité interministériel du tourisme en septembre dernier, qui a défini une véritable stratégie nationale se déclinant en une cinquantaine de mesures pour conforter la première place de la France sur le marché du tourisme. Il a notamment évoqué :

- le plan de relance de la destination « France », grâce à un renforcement très sensible, de 8 millions d'euros supplémentaires sur deux ans, des moyens de « Maison de la France » alloués aux campagnes de promotion ;

- la mise en place d'un « Plan Qualité France », avec la création d'une marque et d'un logo assurant une offre sécurisée et lisible à destination des clientèles française et étrangère ;

- l'installation d'« Assises nationales du tourisme », qui réuniront chaque année administrations et professionnels du tourisme pour améliorer la connaissance statistique et économique du secteur, définir la stratégie nationale du tourisme et favoriser l'action internationale de la France dans ce domaine, les premières Assises devant se tenir les 8 et 9 décembre prochain.

M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a par ailleurs rappelé que l'environnement juridique du tourisme était appelé à profondément évoluer, citant à cet égard :

- la loi d'habilitation du 2 juillet 2003, grâce à laquelle, par ordonnances, la partie législative du code du tourisme va être prête au premier trimestre 2004 et la profession d'agent de voyage modernisée au printemps ;

- le projet de loi relatif aux responsabilités locales, dont l'article 3 procède à une redistribution des rôles en matière touristique entre l'Etat et la région, confiant notamment à celle-ci le classement des équipements et organismes de tourisme, et dont l'article 4 modernise et harmonise la législation relative aux offices de tourisme ;

- ainsi que la réforme du régime des stations classées et la refonte du dispositif de la taxe de séjour qui, attendues avec impatience par les professionnels du tourisme et les collectivités territoriales, devraient être mises en oeuvre en 2004.

Abordant alors le projet de budget pour 2004, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a observé qu'à structure constante et compte tenu de la dotation supplémentaire de 4 millions d'euros allouée à « Maison de la France » par le comité interministériel du 9 septembre 2003, les moyens de paiement étaient stabilisés à 74,1 millions d'euros, et les moyens d'engagement diminuaient d'un peu plus de 5 %, à 75,6 millions d'euros.

S'agissant des priorités du secrétaire d'Etat au tourisme, il a tout d'abord évoqué le renforcement de la promotion de la destination « France » afin de mieux exploiter son potentiel : la progression à 33 millions d'euros de la contribution de l'Etat aux actions de promotion de la France à l'étranger, contribution qui assure pratiquement la moitié du budget du groupement d'intérêt économique "Maison de la France", lequel est financé parallèlement par les professionnels membres du groupement, ainsi que la stabilisation à hauteur de 2,5 millions d'euros de la dotation pour les études d'impact, à laquelle s'ajoutera un fonds de concours de près d'1,3 million d'euros de la part de la Banque de France pour financer certaines enquêtes de la direction du tourisme.

Evoquant le deuxième axe prioritaire, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a indiqué qu'au-delà des 450.000 euros qui seront consacrés à la mise en oeuvre du plan « Qualité France » pour favoriser le développement touristique durable, le secrétariat d'Etat s'appuierait, comme traditionnellement, sur la contractualisation avec les régions dans le cadre des contrats de plan Etat/Régions. A cet égard, il a souligné que l'année 2004 constituerait une année forte pour ces contrats grâce à une augmentation des crédits de paiement, à hauteur de près de 8 millions d'euros. Observant en revanche la très nette contraction des crédits demandés pour les interventions publiques en faveur du développement territorial du tourisme, en raison de la faible consommation des crédits sur 2002 et des besoins très importants en crédits de paiement pour les dépenses en capital en 2004, il a estimé que, dans le contexte actuel de maîtrise des dépenses publiques, cette hiérarchisation des priorités en faveur des crédits d'investissement était nécessaire.

Enfin, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a déclaré que la troisième priorité du secrétaire d'Etat pour 2004 était la meilleure prise en compte de l'accès de tous aux vacances, par la poursuite de l'effort en faveur du programme de consolidation des hébergements de tourisme social - 3,4 millions d'euros en moyens d'engagement et 2,6 en moyens de paiement y étant consacrés en 2004 - et par l'inscription de plus d'1,5 million d'euros pour les actions destinées à développer l'accès aux vacances des personnes handicapées, des jeunes et des personnes en difficulté sociale. A cet égard, il s'est notamment félicité que la structuration du GIE "Bourse solidarité vacances" ait permis de faire partir 36.000 personnes en vacances en 2002, alors que les objectifs tablaient sur 30.000 personnes, et permette d'envisager de dépasser le nombre de 40.000 pour 2003.

En conclusion de son propos, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a souhaité attirer l'attention de la commission sur trois enjeux structurels majeurs lui semblant nécessiter une réflexion approfondie et des réponses adaptées de la part des professionnels du tourisme et des pouvoirs publics. Il a tout d'abord souligné l'inquiétante faiblesse de notre pays à rentabiliser la présence des touristes sur son sol, évoquant l'Espagne, l'Angleterre ou l'Allemagne comme exemples d'un meilleur contenu en valeur ajoutée de l'activité touristique nationale. Il a ensuite déploré que la France ne soit pas bien positionnée sur le tourisme d'affaires, créneau très porteur et à haute valeur ajoutée, considérant qu'à l'exception de Paris et de l'Île-de-France, ainsi que de la Côte d'Azur, ce segment de marché n'était pas suffisamment « travaillé » par les professionnels et les responsables locaux. Il a enfin jugé indispensable de répondre au défi de la « désaisonnalisation » de l'activité touristique, modification profonde et durable du comportement des consommateurs à laquelle il est nécessaire que l'offre française soit en mesure de répondre, sauf à ce que les clientèles, nationale comme étrangères, désertent l'hexagone.

Un débat s'est engagé à l'issue de cet exposé.

Exprimant également ses inquiétudes quant à la faiblesse des ressources tirées de l'activité touristique par rapport aux potentialités démontrées par les exemples étrangers, M. Gérard Bailly a estimé nécessaire d'assurer une plus grande professionnalisation des acteurs économiques par un renforcement de la formation initiale et permanente. Il a par ailleurs souhaité que s'engage rapidement une réflexion sur les taxes de séjour, dont le dispositif montre aujourd'hui ses limites, et que le secrétaire d'Etat soit saisi des difficultés à venir pour le tourisme rural en raison de l'arrêt des programmes de soutien financés par les fonds européens du FEOGA et du FEDER. En réponse, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a exprimé son plein accord sur la nécessité d'améliorer la formation des acteurs du tourisme afin de maintenir la qualité de l'accueil et des prestations, qui peut parfois souffrir, notamment en zones rurales et de montagne, d'un manque criant de professionnalisme. Puis, après avoir indiqué qu'un groupe de travail avait été constitué à la suite du comité interministériel pour procéder à la refonte, d'ici la fin 2004, du régime des taxes de séjour, il a souligné partager les inquiétudes exprimées quant au tarissement des financements européens, tout en soulignant que certains pays, telle l'Italie, avaient su en tirer bien mieux parti que la France.

Puis, après avoir déploré le paradoxe consistant à traiter le secteur du tourisme avec un certain dédain alors qu'il s'agit d'une activité économique hautement rémunératrice, qui peut de plus constituer une issue structurante pour les régions affectées par la désindustrialisation, M. Daniel Reiner a observé que les moindres performances de la France, en termes de rentabilité de ses flux touristiques, tenaient pour beaucoup au fait que, géographiquement, notre pays n'était qu'un axe de passage de nombreux touristes européens en transit vers des destinations méridionales, ou un point d'entrée en Europe pour les clientèles non-européennes. Il a ensuite demandé si des études avaient été menées pour examiner si la réduction du temps de travail (RTT) avait permis à des Français appartenant jusqu'à présent à la catégorie de population ne partant jamais d'accéder aux vacances. Enfin, il s'est interrogé sur l'importance des flux touristiques en provenance de Russie, et sur les effets sur l'activité du secteur du tourisme de l'éventuelle suppression du caractère férié du lundi de Pentecôte.

Confirmant que la faiblesse comparée des recettes touristiques françaises s'expliquait pour partie par l'analyse développée par son collègue, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, a fait valoir que la progression des déplacements touristiques des Français étant largement supérieure à celle de la croissance démographique, il était incontestable que, chaque année, un nombre plus important de personnes découvraient les vacances. Il a toutefois indiqué n'avoir pas eu connaissance d'étude portant sur les effets de la RTT sur les populations habituellement non partantes, pas plus que d'étude examinant les effets potentiels de la suppression d'un jour férié. Enfin, s'agissant des touristes russes, il a souligné qu'ils étaient nombreux dans les départements du Sud de la France, tant d'ailleurs sur le littoral que dans les stations de montagne.

Soulignant le rôle essentiel de l'Agence française pour l'ingénierie touristique (AFIT) dans un contexte de concurrence accrue sur le marché du tourisme mondial, M. Michel Bécot a plaidé pour un maintien des crédits budgétaires qui lui sont alloués, afin qu'elle puisse continuer à assurer ses missions de conseil et d'analyse au profit des collectivités territoriales et des professionnels du tourisme, et qu'elle soit en mesure de conserver la qualité de ses compétences, qui devraient s'enrichir en 2004 par l'adjonction du service d'études et d'aménagement touristique de la montagne (SETAM) et de l'Observatoire national du tourisme (ONT). Après avoir informé M. Daniel Reiner qu'une analyse des conséquences de la RTT était en cours d'élaboration, il a rappelé que les crédits de l'AFIT avaient été amputés cette année de 200.000 euros, avant d'insister sur la nécessité d'une plus grande collaboration de l'AFIT avec les régions pour développer l'industrie touristique dans tous les territoires, et sur l'opportunité de créer un centre de recherche sur le tourisme afin de fédérer les études menées, de manière trop disparate, par les quelques chercheurs spécialisés dans ce secteur économique d'importance pourtant vitale.

Exprimant son entier accord avec les pistes ainsi tracées, M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis, après avoir fait valoir la métamorphose du tourisme en montagne en raison de l'exode rural et de la dépopulation, a relevé que la diminution des crédits de l'AFIT prévue pour 2004 n'était que de 3 % et suggéré, pour la compenser, que l'Agence valorise davantage ses travaux, dont l'excellence est unanimement reconnue, auprès de ses clients, notamment étrangers, avant que d'exprimer le souhait de s'entretenir de manière plus approfondie avec M. Michel Bécot, en tant que président de l'AFIT.

Puis, suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au tourisme dans le projet de loi de finances pour 2004, le groupe socialiste votant contre.

Marchés énergétiques - Communication

Au titre des questions diverses, M. Henri Revol a fait état de l'inquiétude manifestée au cours d'un entretien, que lui avaient accordé, en tant que président du groupe d'études de l'énergie, les représentants de l'UNIDEN - qui regroupe les grandes entreprises des secteurs de l'aluminium, du papier, de la verrerie, etc. très fortement consommatrices d'électricité - quant aux dysfonctionnements du marché libéralisé de l'électricité, dominé par quatre ou cinq opérateurs, et estimé important que la commission collecte des informations sur les mécanismes complexes qui dérèglent le marché. M. Gérard Larcher, président, a souscrit à cette suggestion, observant que l'existence d'autorités de régulation, telles que la commission de régulation de l'électricité (CRE), ne devait pas conduire à un dessaisissement du Parlement sur ces questions stratégiques d'approvisionnement énergétique. A cet égard, il s'est interrogé sur l'opportunité de prévoir le dépôt d'un rapport annuel de la CRE sur le bureau des assemblées.

Rappelant qu'il avait lui-même attiré l'attention du président Gérard Larcher sur cette question au début du mois de septembre, M. Daniel Reiner a estimé que les accidents notoires de l'été posaient la question du transport de l'électricité bien au-delà de nos seules frontières et, qu'à ce titre, il s'agissait d'un problème européen. Puis, considérant que les prix « délirants » qui avaient été exigés des industries consommatrices lors de certains « pics » résultaient du choix politique d'une libéralisation totale, il a jugé nécessaire que les problèmes soient abordés le plus tôt possible pour harmoniser et réguler le marché au plus vite. A cet égard, il s'est réjoui de l'initiative de M. Henri Revol et a exprimé le souhait d'être associé à la réflexion.

Indiquant qu'il y était naturellement favorable, M. Gérard Larcher, président, a suggéré qu'elle soit menée dans le cadre du groupe d'études de l'énergie, avant que ses conclusions ne soient soumises à la commission.

Jeudi 6 novembre 2003

- Présidence de M. Gérard César, vice-président. -

Aviation - Audition de M. Jean-Cyril Spinetta, président d'Air France

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Cyril Spinetta, président d'Air France.

M. Jean-Cyril Spinetta
a, tout d'abord, déclaré que l'industrie mondiale du transport aérien -qui ne dégage, de façon structurelle, que des profits faibles- se trouve actuellement dans une situation très délicate, pour quatre raisons :

- son métier exige un niveau d'investissement considérable alors même que le prix des avions reste stable ou en légère hausse en euros constants ;

- malgré les innovations technologiques, ce marché est caractérisé par la présence de centaines d'opérateurs dont beaucoup ne sont pas capables de réaliser un effort capitalistique suffisant ;

- pour la deuxième fois seulement de son histoire, ce secteur subit non pas un simple ralentissement de sa croissance, mais une diminution pure et simple de chiffre d'affaires, estimée à environ 10 %, depuis septembre 2001 ;

- enfin, certaines charges externes pesant sur les transporteurs, évoluent de façon procyclique puisque les redevances dues au titre de l'utilisation des infrastructures, des assurances ou de la sécurité augmentent lorsque le marché diminue, ce qui a, par exemple, pour effet de grever les résultats d'Air France d'environ 300 millions d'euros par an depuis 2001, soit un coût équivalent à une augmentation de 50 % des salaires de ses pilotes.

Il a souligné que le gouvernement des Etats-Unis, conscient de ce dernier problème, avait récemment décidé de prendre en charge les coûts de sûreté pour alléger les charges des compagnies aériennes.

Evoquant l'évolution du transport aérien européen, le président d'Air France a souligné que depuis l'ouverture du marché unique, ce secteur avait subi un changement fondamental, car il n'était plus régi, comme tel avait été le cas depuis l'origine, par l'attribution de droits de trafic résultant de négociations entre Etats souverains qui les remettaient à des champions nationaux, mais par le principe d'une liberté des échanges qui conduit le secteur à se réorganiser autour de trois grands opérateurs : Air France, British Airways et Lufthansa.

Il a insisté sur la différence qui existe désormais entre l'existence des droits de trafic qui continuent d'être échangés entre les Etats de l'Union européenne et le reste du monde, d'une part, et la disparition de ceux-ci à l'intérieur de cette Union, de l'autre. Puis il a indiqué que les deux dernières années avaient été marquées par deux faits juridiques capitaux :

- les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes de novembre 2002, en vertu desquels les Etats de l'Union, s'ils jouissent du droit de négocier des accords de trafic sur une base bilatérale avec des tiers, ne peuvent plus réserver ces droits à des opérateurs nationaux ;

- la décision prise par les quinze Etats membres de l'Union européenne en juin 2003 de confier à la commission le pouvoir de négocier avec les Etats-Unis pour l'élaboration de nouveaux accords de trafic à échéance trois à cinq ans.

Après avoir souligné que dans ce contexte d'évolution des « règles du jeu » juridiques, il lui apparaissait souhaitable d'anticiper sur les changements pour mieux les mettre à profit, M. Jean-Cyril Spinetta a évoqué l'alliance conclue avec KLM pour créer un grand opérateur européen. Rappelant que les trois grandes compagnies européennes précitées détenaient chacune environ 17 % du marché de l'Union, il a souligné que KLM occupait la quatrième place, devançant nettement Iberia et Alitalia. La tradition commerciale néerlandaise, l'importance des transports dans le produit intérieur brut des Pays-Bas et la décision prise par La Haye d'accroître la capacité de Schiphol afin d'atteindre environ 100 millions de passagers, ont, a-t-il ajouté, eu une part déterminante dans le choix de l'opérateur néerlandais, au moment même où se dessine en Europe une « pénurie aéroportuaire ». Il a jugé possible de mettre en commun le potentiel de Roissy et de la grande plateforme néerlandaise pour réaliser une alliance gagnante, alors même que les infrastructures de Grande-Bretagne sont saturées et que les autorités allemandes souhaitent développer l'aéroport de Munich, la plateforme de Francfort étant, elle aussi, saturée.

Puis il a fait le point sur la situation de KLM, compagnie très puissante dont seules 31 des destinations sont communes avec celles d'Air France, signe d'une complémentarité qui pourrait permettre d'améliorer, demain, de 500 millions d'euros le résultat des deux compagnies regroupées, par rapport à l'existant.

Considérant que l'industrie du transport aérien est caractérisée par une histoire et des traits nationaux, il a insisté sur la volonté des promoteurs du projet d'alliance de maintenir l'identité des deux compagnies respectivement créées en 1919 et en 1933, tout en leur donnant un actionnariat unique et une stratégie déterminée par le conseil d'administration de la holding composée de onze représentants d'Air France, quatre de KLM et un d'Alitalia, le comité stratégique de huit personnes -organisé à parité- étant présidé par le président d'Air France qui disposera d'une voix prépondérante, et sa structure pouvant être modifiée après trois ans de fonctionnement.

Evoquant la procédure d'acquisition des titres de KLM, il a souligné l'intérêt de l'offre publique d'échange lancée par Air France qui ne grève pas la trésorerie, et estimé que la valorisation de la compagnie néerlandaise à hauteur des 800 millions d'euros permettrait, vraisemblablement, d'aboutir à une amélioration comptable du bilan d'Air France. Puis il a conclu son propos en soulignant sa volonté de construire, d'ici à dix ans, une véritable entreprise européenne à l'instar d'Airbus.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis des crédits consacrés de l'aviation civile et du transport aérien, l'ayant interrogé sur l'éventuelle incidence de la fusion de KLM et d'Air France vis-à-vis des pays tiers, M. Jean-Cyril Spinetta lui a répondu que si rien ne s'opposait, au plan juridique, à ce que les Etats tiers contestent les droits accordés à KLM à l'issue de négociations bilatérales antérieures avec les Pays-Bas, il était peu vraisemblable qu'ils en viennent à cette extrémité, dans la mesure où Paris et La Haye pourraient alors les menacer de mesures de rétorsion, avant d'observer qu'au surplus la composition paritaire du comité stratégique est de nature à protéger les droits de trafic qu'ils détiennent.

Interrogé par le même auteur sur la concurrence des opérateurs à bas coût (low cost), M. Jean-Cyril Spinetta a souligné que ceux-ci interviennent essentiellement en offrant des tarifs attractifs pour des vols de point à point (sans correspondance), sur des trajets à court et moyenne distance. Il a estimé que si ces opérateurs étaient particulièrement agressifs sur le marché américain où les opérateurs dominants se sont organisés autour de plateformes de correspondance, la structuration du marché européen leur en rend l'accès plus difficile, d'autant qu'en France le TGV occupe une part très importante sur des destinations auxquelles ils auraient pu s'intéresser. Il a estimé qu'environ 10 % du chiffre d'affaires d'Air France et KLM sont directement menacés par ces opérateurs qui n'interviennent pas sur le marché des vols à longue distance. Puis il a considéré qu'il serait d'ailleurs souhaitable que les collectivités publiques ne s'engagent pas dans un système de subvention des opérateurs low cost, lequel introduirait des distorsions de concurrence, sauf à voir les autres opérateurs solliciter des subventions analogues.

Interrogé par M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis du budget consacré à l'aviation civile et au transport aérien, sur les fluctuations des cours de bourse, à la suite de l'annonce de la fusion entre KLM et Air France, M. Jean-Cyril Spinetta en a relativisé l'importance, relevant qu'elles étaient dues à un accueil plus réservé de la part de la presse française que de la presse étrangère et des analystes boursiers et des milieux financiers.

Lui répondant également sur le souhait d'Alitalia d'intégrer le nouvel ensemble formé par Air France et KLM, il a rappelé que cette compagnie devait au préalable améliorer ses résultats et être privatisée, ce que reconnaît son président.

Enfin, il lui a apporté les précisions suivantes concernant l'évolution des relations du groupe avec Aéroport de Paris :

- Orly doit rester l'aéroport privilégié pour les dessertes domestiques ainsi que les dessertes avec les départements d'outre-mer et certains pays du Maghreb ;

- il n'y a pas à craindre un report d'activité de Charles de Gaulle vers Schiphol, même si sur certaines destinations internationales desservies tant par KLM que par Air France, on pourrait envisager des aménagements de coordination d'horaires.

Sollicité par M. Jean-François Le Grand sur la décision d'affecter 30 millions d'euros au FIATA pour assurer la continuité territoriale vers l'outre-mer, M. Jean-Cyril Spinetta a souhaité que les règles du jeu soient définies plus clairement, à travers un cahier des charges et la définition d'une éventuelle contrepartie pour les transporteurs, si le gouvernement considérait que la desserte aérienne de l'outre-mer à des tarifs modérés relevait d'une obligation de service public.

M. François Gerbaud, après avoir rappelé que l'évidente complémentarité des destinations desservies par KLM et Air France découlait de l'histoire de la France et des Pays-Bas, notamment de leur passé colonial respectif, il s'est déclaré moins optimiste sur le renforcement de la complémentarité entre le transport aérien et ferroviaire du fait du manque de ressources disponibles pour financer les investissements ferroviaires nécessaires. Il a souhaité savoir si la fusion entre Air France et KLM rendait inutile la création d'un troisième aéroport dans la région d'Ile-de-France, soulignant tout l'intérêt qu'il y aurait à ce qu'Air France renforce ses relations avec les aéroports régionaux, notamment pour le fret des marchandises, par exemple sur la plateforme de Châteauroux-Déol.

M. Hilaire Flandre, évoquant le mandat de la Commission européenne pour négocier au nom de l'ensemble des Etats membres les attributions de droits de trafic, s'est interrogé sur les modalités de répartition de ces droits de trafic entre les différents aéroports européens.

Mme Marie-France Beaufils a souhaité avoir des précisions sur le montant des investissements de la nouvelle entité Air France/KLM.

M. Philippe Darniche s'est inquiété de l'avenir du hub de Clermont-Ferrand et Mme Gisèle Gautier a souhaité obtenir des informations sur l'évolution du trafic aérien intra-européen et sur la place que pouvait prétendre occuper le nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

M. Jacques Bellanger s'est interrogé sur les coopérations que les compagnies aériennes pouvaient encore développer avec les compagnies ferroviaires européennes.

M. Gérard César, président, s'est demandé d'une part quel impact la fusion de KLM et d'Air France allait avoir sur l'alliance Skyteam et d'autre part combien d'Airbus A 380 Air France avait commandé.

Leur répondant, M. Jean-Cyril Spinetta a apporté les précisions suivantes :

- à l'heure actuelle, trois grandes alliances se partagent 50 % du trafic aérien, à savoir Star Alliance (21-22 %), One World (17 %) et Skyteam, qui inclut Air France et Delta (12 %). L'éventuelle intégration de KLM permettra à Skyteam d'assurer 22 % du trafic aérien avec une position dominante en Europe et sur l'Atlantique Nord ;

- Air France a fait une commande ferme pour dix Airbus A380 et posé une option pour quatre autres, et la livraison de ces avions doit démarrer début 2007 avec un rythme de trois livraisons par an. Le concept de cet avion va permettre de diminuer le coût du transport au siège ;

- les opérateurs de transport aérien, comme les constructeurs et les experts, s'accordent sur une perspective de croissance de 4 à 5 % par an à partir de 2004 pour le trafic passagers, et de 5 à 6 % pour le fret aérien. L'unification de l'espace économique européen devrait favoriser ce retour de la croissance du fait de l'augmentation de la demande de déplacements intra-européens ;

- la coopération entre le transport aérien et le transport ferroviaire va se poursuivre, notamment pour répondre aux besoins des consommateurs. A ce titre, il serait nécessaire, à terme, de mettre en place une infrastructure de transports dédiée, entre Paris et son principal aéroport international, pour répondre à la saturation du réseau routier actuel (Paris étant la seule capitale mondiale non dotée d'une telle liaison) ;

- les relations entre les aéroports régionaux et les grandes plateformes aéroportuaires doivent être maintenues afin de contribuer à un aménagement équilibré du territoire en garantissant la liberté d'installation des industries et des sièges sociaux ;

- la question du troisième aéroport pour la région d'Île-de-France se posera à moyen terme, étant admis que CDG arrivera à saturation dans une quinzaine d'années. Le nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes va favoriser une meilleure desserte du Grand-Ouest atlantique, mais il ne constitue pas une alternative crédible pour répondre aux besoins en matière d'aéroport de la région d'Île-de-France ;

- Air France, en tant qu'opérateur cargo, a un intérêt logistique à concentrer toute son activité en un seul endroit puisque 50 % de son fret est assuré par la capacité des soutes des avions passagers. En revanche, les opérateurs cargos spécialisés peuvent opérer à partir de plateformes régionales ;

- le hub de Clermont-Ferrand, lancé par Régional, qui depuis a été racheté par Air France, doit être maintenu à un niveau d'activité proche de l'équilibre économique. L'activité de maintenance des avions de Régional a été regroupée à Clermont-Ferrand, et le nombre d'emplois de ce seul secteur est passé de 60 à 300 emplois très qualifiés depuis l'acquisition par Air France ;

- Air France souhaite réaliser, par autofinancement, 9,1 milliards d'euros d'investissements (plan de flotte) dans les cinq ans à venir, et KLM 3 à 4 milliards d'euros sur la même période ;

- s'agissant du mandat donné à la Commission européenne pour négocier sur les attributions de droits de trafic, il faut inventer des clauses de répartition géographique afin d'éviter la concentration des droits obtenus sur certaines destinations.

PJLF pour 2004 - Aviation civile et transport aérien - Examen du rapport pour avis

Ensuite, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-François Le Grand sur les crédits consacrés à l'aviation civile et au transport aérien dans le projet de loi de finances pour 2004.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a indiqué, en préambule, que le secteur du transport aérien montrait enfin les premiers signes de redressement. Il a noté que la situation restait toutefois très difficile, comme l'avaient montré les défaillances de nombreuses compagnies, au niveau international ou au niveau national telles Air Lib ou Air Littoral. Il a exprimé, à ce titre, l'espoir qu'Air Littoral puisse rapidement retrouver des conditions d'exploitation normales.

Notant qu'en 2002 le trafic aérien mondial avait progressé de 2 % par rapport à 2001, le rapporteur pour avis a relevé que celui-ci restait cependant inférieur de 2 à 3 % au niveau de 2000, et que l'on était loin de la croissance moyenne des années 1990, de l'ordre de 4,7 % par an.

Il a souligné qu'en outre, la situation européenne était nettement plus difficile, puisque le trafic reculait, en 2002, de 1,1 %. Il a rappelé que c'était dans ce contexte fragile qu'étaient intervenues la guerre en Irak et l'épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), ces événements ayant abouti à une stagnation du trafic sur le premier semestre 2003. Il a indiqué que selon l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale), le trafic devait progresser de façon plus sensible en 2004, avec une croissance de 4 à 5 %.

Il a estimé que le secteur avait donc fait la preuve, dans les deux années passées, de sa capacité d'adaptation et de réaction à des épreuves terribles sur le plan économique et, surtout, humain. Le paysage de sortie de crise qui commençait à se dessiner avait donc vu la poursuite de la restructuration du secteur, à l'image du rapprochement entre Air France et KLM et de la poursuite de l'expansion des low cost.

Abordant l'examen des crédits du budget annexe de l'aviation civile (BAAC), il a indiqué qu'après la forte progression de l'an passé (4,4 %), le budget annexe était reconduit cette année, avec une progression symbolique de 0,7 %. Il a constaté une poursuite de la déformation du budget au profit de l'exploitation et au détriment des investissements en capital. En effet, le total d'exploitation progressait de 3 %, notamment du fait d'une progression des charges de personnel de 2,2 %, alors que les investissements reculaient de 7,7 %. En revanche, l'autofinancement progressait de 10 % et les emprunts étaient réduits de 25 %. Il a indiqué que le budget annexe proposé s'établissait donc à 1,51 milliard d'euros.

Il a ensuite présenté la situation du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), notant que les crédits étaient en très forte progression, puisqu'ils passaient de 70,6 millions d'euros à 118 millions (+ 68,5 %). Toutefois, cette forte progression s'expliquait largement par l'assignation au FIATA d'une nouvelle mission de continuité territoriale en faveur des collectivités d'outre-mer, à la suite de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet dernier, cette nouvelle mission absorbant plus de 62 % de cette augmentation, soit 30 millions d'euros sur 48. Il a estimé à ce titre que cette évolution était préoccupante, dans la mesure où d'une part on pouvait s'interroger sur son adéquation à l'esprit de la loi d'orientation pour l'outre-mer et où, d'autre part, elle continuait à éloigner le FIATA de ses objectifs originels. Il s'est donc déclaré très réservé sur ce point. Il a noté qu'au total, l'augmentation du FIATA dans son acception ancienne devait permettre de dépasser le niveau qu'il avait atteint en 2002.

Rappelant le rôle d'origine du FIATA dans l'aménagement du territoire, il s'est interrogé pour savoir s'il ne conviendrait pas d'envisager un mécanisme équivalent pour soutenir l'équipement intermodal du territoire. Il a estimé que l'intermodalité étant un enjeu crucial de notre développement économique et environnemental à venir, un mécanisme du type du FIATA pourrait sans doute jouer un rôle important à ce titre. Il a émis le souhait que la commission des affaires économiques puisse mener une réflexion sur ce point.

Il a ensuite présenté les crédits du soutien à la construction aéronautique, rappelant que, dans un contexte difficile, l'industrie aéronautique française avait naturellement vu son activité se ralentir. Il a fait valoir toutefois que les baisses du chiffre d'affaires constatées (- 3 % pour EADS, - 5,6 % pour la SNECMA) apparaissaient moins sévères que celles des principaux concurrents, en particulier américains. Indiquant que les crédits de paiement de la politique de soutien à la construction aéronautique diminuaient de près de 2 %, à 293 millions d'euros, il a signalé que le soutien à la recherche compensait en réalité cette baisse apparente, puisqu'il n'était plus assujetti à la TVA, ce qui revenait à une augmentation de 20 % du soutien, à crédits constants. Si l'on tenait compte de cet effet, la politique de soutien à la construction aéronautique progressait donc en réalité de 2 %, ce dont il s'est félicité.

Abordant enfin le volet thématique de son rapport, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il avait souhaité consacrer cette partie thématique à la question cruciale et souvent méconnue du traitement des bagages.

Il a rappelé que cette question concentrait en effet des préoccupations majeures de tous les acteurs du secteur (Etats, compagnies aériennes, gestionnaires d'aéroports, et bien entendu clients). En outre, elle était au coeur de plusieurs thématiques : l'efficacité économique, avec la qualité du service rendu aux clients ; mais aussi les questions de sûreté (prévention des attentats).

Il a estimé qu'il allait de soi que ces questions avaient pris une tout autre dimension depuis le 11 septembre 2001. Il a insisté sur le point capital que les exigences commerciales étaient parfois contraires aux exigences de sécurité.

Il a indiqué qu'il avait examiné plus précisément le cas de Roissy Charles-de-Gaulle. Il a rappelé que CDG traitait chaque année 50 millions de passagers, 1,6 million de tonnes de fret, et près de 11 millions de bagages. Il a également fait valoir que 40 % des passagers ne faisaient que transiter, ce qui s'expliquait naturellement par la logique de hub.

Il a rappelé qu'à la suite du 11 septembre, la DGAC avait exigé d'ADP que la totalité des bagages de soute soient contrôlés au plus tard au 1er janvier 2003. Il a précisé qu'en 1998, ADP avait lancé un programme devant atteindre cet objectif en 2006. Le taux de contrôle des bagages en 2001 était donc de 25 %. Notant que cet objectif de traitement de 100 % des bagages au 1er janvier 2003 avait été atteint, il a insisté sur le fait que cela avait supposé un effort d'investissement colossal. En effet, les dépenses de sûreté représentaient, en 2001, 30 millions d'euros, alors qu'elles atteignaient aujourd'hui 240 millions d'euros par an, soit huit fois plus. Cela avait amené à faire passer la taxe sûreté de 3,25 euros par passager à 8,45 euros par passager. CDG était ainsi la seule plateforme européenne, avec Londres, à contrôler d'ores et déjà 100 % des bagages à soute.

Il a ensuite abordé la question de la contrainte commerciale liée au traitement des bagages. Rappelant qu'en l'état actuel des techniques logistiques et compte tenu de l'organisation des aéroports modernes, le temps de correspondance minimum entre deux vols était de 90 minutes, il a souligné que la logique des hubs tendait à réduire au minimum les durées de correspondances. Dans ces conditions, le traitement des bagages, dans des délais toujours plus courts, était extrêmement difficile, d'autant plus que les compagnies tendaient elles-mêmes à diversifier de façon croissante le traitement des bagages de leurs passagers.

Il a insisté sur le fait qu'il était essentiel à la qualité du service rendu par les compagnies aériennes que les bagages suivent bien leur propriétaire et arrivent en temps et en heure à destination. En effet, outre l'indemnisation de droit qui est due aux passagers par la compagnie, l'impact commercial négatif sur la clientèle était très net.

Mme Gisèle Gautier et M. Christian Gaudin ont souligné le succès de la politique de sécurisation assurée par CDG en matière de contrôle des bagages, notant qu'aucun autre aéroport européen n'était arrivé à ce niveau de contrôle, mais ils se sont inquiétés de la très forte progression des budgets qu'il avait fallu consacrer à cet objectif.

M. François Gerbaud a déclaré partager la position du rapporteur pour avis sur le nécessaire recentrage du FIATA sur sa mission d'aménagement du territoire et a jugé intéressante la réflexion envisagée sur la nécessité d'un fonds intermodal financé par tous les modes de transports, M. Gérard César, président, exprimant le souhait que la commission puisse poursuivre la réflexion sur cette question.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'aviation civile et au transport aérien dans le projet de loi de finances pour 2004.

PJLF pour 2004 - Recherche - Examen du rapport pour avis

Enfin la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Henri Revol sur les crédits consacrésà la recherche dans le projet de loi de finances pour 2004.

M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a tout d'abord précisé qu'en vertu des décisions prises par le Bureau de la Commission, il était prévu que cet avis budgétaire prenne la forme d'un rapport thématique sur les problèmes que pose l'hétérogénéité du statut des chercheurs et sur les propositions pouvant être faites pour y remédier. Il a rappelé que M. Gérard Larcher, président, avait en conséquence demandé au service des études économiques de faire parvenir à la commission une note sur ce sujet. Il a indiqué que les éléments fournis ne lui permettaient pas de présenter son avis sous la forme prévue et que, de manière alternative, outre l'analyse des crédits du budget de la recherche, il ferait le point sur quelques grands pôles d'activité couverts par ces crédits, tels que le secteur nucléaire et le secteur spatial.

Soulignant que le budget civil de recherche et développement, qui regroupe les crédits des différents ministères participant à l'effort public de recherche, augmentait légèrement cette année en dépenses ordinaires et crédits de paiement, pour atteindre 8,93 milliards d'euros, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a noté que ces crédits diminuaient de 5 % en autorisations de programme, pour revenir à un montant de 3,65 milliards d'euros.

Il a toutefois fait valoir que cette évolution statistique ne devait pas masquer une forte progression des crédits alloués à la recherche, la France ayant toujours pour objectif de consacrer 3 % de son PIB aux dépenses intérieures de recherche à l'horizon 2010. Précisant que cette apparente stagnation des crédits était liée à un changement de périmètre et à l'affectation de 150 millions d'euros au soutien à la création de fondations pour la recherche, n'apparaissant pas dans les comptes du BCRD, il s'est félicité que ces deux éléments permettent une augmentation totale des crédits de la recherche de plus de 3 %.

M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a ensuite présenté les principales mesures du budget et en premier lieu le volet fiscal du projet de loi de finances, se substituant au projet de loi « innovation », dans la lignée du plan « innovation » présenté par Mmes Nicole Fontaine et Claudie Haigneré, devant permettre une stimulation des synergies entre la recherche publique et privée.

Il a fait état de la création d'un statut de la jeune entreprise innovante, afin de soutenir les petites entreprises, investissant fortement dans les dépenses de recherche et développement, ayant, de ce fait, des activités à risques. Il a ajouté que ce statut permettrait aux entreprises concernées de bénéficier d'une exonération totale d'impôt sur les sociétés pour les trois premiers exercices bénéficiaires, puis dégressive sur les deux exercices suivants, d'une exonération de charges sociales patronales pendant six ans ainsi que, sur délibération des collectivités territoriales, d'une exonération des taxes locales compensée par l'État.

Par ailleurs, il a ajouté que pour faciliter le démarrage des entreprises en création, le projet de loi de finances prévoyait un dispositif fiscal pour favoriser l'investissement en fonds propres par des « investisseurs providentiels » et créait, pour ce faire, un statut juridique et fiscal spécifique, celui de la société unipersonnelle d'investissement à risque. Il a ainsi précisé que ces sociétés auraient pour objet de prendre une fraction minoritaire mais significative, comprise entre 5 % et 20 %, du capital des sociétés à risques et, qu'en contrepartie, elles seraient exonérées d'impôt sur les sociétés pendant dix années à compter de leur création, tout comme l'associé unique qui serait exonéré d'impôt sur le revenu.

M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a enfin évoqué la réforme du crédit d'impôt recherche, qui prendrait désormais en compte, non seulement l'accroissement des dépenses, mais aussi une part de la valeur des dépenses annuelles de recherche et dont le plafond serait relevé de 6,1 à 8 millions d'euros. Notant qu'en outre, les dépenses éligibles au crédit d'impôt seraient élargies aux frais de défense de brevets et aux dépenses de veille technologique, il a indiqué qu'avec cette réforme, le nombre d'entreprises concerné par le crédit d'impôt recherche pourrait être multiplié par sept.

Estimant que les dépenses fiscales en faveur de la recherche étaient ainsi évaluées à plus d'un milliard d'euros, ce qui était de nature à doper fortement les dépenses de recherche et développement des entreprises françaises, il a indiqué qu'intégrées aux crédits du BCRD ces dépenses porteraient à 8 % l'augmentation des crédits de la recherche pour cette année.

Il a ensuite expliqué que le deuxième axe du budget avait pour objet de renforcer l'attractivité de la recherche en améliorant les conditions d'activité des chercheurs avec notamment la poursuite de l'effort, initié l'année dernière, de création de postes de post-doctorants avec 200 nouveaux contrats. De la même manière, il a relevé qu'il était prévu la création de 300 conventions industrielles de formation par la recherche, qui permettent à de jeunes chercheurs de préparer leur thèse en entreprise.

M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a également souligné que les allocations de recherche seraient à nouveau revalorisées, de 4 %, au 1er octobre 2004 et a salué cet effort, sans précédent, de revalorisation des allocations des jeunes chercheurs, pour plus de 15 % en trois ans, qui devrait donner aux chercheurs des moyens décents.

Enfin, il s'est félicité de la création de 550 postes de contractuels, qui se substitueraient à des emplois permanents de chercheurs, afin d'introduire une plus grande souplesse dans la gestion des grands organismes de recherche. Il a noté que cette faculté permettrait de mettre en place des équipes de chercheurs sur des thématiques bien identifiées, pour lesquelles est apparu un besoin ponctuel, comme lors de la crise liée au développement de l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), ce qui contribuera à accroître la réactivité de notre système public de recherche.

Il a rappelé, par ailleurs, que la politique, suivie l'année dernière, de mobilisation des « trésoreries dormantes » des grands organismes de recherche, s'était traduite par une forte diminution des fonds de roulement de ces établissements et que, même si cette politique visait à améliorer la sincérité budgétaire, elle n'avait pas été sans provoquer des difficultés du point de vue de la gestion de ces établissements.

Abordant la question de l'industrie spatiale, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a fait part des difficultés que traverse actuellement ce secteur en rappelant que cette situation de crise ne s'était pas atténuée avec l'échec du tir d'Ariane 5 le 11 décembre 2002. Il a attiré l'attention de la commission sur l'avance prise en ce domaine par les États-Unis, qui affectent, en moyenne depuis 5 ans, un budget d'équipement militaire consacré au secteur spatial 25 fois plus important qu'en Europe, en précisant également que cet écart, dans le secteur des télécommunications, était huit fois plus important.

Il a relevé l'importance de ce secteur pour l'Europe, en raison du poids de l'industrie spatiale européenne qui emploie directement près de 35.000 personnes et réalise un chiffre d'affaires aux alentours de 5,3 milliards d'euros.

Observant que l'Europe devait impérativement conserver une autonomie d'accès à l'espace, il s'est félicité des mesures prises, en mai dernier, par le conseil des ministres de l'Agence spatiale européenne, tendant à remettre à niveau le secteur des lanceurs, à garantir cette indépendance et à lever les derniers blocages qui subsistaient à la mise en oeuvre du projet Galiléo.

Considérant que la nature et le fonctionnement de l'industrie spatiale faisaient que cette compétence devrait relever des politiques communes de l'Union européenne, il a approuvé les propositions faites par la convention chargée d'élaborer un projet de constitution européenne, dont un des articles du projet prévoit que l'Union européenne élabore une politique spatiale européenne. Il a, à ce sujet, formé des voeux pour que le texte résultant de la conférence intergouvernementale maintienne le projet de constitution dans cette rédaction.

Abordant la question des réacteurs nucléaires du futur, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, s'est félicité de la décision de remettre en service le réacteur Phénix, qui devrait permettre de mener à bien les expériences sur la transmutation des déchets nucléaires à vie longue, et ce, dans la perspective de l'échéance de 2006, fixée par la loi de 1991. Il a relevé qu'il serait néanmoins difficile de disposer de résultats définitifs sur ce volet pour cette échéance.

Il a toutefois précisé que des défaillances, ne concernant pas la partie nucléaire du réacteur, compromettaient le redémarrage du réacteur Phénix et que dans le cas d'une indisponibilité définitive, ces expérimentations ne pourraient s'effectuer que dans un réacteur à neutrons rapides japonais ou russe. Il a déploré, à ce sujet, le choix, fait par le précédent gouvernement, de l'arrêt de Superphénix, qu'il a jugé idéologique.

Il a également souligné la nécessité de décider rapidement de s'engager dans la construction d'un premier exemplaire de l'EPR, réacteur de troisième génération, dont il a jugé évidente l'utilité pour assurer, le moment venu, le renouvellement du parc nucléaire français, les réacteurs de quatrième génération n'étant qu'à l'état du concept intellectuel.

A ce sujet, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a indiqué que la France était actuellement partie prenante à un programme de coopération internationale de recherche sur les réacteurs de quatrième génération, programme associant également les États-Unis, le Royaume-Uni ou le Japon. Il a expliqué que le principe était de développer des réacteurs plus sûrs et plus fiables, à cycle fermé pour tenter d'atténuer le problème des déchets nucléaires, favorisant le développement durable. Il a ainsi constaté que plusieurs concepts de recherche, faisant l'objet de groupes de travail, avaient été retenus et que des programmes de recherche seraient menés dans chacun des pays membres de cette organisation internationale.

Relevant néanmoins que ces réacteurs ne pourraient être déployés et exploités, au mieux, qu'à partir de 2035, il a jugé qu'il était difficile, dans ce contexte, de faire l'économie de la mise en service des réacteurs de troisième génération et de lancer le plus vite possible l'EPR afin de disposer d'ici à 2010, moment où se poserait la question du renouvellement du parc, d'un retour d'expérience.

Au total, estimant que les impulsions données par ce budget, en faveur d'une recherche favorisant les partenariats publics/privés, ou de l'attractivité de notre système pour les jeunes chercheurs, allaient dans le bon sens, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Christian Gaudin a fait part de sa satisfaction quant à la stratégie « de résultat », adoptée par ce budget, pour favoriser le rapprochement entre recherche publique et privée et le développement des fondations pour la recherche, notamment à travers les mesures d'incitation fiscale ou grâce à l'ouverture de contrats de jeunes chercheurs qui préparent leur thèse en entreprise avec les conventions industrielles de formation par la recherche.

Rappelant que les domaines d'action des Universités de province étaient souvent orientés vers la recherche appliquée, par opposition aux grands établissements de recherche, il a insisté sur le fait qu'il était nécessaire de faire reconnaître dans les régions des pôles de compétences afin de favoriser la politique d'aménagement du territoire et de stimuler les partenariats entre la recherche publique et les entreprises.

Il a fait enfin part de ses regrets quant au temps d'arrêt qu'avaient marqué les recherches sur les programmes spatiaux et noté le caractère stratégique de ce secteur pour l'Europe.

Mme Gisèle Gautier a indiqué qu'elle était très favorable aux propositions contenues dans ce projet de budget, notamment celles visant à augmenter les aides fiscales en faveur des entreprises et tendant à donner plus de souplesse au fonctionnement des grands organismes de recherche avec la création de postes de contractuels. Elle a néanmoins fait part de ses inquiétudes quant à la fuite des jeunes chercheurs hors de France, en raison des bonnes conditions d'accueil qui leur étaient offertes à l'étranger et de l'insuffisance de leur rémunération.

Elle s'est ensuite interrogée sur les crédits existants pour améliorer la rémunération des chercheurs et sur les moyens alloués par le budget aux recherches sur les énergies renouvelables.

En réponse, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, a précisé que le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) consacrait des crédits pour le développement de programmes de recherche sur les énergies renouvelables, notamment sur les piles à combustible et l'énergie photovoltaïque. Rappelant que le Parlement serait prochainement saisi d'un projet de loi sur l'orientation de la politique énergétique de la France, il a souligné qu'il était important de continuer à consacrer d'importants moyens pour étudier la question du renouvellement du parc nucléaire, notant que, dans la négative, les équipes de chercheurs pourraient se disperser.

Abordant la question de la recherche sur la fusion thermonucléaire et le projet International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER), il a souligné que ce projet se situait à une phase cruciale quant au choix du site devant accueillir l'installation et que la France et l'Espagne avaient proposé d'accueillir l'infrastructure. Face au refus de la commission européenne de se prononcer sur le choix de l'un des deux sites, il a jugé indispensable de parvenir à un accord pour que l'Europe présente une candidature unique, au risque de voir le site japonais sélectionné.

Concernant la politique spatiale, notant que l'indépendance européenne d'accès à l'espace avait été sauvée par les décisions prises en mai dernier par le conseil des ministres de l'Agence spatiale européenne, il a relevé que le Centre national d'études spatiales (CNES) avait été obligé, dans un contexte budgétaire tendu, de faire des choix entre ses programmes.

Il a enfin rappelé les mesures prises par le gouvernement pour améliorer les moyens financiers des chercheurs en précisant que cet effort devait être poursuivi.

M. Gérard César, président, a souligné qu'il était nécessaire que le Sénat réaffirme son soutien au développement du réacteur EPR dans la perspective des choix qui devaient être faits pour la politique énergétique française. Il a également interrogé le rapporteur pour avis sur la date d'entrée en vigueur des mesures fiscales, notamment du statut de la jeune entreprise innovante, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, lui répondant que ces mesures seraient applicables au 1er janvier 2004.

A M. François Gerbaud qui lui demandait s'il existait des statistiques sur le nombre supplémentaire d'entreprises qui serait concerné par la réforme du crédit impôt recherche, M. Henri Revol, rapporteur pour avis, lui a indiqué que ces données figureraient dans son rapport.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 2004.